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14/03/2024 | FRANCE | N°21/09875

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 14 mars 2024, 21/09875


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 14 MARS 2024



(n° 2024/ , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09875 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXYP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/04303





APPELANTE



Madame [X] [E]

[Adresse 2]r>
[Localité 4]

Représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091





INTIMEE



S.A. CREDIT LYONNAIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 14 MARS 2024

(n° 2024/ , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09875 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXYP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/04303

APPELANTE

Madame [X] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : J091

INTIMEE

S.A. CREDIT LYONNAIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume VERDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et de la formation

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat à durée indéterminée à effet au 14 juin 2016, Mme [X] [E] a été embauchée par la société Crédit Lyonnais en qualité de conseiller clientèle professionnels, statut cadre intégré, niveau H selon la convention collective nationale de la banque applicable à la relation de travail. En dernier lieu, elle percevait une rémunération conduisant à une moyenne mensuelle brute de 2 712,31 euros pour une durée annuelle de travail de 1 607 heures et était affectée à l'agence de [Localité 5] Madeleine.

Mme [E] a dénoncé le harcèlement moral dont elle s'estimait victime de la part de sa supérieure hiérarchique Mme [A] dans un mail qu'elle lui a adressé le 25 janvier 2019 pour lequel, elle lui a ultérieurement présenté des excuses. Elle a porté de nouvelles accusations à l'encontre de sa supérieure hiérarchique dans un courriel du 12 juillet 2019, lui reprochant le manque de pertinence de son évaluation et ses remarques sur l'origine de son nom.

Mme [E] a été dispensée d'activité du 12 juillet 2019 au 27 août 2019, dans l'attente d'une visite auprès du médecin du travail, lequel l'a déclarée apte dans un avis du 27 août 2019. A compter du 28 août 2019, elle a été affectée temporairement à l'agence Quartier Latin, puis, à sa demande, a retrouvé son affectation au sein de l'agence Madeleine à compter du 3 octobre 2019.

Une enquête a été diligentée par l'employeur conduisant à divers entretiens, menés en octobre 2019 et concluant à l'absence de harcèlement avéré.

Par courrier du 10 décembre 2019 lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 janvier 2020 et s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier adressé sous la même forme le 31 janvier 2020, l'employeur lui reprochant essentiellement ses propres agissements allant jusqu'à l'agression physique envers une autre salariée.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 29 juin 2020 en nullité de son licenciement. Par jugement du 18 octobre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a :

- débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes et la société le Crédit Lyonnais de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [E] aux dépens.

Mme [E] a régulièrement relevé appel du jugement le 2 décembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante notifiées par voie électronique le 3 octobre 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [E] prie la cour de :

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- condamner la société Crédit lyonnais à lui verser les sommes suivantes :

* 50 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 20 000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité en matière de santé,

* 1 000 euros de dommages-intérêts pour retard dans le paiement des salaires,

* 8 136,93 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 813,69 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 542,79 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul et subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,

* 2 000 euros de dommages-intérêts pour attestation pôle emploi erronée,

* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner à la société LCL la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation pour pôle emploi conforme sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard,

- ordonner l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamner la société LCL aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée n°4 notifiées par voie électronique le 5 octobre 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Crédit lyonnais prie la cour de :

- confirmer le jugement,

- débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

A titre subsidiaire,

- juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et débouter Mme [E] de sa demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Plus subsidiairement, limiter à la somme de 8 136 euros l'indemnité qui pourrait être allouée à Mme [E] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 octobre 2023.

MOTIVATION :

Mme [E] soutient avoir été victime de harcèlement moral et invoque au titre des faits qu'elle présente à l'appui de sa demande de dommages-intérêts le caractère injustifié de son licenciement. La cour avant d'examiner les demandes qu'elle forme au titre de l'exécution puis de la rupture du contrat de travail va donc examiner en premier lieu la réalité et le sérieux des motifs du licenciement.

Sur les motifs du licenciement :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

['] à la suite du témoignage de Mme [N] [S] auprès de M. [I] [V], directeur régional Champs-Élysées Bosquet, le 5 décembre 2019, nous avons découvert au terme d'une enquête approfondie de la direction des ressources humaines des réseaux Île-de-France que vous aviez adopté, de façon répétée, un comportement et des attitudes inacceptables à l'encontre de Mme [N] [S].

Il vous est ainsi reproché d'avoir gravement atteint enfreint à de multiples reprises les dispositions du règlement intérieur de LCL relatif au sexisme, harcèlement sexuel, harcèlement moral et violence au travail :

- en ayant commis des gestes pouvant être qualifié d'agression physique à l'encontre de votre collègue, Mme [N] [S].

