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14/03/2024 | FRANCE | N°21/09934

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 14 mars 2024, 21/09934


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 14 MARS 2024



(n° 2024/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09934 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYEU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/01742





APPELANT



Monsieur [M] [E]

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[Localité 3]

Représenté par Me Marie-Sophie VINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1858





INTIMEE



Madame [Z] [G] épouse [D]

Ancienne exploitante de la Boulangerie-Pâti...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 14 MARS 2024

(n° 2024/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09934 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYEU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/01742

APPELANT

Monsieur [M] [E]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Marie-Sophie VINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1858

INTIMEE

Madame [Z] [G] épouse [D]

Ancienne exploitante de la Boulangerie-Pâtisserie « [D] »

sis [Adresse 2]

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Nadia ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 139

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte des 11 mars et 21 avril 2020, Mme [Z] [G] épouse [D] et M. [A] [D] ont cédé à la société FT Boulangerie un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie à effet du 2 mars 2020.

Par avenant à son contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, M. [M] [E] est devenu salarié de Mme [D] à compter du 1er mars 2016 avec une reprise d'ancienneté au 2 janvier 2006 en qualité de pâtissier, catégorie ouvrier, coefficient 185, moyennant une rémunération brute horaire de 19,10 euros. L'avenant stipule que les horaires de travail sont fixés conformément à l'horaire collectif affiché dans l'entreprise et que M. [E] s'engage à effectuer des heures supplémentaires à la seule demande de l'employeur.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale boulangerie-pâtisserie (code IDDC 843).

Par lettre datée du 19 février 2020, M. [E] a demandé à Mme [D] le paiement de diverses sommes sur le fondement de la convention collective, notamment le paiement d'heures supplémentaires non rémunérées, la majoration de 25% du salaire de base par heure effectuée de nuit ainsi qu'une prime de fin d'année.

Sa demande étant restée sans réponse, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 27 février 2020.

Par jugement du 21 avril 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- condamné Mme [D] à payer à M. [E] la somme de :

* 3 412 euros au titre de sa prime de travail de nuit de février 2017 à février 2020 pour l'heure de 5h à 6h du matin ;

* 341,20 euros au titre des congés payés afférents ;

- condamné Mme [D] à payer à M. [E] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- donné acte à la partie demanderesse du fait que la prime de fin d'année pour la période de 2017 à 2019 d'un montant de 4 056,10 euros a été remise au demandeur « lors du bureau de jugement » du 7 décembre 2020 ;

- débouté M. [E] du surplus de ses demandes ;

- condamné Mme [D] aux dépens.

Par déclaration du 6 décembre 2021, M. [E] a interjeté appel du jugement notifié le 28 octobre 2021 suivant pli non distribué car avisé mais non réclamé.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 mars 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [E] demande à la cour de :

infirmer le jugement en ce qu'il :

- l'a débouté de ses demandes en paiement des heures supplémentaires effectuées entre février 2017 et février 2020 et des congés payés afférents ;

- a limité le montant de la prime de travail de nuit de février 2017 à février 2020 à 3412 euros, outre 341,20 euros au titre des congés payés afférents ;

et, statuant de nouveau,

- condamner Mme [D] à lui verser :

* 18 608 euros au titre des heures supplémentaires de février 2017 à février 2020 ;

* 1 860 euros au titre des congés payés afférents ;

* 6 822,99 euros au titre de la prime de travail de nuit de février 2017 à février 2020 ;

* 682,29 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- ordonner la remise des bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir ;

- confirmer pour le surplus le jugement dont appel ;

- condamner Mme [D] aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 mai 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [D] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions, le jugement ;

en conséquence,

- débouter M. [E] de sa demande d'heures supplémentaires ;

- condamner M. [E] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [E] aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 octobre 2023.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur le rappel d'heures supplémentaires et les congés payés afférents

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Ainsi, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, appartient-il au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [E] soutient qu'il travaillait du mardi au samedi au minimum de 4 heures du matin à 12 heures, sans pause, soit 40 heures par semaine. Il ajoute qu'il finissait parfois à 13 heures ou au-delà et fait valoir que l'examen de ses fiches de paie révèle qu'il était rémunéré sur la base de 151,67 heures par mois soit 35 heures par semaine.

