Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 14 MARS 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06627 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPNA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 19/00762
APPELANT
Monsieur [N] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Oleg KOVALSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0679
INTIMEE
S.A.R.L. ESSAFA prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Alexia SEBAG, avocat au barreau de PARIS, toque : B0774
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [N] [E] a été engagé par la société Essafa, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en date du 1er mai 2015 pour une durée de trois mois, en qualité de boulanger. Le 1er août 2015, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée.
Lors de son embauche, le salarié se trouvait en situation irrégulière et ce n'est qu'en août 2017 que l'employeur a déposé un dossier de régularisation qui a été accepté le 14 décembre 2017.
La société Essafa emploie moins de 11 salariés.
Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective de la boulangerie/pâtisserie, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 1 838,24 euros.
Le 12 juin 2019, le salarié s'est vu notifier un avertissement libellé dans les termes suivants :
" Vous ne remplissez pas entièrement vos fonctions et ne respectez pas ces règles :
- Vous préparez à l'avance et congelez les pains spéciaux depuis la mi-avril ce qui constitue une faute grave.
- Depuis le 15/05/19, vous n'assurez plus la cuisson de la viennoiserie dans son ensemble. Vous faites cuire uniquement une plaque de pains au chocolat et une plaque de croissants alors que vous avez en charge la cuisson de tout le contenu du panimatic. Le dimanche 02/06/19, nous avons fait l'ouverture avec aucun croissant et samedi 08/06/19 avec seulement une plaque de chaque. Cette situation nous met déjà en grande difficulté en semaine mais encore plus en week-end où la fréquentation est beaucoup plus élevée.
- Dimanche 09/06, vous aviez à effectuer une production de 865 baguettes : 800 pour la boutique et 65 pour une commande. Vous en avez assuré uniquement 780 ce qui nous a contraint à ponctionner la commande sur la quantité destinée à la boutique. J'ai dû lancer en urgence un pétrin pour produire les baguettes manquantes. Les baguettes sorties étaient de moindre qualité car la fermentation nécessite du temps que nous n'avions plus.
- Mardi 28/05/19, vous ne m'avez pas communiqué de commande à passer concernant la farine pour les pains spéciaux. La commande de farine étant hebdomadaire, nous sommes dans l'obligation d'attendre le mardi suivant pour effectuer une nouvelle commande. Nous nous retrouvons avec un stock insuffisant pour assurer la production nécessaire et n'avons pas pu proposer à la vente le pain charpentier durant toute une semaine.
- Votre baguette et votre tradition sont sous hydratées. La sous hydratation est un réel problème car cela impacte aussi bien la qualité de la baguette que la quantité produite.
Mercredi 12/06, un client m'a rapporté dès 8h du matin la tradition qu'il a acheté la veille au soir qu'il trouve "trop dure, trop compacte, pas comme d'habitude". A la découpe, j'ai effectivement constaté que la mie était mousseuse.
- Mardi 11/06, vous avez pétri toute une fournée de tradition sans sel.
- Vous mettez en couche 18 baguettes alors que la contenance n'est que de 15. La baguette n'a pas la place nécessaire pour se développer comme il faut et se déforme.
- Vous surexploitez le pétrin en pétrissant davantage que sa capacité au risque de l'abîmer.
- Vous avez cessé le nettoyage hebdomadaire approfondi de votre poste de travail.
- Vous ne respectez pas les horaires que je vous ai demandé de faire à votre retour de congés à savoir une prise de poste à compter de 18h. Depuis le mois d'avril, vous avez cessé de venir à 18h pour commencer à 16h ce qui me cause un désagrément sur les chambres froides qui consomment de l'énergie deux heures de plus que nécessaire.
Ces manquements impactent l'hygiène, l'image et la performance de l'entreprise. Les règles énoncées ci-dessus sont indispensables et indissociables de vos fonctions. Je vous demande de les respecter sans aucune exception et d'assurer toutes les fonctions liées à votre poste dans leur ensemble".