Le 02 décembre 2019, vous êtes entrée dans la tisanerie de l'agence [Localité 5] Madeleine où se trouvait Mme [N] [S] et avez tenté de prendre de force la tasse à café qu'elle tenait à sa main. Alors que celle-ci quittait la tisanerie, compte-tenu de votre attitude, vous l'avez suivie et vous avez fermé violemment la porte derrière vous. Vous vous êtes ensuite précipitée vers Mme [N] [S] qui craignant pour son intégrité physique, a dû vous repousser par l'épaule.

Le 4 décembre 2019, dans les toilettes de l'agence [Localité 5] Madeleine, vous avez porté votre bras autour du cou de Mme [N] [S], contre sa volonté en la serrant, lui provoquant ainsi des marques visibles sur le corps. Mme [N] [S] nous a également précisé que vous aviez volontairement posé votre main sur sa bouche pour l'empêcher d'appeler à l'aide.

- en ayant adressé à de nombreuses reprises à Mme [N] [S] des écrits par SMS, mails et courriers exigeants, entre autres, des relations exclusives sur le lieu de travail malgré ses demandes répétées d'arrêter.

Par exemple, les SMS du 13 novembre 2019, du 26 novembre 2019, du 01 décembre au soir et 02 décembre 2019 au matin où vous avez réitéré votre demande de " boire le café du matin seule avec elle " en excluant une autre collègue, binôme de Mme [N] [S].

Sur un ton culpabilisant, vous n'avez pas hésité à justifier votre demande d'exclusivité par votre état psychologique prétendument dégradé qui pourrait s'améliorer si Mme [N] [S] acceptait votre demande de " reprendre les pauses-café comme avant l'été ".

Mme [N] [S] nous a demandé en vain de cesser " de la coller et d'exiger d'être avec elle à chaque fois qu'elle se lève de sa chaise " dans un SMS du 02 décembre 2019 qui vous a été adressé.

En outre, le 05 décembre 2019, alors que vous étiez délocalisée à l'agence de [Localité 6] du fait des problèmes de transport, vous avez envoyé à Mme [N] [S], via la messagerie professionnelle, un mail mentionnant notamment :

avoir été surprise et choquée que Mme [S] vous ait porté un coup au thorax le lundi 02 décembre 2019. Vous indiquiez " je désirais boire un café dans la cuisine par hasard au moment où tu t'y trouvais ".

Avoir été étonnée " de son attitude dans les toilettes alors qu'elle n'a eu aucune attitude agressive " le mercredi 04 décembre 2019.

Vous avez notamment conclu ce mail par " tu subis des pressions car nos managers sont dorénavant au courant que la Direction souhaite s'entretenir avec toi dans le cadre d'une enquête interne. Si tu as peur, sache que je suis là pour t'écouter et te rassurer si besoin. "

Vous avez adressé le 7 décembre 2019 un courrier de deux pages, daté du 09 décembre 2019 à l'adresse personnelle de Mme [N] [S]. Ce courrier revenait sur les derniers événements en date et indiquait entre autres : " mercredi soir, j'avais pris du recul, je pensais que les choses avaient eu le temps de s'apaiser de ton côté aussi (') je n'aime pas te voir mal, c'est l'unique raison pour laquelle je t'ai pris dans mes bras, pour te rassurer, pour dire stop [' ] mais quand tu as crié alors que je ne te faisais aucun mal, bien au contraire, par contre j'ai eu peur car tu n'as pas vu que mon manager n'était pas loin dans l'étage, pourquoi me mettre encore dans un problème alors que je voulais juste qu'on stoppe cette dispute [']. Je sais que je te demande beaucoup parfois, mais quand tu as écrit de ne pas te coller dans l'agence cela m'a fait l'effet d'un coup de poignard ".

Vous avez ajouté : " Enfin, je souhaite que tu répares ce que tu as fait mercredi soir. Je n'ai pas du tout apprécié que tu prennes à témoin des collègues qui n'ont pas à savoir ce qu'il se passe entre toi et moi dans le domaine privé. De plus, tu m'as causé injustement du tort sur mon lieu de travail. Je n'ai pas besoin que tu dégrades gratuitement mes conditions de travail, tu le comprendras ".

- en cherchant constamment une proximité physique avec Mme [N] [S], même quand celle-ci est dans le bureau de son binôme si au rez-de-chaussée, entraînant chez Mme [N] [S] le sentiment d'être épiée.

Ainsi, le 02 décembre 2019 alors que votre bureau est situé au premier étage, vous êtes demeurée de 09h00 heures à 10h50 à proximité immédiate du bureau du rez-de-chaussée dans lequel se trouvait Mme [N] [S] et Mme [C] [G], son binôme.Vous avez justifié votre présence continue au rez-de-chaussée auprès de votre hiérarchie qui s'en étonnait, par le fait que vous ne captez plus avec votre téléphone portable au premier étage mais seulement à l'endroit du rez-de-chaussée où vous vous trouviez.

