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14/03/2024 | FRANCE | N°21/09781

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 14 mars 2024, 21/09781


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 14 MARS 2024



(n° 2024/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09781 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXI7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/03831





APPELANTE



Madame [D] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par

Me Judith BOUHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C 656





INTIMEE



S.A.S. CHLOE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hortense DE SAINT REMY, avocat au barreau de PARIS, toque ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 14 MARS 2024

(n° 2024/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09781 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXI7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/03831

APPELANTE

Madame [D] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Judith BOUHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C 656

INTIMEE

S.A.S. CHLOE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hortense DE SAINT REMY, avocat au barreau de PARIS, toque : P 286

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat à durée déterminée à effet au 9 octobre 2013, Mme [D] [S] a été engagée par la société Chloé en qualité d'assistante du département finance, échelon 1, niveau V, statut cadre. Par avenant du 3 décembre 2013, la relation de travail s'est poursuivie sous contrat à durée indéterminée et elle est devenue coordinatrice de la direction financière niveau V, échelon 1, statut cadre. A compter du 1er septembre 2014, Mme [S] a été soumise à un forfait annuel de 217 jours de travail et sa rémunération mensuelle brute a été portée à 4 590 euros auxquels s'ajoutait un bonus sur objectifs. Entre le 29 septembre 2015 et le 31 août 2016, Mme [S] a bénéficié d'un mi-temps thérapeutique. Puis, du 1er mai au 31 octobre 2017, elle a bénéficié d'un congé sabbatique.

Mme [S] a notifié à l'employeur sa démission sous contrainte par courrier recommandé du 9 juillet 2019 aux termes duquel elle lui reprochait une surcharge de travail au détriment de son état de santé sans aucun contrôle de son amplitude de travail et sans revalorisation de salaire et de fonction.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la couture parisienne et la société emploie habituellement au moins 11 salariés.

Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 15 juin 2020 afin d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ainsi que la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 18 octobre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a débouté les parties de leurs demandes et condamné Mme [S] aux dépens.

Mme [S] a régulièrement relevé appel du jugement le 30 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante n°3 notifiées par voie électronique le 10 octobre 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [S] prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Chloé de sa demande reconventionnelle et de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens,

- juger la convention de forfait en jours privée d'effet et condamner la société Chloé aux paiement des sommes suivantes :

* 12 540,68 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période courant du 1er janvier 2018 au 9 octobre 2019, outre 1 254,06 euros à titre de l'indemnité de congés payés,

* 2 904,35 euros à titre d'indemnité pour repos compensateur obligatoire outre 290,43 euros à titre d'indemnité de congés payés,

* 31 638,24 euros de dommages-intérêts pour dissimulation d'emploi,

- fixer le salaire mensuel brut moyen à la somme de 5 273,04 euros,

- subsidiairement, fixer la somme due au titre des jours de repos pris à la somme de 3 291,52 euros et ordonner la compensation avec le rappel de salaire fixé par la cour au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents,

- juger que la démission vaut prise d'acte de rupture du contrat travail aux torts de la société Chloé produisant les effets d'un licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

condamner la société Chloé aux sommes suivantes :

* 79 095,60 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement 68 850 euros, subsidiairement, 79 095,60 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement 68 850 euros, à titre infiniment subsidiaire, sur la base d'une ancienneté de cinq ans et demi et six mois de salaire brut, 31 638,24 euros et plus subsidiairement encore, 25 540 euros,

* 7 250,43 euros à titre d'indemnité de licenciement, subsidiairement 6 311,25 euros,

* 15 819,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 581,91 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, subsidiairement 13 770 euros outre 1 377 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 61,56 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté sur 3 ans,

* 3 427,50 euros à titre de rappel de prime d'objectifs pour la période du 1er avril au 16 octobre 2019 outre 342,75 euros au titre des congés payés afférents,

* 15 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 15 000 euros de dommages-intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité,

* 5 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la durée légale du travail,

* 5 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation d'adaptation et de formation,

- prononcer la requalification de ses fonctions en responsable processus P2P SAP, groupe VI niveau C de la convention collective,

- ordonner la remise de chacun des bulletins de salaire mensuel rectifiés, de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et du solde de tout compte suivant arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document réclamé à compter de l'expiration d'un délai de huit jours à partir de la notification de l'arrêt, la cour se déclarant compétente pour liquider l'astreinte,

- condamner la société Chloé à la somme de 10 560 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcer l'intérêt légal sur toutes les condamnations avec capitalisation des intérêts,

- condamner la société Chloé aux entiers dépens,

- déclarer que les dépens pourront être directement recouvrés par Maître Bouhana avocat au barreau de Paris conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives n°2, notifiées par voie électronique le 22 septembre 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Chloé prie la cour de :

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes,

- A titre reconventionnel, si la cour devait infirmer le jugement et annuler ou priver la convention de forfait en jours d'effet, condamner Mme [S] au paiement de la somme de 3 944,52 euros au titre de la répétition de l'indu,

- dans tous les cas, condamner Mme [S] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 octobre 2023.