A la suite d'un incident avec un ancien salarié de la société, M. [N] [E] a été placé en arrêt de travail du 18 au 23 juin 2019.
Par courrier du 15 juin 2019, reçu le 20 juin 2019, M. [N] [E] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 28 juin 2019. Cette convocation était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 18 juin 2019, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :
" Je vous informe par la présente que je prends acte de la rupture de mon contrat de travail pour les raisons suivantes.
1°) vendredi 14 juin 2019, après-midi après avoir pris mon poste à 16H, alors que je travaillais vers 17h 30 s'est présenté le salarié sans papier, Monsieur [S] [P], qui m'avait remplacé lors des seuls congés payés que vous m'avez accordés depuis mon embauche, du 17 février au 17 mars 2018.
Celui-ci, aussitôt après que vous l'ayez reçu, s'est présenté à moi et a commencé à m'insulter :
"t'es pas un homme" "fils de pute" " pd" puis il m'a poussé violemment et je l'ai repoussé et je suis retourné à mon poste de travail. Il est revenu quelques minutes plus tard en saignant et disant que je lui avait donné un coup de coupe pâte, ce qui est faux.
Vous avez alors appelé la police qui m'a gardé à vue 24 heures et m'a demandé de faire récupérer mes affaires et de ne plus me présenter à mon poste de travail.
Je tiens à vous indiquer que je n'ai en aucun cas porté de coup à Monsieur [S] comme je m'en suis expliqué auprès des services de police.
Vous avez soigneusement organisé cet incident avec la complicité de Monsieur [S] que vous avez certainement l'intention d'embaucher à ma place.
2°) Vous m'avez adressé un avertissement le 12 juin que j'ai reçu le 17 juin me reprochant un certain nombre de faits qui sont manifestement tous faux et dont vous portez la seule responsabilité.
3°) Vous ne payez aucune heure supplémentaire, alors que je travaille de 4 h du matin à 7h30, voire 8h, et de 16 heures à 17h 30 du lundi après-midi au dimanche matin soit 42 heures par semaine et ce depuis octobre 2016, alors que d'août 2015 à septembre 2016 je travaillais tous les jours.
4°) Depuis mon embauche je n'ai bénéficié que d'un seul mois de congés payés en février et mars 2018, vous avez fait apparaître sur mon bulletin de paie de juin 2017 des congés payés que je n'ai pas pris.
5°) Vous ne m'avez réglé aucun jour férié depuis mon embauche.
6°) Alors que j'effectue 2 heures de travail de nuit chaque jour vous ne m'avez jamais payé aucune majoration.
7°) Vous ne m'avez jamais payé la prime d'ancienneté ni la prime de dimanche prévues par la convention collective.
8°) Vous payez mon salaire toujours en retard vers le 15 ou 17 du mois, à ce jour vous ne m'avez pas payé mon mois de mai 2019.
9°) Vous ne m'avez jamais fait passer une quelconque visite médicale".
Le 1er juillet 2019, la société Essafa a répondu aux griefs énoncés par le salarié en lui indiquant qu'elle considérait que sa prise d'acte valait démission.
Le 3 octobre 2019, M. [N] [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Évry-Courcouronnes pour voir requalifier la prise d'acte en licenciement nul, solliciter des dommages intérêts pour avertissement injustifié, harcèlement moral, violation de l'article L. 8223-1 du code du travail, absence de visite médicale et manquement à l'obligation de sécurité, violation de l'amplitude journalière et de la durée du repos, non-respect du temps de repos hebdomadaire, non-respect de l'obligation de formation, non-respect du repos compensateur et violation de la législation sur les congés payés. Il réclamait, également, des rappels de salaire pour heures supplémentaires, prime de fin d'année, rappel de salaires conventionnel et majoration pour les dimanches et les heures de nuit ainsi qu'un rappel d'indemnité pour frais professionnels.