De la même façon, comme évoqué ci-dessus, le 02 décembre 2019, vous vous êtes déplacée à la tisanerie immédiatement après que Mme [N] [S] et Mme [C] [G] s'y soient rendues.

Lorsque vous avez été entendue le 09 décembre 2019, vous avez nié être l'auteur d'une quelconque agression physique à l'encontre de Mme [N] [S]. Vous avez contesté avoir demandé de prendre la pause-café exclusivement avec Mme [N] [S]. Vous avez affirmé avoir été frappée violemment au thorax par Mme [N] [S] le 02 décembre 2019 alors même que vous n'en avez pas fait part à votre hiérarchie.

De la même façon, vous avez indiqué que vous vous laviez les mains dans les lavabos quand Mme [N] [S] est entrée dans les toilettes et qu'elle avait crié " au secours " de peur de recevoir un coup de votre part.

Or, contrairement à vos affirmations, les témoignages recueillis et vos propres écrits adressés à Mme [N] [S] montre que vous avez bien été l'auteur de contacts physiques à l'encontre de cette dernière.

Vos échanges écrits répétés, exigeant de Mme [N] [S] des relations exclusives sur le lieu de travail, ainsi que votre comportement récurrent visant à être physiquement à proximité de votre collègue sans raison professionnelle, ont créé aux dépens de celle-ci, un environnement de travail hostile et intimidant.

Ainsi par vos agissements incessants et intolérables, pouvant être qualifié de harcèlement moral et de violence au travail :

-vous avez porté atteinte aux conditions de travail de Mme [N] [S]

-vous avez dégradé fortement l'intégrité physique et psychologique de cette dernière.

Par ailleurs, nous vous rappelons que vous avez fait l'objet d'un avertissement en avril 2018 pour ne pas avoir respecté les instructions données par votre hiérarchie et avoir fait preuve de déloyauté envers celle-ci.

Vous avez saisi la Commission Paritaire de Recours interne. Conformément aux dispositions conventionnelles applicables, la Commission Paritaire de Recours interne a rendu son avis le 09 mars 2020, lequel vous a été confirmé par courrier du 11 mars 2020.

Par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.['] ".

La faute grave est celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail. La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

Sur les faits du 2 décembre 2019 :

L'employeur verse aux débats

- l'attestation très détaillée de Mme [Y] [F] qui explique qu'alors qu'elle se trouvait dans la cuisine avec [C] [G] et [N] [S], Mme [E] est arrivée, a pris d'autorité la tasse de café que Mme [S] tenait entre ses mains, que celle-ci a quitté la pièce et que Mme [E] l'a immédiatement suivie en claquant fortement et violemment la porte de la cuisine derrière elle,

- l'attestation de Mme [S] confirmant la scène et expliquant que comme Mme [E] fonçait sur elle, elle l'a repoussée instinctivement avec sa main droite au niveau de l'épaule gauche,

- l'attestation de Mme [B] qui explique qu'elle a croisé dans les escaliers Mme [E] qui les descendait et qui, à mi-parcours, s'est affaissée de sorte qu'elle a dû la retenir,

- l'attestation de Mme [G] qui confirme l'irruption dans la cuisine de Mme [E] et le fait qu'elle a arraché son café des mains de Mme [S] laquelle a quitté la cuisine et que Mme [E] l'a poursuivie, très énervée en claquant la porte.

Ces témoignages précis et concordants suffisent à établir la matérialité des faits et le comportement agressif de Mme [E] à l'égard de Mme [S], son argumentation selon laquelle elle-même avait été blessée au thorax par cette dernière n'étant pas opérante, peu important la déclaration d'accident de travail qu'elle a établie plusieurs semaines après les faits, étant observé de surcroît, que la CPAM en a refusé la prise en charge par décision du 22 mai 2020 et la plainte qu'elle a déposée à l'encontre de Mme [S] laquelle a été classée sans suite.

Sur les faits du 4 décembre :

L'employeur verse aux débats l'attestation de Mme [S] et le compte rendu de son entretien dans le cadre de l'enquête dans laquelle celle-ci relate les faits tels qu'énoncés dans la lettre de licenciement et fait état du harcèlement qu'elle subit de la part de Mme [E] qui la suit, l'épie et lui fait des crises de jalousie.

Il s'appuie également sur l'attestation de Mme [G] qui affirme que le 4 décembre au soir, Mme [S] était venue lui raconter que Mme [E] l'avait attrapé par derrière et lui avait serré le cou, lui demandant de la prendre en photo.

L'employeur communique également les procès-verbaux d'audition des services de police qui font référence à des traces constatées sur photographie ainsi que les conclusions de l'enquête diligentée par lui contenant des photographies en copie.

