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14/03/2024 | FRANCE | N°21/09749

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 14 mars 2024, 21/09749


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 14 MARS 2024



(n° 2024/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09749 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXEK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/00955





APPELANTE



Madame [U] [M]

[Adresse 2]

[LocalitÃ

© 4]

Représentée par Me Olivier POUEY, avocat au barreau de LYON, toque : 1129



INTIMEE



S.A.S LUXURY OF RETAIL anciennement dénommée S.A.S.U. RETAIL EXCELLENCE 4

[Adresse 1]

[L...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 14 MARS 2024

(n° 2024/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09749 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXEK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/00955

APPELANTE

Madame [U] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier POUEY, avocat au barreau de LYON, toque : 1129

INTIMEE

S.A.S LUXURY OF RETAIL anciennement dénommée S.A.S.U. RETAIL EXCELLENCE 4

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Rémy RUBAUDO, avocat au barreau de PARIS, toque : B 916

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [U] [M] a été embauchée par la société Retail excellence 4 par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 24 août 2017 en qualité de responsable de magasin, statut agent de maîtrise, niveau VI, échelon 3 de la convention collective de commerces de gros du 23 juin 1970, applicable à la relation de travail. Depuis le 14 octobre 2019, elle exerçait ses fonctions au sein du magasin L'Oréal outlet situé à l'Île-Saint-Denis. En dernier lieu, elle percevait une rémunération mensuelle brute fixe de 2 450 euros pour une durée de travail de 151,67 heures.

Par courrier remis en main propre le 29 septembre 2020, lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 octobre 2020 puis s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier recommandé du 13 octobre 2020. L'employeur lui reprochait en substance un non-respect des règles relatives aux encaissements par carte bancaire, un non-respect des consignes et règles d'hygiène liées à la crise sanitaire, des propos et attitude irrespectueux envers la clientèle et des actes répétés de harcèlement moral à l'encontre de son équipe.

La société employait au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 2 février 2021. Par jugement du 2 novembre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section commerce, a débouté Mme [M] de l'ensemble de ses demandes et la société Retail excellence 4 de sa demande reconventionnelle.

Mme [M] a régulièrement relevé appel du jugement le 25 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante notifiées par voie électronique le 18 février 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [M] prie la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Retail excellence 4 à lui verser les sommes de :

* 10 930,84 euros net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 465,42 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 546,54 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 220,32 euros net à titre d'indemnité de licenciement,

* 16 396,26 euros net de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Retail excellence 4 aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée n°1 notifiées par voie électronique le 17 mai 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Retail excellence 4 prie la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire que le licenciement est fondé sur une faute grave,

- débouter Mme [M] de ses demandes,

- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 octobre 2023.

MOTIVATION :

Sur le bien fondé du licenciement :

La lettre de licenciement, fixant les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

" ['] nous vous avons ensuite rappelé qu'en date du 18 septembre 2020, une enquête de la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) de la société Retail excellence 4 a été réalisée au sein du magasin dont vous avez la responsabilité. ['] Cette enquête faisait suite à plusieurs courriers, adressés au service Ressources Humaines de la société Retail excellence 4, et reçus entre le 04 et 10 septembre 2020, nous alertant sur des comportements constitutifs de harcèlement moral de votre part sur l'équipe du magasin, ainsi que des attitudes, comportements et propos inappropriés envers la clientèle qui révèlent le non-respect des procédures internes et des consignes liées au Covid-19. Au cours de cette enquête, l'ensemble des salariés présents dans les effectifs du magasin à la date de cette action ont été entendus y compris vous-même.

Nous vous avons rappelé que lors de l'exercice de vos fonctions sur le magasin de la marque Nyx professional Make-up [Adresse 6], une première enquête avait déjà été réalisée en date du 16 novembre 2018, suite à des signalements du même acabit. Cette enquête avait révélé deux typologies de discours de la part des salariés auditionnés, certains confirmaient les signalements alors que pour d'autres vos agissements et propos n'étaient pas considérés comme du harcèlement moral mais simplement une manière particulière de vous comporter. La direction avait alors pris votre parti, en décidant de ne pas vous sanctionner et vous avait alors demandé de veiller à mettre en place une communication adaptée et professionnelle.

