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14/03/2024 | FRANCE | N°23/10658

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 14 mars 2024, 23/10658


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 14 MARS 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10658 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHZSU



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Avril 2023 -Président du TJ de BOBIGNY - RG n° 22/01735





APPELANTE



S.C.C.V. TOUTPRE, RCS de Paris sous le n° 841 261 431, agis

sant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Benoit VARENNE de la ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 14 MARS 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10658 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHZSU

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Avril 2023 -Président du TJ de BOBIGNY - RG n° 22/01735

APPELANTE

S.C.C.V. TOUTPRE, RCS de Paris sous le n° 841 261 431, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Benoit VARENNE de la SELARL CHEYSSON MARCHADIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0043, substitué à l'audience par Me Sophia AZEROUAL, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

M. [M] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Mme [N] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés par Me Henry PICOT DE MORAS D'ALIGNY de l'AARPI Cabinet PdA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1032, présent à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] et Mme [S] ont fait l'acquisition par acte authentique du 10 décembre 2019 d'un appartement en l'état futur d'achèvement situé [Adresse 2]. Un procès-verbal de livraison a été établi le 11 juin 2021 par la société Toutpré en présence de Mme [S], procès-verbal auquel était annexée une liste de réserves établies contradictoirement.

C'est dans ce contexte que, par exploit du 26 septembre 2022, M. [T] et Mme [S] ont fait assigner la société Toutpré devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de la voir condamner à reprendre plusieurs désordres listés dans leur assignation, ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de la voir condamner à leur payer la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 25 avril 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :

- débouté la société Toutpré de sa demande de dessaisissement du présent litige et de renvoi de l'instance devant la sixième chambre du tribunal de Bobigny, enrôlée sous le numéro RG 22/09679 ;

- condamné la société Toutpré à reprendre les désordres listés dans l'assignation dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;

- condamné la société Toutpré à payer, passé ce délai, une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard ou par désordre non résolu, et ce, pendant un délai de trois mois ;

- condamné la société Toutpré à payer à M. [T] et Mme [S] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Toutpré aux dépens.

Par déclaration du 15 juin 2023, la société Toutpré a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 08 janvier 2024, la société Toutpré demande à la cour, au visa de l'article 1648 du code civil et des articles 564 et 834 du codede procédure civile, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel formé à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 25 avril 2023 par le président du tribunal judiciaire de Bobigny ;

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 25 avril 2023 par le président du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'elle a :

' débouté la société Toutpré de sa demande de dessaisissement du litige et de renvoi de l'instance devant la sixième chambre du tribunal de Bobigny, enrôlée sous le numéro RG 22/09679,

' condamné la société Toutpré à reprendre les désordres listés dans l'assignation dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance,

' condamné la société Toutpré à payer, passé ce délai, une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard ou par désordre non résolu, et ce, pendant un délai de trois mois,

' condamné la société Toutpré à payer à M. [T] et à Mme [S] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la société Toutpré aux dépens,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger M. [T] et Mme [S] irrecevables en leur action introduite par assignation en date du 26 septembre 2022 compte tenu de la forclusion ;

A titre subsidiaire,

- juger n'y avoir lieu à référé compte tenu de l'existence de contestations sérieuses ;

- renvoyer M. [T] et Mme [S] à mieux se pourvoir et rejeter toutes demandes formulées par M. [T] et Mme [S] ;

En tout état de cause,

- juger que M. [T] et Mme [S] ont renoncé aux demandes suivantes :

' « débarassage des gravats »,

' « installation du détecteur de fumée »,

' « reprise de peinture dans la penderie de la chambre principale et au niveau de la hotte de la cuisine »,

' « reprise de la fermeture de la baie vitrée »,

- juger que M. [T] et Mme [S] ont donné quitus pour la reprise des « désordres » suivants :

' « Fourniture et installation du porte-serviette des toilettes »,

' « Changement de serrures et de poignées »,

' « Reprise de l'interrupteur dans le tableau électrique »,

' « Reprise de l'isolation à l'air au niveau des prises électriques »,

' « Reprise de la peinture du faux plafond »,

' « Reprise de la fuite d'eau sous la baignoire persistante »,

- juger irrecevable la demande de condamnation au paiement d'une somme équivalente au montant du devis de la société Bat, formulée pour la première fois en cause d'appel par M. [T] et Mme [S] ;

