La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2024 | FRANCE | N°24/04739

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 14 mars 2024, 24/04739


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 14 MARS 2024



(n° 122 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/04739 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJCAU



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Mars 2024 -Président du TJ de PARIS - RG n° 24/51981





APPELANT



M. [H] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 6]

r>
Ayant pour avocat postulant Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Représenté à l'audience par Me Olivier PARDO et Me Laurence DAUXIN-NEDEL...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 14 MARS 2024

(n° 122 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/04739 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJCAU

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Mars 2024 -Président du TJ de PARIS - RG n° 24/51981

APPELANT

M. [H] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Ayant pour avocat postulant Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Représenté à l'audience par Me Olivier PARDO et Me Laurence DAUXIN-NEDELEC, de la SELAS OPLUS, avocats au barreau de PARIS, toque : K0170

INTIMEES

S.A. FRANCE TELEVISIONS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Arnaud GUYONNET, de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L44

Représentée à l'audience par Me Jean CASTELAIN de la SCP HERALD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014

L'ASSOCIATION COORDINATION DES OEUVRES SOCIALES & MEDICALES (COSEM)

[Adresse 5]

[Localité 3]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Vu l'ordonnance de référé rendue le 14 mars 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris qui a :

- déclaré recevable (sic) l'intervention volontaire du Cosem,

- rejeté l'ensemble des demandes formées par ce dernier,

- dit n'y avoir lieu à référé concernant les demandes formées par M. [H] [Z],

- rejeté l'ensemble de ses demandes formées par ce dernier,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné M. [H] [Z] à verser à la société France Télévisions la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [H] [Z] aux dépens.

Vu la déclaration d'appel formée par M. [H] [Z],

Vu la requête afin d'être autorisé à assigner à jour fixe, soumise le 14 mars 2024 à la présidente de la chambre 2- Pôle 1 de la cour d'appel de Paris, et l'ordonnance autorisant M. [H] [Z] à assigner à jour fixe la société France Télévisions et l'association Coordination des oeuvres sociales & médicales (Cosem) à l'audience du 14 mars 2024 à 18 h 30,

Vu les conclusions de M. [H] [Z], appelant, qui demande à la cour au visa de l'article 9-1 du code civil, de :

- le recevoir en son appel et en ses présentes écritures,

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 14 mars 2024,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- ordonner à la société France Télévisions de supprimer les passages relatifs à M. [Z] et contenus dans le reportage intitulé 'centres de santé: profits sur ordonnance' diffusé dans l'émission Complément d'enquête à paraître le jeudi 14 mars 2024 sur France 2 à 23 h 00,

- faire interdiction à la société France Télévisions, à compter de la décision, de procéder à toute publication, cession ou diffusion par quelque moyen et sous quelque forme, du texte non conforme aux suppressions, sous astreinte de 1.000 euros par exemplaire et par infraction constatée,

En toutes hypothèses,

- ordonner à la société France Télévisions la production aux fins de visionnage du reportage intitulé « centres de santé : profits sur ordonnance » qui doit être diffusé le 14 mars 2024 sur France 2, de dire qu'à l'issue du visionnage, les débats seraient repris sur les mesures d'interdiction sollicitées en fonction de la diffusion des passages portant atteinte à la présomption d'innocence de M. [Z],

- condamner la société France Télévisions à lui verser la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens,

- se réserver la liquidation de l'astreinte.

Vu les conclusions de l'intimée, qui demande à la cour d'appel, au visa des articles 922, 834 et 835 du code de procédure civile, 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et de l'article 9 -1 du code civil, de :

- prononcer la caducité de la déclaration d'appel et le cas échéant l'irrecevabilité de l'assignation,

- confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter M. [H] [Z] et l'association Cosem de leurs demandes,

- les condamner in solidum à payer à la société France Télévisions la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

L'association Cosem n'a pas constitué avocat en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'exception de caducité

Selon l'article 922 du code de procédure civile :

'La cour est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe.

Cette remise doit être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration sera caduque.