MOTIVATION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur les demandes présentées au titre des heures supplémentaires :

Sur l'inopposabilité de la convention de forfait :

Mme [S] soutient que la convention de forfait lui est inopposable parce que l'employeur n'a pas assuré le suivi effectif de sa charge de travail et de son droit à déconnexion.

La société Chloé conclut au débouté.

La cour observe que l'accord du 20 janvier 2000 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, attaché à la convention collective prévoit dans son article 9 que la convention de forfait doit notamment prévoir " les conditions dans lesquelles un entretien d'activité pourra permettre au salarié de faire le point, chaque année de l'impact de ces dispositions sur l'organisation et la charge de travail " C'est à bon droit que Mme [S] fait valoir que la société n'a mis en place aucune mesure de contrôle de sa charge de travail puisqu'aucun entretien spécifique n'a eu lieu sur ce point, que les entretiens d'évaluation annuels qu'elle communique n'évoquent pas la problématique de la charge de travail et l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle de la salariée et ne comprennent aucune rubrique sur ce point.

La cour considère en conséquence, pour ce seul motif et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens avancés par Mme [S] que la convention de forfait est privée d'effet, de sorte que le jugement est infirmé sur ce point.

Sur le rappel d'heures supplémentaires :

La convention de forfait étant privée d'effet, les dispositions de droit commun sur le temps de travail sont applicables.

La cour rappelle qu'il résulte des articles L. 3172-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [S] verse aux débats un tableau récapitulatif des heures de travail accomplies chaque jour avec les heures de début et de fin de journée, déduction faite de la pause déjeuner, ainsi que des courriels démontrant selon elle son travail effectif pendant les horaires indiqués.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.

La société Chloé s'oppose à la demande en faisant valoir que les documents produits par Mme [S], élaborés par elle pour les besoins de la cause, ne permettent pas de déterminer l'amplitude de ses journées de travail puisque les jours où elle ne dispose pas de mails pour tenter d'établir l'heure à laquelle elle a débuté sa journée, elle indique systématiquement 9 heures et se crédite de façon automatique de 7 heures de travail, qu'elle décompte une heure de pause déjeuner alors qu'elle était libre de prendre le temps qu'elle voulait, que les jours où elle produit un mail pour établir son heure d'arrivée, elle n'arrive jamais avant 9heures ou à 9 heures, mais plus généralement après 10 heures, que même si elle établit avoir envoyé des mails à des heures matinales, cette circonstance n'est pas déterminante dans la mesure où elle avait contractuellement la faculté de décaler ses horaires de présence, que ses amplitudes ne sont pas vérifiables puisque la durée de travail ne ressort que de ses propres déclarations. Elle fait valoir que Mme [S] comptabilise des heures qui ne correspondent pas à du travail effectif comme des réponses à des invitations Outlook qui nécessitent une manipulation de quelques secondes, des suppressions d'événements de son calendrier Outlook ou des transferts de messages sans valeur, des mails relatifs à des achats de cadeaux entre collègues pour un pot de départ, des mails sur la transmission de son arrêt maladie ou des conversations personnelles. Elle fait valoir qu'elle comptabilise également en heures de travail des soirées défilés alors qu'en sa qualité de coordinatrice finance, sa présence n'y était ni nécessaire ni obligatoire et qu'elle y assistait non pas en qualité de salariée mais comme invitée. De même, la société fait valoir qu'elle comptabilise comme du temps de travail les journées de vente au personnel comme les 10 juin, 10 janvier 2019 et le 26 juin 2019 alors qu'il s'agit en réalité pour les salariés de bénéficier de prix attractifs sur les articles vendus par la maison Chloé. Elle fait également valoir que Mme [S] prétend également qu'elle a travaillé pendant ses arrêts maladie comme par exemple le 12 mars 2019 en décomptant 43 minutes de travail alors qu'en fait, le mail n'avait pour objet que de prévenir les équipes qu'elle était malade. Par ailleurs, la société fait valoir que chaque mail reçu n'exigeait pas de réponse immédiate d'autant que la charte sur le droit à déconnexion précise formellement en page 3 que " le collaborateur n'est jamais tenu de prendre connaissance des courriels qui lui sont adressés ou d'y répondre en dehors de son temps de travail. ". Enfin, la société fait valoir que le décompte de Mme [S] est erroné et exclut l'existence d'heures supplémentaires, telle la semaine du 1er au 5 janvier 2018 puisqu'elle n'a travaillé ni le premier ni en totalité le vendredi 5 janvier ou encore pour exemple la semaine du 12 au 16 mars 2018 où elle n'a pas travaillé tous les jours ou pas complètement, citant encore dans ses écritures d'autres semaines pour illustrer ses allégations.