Il communique en outre la décision de la CPAM de [Localité 5] du 23 avril 2020 reconnaissant le caractère professionnel du sinistre déclaré par Mme [S] à la suite des faits survenus le 4 décembre 2019.

Sur le courrier du 7 décembre :

L'employeur communique cette lettre dont il ressort que Mme [E] reconnaît avoir pris Mme [S] dans ses bras et indique avoir été surprise par sa réaction, lui reproche de lui avoir causé du tort en se plaignant d'elle auprès des collègues et lui reproche de lui avoir écrit de ne pas la coller à l'agence.

" Sur les écrits par sms, mail et courrier exigeant, entre autres, des relations exclusives sur le lieu de travail ",

L'employeur communique, avec l'attestation de Mme [S], destinataire de ces messges, les sms qu'il cite en exemple dans la lettre de licenciement dont il ressort que Mme [E] lui as écrit : " ça ne me fait pas plaisir quand tu le fais seul avec elle. Tu ne viens même pas me chercher et tu m'exclues " ;" j'ai le sentiment que tu m'as remplacée ! "; " Je n'ai pas envie de boire mon café avec une autre personne que toi mais ça tu t'en fous " ; " j'ai besoin de retrouver mes habitudes " auxquelles Mme [S] répondait : " ça ne veut pas dire me coller et exiger d'être avec moi à chaque fois que je me lève de ma chaise j'ai aussi envie de faire des choses sans toi c'est normal. " Il communique également et reproduit dans ses conclusions les SMS de Mme [E] indiquant : " hello Père Noël j'ai quelques souhaits : l'exclusivité des pauses-café comme on est observées il faut faire ta propre réserve de dosettes on perd du temps en passant au RDC " et une réponse de Mme [S] indiquant : " non pas d'exclusivité, il est hors de question que je m'isole du reste de l'agence. Je t'avoue que je n'aime pas trop ce côté directif. Ça me fait plaisir aussi de faire des pauses avec [C]. Parfois je trouve que tu abuses dans tes demandes je te l'ai déjà dit j'essaye de rester diplomate dans mes réponses. ". Tous ces éléments suffisent à établir la matérialité des faits.

Sur la recherche constante de proximité physique avec Mme [S] :

Les faits énoncés dans la lettre de licenciement sont confirmés par Mme [S] qui explique qu'elle avait justement attendu de 9h à 9h50 que Mme [E] remonte dans son bureau pour enfin descendre à la cuisine toutefois la cour observe que Mme [H] a indiqué que son téléphone avait une mauvaise réception dans son bureau sans qu'il soit démontré l'inexactitude de cette affirmation.

En définitive, la cour considère que la matérialité des faits est établie et que concernant, sur le lieu de travail, une atteinte à l'intégrité physique et morale d'une collègue de travail, ils sont de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Sur les demandes financières :

Au titre de l'exécution du contrat de travail :

Sur la demande de dommages-intérêts pour retard dans le paiement des salaires :

Mme [E] sollicite l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour retard dans le paiement des salaires et la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice. Elle fait valoir qu'elle n'a reçu paiement de deux heures supplémentaires qu'elle a effectuées en juin 2018 qu'avec son salaire du mois d'octobre 2019, affirmant que le Crédit lyonnais avait pour habitude d'oublier de payer les heures supplémentaires.

La société conclut au débouté.

Il ressort de la déclaration contradictoire des heures supplémentaires effectuées par les parties le 3 juillet 2018 que Mme [E] a bien effectué deux heures supplémentaires dont elle n'a été rémunérée qu'en octobre 2019 avec son salaire pour un montant de 40,99 euros brut. Elle ne justifie cependant pas de la réalité de son préjudice de sorte qu'elle est déboutée de cette demande. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour remise d'une attestation Pôle emploi erronée :

Mme [E] sollicite l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts en invoquant le préjudice qui lui a été nécessairement causé par les indications erronées relatives à son dernier jour de travail mentionné comme étant le 23 décembre 2019 alors qu'elle a été mise à pied à titre conservatoire à compter du 9 décembre 2019 de sorte que pôle emploi n'a pu déterminer ses droits exacts. Elle réclame la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice. La société conclut au débouté en faisant valoir qu'aucun préjudice n'est justifié et que Mme [E] ne justifie pas davantage de sa situation à l'égard de pôle emploi depuis son licenciement.

La cour relève que Mme [H] ne justifie ni de sa situation vis-à-vis de pôle emploi ni du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'erreur commise par l'employeur. Elle est donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts et le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [E] soutient avoir fait l'objet de :

- reproches incessants et gratuits,

- remarques injustifiées,

- brimades et mise à l'écart,

- sanctions disciplinaires injustifiées,

- ayant dégradé son état de santé et ses conditions de travail.

Elle reproche également à l'employeur son manque de réactivité suite à sa dénonciation des agissements de harcèlement moral.