Dans le cadre de la présente enquête, les courriers reçus et les éléments récoltés au cours des entretiens vont tous dans le même sens et qualifient un harcèlement moral de votre part, une attitude inappropriée vis-à-vis de la clientèle et un non-respect des procédures.

Enfin, nous vous avons rappelé qu'en date du 29 septembre 2020, je vous ai reçue en entretien, en présence de Mme [R] [W], Directrice Régionale pour la restitution de l'enquête à l'issue de laquelle je vous ai remis votre convocation à entretien préalable assortie d'une mise à pied conservatoire au regard de la gravité des faits établis.

Les éléments récoltés dans le cadre de cette enquête nous ont permis d'établir les faits reprochés. Nous vous les avons alors exposés.

Tout d'abord, les différentes auditions révèlent le non-respect des procédures que vous devez appliquer auprès de la clientèle et le non-respect des consignes liées au Covid-19. En effet, les courriers mentionnent que vous avez régulièrement refusé et que vous avez demandé aux membres de l'équipe de refuser les encaissements en carte bancaire inférieurs à quinze euros alors que la procédure interne relative aux encaissements stipule qu'ils sont acceptés dès un euro d'achat.

Il ressort également des auditions que vous avez, à plusieurs reprises, utilisé à l'égard de la clientèle, un vocabulaire inapproprié allant jusqu'aux insultes (" conne, pute, je vais la violer ") et que vous teniez des propos mensongers pour réaliser vos ventes.

Par ailleurs, certains de vos comportements envers la clientèle, inadaptés, agressifs et inacceptables, ont été mentionnés tels que fermer la grille d'entrée du magasin afin que les clients payent leurs articles, arracher des mains le panier d'une cliente dont l'attitude ne vous convenait pas, appeler le personnel de sécurité du centre commercial afin de faire payer les clients qui avaient ouvert un produit pour le toucher. En outre, il a été rapporté que vous avez à de nombreuses reprises porté sur la surface de vente et ce en présence des clients, votre masque sans que ce dernier ne couvre ni votre nez et votre bouche.

Nous vous avons rappelé que l'article 13 concernant les dispositions générales du règlement intérieur de la société, qui vous a été remis et dont vous avez attesté avoir pris connaissance lors de votre embauche, stipule que " le personnel doit avoir une attitude correcte vis-à-vis de la clientèle et s'abstenir de tout comportement susceptible de porter atteinte à la qualité de la relation clientèle ['] ou à l'image de la société et des marques qu'elle représente ". Nous vous avons également rappelé qu'en date du 05 mai 2020, une communication a été transmise par mes soins à l'ensemble des salariés du réseau de magasin afin de les informer des consignes à respecter dans le cadre de la réouverture des magasins. Cette communication permettait à l'ensemble des salariés de suivre des formations e-learning, concernant l'application des gestes barrières parmi lesquels le mise en place et le retrait du masque et ce en visionnant des vidéos.

Vos agissements, manifestement non professionnels et inadaptés, sont inacceptables et sont fortement préjudiciables pour l'image de notre entreprise et celle de la marque que vous représentez. Ils révèlent un mépris flagrant des obligations élémentaires que doit respecter tout salarié de notre société dans son environnement de travail et qui sont rappelées dans l'article 12 de votre contrat de travail.

Les différentes auditions révèlent ensuite des attitudes, comportements et propos constitutifs de harcèlement moral.

En effet, les salariées interrogées nous ont fait part de vos menaces de mutation parce que vous estimiez que le travail de votre équipe ne répondait pas à vos attentes. Elles ont également évoqué les insultes qui leur étaient adressées de manière directe lorsqu'un membre de l'équipe ne comprenait pas l'une de vos consignes (" t'es conne ou quoi ' ") et de manière indirecte lorsque les salariées n'étaient pas présentes puisqu'en repos et que vous pariez d'elles aux autres membres de l'équipe (" cette pute ").

Dès lors, vos agissements managériaux, tant dans votre discours que dans vos comportements, dévalorisants et désobligeants, ont pour conséquence principale une réelle dégradation des conditions de travail pour votre équipe. Vos comportements excessifs et inadaptés ainsi que vos propos diffamatoires ont mis à mal la santé mentale des membres de votre équipe. Cette dernière exprime des difficultés dans l'exercice de leurs fonctions avec pour principal effet l'altération de leur motivation quotidienne et de leur bien-être dans leur environnement de travail, produisant ainsi des arrêts maladie et, au moins pour l'une d'entre elles, la volonté de ne pas poursuivre dans l'exercice de son contrat de travail.