La cour rappelle qu'un décompte, même manuscrit, élaboré par le salarié pour les besoins de la cause s'il est suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, doit être pris en compte, que l'employeur ne peut se contenter de reprocher à la salariée de ne pas établir ses amplitudes de travail, alors qu'il lui appartient au vu des éléments précis qui lui sont soumis de fournir ses propres éléments, d'autant qu'il est en charge du contrôle du temps de travail de ses salariés,enfin que le décompte des heures supplémentaires se fait à la semaine et non pas au jour le jour. Par ailleurs, les dates et heures d'envoi ou de réception des mails établissent que l'employeur avait connaissance de l'amplitude de l'activité professionnelle de sa salariée et ce d'autant que Mme [S] s'est plainte à plusieurs reprises de sa surcharge de travail notamment par mail du 1er mars 2019 9h15, ou du 1er avril 2019 à 18h29 ou encore à l'occasion la préparation de ses entretiens annuels d'évaluation.

De l'ensemble des éléments qui lui sont soumis la cour retient que Mme [S] a accompli des heures supplémentaires mais dans une mesure moindre que celle qu'elle revendique et condamne en conséquence la société à lui verser la somme de 7 482,49 euros à titre de rappel de salaire outre 748,24 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur la contrepartie obligatoire en repos :

En application de l'article L. 3121-30 du code du travail, la contrepartie obligatoire en repos est due pour toute heure supplémentaires accomplie au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires.

Mme [S] soutient qu'elle a accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 160 heures prévu par l'accord du 20 janvier 2000 au titre de l'année 2018 dont elle réclame le paiement à hauteur d'une somme de 2 904,35 euros outre les congés payés afférents.

L'employeur conclut au débouté.

Eu égard à la solution du litige, la cour considère que le dépassement allégué n'est pas établi de sorte que la demande d'indemnité à ce titre est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de ce chef de demande.

Sur le salaire mensuel brut moyen :

Mme [S] soutient que son salaire mensuel moyen intégrant le rappel d'heures supplémentaires s'évalue à 5 273,04 euros qu'elle calcule sur les trois dernières années.

Au vu de la solution du litige et du rappel de salaire alloué au titre des heures supplémentaires le salaire mensuel moyen de Mme [C] le plus favorable s'évalue sur la base des 12 derniers mois de salaire à hauteur de la somme de 4 946,30 euros.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi :

La cour considère que la seule omission sur le bulletin de salaire des heures supplémentaires effectuées pour une salariée au forfait ne suffit pas à caractériser la volonté de dissimulation de la société de sorte que la demande d'indemnité pour travail dissimulé est rejetée. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [S] soutient qu'elle a été victime des agissements de harcèlement moral par son employeur en invoquant :

- sa surcharge de travail,

- l'absence d'augmentation de sa rémunération depuis cinq ans, mais à cet égard, la cour observe qu'aucun élément n'est produit ni visé dans les écritures au soutien de cette allégation qui n'est pas développée ; la cour ne retient donc pas que les faits sont matériellement établis.

- sa souffrance au travail qui a provoqué une dégradation de son état de santé,

- la violation de l'obligation de sécurité par l'employeur.

Elle s'appuie sur la fiche d'aptitude médicale du médecin du travail en date du 25 septembre 2015 qui a préconisé " un mi-temps thérapeutique avec un début de journée à 10 heures si possible ". Elle s'appuie également sur les ordonnances de son médecin traitant, ainsi que sur des extraits de son dossier médical et sur des certificats des 12 mars et 4 juin 2020, établis par les psychiatres qui la suivent. Elle soutient que son état de santé l'a contrainte à prendre un congé sabbatique durant l'année 2017 pendant six mois à compter du 1er mai 2017. Elle fait valoir qu'en 2018, elle a subi une dépression pour suractivité, s'appuyant sur les ordonnances de son médecin psychiatre en septembre, octobre et décembre 2018 et fait état de son lumbago de ses troubles du sommeil, ses problèmes de genou, ses troubles alimentaires qu'elle attribue à son épuisement professionnel.

Elle soutient qu'elle a alerté son supérieur hiérarchique à plusieurs reprises, versant au débat un mail du 2 juillet 2019 dans lequel elle indique qu'elle est toujours sollicitée pour l'administratif qui lui prend un quart de son temps de travail sur une semaine déjà très chargée et lui demande de faire un point. Elle fait également état d'un mail du 1er mars 2019 dans lequel elle indique que les différentes tâches de son poste lui prennent un temps considérable, mais aussi d'un mail du 10 juillet 2019 dans lequel elle annonce à son supérieur (M. [R]) qu'elle est arrêtée pour épuisement professionnel, fait état du manque cruel du temps du fait qu'elle se retrouve à devoir exécuter une multitude de tâches sans jamais pouvoir traiter le fond du problème et qu'elle ne peut plus continuer à travailler de cette manière. Elle s'appuie également sur ses entretiens d'évaluation et notamment celui du 2 avril 2019 dans lequel elle indique constater un besoin pressant de l'entreprise d'une vraie cellule SAP-process achat forte de trois personnes.