S'agissant des reproches incessants et injustifiés sur la qualité de son travail et ses qualités personnelles, Mme [E] explique qu'au troisième trimestre 2018, avec l'arrivée de sa nouvelle supérieure hiérarchique, Mme [A], ses conditions de travail se sont dégradées, prenant pour exemple son évaluation annuelle 2018, injuste selon elle, avec des critiques infondées et des notes ne correspondant pas à ses performances, qu'elle reprend en détail en mettant en avant ses bons résultats, parfois meilleurs que ceux de sa supérieure hiérarchique. Elle soutient qu'alors que ses performances étaient bonnes, elles ont été qualifiées d'insuffisantes par sa supérieure hiérarchique quand bien même son évaluation 2017 était satisfaisante et qu'elle avait tenu compte des remarques qui lui avaient été faites. Les deux évaluations sont communiquées par l'employeur.

Mme [E] fait encore état de ce que fin janvier 2019, sa supérieure hiérarchique lui a reproché un retard sur le déblocage d'un prêt immobilier alors qu'en réalité les clients avaient dépensé la somme réservée à l'apport personnel de sorte qu'elle ne pouvait débloquer les fonds. À cet égard, la cour relève que Mme [E] ne se réfère à aucune pièce précise dans ses écritures de sorte que la matérialité des faits n'est pas établie.

Mme [E] a fait encore état d'une technique de management habituelle du LCL consistant à faire pression sur les salariés en organisant un entretien d'intimidation entre elle et trois managers. Cependant le seul article de presse qu'elle communique ne suffit ni à établir les faits, ni qu'elle en a été victime à titre personnel, pas plus que sa pièce reproduisant des avis diffusés sur Internet sur le LCL.

Mme [E] explique également que lors d'un entretien du 11 juillet 2019, elle s'est vu reprocher d'une part un niveau de rendez-vous trop faible alors qu'en février 2019, le directeur du groupe d'agences [Localité 5] Madeleine lui avait demandé de se limiter à deux rendez-vous par jour en raison du poids de son portefeuille et d'autre part, l'insatisfaction de deux clients alors que son portefeuille comprend 220 clients. La cour observe cependant que le seul mail du 12 juillet 2019 émis par Mme [E] à l'intention de Mme [A] ne suffit pas à établir la réalité des faits dès lors qu'il s'agit des propres écrits de la salariée non corroborés par des éléments objectifs.

S'agissant des remarques injustifiées, Mme [E] explique que Mme [A] a formulé des critiques désobligeantes au sujet de ses origines polonaises. Là encore Mme [E] ne se réfère qu'à ses propres écrits lesquels ne sont corroborés par aucun élément objectif de sorte que les faits ne sont pas établis.

Sur les brimades et la mise à l'écart, Mme [E] explique que le 26 novembre 2018 avec l'installation dans la nouvelle agence [Localité 5] Madeleine d'un système téléphonique " soft phonie ", elle a demandé un aménagement de son poste car elle ne pouvait pas utiliser ce système en raison de son handicap auditif ainsi que cela ressort des propositions de mesures individuelles d'aménagement de poste établies par le médecin du travail le 29 janvier 2019 et le 22 février 2019 préconisant d'éviter le casque auditif pour les échanges téléphoniques et de prévoir une étude ergonomique du poste de travail ainsi que sur cette étude de poste réalisée le 5 avril 2019 préconisant la mise en place d'un système de boucle téléphonique, de transférer si possible les appels entrants sur le téléphone portable de la salariée afin de diminuer l'usage du casque. Elle reproche à sa supérieure hiérarchique de lui avoir fait grief lors de l'entretien du premier trimestre 2019 de son injoignabilité sur le téléphone fixe alors que celle-ci résulte de son handicap auditif. La cour observe que l'entretien d'évaluation portant sur l'année 2019 ne fait pas mention d'un tel reproche de sorte que les faits ne sont pas établis.

Mme [E] soutient que Mme [A] a cherché à saboter ses dossiers pour l'accuser de retards et d'insatisfactions clients. Elle s'appuie sur une attestation d'un client qui fait état de la lenteur de l'obtention de son prêt pour l'acquisition d'un appartement mais dont la cour observe qu'il ne fait que reprendre les allégations de sa conseillère clientèle, Mme [E], pour expliquer les retards par l'absence de diligences de sa supérieure hiérarchique. Les faits ne sont pas établis.

Elle reproche à Mme [A] avoir cherché à la discréditer auprès de ses collègues et à l'isoler par des remarques sur sa relation amicale extra professionnelle avec Mme [S] en propageant des rumeurs discriminatoires les accusant faussement d'être homosexuelles. Elle se réfère dans ses écritures au témoignage de Mme [A] dont la cour observe qu'elle ne fait pas mention d'une relation homosexuelle et qu'il a été recueilli dans le cadre d'une enquête de la direction. La matérialité des faits n'est donc pas établie.