M. [E] verse également aux débats les attestations suivantes :

- celle de Mme [P] [Y] qui a travaillé dans la boulangerie-pâtisserie à compter du 22 octobre 2019 aux termes de laquelle elle déclare que, lorsqu'elle arrivait à 5h45 du matin, M. [E] avait déjà préparé de nombreux gâteaux ; qu'ils terminaient entre 12h30 et 13 heures, sans compter les périodes de surcroît d'activité, et ne prenaient pas de pause ;

- celle de M. [H] [S] qui a travaillé dans la boulangerie-pâtisserie du 1er décembre 2017 au 14 septembre 2019 en qualité de pâtissier aux termes de laquelle il déclare qu'ils commençaient à travailler à 4 heures du matin et qu'ils finissaient leur travail à 13 heures ; que M. [E] ne prenait pas de pause ;

- celle de M. [L] [B] qui a travaillé dans la boulangerie-pâtisserie en binôme avec M. [E] de mars 2016 à octobre 2017 aux termes de laquelle il déclare qu'ils commençaient à travailler à 4 heures du matin du mardi au samedi et terminaient vers 14 heures ' 15 heures du mardi au vendredi après avoir fait le ménage ; que M. [E] ne prenait pas de pause.

Chacun des attestants décrit de manière circonstanciée les tâches accomplies à compter de 4 heures du matin par M. [E].

M. [E] a indiqué qu'il ne sollicitait le paiement d'heures supplémentaires qu'à raison de cinq heures par semaine, même si en réalité, il finissait son travail très souvent après 12 heures.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, Mme [D] se borne à produire des attestations qui ne sont pas circonstanciées et qui sont insuffisantes, en l'état, pour conclure que l'employeur a assuré le contrôle des heures de travail effectuées par M. [E].

Mme [D] produit également un calendrier 2017/2020 sans aucune précision sur les informations qu'il contient et leur opposabilité au salarié, étant observé que ce document n'est pas signé.

Partant, la cour considère que M. [E] effectuait a minima 40 heures par semaine alors qu'il n'était rémunéré que sur la base de 35 heures par semaine. Mme [D] sera donc condamnée à lui payer la somme de 18 608 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 1 860,80 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur le rappel de prime de travail de nuit

M. [E] soutient qu'il effectuait deux heures de nuit, de quatre à six heures et non de cinq à six heures comme l'a retenu le conseil de prud'hommes.

Ce à quoi Mme [D] réplique que M. [E] n'a au plus réalisé qu'une seule heure de travail de nuit et ajoute qu'elle a reconnu en première instance devoir à ce titre la somme de 3 412 euros, outre les congés payés afférents.

L'article 23 de la convention collective prévoit :

« 1. Est considérée comme travail de nuit toute période de travail effectif effectuée par un salarié de l'entreprise durant la période entre 21 heures et 6 heures. (')

5. Tout salarié, quel que soit son horaire habituel de travail et qu'il soit qualifié de travailleur de nuit ou non, bénéficie d'une majoration de 25 % du salaire de base par heure de travail effectif effectuée entre 20 heures et 6 heures. ('). »

En l'espèce, il ressort des éléments de la cause que Mme [D] a admis en première instance qu'elle avait omis de verser à M. [E] la prime de travail de nuit pour l'heure travaillée entre 5 heures et 6 heures du matin.

Les trois attestations concordantes et circonstanciées produites par M. [E] et évoquées précédemment permettent d'établir que M. [E] effectuait également une autre heure de travail de nuit entre 4 heures et 5 heures du matin. Par ailleurs, la cour a considéré que Mme [D] ne produisait aucun élément de nature à démontrer qu'elle avait exercé un contrôle des heures de travail effectuées par M. [E].

Dès lors, Mme [D] sera condamnée à payer à M. [E] la somme de 6 822,99 euros au titre du rappel de prime de travail de nuit, dans la limite du quantum réclamé, outre la somme de 682,29 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum de la somme allouée.

* sur la remise des documents

Mme [D] devra remettre à M. [E] un bulletin de paie récapitulatif.

Sur les autres demandes

* sur les intérêts et leur capitalisation

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme [D] sera condamnée aux dépens en appel et la décision des premiers juges sur les dépens sera confirmée.

Mme [D] sera condamnée à payer à M. [E] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la décision des premiers juges sur les frais irrépétibles sera confirmée.

Enfin, Mme [D] sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

Infirme le jugement sauf sur les dépens et les frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne Mme [Z] [G] épouse [D] à payer à M. [M] [E] les sommes suivantes :

* 18 608 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires ;

* 1 860,80 euros au titre des congés payés afférents ;

* 6 822,99 au titre du rappel de prime de travail de nuit ;

* 682,29 au titre des congés payés afférents ;

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne à Mme [Z] [G] épouse [D] de remettre à M. [M] [E] un bulletin de paie récapitulatif ;

Condamne Mme [Z] [G] épouse [D] à payer à M. [M] [E] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne Mme [Z] [G] épouse [D] aux dépens en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09934
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.09934 ?
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