Le 7 septembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Évry-Courcouronnes, dans sa section Industrie, a statué comme suit :
- dit que la démission de M. [N] [E] est sans équivoque
- condamne la SARL Essafa, en la personne de son représentant légal, à payer à M. [N] [E] les sommes suivantes :
* 476,24 euros brut à titre de rappel de salaire conventionnel
* 47,62 euros brut au titre des congés payés afférents
* 10,84 euros brut au titre de la demande de rappel de majoration d'heures de nuit, des heures de dimanche et des jours fériés
* 1,08 euros brut au titre des congés payés afférents
* 2 164,10 euros brut au titre de la prime de fin d'année
* 216,41 euros brut au titre des congés payés afférents
Avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la saisine, soit le 03/10/2019
* 1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Avec intérêts au taux légal sur cette somme à compter de la mise à disposition du présent jugement, soit le 7 septembre 2020
- ordonne à la société Essafa, prise en la personne de son représentant légal, de remettre à M. [N] [E] les documents conformes à la présente décision :
* une attestation Pôle emploi
* un certificat travail
* un bulletin de paie récapitulatif conforme au présent jugement
Sous astreinte de 20 euros par jour pour l'ensemble des documents dans la limite de 30 jours à compter du 15ème jour suivant la mise à disposition du présent jugement au 7 septembre 2020 est sans réserve la liquidation éventuelle
- déboute M. [N] [E] de ses demandes
- mais les entiers dépens à la charge de la partie défenderesse, y compris les frais d'exécution éventuelle par huissier de justice.
Par déclaration du 13 octobre 2020, M. [N] [E] a relevé appel du jugement de première instance dont il a reçu notification à une date non déterminable.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 12 janvier 2021, aux termes desquelles M. [N] [E] demande à la cour d'appel de :
- infirmer partiellement la décision entreprise
Statuant à nouveau,
- condamner la Sarl Essafa à payer à Monsieur [N] [E] :
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
* 2 688,75 euros à titre de rappel de prime de fin d'année et 268,87 euros en incidence de congés payés
* 3 599,76 euros à titre de rappel de salaires conventionnel et 359,97 euros en incidence de congés payés, et 138,23 euros en incidence de prime de fin d'année et 13,82 euros en incidence de congés payés
* 1 340,19 euros à titre de rappel de majoration du dimanche et 134,01 euros en incidence de congés payés, et 47,44 euros en incidence de prime de fin d'année et 4,74 euros en incidence de congés payés
* 2 150,22 euros à titre de rappel de majoration des jours fériés et 215,02 euros en incidence de congés payés, et 82,56 euros en incidence de prime de fin d'année et 8,25 euros en incidence de congés payés, subsidiairement 145,08 euros et 14,50 euros en incidence de congés payés
* 5 083,88 euros à titre de rappel de majoration d'heures de nuit et 508,38 euros en incidence de congés payés et 195,22 euros en incidence de prime de fin d'année et 19,52 euros en incidence de congés payés, subsidiairement 166,10 euros et 16,61 euros en incidence de congés payés
* 5 369,53 euros à titre d'indemnité pour frais professionnels
* 6 100,81 euros à titre d'indemnité de congés payés
* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la législation sur les congés payés
* 23 900,82 euros à titre de rappel de salaires et d'heures supplémentaires et 2 390,08 euros en incidence de congés payés et 917,79 euros en incidence de prime de fin d'année et 91,77 euros en incidence de congés payés
* 14 525,76 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'article L. 8223-1 du code du travail,
* 13 379,04 euros à titre de dommages et intérêt pour non respect du repos compensateur
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale et violation de l'obligation de sécurité
* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la violation de l'amplitude journalière et de la durée du repos journalier
* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de repos hebdomadaire
* 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation
* 4 841,92 euros à titre d'indemnité de préavis et 484,19 euros en incidence de congés payés, et 185,92 euros en incidence de prime de fin d'année et 18,59 euros en incidence de congés payés
* 2 622,70 euros à titre d'indemnité de licenciement
* 14 525,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement 12 104,8 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif
* 2 420,96 euros à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié
* 2 500 euros au titre de l'article 700
- ordonner la remise de bulletins de paie conformes et d'une attestation Pôle emploi rectifiée, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard
- dire qu'il sera fait application de l'article 1343-2 du code civil.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 16 mars 2021, aux termes desquelles la société Essafa demande à la cour d'appel de :
- déclarer la demande de la société Essafa recevable et bien fondée
En conséquence,
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions
- condamner Monsieur [E] à payer à la société Essafa la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la cause d'appel
- condamner Monsieur [E] aux entiers dépens.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 22 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
1/ Sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs
Selon l'article L. 3174-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci.