Mme [E] fait également état de ce qu'elle été humiliée publiquement devant ses clients s'appuyant sur l'attestation de l'un d'entre eux, M. [Z]. La cour observe que cette attestation qui n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile et qui n'est ni précise ni circonstanciée puisque M. [Z] se contente d'indiquer " que la nouvelle directrice d'agence avait un comportement visant à rabaisser ma conseillère ou lui inspirer de la crainte " ne suffit pas à établir la réalité des faits sans éléments précis venant la corroborer.

Mme [E] soutient encore qu'elle subissait des remarques désobligeantes publiques dans l'open space devant ses collègues ainsi que cela ressort de l'audition de Mme [B], entendue lors de l'enquête interne qui explique que Mme [A] " a pu préciser que Mme [E] n'était pas en capacité de gérer un dossier mais que tout le monde pouvait en prendre pour son grade " sans préciser les circonstances dans lesquelles ces propos ont été tenus ni même s'il elle les a personnellement entendus de sorte que les faits ne sont pas matériellement établis.

S'agissant de sa mise à l'écart, Mme [E] explique que suite à sa dénonciation des actes de harcèlement moral qu'elle subissait, le 12 juillet 2019, elle a reçu le 15 juillet 2019 un courrier en main propre lui notifiant une dispense d'activité jusqu'à la date de la visite médicale que l'employeur organisait pour elle et qu'ainsi, elle a dû rendre son téléphone portable professionnel et quitter son poste sans terminer sa journée ni pouvoir récupérer ses affaires personnelles. Elle verse aux débats le courrier remis en main propre le 15 juillet 2019 lui notifiant cette dispense d'activité rémunérée jusqu'à la date de sa visite médicale. Il est constant que la visite médicale s'est tenue le 27 août 2019. Le lendemain, elle s'est vue confier une mission au sein de l'agence professionnelle Quartier latin sur un poste de conseiller clientèle professionnelle ainsi que cela ressort du courrier contradictoire signé entre les parties ce même jour. Elle fait valoir que à partir de la mi-septembre le seul bureau dans lequel elle a pu s'installer au sein de cette agence était située au sous-sol. Sur ce dernier point, la cour observe qu'aucun élément justificatif ne vient établir cette allégation.

Sur la dégradation de ses conditions de travail, Mme [E] indique que lorsqu'elle a réintégré son poste à l'agence [Localité 5] Madeleine, à la fin de sa mission, la société n'a pris aucune mesure pour l'éloigner de Mme [A] et l'a isolée de ses collègues de travail afin de la pousser à la démission. Elle indique qu'elle a continué à subir un flot continu de reproches infondés, de convocations à des contrôles sans lien avec ses dossiers, d'humiliations et de pressions, s'appuyant sur un mail du 1er octobre 2019 de M. [T] lui reprochant d'avoir arraché un dossier des mains d'un collègue, ce qu'elle a contesté, ainsi que sur un mail du 31 octobre 2019 par lequel M. [L], directeur de l'agence [Localité 5] Madeleine lui a reproché une absence le 31 octobre générant désorganisation de l'agence alors qu'elle n'avait validé sa présence que pour le 8 octobre et non pour le 31. Enfin, elle se plaint de ce que son évaluation a été faite par Mme [A] en octobre 2019, alors même que celle-ci faisait l'objet d'une plainte de sa part pour harcèlement moral et qu'une enquête interne pour harcèlement moral la visant directement était en cours, s'appuyant tant sur son courrier du 21 octobre 2019 s'étonnant de cette situation que sur le courrier en réponse de l'employeur en date du 6 novembre 2019 confirmant que l'entretien avait été mené par sa supérieure hiérarchique, à même de l'effectuer, ses commentaires étant purement objectifs et factuels. Enfin, Mme [E] soutient que ses collègues avaient interdiction de lui parler ce qui ne ressort ni du message SMS de Mme [S] en date du 5 octobre 2019 qui justement lui demande si elle peut l'appeler ni du propre message de la salariée selon lequel un dénommé [W] dirait aux autres de ne pas lui parler qui n'est corroboré par aucun élément objectif.

S'agissant de l'absence de mesures pour faire cesser les agissements de harcèlement moral qu'elle subissait, Mme [E] reproche à l'employeur de n'avoir pris aucune mesure pour faire cesser les agissements de harcèlement moral qu'elle a subis, soutenant que l'enquête interne menée par l'employeur a été conduite en catimini, exclusivement par les membres de la direction excluant la présence de tous représentants du personnel et qu'elle n'a été convoquée que le 2 octobre 2019, 77 jours après la remontée de l'alerte.