- condamner M. [T] et Mme [S] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 9 janvier 2024, M. [T] et Mme [S] demandent à la cour, au visa de l'article 1642-1 du code civil et des articles 564 et 834 et suivants du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société Toutpré,

' dans un délai de deux mois, à compter de sa signification, à, dans les lots vendus aux demandeurs :

' remettre en parfait fonctionnement la pompe à chaleur,

' reprise de la fuite d'eau sous la baignoire persistante,

' suppression de l'humidité et des moisissures dans la salle de bain et les toilettes avec détériorations des joints et du carrelage,

' reprise de la fermeture de la baie vitrée, changement des lames et de la couleur,

' fourniture et installation du porte-serviette des toilettes,

' reprise du cadre d'entrée de l'appartement et ce, à titre subsidiaire si la demande principale de prise en charge du devis n'était pas accordée,

' changement de serrures et de poignées,

' reprise de l'interrupteur dans le tableau électrique,

' reprise de la peinture du faux plafond,

' reprise de l'isolation à l'air au niveau des prises électriques,

' reprise des fils électriques et des canalisations au niveau de l'emplacement de parking,

' passé ce délai de deux mois, à une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard ou par désordre non résolu, et cependant un délai de trois mois :

' à payer à M. [T] et à Mme [S] une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' aux entiers dépens de première instance ;

Y ajouter,

- condamner la société Toutpré :

' au paiement de la franchise de 1.000 euros déduite de la garantie de changement des lames,

' au paiement d'une somme équivalente au montant du devis de la société Bat, soit à 3.707 euros,

- débouter la société Toutpré, de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;

- condamner la société Toutpré au paiement des entiers dépens dont distraction et de la somme de 3.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Au cas présent, les intimés se fondent sur les dispositions des articles 1642-1 du code civil, 564 et 834 et suivants du code de procédure civile pour solliciter la condamnation de l'appelante aux obligations suivantes :

- remise en parfait fonctionnement de la pompe à chaleur,

- reprise de la fuite d'eau sous la baignoire persistante,

- suppression de l'humidité et des moisissures dans la salle de bain et les toilettes avec détériorations des joints et du carrelage,

- reprise de la fermeture de la baie vitrée, changement des lames et de la couleur,

- fourniture et installation du porte-serviette des toilettes,

- reprise du cadre d'entrée de l'appartement et ce, à titre subsidiaire si la demande principale de prise en charge du devis n'était pas accordée,

- changement de serrures et de poignées,

- reprise de l'interrupteur dans le tableau électrique,

- reprise de la peinture du faux plafond,

- reprise de l'isolation à l'air au niveau des prises électriques,

- reprise des fils électriques et des canalisations au niveau de l'emplacement de parking.

La société Toutpré expose pour sa part que toute action de leur part à ce titre est forclose, les intimés ayant eu jusqu'au 11 juillet 2022 au plus tard pour l'engager, ce qu'ils n'ont pas fait.

Il entre dans les pouvoirs de la cour, statuant en référé, d'apprécier si la fin de non-recevoir tirée de la forclusion constitue ou non une contestation sérieuse opposable aux demandes de M. [T] et Mme [S].

L'article 1642-1 alinéa 1 du code civil dispose que le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents. Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer.

L'article 1648 de ce code prévoit que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou défauts de conformité apparents.

Il convient de rappeler qu'en matière de vente en l'état futur d'achèvement, le délai d'action de l'acquéreur en garantie des vices apparents ne court qu'à compter de la date la plus tardive soit de la réception des travaux soit de l'expiration du délai d'un mois à compter de la prise de possession par l'acquéreur.

La prise de possession ou livraison est une notion distincte de la réception, la première étant un fait juridique et la seconde un acte juridique intervenant entre les maître de l'ouvrage et constructeurs.