Enfin, elle reproche à l'employeur un non-respect de l'obligation de sécurité en faisant valoir qu'aucune réponse concrète n'a été apportée à ses alertes.

La cour considère que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l'employeur de prouver qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

L'employeur fait valoir qu'en se fondant sur la surcharge de travail pour se plaindre d'agissements de harcèlement moral et réclamer des dommages-intérêts, Mme [S] sollicite une double indemnisation de son préjudice et doit donc être déboutée de sa demande. Cependant la cour rappelle que les mêmes faits peuvent donner lieu à plusieurs indemnisations s'ils entraînent des préjudices distincts de sorte que le moyen est inopérant d'autant qu'en l'espèce, Mme [S] sollicite un rappel de salaire et la réparation de son préjudice.

Sur le fond, l'employeur explique que Mme [S] s'est elle-même, de manière prématurée, assignée comme objectif de faire monter en puissance le SAP dans le but d'encourager son employabilité dans ce domaine, que contrairement à ce que la salariée allègue, elle n'a pas fait état d'une surcharge de travail dans ses entretiens d'évaluation, pas plus que dans les mails qu'elle produit et souligne qu'il a réagi dès le 1er avril 2019 lorsque Mme [S] a sollicité de l'aide auprès de M. [R], ajoutant encore que les éléments médicaux versés aux débats ne permettent pas d'établir un lien avec les conditions de travail de Mme [S] qui présentait des pathologies antérieures et a bénéficié d'un congé sabbatique pour ses projets personnels de voyage.

La cour considère que les éléments médicaux versés aux débats s'ils font état des doléances de Mme [S] auprès des différents médecins qui la suivent ne suffisent pas à établir l'épuisement professionnel allégué, le mi-temps thérapeutique préconisé par le médecin du travail en 2015 n'y suffisant pas non plus à défaut d'éléments établissant ses constatations sur les conditions de travail actuelles de Mme [S] alors qu'il ressort des éléments produits qu'elle présente des pathologies diverses (genoux, troubles alimentaires, dépression sans que le lien avec les conditions de travail ne soit caractérisé).

En revanche, contrairement à ce qu'affirme l'employeur, elle s'est plainte à plusieurs reprises de sa charge de travail ainsi que cela ressort des mails communiqués et même de l'entretien de performance individuelle portant sur l'année 2018 où elle déplore que son " poste s'est transformé en ligne d'assistance téléphonique pour SAP ouvert 24/7. Il existe un réel besoin d'assistance continue exprimer par les collaborateurs et une telle aide devrait leur être fourni. C'est juste que je n'en peux plus de le faire tout le temps moi-même ". L'employeur ne justifie pas avoir pris ces éléments en considération, la cour relevant que lors de l'entretien d'évaluation précité il mettait en avant un défaut d'organisation et une " énergie à canaliser sans les démontrer et sans justifier de sa réaction aux alertes de la salariée.

La cour retient en conséquence que Mme [S] en raison de sa surcharge de travail et de l'absence de réaction de l'employeur à ses alertes, non justifiées par des éléments objectifs étrangers au harcèlement moral, a bien été victime d'agissements répétés de harcèlement moral de la part de l'employeur.

Mme [S] réclame la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice en faisant valoir que le harcèlement moral qu'elle a subi a été intensif par surcharge de travail. La cour condamne la société Chloé à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts suffisant à réparer son entier préjudice.

Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité :

L'employeur tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité. Ne méconnaît pas cette obligation l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Mme [S] indique que les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité sont indépendants du harcèlement moral que si par extraordinaire la cour ne condamne pas la société Chloé pour harcèlement moral, elle devra constater les manquements à l'obligation de sécurité de l'employeur compte tenu de la gravité de la dégradation de son état de santé et ce alors que la société Chloé n'a pris aucune mesure concrète malgré ses alertes. Elle sollicite une somme de 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice dans le dispositif de ses conclusions sans indiquer qu'il s'agit d'une demande présentée à titre subsidiaire. La cour bien qu'ayant accordé des dommages-intérêts à Mme [S] au titre du harcèlement moral s'estime donc saisie de cette demande.

La société Chloé conclut au débouté.

La cour relève cependant que Mme [S] n'a pas alerté l'employeur des agissements de harcèlement moral qu'elle subissait, de sorte qu'elle ne peut valablement lui reprocher d'avoir manqué à son obligation de prévention en la matière. La cour n'a pas davantage considéré que les certificats médicaux produits au dossier suffisaient à établir que l'état de santé de Mme [S] était la conséquence de ses conditions de travail. En revanche, la surcharge de travail et l'absence de réaction de l'employeur à ses alertes sur ce point ont été prises en compte au titre des éléments de fait constitutifs d'agissements de harcèlement moral, de sorte que Mme [S] ne justifie pas du préjudice distinct qu'elle allègue à l'appui de sa demande de dommages-intérêts. Elle est déboutée de cette demande et le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation d'adaptation et de formation :

L'article L. 6321-1 du code du travail dispose que : " L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des têtes pneumologie et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences y compris numériques ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences définies par décret.

