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14/03/2024 | FRANCE | N°23/12838

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 14 mars 2024, 23/12838


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 14 MARS 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12838 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIA3X



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/55990





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 4], prise en la personne de Madame la Maire

de [Localité 4], Mme [F] [E], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barre...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 14 MARS 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12838 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIA3X

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/55990

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 4], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 4], Mme [F] [E], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079, présent à l'audience

INTIME

M. [R] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1735, présent à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] et Mme [B], épouse [W] sont propriétaires indivis d'un appartement situé [Adresse 1], d'une surface de 30m2.

Par exploit du 5 juillet 2022, la ville de [Localité 4] a fait assigner, selon la procédure accélérée au fond, M. [W] et Mme [B], épouse [W] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir ces derniers condamnés sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation au paiement d'une amende de 50.000 euros à son profit.

Par jugement contradictoire du 24 mai 2023, le tribunal judiciaire de Paris a :

rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 637-1 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

rejeté la demande portant sur le retour à l'habitation des locaux situés [Adresse 1] ;

condamné la ville de [Localité 4] à payer aux époux [W] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la ville de [Localité 4] aux dépens.

Par déclaration du 17 juillet 2023, la ville de [Localité 4] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 23 octobre 2023, la ville de [Localité 4] demande à la cour, au visa des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel que modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, de :

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes à l'égard de M. [W] ;

Et statuant à nouveau :

dire et juger que M. [W] a commis une infraction aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant pour de courte durée l'appartement situé [Adresse 1];

condamner M. [W] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la Ville de [Localité 4] conformément à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation du [Adresse 1], sous astreinte de 220 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et pendant le délai qu'il plaira à madame ou monsieur le président de fixer ;

se réserver la liquidation de l'astreinte ;

condamner M. [W] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouverts ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile par Me Mathieu, avocat.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 16 novembre 2023, M. [W] demande à la cour, au visa des articles L. 637-1 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation et l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, de :

A titre principal :

juger que l'appartement en cause constituait, au moment des faits reprochés, la résidence principale de son fils, M. [Z] [W] ;

juger que l'appartement en cause est qualifié de résidence principale en application de l'article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ;

juger que c'est l'article L.324-1-1 du code du tourisme portant amende à 10.000 euros maximum pour dépassement de 120 jours en résidence principale qui est applicable ;

juger que les 120 jours n'ont pas été dépassés ;

juger que la ville de [Localité 4] est mal fondée dans sa demande en raison de l'absence de base légale, l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation n'étant pas applicable à l'espèce ;

rejeter la demande de condamnation de la ville de [Localité 4] à une astreinte de 220 euros par jour de retard parce que sans objet.

En conséquence :

confirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 24 mai 2023 en ce qu'il a rejeté les demandes de la Ville de [Localité 4] sur le fondement des articles L 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation :

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire l'infraction présumée au changement d'usage devait être caractérisée, il est demandé à la cour d'appel de:

juger que la fiche H2 et le calepin produit par la ville de [Localité 4] sont entachés d'irrégularités et ne prouvent par l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 ;

En conséquence et statuant à nouveau :

débouter la ville de [Localité 4] dans l'intégralité de ses demandes de condamnations dirigées contre lui ;

juger que compte tenu de sa croyance légitime au caractère de résidence principale de l'appartement litigieux, de sa bonne foi, de sa coopération, de la cessation de l'infraction, il est fondé à n'être condamné qu'à une amende symbolique ;

En conséquence et statuant à nouveau :

fixer le montant de l'amende civile à la somme symbolique de 1 euro ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne trouvait justifiée la demande de condamnation à la somme symbolique de 1 euro :

juger que le montant de 50.000 euros au titre de l'amende civile est manifestement disproportionné et injustifié au regard des circonstances particulières de l'affaire et du faible bénéfice réalisé ;

En conséquence et statuant à nouveau :

le condamner à une somme qui ne pourrait excéder 1.000 euros ou toute somme que l'équité commandera, si la cour d'appel de Paris devait entrer en voie de condamnation ;

En tout état de cause :

condamner la ville de [Localité 4] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance ;

débouter la ville de [Localité 4] de sa demande de retour à l'habitation de l'appartement litigieux sous astreinte de 220 euros par jour de retard .

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel qu'issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de cet article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H1 rempli à cette époque permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n'excédant pas 120 jours par an, la location d'un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la ville de [Localité 4] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n'apparaît pas voir été respectée dans le cadre de la présente procédure.