La prise de possession des lieux implique le transfert de la chose en la puissance de l'acquéreur.

En l'espèce, il est constant qu'à la livraison du bien, le 11 juin 2021, M [T] et Mme [S] ont fait des réserves, selon une liste émise sur environ cinq pages, ce qui n'est pas discuté.

Ainsi, les désordres dont il est demandé la reprise étaient connus à cette date et apparents puisque ayant fait l'objet de réserves lors de la réception et il n'est pas discuté que M. [T] et Mme [S] ont versé le 29 juillet 2021 les 5% restant dus au titre de l'achèvement du marché.

Toutefois, M. [T] et Mme [S] précisent qu'ils n'ont pris possession des lieux que le 26 septembre 2021, de sorte qu'ils ne seraient pas forclos dans leur action. Ils précisent que s'agissant du document rempli le 11 juin 2021, alors que Mme [S] était enceinte, il est indéniable que les clefs ont été remises exclusivement pour permettre que leurs effets soient entreposés dans leur futur immeuble.

Force est de constater ce qui n'est non plus discuté par les parties que la remise des clés a eu lieu le 11 juin 2021 et que la correspondance du 11 juin 2021 de la société Toutpré précise :

« Madame, Monsieur

Nous vous remettons ce jour un jeu de clés afin que vous puissiez déménager vos meubles

le 12 juin 2021. Nous sommes encore en cours de chantier. Les organes de sécurité ne sont

pas encore tous en place et nous ne pouvons vous autoriser à y habiter pour le moment.

Nous faisons nos meilleurs efforts pour lever l'ensemble de ces éléments pour pouvoir

entrer dans votre logement en toute sécurité. »

La représentante de la société Toutpré a inscrit sur le document du 11 juin 2021 manuscritement « uniquement pour déménager les meubles ».

Toutefois, la prise de possession intervient avec l'occupation effective de l'immeuble ou la mise à disposition de celui-ci à l'accédant. La remise des clés matérialise cette prise de possession.

Certes, l'acquéreur ne s'était pas installé dans les lieux suite à la livraison. C'est en ce sens qu'il faut comprendre le courrier du 11 juin 2021 mais la remise des clés suffit à valoir prise de possession, et le fait que les intimés n'aient pas occupé effectivement les lieux ne peut être opposé à la société Toutpré pour retarder le point de départ de la forclusion.

Le délai partant de ce jour d'entrée en possession, matérialisé par la remise des clés le 11 juin 2021, l'assignation devait être délivrée avant le 12 juillet 2022. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque l'assignation en référé a été délivrée le 26 septembre 2022, soit hors délai.

De la sorte, les demandes des intimés, tendant à la reprise des désordres précités se heurtent à une contestation sérieuse. L'ordonnance rendue sera infirmée sur ce point.

Par ailleurs, M. [T] et Mme [S] demandent à la cour de condamner la société Toutpré :

' au paiement de la franchise de 1.000 euros déduite de la garantie de changement des lames,

' au paiement d'une somme équivalente au montant du devis de la société Bat, soit à 3.707 euros,

La société Toupré expose que ces demandes sont nouvelles en appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile qui dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 de ce code prévoit toutefois que les prétentions ne sont pas nouvelles, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement est différent tandis que l'article 566 précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

A ce titre, la demande de provision formée par les intimées est recevable dans la mesure où elle constitue la conséquence de celles soumises au premier juge, de sorte que la fin de non-recevoir soulevée doit dès lors être rejetée.

Toutefois, ces demandes complémentaires se heurtent nécessairement à une contestation sérieuse en ce qu'elles sont, elles-aussi, afférentes à des désordres pour lesquels la forclusion a été légitimement soulevée par la société Toutpré.

L'ordonnance rendue sera également infirmée en ses dispositions portant sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

M. [T] et Mme [S], succombant en appel, seront tenus aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à l'appelante une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance rendue en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes provisionnelles de M. [T] et Mme [S],

Dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble de leurs demandes,

Condamne M. [T] et Mme [S] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne M. [T] et Mme [S] à payer à la société Toutpré la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/10658
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;23.10658 ?
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