Les actions de formation mises en 'uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant par le plan de développement des compétences mentionnées au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences. "

Mme [S] fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié d'une adaptation de son poste de travail régulière et sérieuse et qu'en sept ans, elle a seulement obtenu une formation " Brand book " en octobre 2013, un bilan de compétences, une formation Excel en 2018 ainsi qu'une formation de deux heures destinée à lui présenter le fonctionnement d'un système de gestion des archives et réclame réparation de son préjudice à hauteur de la somme de 5 000 euros.

De son côté, la société Chloé conclut au débouté en faisant valoir que la salariée a bénéficié de formations en 2013, 2016, 2017, 2018 et 2019 et que la hiérarchie avait fait droit à la demande de formation SAP de Mme [S] présentée en janvier 2019 puisque la formation avait débuté en juin et qu'elle devait se poursuivre sur la cession de septembre, octobre et novembre 2019.

La cour considère que le refus de formation SAP n'est pas démontré et que les formations suivies les années précédentes par la salariée suffisent à démontrer que l'employeur a rempli son obligation d'assurer l'adaptation et la formation de Mme [S] prévue par l'article L. 6321-1 du code du travail. La demande de dommages-intérêts est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de ce chef de demande.

Sur la demande de requalification des fonctions de Mme [S] en responsable processus P2P SAP-groupe VI niveau C de la convention collective :

La qualification, mais également la catégorie à laquelle appartient un salarié, se détermine en fonction des tâches réellement exercées par celui-ci, les juges n'étant pas liés par celles figurant dans le contrat de travail. La charge de la preuve de la qualification revendiquée pèse sur le salarié. L'appréciation des fonctions exercées par le salarié relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

Mme [S] indique que lorsqu'elle a présenté sa démission, elle était classée cadre B, coefficient V dans ses fonctions de coordinatrice finance ce qui correspond à la famille gestion/administration de la convention collective, chef de projet informatique ou encore responsable des services généraux. Elle soutient que ces fonctions sont inférieures à celles qu'elle exerçait réellement dès lors qu'elle était autonome et force de proposition et d'organisations diverses ainsi que la société Chloé le reconnaît elle-même puisque dans l'évaluation portant sur l'année fiscale 2019 (1er avril 2018-31 mars 2019), il est indiqué qu'elle devait rédiger le rapport sur la piste d'audit fiable en juin 2018 pour la partie avant SAP, qu'elle a effectué ce travail en autonomie en étroite collaboration avec le responsable de département concerné et effectué une revue complète de la documentation avec une correction détaillée et bien documentée (objectifs année fiscal 2019 déjà citée). Elle s'appuie également sur l'annonce comprenant un descriptif de ses tâches et sur des mails échangés qui établissent selon elle qu'elle était force de proposition et de solution en vue d'optimiser les besoins de l'entreprise dans le domaine SAP P2P et qu'elle justifie donc d'un coefficient 6/7 dans la famille gestion administration correspondant à " responsable informatique : rechercher et proposer des solutions adaptées aux différents besoins informatiques de l'entreprise en matière de matériel, de logicielle architecture, de réseau en vue d'optimiser les traitements et les systèmes informatiques ".

La société Chloé conclut au débouté en faisant valoir que la description des tâches dans une annonce n'est pas la démonstration de l'exercice concret des tâches du salarié et soutient que Mme [S] occupait un poste correspondant bien au groupe V, ainsi qu'elle a été classée, aucun élément produit ne démontrant qu'elle accomplissait des tâches et fonctions relevant du groupe 6/7 qu'elle revendique.

La cour relève que le niveau de classification revendiqué par la salariée correspondant au groupe 6/7 est décrit, outre ce qu'elle indique, comme comportant les activités principales suivantes :

- analyse des besoins de l'entreprise en France et à l'international,

- établissement des cahiers des charges en liaison avec les opérationnels,

- sélection des prestataires,

- planification et contrôle des mises en place des matérielles et logiciels, et des rendez-vous

suivi du parc matériels et logiciels,

- veille sur les nouvelles technologies;

A l'appui de sa revendication, Mme [S] produits différents mails échangés entre janvier et juin 2019 dont elle soutient qu'ils établissaient ses missions :

- d'assistante à la directrice administrative et financière mais la cour relève que ces mails ne suffisent pas à démontrer sa prétention dès lors qu'ils consistaient en réalité essentiellement à gérer des agendas et des dates de rendez-vous,