Il convient de constater :

- que M. et Mme [W] ont acquis en novembre 2019 l'appartement litigieux,

- que s'agissant de l'affectation des lieux, la ville de [Localité 4] produit une fiche H2 en date du 28 septembre 1970, remplie par M. [D] en qualité de propriétaire ou usufruitier, et un calepin établissant les contributions foncières, indiquant que le bien était occupé par les époux [D] de 1959 à 1971, puis par M. [M] en 1972,

- qu'ainsi que l'a à juste titre fait observer le premier juge, la lecture combinée des deux documents établit que le local numéroté 7 par l'administration fiscale correspond bien au lot n°27 de l'immeuble était occupé par M. [D] de l'année 1961 au 28 septembre 1970 et que la surface de 27m2 mentionnée dans la fiche H2 et le calepin était bien affectée à l'habitation,

- que par ailleurs, le constat de location meublée de tourisme précise la concordance entre le local proposé à la location meublée et le bien visité, alors que la déclaration de loueur meublé faite auprès de la ville de [Localité 4] indique qu'il se situe au premier étage, porte droite de l'immeuble, ce qui correspond à l'acte de vente du 4 novembre 2019, de sorte que M. [W] est mal fondé à soutenir que la fiche H2 et le calepin ne correspondraient pas au logement dont ils sont propriétaires,

- que selon l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, la résidence principale s'entend du logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation,

- qu'il n'est pas discuté que M. [Z] [W] est bien personne à charge de M. [R] [W], et qu'il avait moins de vingt et un ans en 2020,

- qu'il est soutenu par M. [R] [W] que le logement qu'il possède est en réalité la résidence principale de son fils, [Z],

- qu'est versé aux débats le certificat de scolarité de M. [Z] [W], né le 10 avril 2001, (pièce n°3 de M. [W] ), indiquant que celui-ci est inscrit pour l'année scolaire 2019-2020 en première année du Programme Grande Ecole de [5], ce programme d'enseignement se déroulant sur cinq années, un relevé de notes pour l'année 2021-2022 (pièce n°11-2 de M. [W]), un certificat de scolarité de [6] en L3 de philosophie établi le 11 juillet 2022 (pièce n°12 de M. [W]),

- que les taxes d'habitation 2021 et factures EDF 2020-2021sont établies au nom de M. [Z] [W] ( pièces n°4 et 4 bis de M. [W]),

-que Mme [H], propriétaire d'un appartement dans l'immeuble atteste le 13 février 2022 (pièce n°22 de M. [W]) que M. [Z] [W] réside au premier étage dudit immeuble,

- qu'il est indiqué toutefois que M. [Z] [W] a ensuite poursuivi un projet d'études à Séoul en Corée du Sud, à compter de l'année 2021, et que M. [R] [W] produit enfin un contrat de bail qui démontre qu'à compter du 1er février 2023, le logement a finalement été donné en bail d'habitation,

- qu'il se déduit des documents versés aux débats, notamment sur la période concernée par l'infraction poursuivie, soit l'année 2020, que M. [Z] [W] a résidé dans les lieux à compter du 15 novembre 2019, jusqu'en juillet 2020 soit 8 mois, ainsi qu'il résulte de la déclaration la déclaration de loueur en meublé adressée à la ville de [Localité 4], de sorte que l'appartement litigieux peut être considéré comme sa résidence principale,

- que, par ailleurs, s'agissant des locations de courte durée, il résulte aussi des débats que le bien a bien été loué à ce titre mais que lors de la visite de l'agent assermenté de la ville de [Localité 4] (constat produit par l'appelante, pièce n°2 ), le 16 mai 2021, l'appartement était vide de tout occupant, étant toutefois aussi à rappeler que le constat d'infraction montre que le bien était proposé à la location de courte durée sur le site Airbnb, le prénom [R] étant mentionné comme hôte du logement ;

- que, selon le décompte Airbnb, ainsi que le rappelle la ville de [Localité 4] sans contestation, le bien en cause a été loué, pour l'année 2020, 53 nuitées, soit donc pour une durée inférieure à 120 jours,

- qu'il n'est d'ailleurs pas prétendu par la ville de [Localité 4] que le nombre de locations de courte durée aurait dépassé les 120 jours autorisés pour une résidence principale.

Il est ainsi démontré que l'appartement objet de l'infraction poursuivie correspond bien à la résidence principale de M. [Z] [W], en sorte que l'infraction n'est pas caractérisée.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions et, partie perdante, la ville de [Localité 4] sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce même fondement dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne la ville de [Localité 4] aux dépens de la présente instance,

Condamne la ville de [Localité 4] à payer à M. [R] [W] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/12838
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;23.12838 ?
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