S'agissant des sanctions disciplinaires injustifiées, Mme [E] explique que le 2 décembre 2019 alors qu'elle souhaitait simplement prendre un café avec son amie Mme [S] pour comprendre pourquoi celle-ci participait à son isolement, cette dernière lui a, soudainement et sans raison, porté un violent coup au niveau du thorax, qu'elle a fait un malaise dans l'escalier en présence d'un tiers qu'elle a subi un traumatisme avec une ITT de 10 jours, et porté plaint à l'encontre de son amie Mme [S] laquelle n'a d'ailleurs pas été sanctionnée par l'employeur. Elle ajoute que le 4 décembre 2019, Mme [S] l'a accusée de l'avoir agressée dans les toilettes, refusant tout examen médical mais déposant plainte contre elle pour violences, plainte classée sans suite. Or c'est à la suite de cette plainte que la société LCL lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire le 9 décembre 2019 et l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, expliquant que l'enquête diligentée à la suite de cette plainte a été menée à charge, Mme [S] ayant été reçue à trois reprises par la direction tandis qu'elle-même, seulement une seule fois. Mais, à cet égard la cour a retenu que les faits reprochés à la salariée étaient caractérisés de sorte que le caractère injustifié de la sanction n'est pas établi .

Les faits que la cour a considéré comme établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l'employeur de prouver que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

Sur les reproches incessants et gratuits sur la qualité du travail de Mme [E] et ses qualités personnelles, l'employeur fait tout d'abord valoir que contrairement à ce que prétend la salariée son évaluation n'est pas soudainement devenue mauvaise en 2018 avec l'arrivée de Mme [A] puisque dès 2017, elle était inférieure aux attentes. Il verse aux débats les entretiens d'évaluation de 2017 établis par Mme [M] et de 2018 établis par Mme [A] en décembre 2018 qui font apparaître une majorité de points non maîtrisés ou en développement, la première évaluation lui reprochant un manque notoire d'implication et de respect des règles et procédures en matière de conformité et la synthèse portant la mention " inférieure aux attentes ". La cour relève que la seconde évaluation établie par Mme [A] reste dans la lignée de la première, tout en faisant ressortir une progression certaine puisque les appréciations s'établissent majoritairement entre " maîtrisé " et " en développement ", la synthèse de la performance globale restant toutefois " inférieure aux attentes ".

Les faits sont donc justifiés par des éléments objectifs tenant à un exercice non abusif du pouvoir de direction de l'employeur étrangers au harcèlement allégué.

S'agissant des brimades et de la mise à l'écart, la cour n'a pas retenu que les brimades étaient établies mais s'agissant de la mise à l'écart, l'employeur justifie la dispense d'activité de Mme [E] par l'attente d'une visite médicale qu'il voulait organiser pour assurer le respect de son obligation d'assurer la protection de la santé tant de Mme [E] que de Mme [A], étant observé que dès le 25 janvier 2019, Mme [E] avait accusé Mme [A] de la harceler même si elle avait ensuite présententé des excuses écrites et que le 12 juillet 2019, Mme [E] avait de noveau dénoncé les agissements de cette dernière à son égard. Par ailleurs, de son côté, Mme [A] avait écrit au directeur de l'agence qu'elle estimait ne plus pouvoir continuer ses missions vis-à-vis de cette collaboratrice. En outre, Mme [E] invoquait dans son mail d'excuse adressé le 5 février 2019 à sa supérieure hiérarchique son stress intense et il ressort du mail de M. [V] en date du 11 février 2019 que la salariée lui avait indiqué être au bord du burn out et qu'il s'inquiétait déjà sur son état de santé, invoquant les difficultés qu'elle avait rencontrées dans une autre agence par le passé. La cour considère que ces éléments tenant à l'obligation de sécurité de l'employeur suffisent à justifier cette dispense d'activité d'autant que le médecin l'ayant déclarée apte, celle-ci a été missionnée aussitôt dans une autre agence pendant une durée d'un mois jusqu'au 27 septembre 2019. La cour considère que l'employeur justifie ainsi la dispense d'activité par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement.

Sur les reproches injustifiés postérieurement à son retour au sein de l'agence [Localité 5] Madeleine, il n'est aporté aucun éclairage par l'employeur sur la réalité des faits évoqués dans les échanges de mails produits par Mme [E] et que celle-ci conteste (arrachement d'un dossier des mains d'une collègue prénommée [K], absence la journée du 31 octobre) ni aucune explication sur le fait que malgré une mésentente notoire Mme [A] qui ne voulait plus entrendre parler de sa collaboratrice a été chargée de l'évaluation trimestrielle de cette dernière en octobre 2019 alors que l''enquête pour harcèlement était en cours et que l'employeur ne peut se contenter d'affirmer que Mme [A] restait objective pour justifier les faits par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral. L'employeur est donc défaillant à rapporter la preuve que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral.