- de consolidation des rapports annuels et semi annuels mais la cour relève que les quelques mails produits qui sont relatifs à la transmission d' informations ou par lesquels elle demande à ses interlocuteurs de compléter des documents ou encore sollicite l'aide d'un tiers pour préparer une présentation pour exemples ne suffisent pas à démontrer qu'elle relevait du niveau revendiqué tandis qu'au contraire, ils se rattachent bien au groupe V auquel elle a été affectée comprenant comme tâche : " élaboration, coordination et contrôle des procédures comptables établissement des bilans et comptes de résultat et consolidation, établissement des déclarations fiscales coordination des intervenants extérieurs pour l'élaboration et la présentation des documents comptables. ",

- de présentation de fiches maisons mais la cour observe que si Mme [S] a participé à l'élaboration de telles fiches et de tels rapports ce qui est d'ailleurs relevé dans son évaluation, cela ne suffit pas à démontrer qu'elle relevait du groupe 6/7 revendiqué ni son rôle majeur dans l'élaboration de ses fiches,

- de conception, élaboration de séminaires, les mails qu'elle produit par lesquels elle transfère des pièces ou en reçoit d'autres ou prend un rendez-vous ou reçoit une proposition pour un dîner en espace privé ne suffit pas à démontrer qu'elle sélectionnait les prestataires à titre habituel,

- sur la mission NDF DA la cour observe que les mails qu'elle produit et qui concernent des transmissions de factures relèvent bien de son activité de contrôle finance et de son classement au groupe V,

- d'assistant du service, Mme [S] ne justifie pas en quoi ces fonctions relèvent du groupe 6/7 revendiqué,

- de responsable de droit de signature : il en est de même sur ce point dès lors qu' en réalité les mails qu'elle produit établissent qu'elle demandait aux responsables de service de respecter les droits d'engagement, ce qui ressort du groupe V auquel elle a été classée,

- de gestionnaire des matrices NSP0, les échanges de mails produits en date du 14 janvier 2019 qui concernent des changements de fichiers ne suffise pas à établir ni qu'elle était responsable de cette gestion ni que cela relevait du groupe 6/7, tandis qu'au contraire, ils correspondent au groupe de classement appliqué. Il en est de même s'agissant de la gestion de matrices SPO puisqu'elle ne démontre pas que cette validation dont elle affirme qu'elle a la charge dans un mail du 28 septembre 2018 relevait en réalité du groupe 6/7,

- de responsable Master data, mais l'échange de mails qu'elle communique en date du 24 mai 2019 qui concerne une tentative de fraude n'établit pas que elle exerçait la mission revendiquée,

- de gestionnaire des droits d'accès des utilisateurs mais la cour considère que les mails qu'elle produit démontrent qu'elle se référait aux instructions qui lui étaient données et qu'elle transmettait pour validation de sorte que l'autonomie revendiquée n'est pas établie,

- de gestionnaire des matrices, la cour observe que les quelques mails produits n'établissent ni le rôle majeur que s'attribue la salariée ni que ce cette gestion relevait du groupe revendiqué.

- de vérification de conformité des requêtes, Mme [S] produit des copies de fichiers qui ne suffisent pas à établir les prétentions revendiquées

- d'assistance aux utilisateurs , la cour relève que si les quelques mails communiquées établissent une telle assistance, cette fonction ne relève pas des missions rôle du groupe revendiqué.

- de la préparation et de la diffusion de documents de support compte tenu des fonctions de d'assistante du département finance de Mme [S], cette mission relève bien du groupe V et de son rôle de corrordinatrice,

- de pilotage des dossiers bloqués et complexes, la cour relève que les échanges de mails communiqués ne suffisent pas à établir la complexité des dossiers en question ni le rôle déterminant que s'attribue la salariée ni que l'aspect technique ne relevait pas de sa mission d'assistante finance.

- du SAP comptabilité facturation, le développement en puissance de Mme [S] dans ce service reconnu par l'employeur dans le cadre des évaluations comme il a été rappelé ci-dessus n'établit pas davantage que la mission de Mme [S] relevait essentiellement du groupe 6/7revendiqué

En définitive, la cour considère que Mme [S] ne démontre pas qu'elle exerçait in concreto des fonctions relevant du groupe 6/7, tandis qu'au contraire la classification au groupe V correspond à ses fonctions, de sorte que toutes les demandes qu'elle présente au titre de cette classification revendiquée sont rejetées. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces chefs de demande.

Sur la demande présentée au titre du rappel de prime d'ancienneté :

Mme [S] sollicite un rappel de prime d'ancienneté de 61,56 euros tenant compte de la réactualisation de son salaire mais la cour la déboute de cette demande étant observé que la convention collective dans son article 49 en vigueur lors de l'exécution du contrat de travail exclut les heures supplémentaires de l'assiette de la prime d'ancienneté. La demande est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de ce chef.