Le salarié soutient, conformément à ce qu'il a mentionné dans sa prise d'acte, qu'à compter du 31 octobre 2015, date de départ du précédent boulanger, il a travaillé le lundi de 16 heures à 20 heures, du mardi au samedi de 4 heures du matin à 7h30, voire 8 heures et l'après-midi de 16 heures à 19h30, le dimanche de 4 heures du matin à 8 heures, soit plus de 42 heures par semaine.
L'appelant affirme qu'il effectuait seul la fabrication du pain et assurait, avec ou sans le concours du chef d'entreprise, l'ensemble de la fabrication en boulangerie. En effet, si M. [U], l'un des co-gérants de la société a été engagé en qualité de boulanger, du 1er juillet 2016 au 31 mars 2019, il n'assurait qu'un service de 7h à 14h ou de 14h à 20h selon les semaines. L'autre gérant, M. [V] a été, quant à lui, employé comme pâtissier du 1er juillet 2016 au 1er mai 2019.
En conséquence, M. [N] [E] sollicite une somme totale de 23 900,82 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de 2 390,08 euros au titre des congés payés afférents et 917,79 euros (23 900,82 x 3,84 %) au titre de l'incidence sur la prime de fin d'année, outre 91,77 euros au titre des congés payés afférents.
M. [N] [E] demande, également, une somme de 13 379,04 euros au titre des repos compensateurs non pris ni rémunérés pour les heures accomplies au-delà du contingent de 220 heures.
L'employeur répond que M. [N] [E] effectuait 35 heures de travail par semaine selon les horaires suivants :
- le mardi et le mercredi de 6 heures à 10 heures et de 16 heures à 18 heures
- le jeudi de 6 heures à 10 heures et de 15 heures à 18 heures
- le vendredi et le samedi de 6 heures à 10 heures et de 14 heures à 18 heures.
À la fin de l'année 2018, en raison d'une mésentente entre les co-gérants, M. [U], le deuxième boulanger a réduit ses horaires de travail mais M. [V] a pallié son absence en réaménageant les horaires de travail de l'appelant avec son accord et en effectuant lui-même de nombreuses heures de travail.
La société intimée se défend d'avoir jamais demandé aux salariés d'effectuer des heures supplémentaires et relève qu'il ne justifie par aucune pièce des horaires qu'il revendique.
La cour observe qu'alors que le salarié indique de manière précise les horaires qu'il effectuait quotidiennement, l'employeur ne verse au débat aucune pièce, pas même ses plannings, permettant d'établir de manière objective et fiable le nombre d'heures de travail effectué par le salarié. En cet état, il sera considéré que la société Essafa ne remplit pas la charge de la preuve qui lui revient, le salarié ayant de son côté apporté à la cour des éléments précis. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] [E] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et il sera fait droit à ses demandes qui seront arbitrées à 11 950 euros à titre de rappel de salaire,
1 195 euros au titre des congés payés afférents et 458,89 euros (11 950 x 3,84 %) au titre de l'incidence sur la prime de fin d'année, outre 45,89 euros au titre des congés payés afférents.
Il lui sera alloué une somme de 6 689,52 euros au titre des repos compensateurs.
2/ Sur le travail dissimulé
Le salarié fait valoir que la délivrance de bulletins de paie ne mentionnant qu'une partie des heures et de la rémunération ne correspond pas aux prescriptions légales et caractérise une dissimulation d'emploi par la société intimée lui ouvrant droit à une indemnité forfaitaire de 14 525,76 euros.