Ces faits constituent une violation des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail qui stipule ['].Nous vous rappelons que ledit article est à la fois rappelé dans l'article 25 du règlement intérieur de la société qui vous a été remis et dont vous avez attesté avoir pris connaissance lors de votre embauche, et dans les dispositions relatives au harcèlement au travail, ces documents étant affichés sur les panneaux d'affichage obligatoires dans les arrières des magasins.

Nous ne pouvons tolérer de tels agissements, qui dénotent d'un manque de respect notoire, d'une volonté d'intimidation de votre équipe et d'un manquement grave aux obligations légales auxquelles vous êtes tenue dans le cadre de votre fonction de Responsable de Magasin.

Au moment du recueil de vos explications, vous avez dans un premier temps exprimé le fait de rien avoir à dire dans la mesure où vous n'aviez pas d'autres explications à fournir que celles évoquées lors de la restitution de l'enquête et que vous n'étiez pas en mesure de parler car, je cite, " vous étiez sous le choc de ce que vous avez entendu ".

Nous vous avons alors précisé, y compris le membre élu du Comité Social et Economique que l'entretien préalable a pour vocation principale de recueillir vos explications quant aux faits qui vous sont reprochés. Ce sont les explications exprimées au cours de l'entretien qui sont prises en compte par l'employeur afin qu'il puisse rendre sa décision et ce en respectant les délais légaux.

Vous avez alors répondu en réfutant l'ensemble des faits reprochés saufs celui de la fermeture de la grille en précisant qu'il s'agissait d'un vol et que ce n'est pas vous qui avez fermé la grille. Vous avez également ajouté que la première enquête, ayant eu lieu sur le magasin de [Adresse 6], n'avait rien avoir avec celle-ci. Qu'il s'agissait d'une seule salariée, et que c'était sa parole contre la vôtre. Vous avez ensuite affirmé ne jamais avoir insulté vos clients, ni votre équipe, ni vos collègues et toujours avoir portez votre masque.

Les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas paru convaincantes au regard des éléments de preuve relevés au cours de l'enquête et des courriers reçus. Ainsi, le non-respect des dispositions légales du Code du Travail, du règlement intérieur et de votre contrat de travail rendent impossible votre maintien dans l'entreprise et constituent une faute grave. ['] ".

La faute grave est celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail, la charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

La société soutient que le licenciement est justement fondé et explique avoir reçu entre le 4 et le 10 septembre 2020 plusieurs courriers de collaborateurs l'alertant du comportement inacceptable de Mme [M], tant à leur encontre qu'à l'égard de la clientèle. Elle verse aux débats trois courriers émanant de salariées en poste à l'Île-Saint-Denis ou l'ayant été et retraçant :

- pour l'une, adjointe de Mme [M], l'historique de ses relations et du comportement de cette dernière depuis son l'arrivée dans la boutique en octobre 2019 dont il ressort qu'elle s'est fait injurier et traiter de "conne" à plusieurs reprises, de "nulle", devant une autre salariée ou s'est vu reprocher son travail qualifié de "merde"; qu'elle a fait pleurer une cliente, s'est disputée avec une autre et les a traitées de 'folle' et de " connasse " en parlant d'elles à cette salariée, à qui elle a également parlé d'une stagiaire en la traitant de "pute", qu'elle a également voulu chasser une cliente du magasin en cherchant à lui arracher son panier et a menacé une salariée prénommée [B] en public de mettre à terme à son contrat si elle continuait à parler à cette cliente,

- pour l'autre, le comportement à son égard de Mme [M] lorsqu'elle était en contrat d'apprentissage au sein du magasin, entre le 30 septembre 2019 et le 30 août 2020, date à laquelle elle explique avoir rompu son contrat pour ces raisons. Elle fait état des insultes envers l' adjointe dans les termes repris dans la lettre de licenciement et dans le courrier de celle-ci ci-dessus évoqué mais également des propos racistes à l'encontre de celle-ci " derrière son dos'. Elle signale que lorsqu'une cliente entrait dans le magasin, elle pouvait dire à ses collaboratrices " je vais la violer celle-là tu vas voir ", qu'elle refusait régulièrement d'encaisser par carte bancaire des achats de moins de 5, 10 ou 15 euros et qu'elle cherchait par tous les moyens à forcer les clientes à acheter des produits qu'elles avaient ouverts pour les sentir en les insultant ou en fermant la grille pour les empêcher de sortir. Enfin elle précise qu'elle portait son masque sous le nez ou ne le mettait pas quand elle se tenait derrière la caisse et fait état des menaces de Mme [M] de lui changer son planning et de la faire terminer tous les samedis à 20h30,