Sur le rappel de prime d'objectif au prorata de la présence de la salariée du 1er avril au 16 octobre 2019 :

Mme [S] explique que l'avenant du 3 décembre 2013 prévoit une rémunération variable pouvant atteindre 10 % de la rémunération brute annuelle calculée en fonction de l'atteinte des objectifs quantitatifs et qualitatifs définis au début de chaque exercice fiscal courant du 1er avril de l'année N au 31 mars de l'année N +1, versée au plus tard au mois de juin de chaque année. Elle soutient que pour la période du 1er avril au 16 octobre 2019, elle n'a perçu aucune prime d'objectif alors qu'il ressort selon elle de l'extrait d'entretien annuel du 4 novembre 2019 et des courriels qu'elle communique qu'elle avait rempli la plupart de ses objectifs. Elle réclame donc la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 3 427,50 euros outre 342,75 euros au titre des congés payés afférents au prorata de sa présence, invoquant un usage en ce sens découlant des mentions du contrat de travail.

La société Chloé s'oppose à la demande en faisant valoir que Mme [S] a reçu une prime d'objectif de 5 125 euros pour la période courant jusqu'en juin 2019, que l'entretien dont elle se prévaut portait sur l'exercice fiscal du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, exclu de la demande qu'elle présente, laquelle porte sur la période courant d'avril 2019 à octobre 2019. Elle conteste l'usage invoqué par la salariée lui permettant de percevoir la prime au prorata temporis puisque le contrat de travail ne la prévoit que pour la première année de versement c'est-à-dire 2013/2014 et qu'au surplus, elle a déjà été rémunérée au titre de sa rémunération variable par le versement des indemnités journalières de sécurité sociale qui sont assises sur la rémunération variable puisque calculées sur la moyenne de salaire perçue au cours des derniers mois de l'année.

La cour observe que le contrat de travail prévoit qu'un bonus sur objectifs pouvant atteindre 10 % de la rémunération brute mensuelle pourra être versé à Mme [S], que ce bonus est calculé en fonction de l'atteinte des objectifs quantitatifs et qualitatifs définis au début de chaque exercice fiscal après appréciation de la performance de la salariée, que l'exercice fiscal court du 1er avril de l'année N au 31 mars de l'année N +1 et que le bonus sera versé au plus tard au mois de juin de chaque année. Il est également précisé qu'en cas d'absence de fixation d'objectifs quantitatifs et/ou qualitatifs au début de l'exercice fiscal, le silence des parties ne sera en aucun cas considéré comme une reconduction des objectifs de l'année précédente, mais manifestera une absence d'accord sur le versement d'un quelconque bonus. Enfin, le contrat précise que " les premiers objectifs de [Mme [S]] seront définis à compter de l'exercice fiscal 2013/2014. En ce qui concerne l'année fiscale 2013/2014, le bonus sera versé au prorata temporis de la durée du contrat à durée indéterminée ".

La cour relève que le bonus litigieux constitue la partie variable de la rémunération versée à la salariée en contrepartie de son activité de sorte qu'elle s'acquiert au fur et à mesure et que Mme [S] dont le départ est antérieur au versement de la prime ne peut être privée d'un élément de sa rémunération auquel elle pouvait prétendre au prorata de son temps de présence.

La société ne peut valablement arguer de ce que Mme [S], ayant perçu des indemnités journalières calculées sur la base de sa rémunération précédant son arrêt de travail et englobant la partie variable de sa rémunération, a déjà perçu celle-ci puisqu'il ne s'agit pas de la même période ouvrant droit au bonus.

La cour condamne en conséquence la société à lui payer à ce titre le somme de 2 679,24 euros outre 267,92 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de jeu de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la durée légale de travail :

Mme [S] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en faisant valoir que la société Chloé a exigé d'elle qu'elle accomplisse de très nombreuses heures supplémentaires au-delà de la durée légale de travail mais la cour considère au regard de la solution du litige et des heures supplémentaires retenues que le dépassement des durées légales de travail n'est pas établi de sorte que Mme [S] est déboutée de sa demande. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la qualification de la rupture :

La cour rappelle que l'acte par lequel un salarié notifie à l'employeur sa démission en lui imputant divers manquements contractuels comme c'est le cas en l'espèce, s'analyse comme une prise d'acte de la rupture du contrat de travail. Cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les manquements de l'employeur sont établis ou d'une démission dans le cas contraire.

La cour a retenu que Mme [S] avait été victime d'agissements de harcèlement moral à l'origine de la prise d'acte de sorte que celle-ci produit les effets d'un licenciement nul.

Sur les conséquences de la rupture :

Sur les conséquences financières de la rupture :

Sur l'indemnité pour licenciement nul :

Mme [S] sollicite à titre principal la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 79 095,60 euros et subsidiairement 68 850 euros, encore plus subsidiairement 31 638,24 euros et encore plus subsidiairement 27 540 euros.

La société conclut au débouté.