Sur l'absence de mesures pour faire cesser les agissements de harcèlement moral dénoncé, la cour relève que l'employeur n'apporte aucune explication sur le fait que son enquête n'a été diligentée qu'en octobre 2019 au retour de Mme [E] au sein de l'agence de sorte que le retard allégué est démontré et n'est pas justifié par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral.

En définitive, dès lors que l'employeur échoue à démontrer que les reproches adressés à Mme [E] postérieurement à son retour au sein de l'agence Madeleine, le fait de confier l'évaluation de la salariée à la supérieure hiérarchique visée par une enquête de la direction pour harcèlement moral à la suite de la plainte de cette salariée, et le retard apporté à diligenter cette enquête, étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers au harcèlement moral, la cour considère que Mme [E] a bien été victime de tels agissements et condamne en conséquence la société LCL à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur la violation de l'obligation de sécurité :

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs . Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° Des actions d'information et de prévention,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptée.

L'employeur veille à l'adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des mesures existentes.'

Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'

L'employeur tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité. Ne méconnait pas son obligation, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail

Mme [E] soutient que son état de santé a été dégradé par le comportement néfaste de sa supérieure hiérarchique ainsi que par sa direction, qu'elle a subi une dégradation de ses conditions de travail et que la société LCL a ainsi manqué à son obligation de sécurité à son égard. Elle réclame en conséquence la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 20 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

La société LCL conclut au débouté.

La cour considère que les éléments médicaux versés aux débats par Mme [E] ne suffisent pas à établir un lien avec un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité dès lors qu'il s'agit soit d'éléments médicaux antérieurs de plusieurs années par rapport au fait allégué, soit d'éléments médicaux établis plusieurs semaines après l'accident du travail déclaré par la salariée également sans lien avec un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Cependant, parmi les éléments que la cour a retenus au titre du harcèlement moral, figure la tardiveté de la réponse de l'employeur à la dénonciation effectuée par la salariée de sorte que le manquement à l'obligation de sécurité par la dégradation des conditions de travail de la salariée qui en est découlée est avérée. Toutefois, la cour considère qu'il n'en n'est pas résulté un préjudice distinct de celui qui a été réparé au titre du harcèlement moral de sorte que la demande de dommages-intérêts présentés par Mme [E] est rejetée. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée à de ce chef de demande.

Sur les demandes financières présentées au titre de la rupture du contrat de travail :

Sur l'indemnité pour nullité du licenciement :

Mme [E] soutient que son licenciement est nul parce qu'il intervient en conséquence du harcèlement moral qu'elle a subi dont il est une manifestation et sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de trois de 60 000 euros en réparation de son préjudice.

La société LCL conclut au débouté et à la confirmation du jugement qui a débouté la salariée de ce chef de demande

Si la cour a retenu que Mme [E] avait fait l'objet d'agissements de harcèlement moral de la part de son employeur, cette situation n'implique pas systématiquement que le licenciement de cette dernière est nul s'il n'intervient pas en représailles de la dénonciation effectuée par la salariée et s'il est justifié par une cause réelle et sérieuse étrangère à tous agissements de harcèlement moral.

Mme [E] n'allègue aucunement que le licenciement est intervenu en représailles de sa dénonciation des agissements de harcèlement moral de l'employeur et la cour a retenu que les faits ayant motivé le licenciement étaient caractérisés. Leur nature concernant essentiellement les propres agissements harcelants de Mme [E] envers sa collègue de travail Mme [S] est parfaitement étrangère aux agissements de harcèlement moral qu'elle-même a dénoncés de sorte que la demande de nullité du licenciement est rejetée.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande d'indemnité pour licenciement nul.

Sur les demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rupture :

La cour a retenu que les faits reprochés à la salariée étaient caractérisés et, s'agissant du harcèlement physique et moral exercé sur le lieu du travail à l'encontre d'une de ses collègues et amie malgré les demandes de celle-ci de cesser cette pression, de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Le licenciement pour faute grave est donc fondé.

Mme [E] est déboutée, en conséquence, de l'ensemble des demandes qu'elle formait au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces chefs de demande.

Sur les autres demandes :

La société le Crédit lyonnais doit remettre à Mme [E] un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

L'exécution provisoire sollicitée par Mme [E] est sans objet, la présente décision n'étant pas susceptible de recours suspensif.

La société Crédit lyonnais, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et doit indemniser Mme [E] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [X] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

Condamne la société Crédit lyonnais à verser à Mme [X] [E] la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral,

Ordonne à la société Crédit lyonnais de remettre à Mme [X] [E] un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision,

Déboute Mme [X] [E] du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Crédit lyonnais,

Condamne la société Crédit lyonnais aux dépens et à verser à Mme [X] [E] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09875
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.09875 ?
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