Mais M. [N] [E] ne démontrant en aucune manière que l'employeur aurait, de façon intentionnelle, mentionné sur les bulletins de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, cette intention ne pouvant résulter de la seule existence d'heures supplémentaires non rémunérées, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté l'appelant de sa demande de ce chef.
3/ Sur le défaut de paiement des salaires d'août et septembre 2018 et l'absence de règlement de l'intégralité du reçu pour solde de tout compte
M. [N] [E] rapporte que son salaire de 1 612,25 euros pour le mois d'août 2018 et son salaire du même montant pour le mois de septembre 2018 ne lui ont pas été réglés. De la même manière, il relève que son bulletin de paie de juin 2019 fait état d'un acompte de 1 450 euros qui ne lui a jamais été versé et dont il demande le paiement.
La cour observant que ces prétentions ne sont pas reprises dans le dispositif des écritures de l'appelant, il n'y sera pas répondu.
4/ Sur l'absence de paiement de la prime de fin d'année
M. [N] [E] fait grief à l'employeur de ne lui avoir jamais servi la prime de fin d'année prévue à l'article 42 de la convention collective pour les salariés après un an de présence dans l'entreprise.
Le montant de cette prime est fixé à 3,84 % du montant du salaire brut payé aux salariés du 1er janvier au 31 décembre.
Il revendique, en conséquence, une somme totale de 2 688,75 euros pour les années 2016 et 2019, outre 268,87 euros au titre des congés payés afférents.
Si l'employeur ne conteste pas être redevable de cette prime, il souligne que le salarié n'a joui d'un an de présence dans l'entreprise qu'à compter du 17 avril 2016 et qu'il n'est pas éligible à l'intégralité de la prime pour cette année. En outre, cette prime ne peut être versée qu'aux salariés occupés par l'entreprise au 31 décembre, M. [N] [E] ne peut donc valablement y prétendre au titre de l'année 2019.
La cour retient que la prime de fin d'année prévue à l'article 42 ne doit être versée qu'au prorata du temps de présence. Le salarié n'ayant pas eu une année de présence pour l'intégralité de l'année 2016, il ne peut y prétendre qu'à compter du 17 avril 2016 jusqu'au 31 décembre de cette même année. Par ailleurs, il ne peut y prétendre au titre de l'année 2019, cette prime étant conditionnée à une présence dans l'entreprise au 31 décembre. Le jugement sera réformé sur le montant de la prime de fin d'année accordée au salarié et il lui sera alloué une somme de 1 915,55 euros outre 191,55 euros au titre des congés payés afférents.
5/ Sur le minimum conventionnel
Le salarié appelant fait valoir, qu'alors que le coefficient 185 de la convention collective de la boulangerie/pâtisserie était mentionné sur ses bulletins de salaire et qu'il correspondait à l'emploi d'ouvrier qualifié qu'il occupait, le taux horaire qui lui a été appliqué était inférieur aux minima conventionnels pour ce coefficient.
Pour la période non prescrite de juin 2016 à janvier 2017, le salarié a calculé qu'il lui était dû une somme de 3 599,76 euros à titre de rappel de salaires sur minima conventionnels, outre 359,97 euros au titre des congés payés afférents, 138,23 euros au titre de l'incidence sur la prime de fin d'année et 13,82 euros au titre des congés payés afférents.
L'employeur demande à ce que les calculs effectués par les premiers juges au titre des rappels de salaire sur minima conventionnels soient confirmés.
La cour observe, comme le salarié que les calculs opérés par les premiers juges sont erronés puisqu'ils ne prennent pas en compte les taux horaires applicables au coefficient 185 de la convention collective de la boulangerie/pâtisserie pour les années 2016 et 2017. Il sera donc fait droit aux demandes de rappel de salaires sur minima conventionnels, de congés payés afférents et d'incidence sur la prime de fin d'année telles que formées par le salarié.