- pour la troisième, conseillère de vente, une détérioration de l'ambiance du magasin depuis l'arrivée de Mme [M] qui s'est énervée contre une cliente en lui disant " tu sors de mon magasin elle est folle celle-là " et en lui arrachant le panier des mains, faisant des commentaires déplaisants sur le physique des clients " cette grosse, ce moche, cette pute, cette salope, ce clando ", faisant pleurer une cliente dans les circonstances déjà rapportées dans un des courriers précédemment analysés, refusant l'encaissement par carte bancaire en-dessous de 10 euros et utilisant l'expression violer les clients pour exprimer qu'elle a fait un beau panier. Elle raconte qu'une fois, Mme [M] a fait un doigt d'honneur dans le dos d'une cliente. Enfin elle explique avoir été elle-même menacée d'être mutée à [Localité 5] " comme ça tu seras fatiguée de faire le trajet et tu donneras ta démission " elle confirme les insultes proférées à l'encontre de l'adjointe et de la stagiaire.

L'employeur s'appuie également sur le compte rendu de l'enquête du CSSCT réalisée le 18 septembre 2020 au cours de laquelle ont été entendues plusieurs salariées dont l'adjointe et la conseillère de vente qui ont adressé à l'employeur les courriers ci dessus évoqués et dont il ressort qu'elles en ont confirmé les termes, ainsi que Mme [M] qui a contesté les faits et évoqué l'hypothèse d'un complot. La CSSCT a conclu son enquête en écrivant que " l'équipe est en grande souffrance a peur de [U] et des potentielles représailles qu'elle pourrait faire ['] selon nous il n'y a pas de doute sur le fait qu'il y a bien harcèlement moral de [U] vis-à-vis de son équipe. Il est impératif d'agir vite et de protéger l'équipe de ce harcèlement constant ".

L'employeur communique encore le règlement intérieur dont l'article 13 stipule que " le personnel doit avoir une attitude correcte vis-à-vis de la clientèle et s'abstenir de tout comportement susceptible de porter atteinte à la qualité de la relation clientèle (par exemple : mâcher un chewing-gum, téléphoner, lire,') ou à l'image de la société et des marques qu'elle représente ; "

De son côté, Mme [M] soutient que :

- le grief de harcèlement moral à l'encontre de ses collaborateurs est absurde puisqu'elle était à l'écoute de son équipe notamment en aménageant les horaires de travail pour s'adapter au mieux à leurs besoins et que le magasin dont elle avait la gestion était le premier du réseau en termes d'indicateurs commerciaux communiquant le chiffre d'affaires de la boutique ce qui, selon elle, implique qu'il y avait une bonne entente entre les différents membres de l'équipe,

- ses relations professionnelles passées n'ont pas révélé le moindre acte de harcèlement moral à l'encontre des membres de son équipe s'appuyant sur deux attestations en ce sens d'anciennes collaboratrices louant ses compétences professionnelles et la bonne ambiance de travail,

- les reproches formulés par l'employeur sont contredits par les SMS qu'elle verse aux débats entre décembre 2019 et septembre 2020 et qui font apparaître une grande bienveillance de sa part envers son équipe et notamment son adjointe ou l'apprentie. Elle soutient que le CSSCT a été induit en erreur par les mensonges de ses subordonnées et n'a pas eu connaissance des SMS qu'elle communique dans le cadre de la procédure,

- une cabale a été montée à son encontre car il y avait une excellente ambiance au sein de la boutique comme le démontrent les échanges de SMS avec Mme [E] qu'elle verse au débat dont il ressort qu'elle a répondu à cette dernière qui lui indiquait qu'elle serait absente pour cause de maladie le 27 décembre 2019 " OK pas de soucis repose-toi bien' et qu'elle a a pris de ses nouvelles le 29 décembre,