La caducité est constatée d'office par ordonnance du président de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée.'

Au cas présent, la cour a été saisie par M. [Z] d'un appel d'une ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Paris ce jour à 15 heures.

Par requête déposée à 17 h 10 au greffe, M. [Z] a demandé l'autorisation d'assigner à jour fixe qui a été accordée pour une audience fixée ce jour à 18 h 30.

L'appelant, qui n'était pas tenu par l'ordonnance d'autorisation de délivrer l'assignation à une heure précise, a fait délivrer ladite assignation à 18 h 50.

Au regard de cet élément, la cour n'a pu que constater lors de la tenue de l'audience qu'il ne s'était pas écoulé un temps suffisant entre l'assignation et l'audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense au sens de l'article 486 du code de procédure civile.

Il en résulte que la cour a reporté l'heure de l'audience à 19 h 20.

L'assignation a donc bien été remise au greffe avant l'audience et la déclaration d'appel n'encourt pas la caducité.

L'exception sera rejetée.

Sur le fond du référé

Selon l'article 9-1 du code civil, chacun a droit au respect de la présomption d'innocence. Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou d'une diffusion d'un communiqué aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, aux frais de la personne physique ou morale responsable de cette atteinte.

Ce texte n'interdit pas de rendre compte d'affaires judiciaires en cours et même d'accorder un crédit particulier à la thèse de l'accusation, mais seulement si, de l'ensemble des propos, ne se dégage pas une affirmation manifeste de culpabilité.

Ainsi, pour être constituée, l'atteinte à la présomption d'innocence suppose la réunion de trois conditions qui sont :

- l'existence d'une procédure pénale en cours non encore terminée par une décision de condamnation irrévocable,

- l'imputation publique à une personne précise, d'être coupable des faits faisant l'objet de cette procédure, non par simple insinuation ou de façon dubitative, mais par une affirmation péremptoire manifestant de la part de celui qui les exprime, un clair préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée,

- la connaissance, par celui qui reçoit cette affirmation, que le fait ainsi imputé est bien l'objet d'une procédure pénale en cours, une telle connaissance pouvant résulter soit d'éléments intrinsèques contenus dans le texte litigieux, soit d'éléments extrinsèques, tels qu'une procédure notoirement connue du public ou largement annoncée dans la presse.

Enfin, en application de l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Au cas présent, M. [Z] soutient que les extraits du reportage litigieux consacrés au Cosem et qui le visent directement caractérisent un abus dans l'exercice de la liberté d'expression en portant gravement atteinte à la présomption d'innocence dont il bénéficie alors au surplus qu'il n'est pas mis en examen et n'a pas même le statut de témoin assisté dans la procédure pénale qui est invoquée.

Il indique en effet que le contenu des séquences et les interventions de salariés anonymes mais aussi de l'avocat des lanceurs d'alerte renferment des imputations de faits délictueux manifestant un préjugé sur sa culpabilité dès lors qu'il est présenté comme ayant participé à leur commission et qu'il se dégage des propos tenus et des éléments rapportés une impression générale particulièrement négative propre à convaincre les téléspectateurs de sa culpabilité.

Enfin, s'il maintient sa demande de production aux fins de visionnage du reportage litigieux, il reconnaît à l'audience que le délai contraint pour statuer ne le permet pas.

La société France Télévisions conteste toute atteinte à la présomption d'innocence et, par suite, tout dommage imminent qui résulterait de la diffusion du reportage dans la mesure ou sa teneur a fait l'objet de nombreuses publications dans la presse depuis plusieurs mois. Elle soutient qu'il n'est justifié d'aucun abus de la liberté d'expression.

Il est relevé que devant la cour, les parties ne font que reprendre leurs prétentions et leurs moyens de première instance.

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été justement réglé par le premier juge ; il y a lieu à confirmation de ce chef.

A hauteur d'appel, M. [Z] sera condamné aux dépens mais l'équité commande de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Z] aux dépens d'appel ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 24/04739
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;24.04739 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award