6/ sur le non-paiement de la majoration pour le travail les dimanches, les jours fériés et les heures de nuit
M. [N] [E] se plaint de ne pas avoir perçu une rémunération majorée de 20 %, conformément à l'article 28 de la convention collective, pour les heures de travail effectuées les dimanches. En conséquence, il réclame une somme de 1 340,19 euros et 134,01 euros à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, outre 47,44 euros au titre de l'incident sur la prime de fin d'année et 4,74 euros au titre des congés payés afférents.
De la même façon, la société Essafa ne lui a jamais payé les jours fériés travaillés en novembre 2018 et en mai 2019. Il demande, donc, 2 150,22 euros de rappel de salaire au titre de ces majorations, outre 215,02 euros au titre des congés payés afférents, 82,56 euros au titre de l'incidence sur les primes de fin d'année et 8,25 euros au titre des congés payés afférents.
Alors qu'il prétend avoir toujours travaillé de nuit de 4 heures à 6 heures du matin, du mardi au dimanche, soit 12 heures hebdomadaires de nuit, M. [N] [E] relève qu'aucune heure de nuit ne figure sur ses bulletins de salaire de juin à octobre 2018. Ce n'est qu'à compter du mois de novembre 2018 que le règlement des heures de nuit a été prévu sur ses bulletins de paie. Si l'employeur soutient qu'il était domicilié à [Localité 3] et qu'il ne pouvait être présent dès 4 heures du matin à [Localité 4], M. [N] [E] produit aux débats plusieurs documents, dont une attestation d'hébergement établie par l'un des co-gérants (pièces 16, 17, 18), pour justifier qu'en réalité il était hébergé dans la boulangerie. D'ailleurs, aucun frais de transport ne lui a été remboursé alors que le contrat de travail le prévoyait.
M. [N] [E] revendique une somme totale de 5 083,88 euros à titre de rappel de salaires pour les heures de nuit effectuées, outre 508,38 euros au titre de l'incidence congés payés, 195,22 euros au titre de l'incidence sur les primes de fin d'année et 19,52 euros au titre des congés payés afférents.
La société intimée répond que M. [N] [E] n'a commencé à travailler les dimanches, jours fériés et les heures de nuit qu'à compter du mois de novembre 2018, comme cela est mentionné sur ses bulletins de paie, à la suite du retrait progressif de l'un des co-gérants qui exerçait des fonctions de boulanger. Avant cette date, les heures de travail qui correspondaient aux dimanches, jours fériés et heures de nuit étaient réalisées par les deux associés de la société, M. [V] et M. [U]. L'employeur réfute avoir jamais hébergé le salarié dans les locaux de la boulangerie dans laquelle il n'existait d'ailleurs aucun espace disponible pour dormir.
La cour retient qu'alors que le salarié indique de manière précise les horaires qu'il aurait effectués les dimanches et jours fériés, l'employeur ne verse au débat aucune pièce permettant d'établir de manière objective et fiable que le salarié n'aurait pas travaillé aux dates qu'il revendique. En cet état, il sera considéré que la société Essafa ne remplit pas la charge de la preuve qui lui revient, le salarié ayant de son côté apporté à la cour des éléments précis. Le jugement déféré sera donc réformé sur les montants alloués au salarié au titre des rappels de salaires, congés payés afférents et incidence sur primes de fin d'année pour les heures effectuées les dimanches et jours fériés et il sera fait droit aux prétentions du salarié.
S'agissant de la réalisation d'heures de nuit, l'employeur verse aux débats des attestations qui contredisent les éléments produits par le salarié sur le fait qu'il aurait résidé dans la boulangerie.
Tant le gérant et l'ancien gérant de la société le démentent mais, également, des salariés de la boulangerie. Il ressort que M. [N] [E] s'était fait délivrer une attestation d'hébergement sur [Localité 4] par l'un des gérants de la boulangerie afin de pouvoir bénéficier de cours de français dans cette ville (pièce 23) mais que l'adresse mentionnée sur l'attestation ne correspondait pas à celle de la boulangerie mais au siège social de société. L'employeur établissant que le salarié n'a pas effectué d'heures de nuit avant novembre 2018 et qu'à cette date il a été rémunéré à ce titre, il sera débouté de ses demandes de rappel de salaires, congés payés afférents et incidence sur la prime de fin d'année au titre des heures de nuit.