- le grief portant sur son comportement envers la clientèle est tout aussi inadmissible car elle a toujours eu une attitude très professionnelle se traduisant notamment par les très bons chiffres du magasin où elle a été mutée. Elle demande d'ailleurs que soit communiqué par la société le chiffre d'affaires de la boutique depuis qu'elle l'a quittée. A cet égard cependant, la cour observe que cette demande n'est pas formée dans le dispositif des conclusions de sorte qu'elle n'en est pas saisie,

- les griefs portant sur le non-respect des consignes liées à l'épidémie de Covid-19 sont fallacieux d'autant qu'elle est asthmatique et a toujours veillé à protéger sa santé et celle des autres ainsi que cela ressort des certificats médicaux qu'elle communique dont il ressort qu'elle souffre d'asthme et d'épilepsie (certificat médical du 6 janvier 2021),

- le grief consistant à avoir fermé la grille pour que les clients ne puissent pas partir sans payer n'est pas exact dans la mesure où elle n'a pas pris l'initiative de cette fermeture car ce sont les agents de sécurité qui le lui ont demandé en raison d'une suspicion de vol au sein du magasin.

La cour considère cependant les courriers des salariées font état de façon précise et concordante d'un comportement de leur responsable inacceptable tant à leur égard qu'à l'égard de la clientèle, que leurs écrits ont été confirmés lors de l'enquête du CSSCT et que les éléments communiqués par Mme [M] sur son chiffre d'affaires ou son attitude passée ou même la cordialité affichée dans les quelques messages SMS communiqués ne suffisent pas à les contredire. Les faits révèlent un comportement injurieux et humiliant envers les salariées caractérisant le grief de harcèlement moral allégué et une attitude inadaptée envers la clientèle. Ils suffisent à rendre impossible la poursuite du contrat de travail sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres reproches formés dans la lettre de licenciement.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave et a débouté Mme [M] de l'ensemble des demandes qu'elle formulait au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Mme [M] demande la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 16 396,26 euros net de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en faisant valoir qu'elle a été informée le 15 septembre 2020 par la directrice régionale que la responsable des ressources humaines viendrait en boutique le 18 septembre 2020 sans plus de détails, que ce jour-là elle a appris que des courriers avaient été reçus par l'employeur entre le 4 et le 10 septembre 2020 alléguant des faits de harcèlement moral à l'égard de ses collaborateurs et que 10 jours plus tard, elle a été convoquée à un entretien préalable. Elle soutient que manifestement, le principe du contradictoire n'a pas été respecté et qu'elle n'a pas pu disposer du temps nécessaire pour préparer sa défense comme le garantit l'article 6 § 3, B de la Convention européenne des droits de l'homme, que de ce fait, elle n'a pas pu faire entendre sa version des faits et que son licenciement était déjà acté lors de l'entretien informel.

La société conclut au débouté en faisant valoir que Mme [M] a bien été informée de l'enquête CSSCT sur son lieu de travail, ainsi que cela ressort du mail qui lui a été adressé à 11h30 le mardi 15 septembre ; qu'elle a été entendue dans le cadre de cette enquête de sorte qu'elle a pu faire valoir ses observations ; qu'il en a été de même dans le cadre de l'entretien préalable pour lequel elle a été convoquée régulièrement par courrier remis en main propre le 29 septembre 2020 pour un entretien fixé le 7 octobre 2020 pour lequel elle a été assistée par un membre élu du comité social et économique.

La cour observe que la procédure de licenciement est régulière et conforme aux articles L. 1232-2 et R. 1232-1 du code du travail, que Mme [M] a été prévenue quelques jours à l'avance de l'enquête du CSSCT, entendue comme ses collaboratrices dans ce cadre, puis convoquée en entretien préalable au cours duquel elle a été assistée de sorte qu'elle a pu bénéficier ainsi dans le respect de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du temps et des facilités nécessaires pour présenter ses observations à chaque étape de la procédure. La déloyauté reprochée à l'employeur n'est pas établie et aucun élément du dossier n'établit que la décision de licenciement a été prise avant la notification du licenciement contrairement à ce que soutient la salariée. La demande de dommages-intérêts est rejetée et le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [M] de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

Mme [M], partie perdante est condamnée aux dépens et doit indemniser la société des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Déboute Mme [U] [M] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

Condamne Mme [U] [M] aux dépens et à verser à la société Retail excellence 4 une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09749
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;21.09749 ?
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