En application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, en cas de nullité du licenciement, l'article L 1235-3 n'est pas applicable et l'indemnité due au salarié au titre de la nullité du licenciement ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Eu égard à l'âge de Mme [S] (née en 1984) à son ancienneté dans l'entreprise (embauche le 7 octobre 2013), au montant de sa rémunération mensuelle brute, aux circonstances de la rupture, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure à celle-ci (formation professionnelle en septembre 2023), la cour condamne la société Chloé à lui verser une somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur l'indemnité légale de licenciement :

Sur la base de son salaire réactualisé, Mme [S] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 7 250,43 euros subsidiairement, 6311,25 euros.

La société conclut au débouté.

La cour ayant fixé le salaire de référence à la somme de 4 946,30 euros, la société Chloé est condamnée à payer à Mme [S] la somme de 6 801,13 euros. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

L'article 3 de l'avenant n° 5 du 5 avril 2012 relatif à l'annexe cadre prévoit un délai-congé de 3 mois. La cour condamne en conséquence la société Chloé à payer à Mme [S] la somme de 14 838,9 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 483,89 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de ce chef de demande.

Sur l'application de l'article L 1235-4 du code du travail :

Il est fait d'office application de l'article L 1235-4 du code du travail et la société Chloé doit rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [S] depuis la rupture jusqu'à ce jour dans la limite de trois mois.

Sur la demande reconventionnelle de la société Chloé :

La société Chloé demande à la cour, si elle devait déclarer sans effet la convention de forfait, d'ordonner à Mme [S] qui a bénéficié de 12,04 jours de repos forfait jours en 2018 et de 3,5 3,5 jours de repos forfait jours en 2019 d'en ordonner le remboursement à hauteur de la somme de 3 944,52 euros.

Mme [S] demande demande à la cour de fixer le montant de la somme due au titre des jours de repos pris à la somme de 3 291,52 euros sans présenter de moyens à l'appui de ce calcul et d'ordonner la compensation avec le rappel de salaire fixé par la cour.

La cour rappelle que dès lors que lorsque la convention de forfait jours à laquelle le salarié est soumis est privée d'effet, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordé en exécution de ladite convention devient indu et donne lieu à répétition.

Au vu des bulletins de paie communiqués, la cour condamne en conséquence Mme [S] à payer à la société Chloé la somme de 3 944,52 euros au titre du remboursement de l'indû. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté la société Chloé de ce chef de demande.

Sur la demande de compensation :

Dés lors que les parties sont condamnées, réciproquement l'une envers l'autre, la cour les renvoie à faire leurs comptes dans le cadre de l'exécution de la présente décision.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation soit le 25 juin 2020 et les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont due à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

La cour ordonne à la société Chloé de remettre à Mme [S] un bulletin de paie récapitulatif conforme au jugement, le certificat de travail et le solde de tout compte conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte. La demande en ce sens est rejetée.

La société Chloé, partie perdante est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et doit indemniser Mme [S] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée et Me Judith Bouhana étant autorisée à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [D] [S] de la demande qu'elle présentait au titre de l'indemnité compensatrice de repos compensateur et congés payés afférents, de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de sa demande de requalification de ses fonctions en responsable processus P2P SAP groupe VI niveau C de la convention collective et de l'ensemble des demandes qui découlaient de cette requalification, de ses demandes de rappel de prime d'ancienneté, dommages-intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité, dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation d'adaptation et de formation, dommages-intérêts pour non-respect de la durée légale du travail,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la convention de forfait en jours est privée d'effet,

Condamne la société Chloé à payer à Mme [D] [S] les sommes de 7 482,49 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période comprise entre le 1er janvier 2018 et le 9 octobre 2019 outre 748,24 euros au titre des congés payés afférents,

Fixe le salaire mensuel brut moyen de Mme [D] [S] à la somme de 4 946,30 euros brut,

Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul,

Condamne la société Chloé à verser à Mme [D] [S] les sommes de :

- 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 6 801,13 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 14 838,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 483,89 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

- 2 679,24 euros à titre de rappel de prime d'objectif pour la période courant du 1er avril au 16 octobre 2019 outre 267,92 euros au titre des congés payés afférents

- 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice pour harcèlement moral,

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 25 juin 2020 et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière,

Condamne Mme [D] [S] à payer à la société Chloé la somme de 3 944,52 euros au titre de la répétition de l'indu correspondant aux jours de RTT payés sur la période 2018-2019,

Renvoie les parties à faire leurs comptes au titre de leurs condamnations réciproques,

Ordonne à la société Chloé de remettre à Mme [D] [S] un bulletin de paie récapitulatif, l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et un solde de tout compte conformes à la présente décision,

Déboute Mme [D] [S] du surplus de ses demandes et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Chloé,

Condamne la société Chloé aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Chloé et à verser à Mme [D] [S] une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et autorise Me Judith Bouhana à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09781
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.09781 ?
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