7/ Sur les frais professionnels
Le salarié appelant explique que l'article 24 de la convention collective applicable prévoit que les ouvriers boulangers non nourris ont le droit à une indemnité journalière pour frais professionnels d'un montant égal à une fois et demi le minimum garanti. Or, M. [N] [E] affirme qu'il n'a jamais pu bénéficier de ces avantages qui n'apparaissent d'ailleurs pas sur ses bulletins de paie. Il sollicite une somme totale de 5 369,53 euros à titre de rappel d'indemnité pour frais professionnels.
La société intimée prétend que le salarié avait l'autorisation de se servir librement dans la boulangerie pour ses repas et qu'il était mis à sa disposition un pack d'eau chaque semaine. D'ailleurs, durant la relation contractuelle, M. [N] [E] n'a jamais formé la moindre réclamation à ce titre, pas plus que dans son courrier de prise d'acte.
Toutefois, alors que l'employeur ne conteste pas que les horaires du salarié l'amenaient à prendre ses repas sur son lieu de travail, il n'est établi par aucune pièce que la société appelante pourvoyait à ses besoins en la matière. En conséquence, il sera fait droit aux demandes du salarié de ce chef et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté de sa demande.
8/ Sur le non-respect de l'amplitude journalière et de la durée du repos journalier
M. [N] [E] rapporte que les horaires de travail qu'il effectuait l'amenaient à travailler avec une amplitude journalière de 15h30 au lieu des 13 heures maximum prévues par la loi et qu'il n'avait qu'un repos journalier de 8h30 là où il aurait dû bénéficier d'au moins 11 heures. Au titre de la violation des dispositions légales qui ont porté atteinte à son droit au repos et à sa santé, il revendique une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.
L'employeur admet avoir commis des manquements en la matière puisque selon lui et uniquement à compter de novembre 2018, M. [N] [E] a travaillé avec une amplitude horaire de 14 heures au lieu de 13 heures et n'a bénéficié que d'un temps de repos de 10 heures eu lieu de 11 heures, cependant il retient que le salarié ne justifie pas de son préjudice.
Les parties s'accordent pour reconnaître que l'employeur n'a pas satisfait à ses obligations légale en termes de respect de l'amplitude journalière maximale de travail et de droit au repos journalier, il sera donc accordé à M. [N] [E] une somme de 500 euros en réparation du préjudice nécessairement subi du fait de sa privation de son droit au repos et de l'atteinte à la santé et à la sécurité qui en est résulté.
9/ Sur le non-respect du repos hebdomadaire
L'appelant revendique une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts faute pour l'employeur de lui avoir octroyé une journée de repos dans la semaine.
Mais, alors qu'il n'est pas contesté que la boulangerie était fermée le lundi, le salarié ne démontre par aucune pièce qu'il était tenu de travailler durant cette journée alors que le travail de boulangerie commençait à 4h00 le mardi. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de ce chef.
10/ Sur le non-respect des dispositions relatives au travail dominical
M. [N] [E] rappelle que l'article L. 3132-3 du code du travail prévoit que "dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche". La société intimée ne justifiant d'aucune dérogation lui permettant de passer outre à cette règle, l'appelant réclame une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions légales sur le travail dominical.
La cour constatant que ces prétentions ne sont pas reprises dans le dispositif des écritures de l'appelant, il n'y sera pas répondu.
11/ Sur l'absence de congés payés
Le salarié appelant avance qu'il n'a bénéficié que de quatre semaines de congés payés du 17 février 2018 au 17 mars 2018. Les 26 jours de congés payés qui sont mentionnés comme pris sur son bulletin de paie du mois de juin 2017 ne lui ont jamais été accordés. En outre, ce n'est pas 26 jours qui lui étaient dus à cette date mais 51 jours qui ont été indûment déduits. De la même manière, sur le bulletin d'octobre 2017, figurent 18 jours de congés payés qui auraient été prétendument pris du 23 juillet au 13 août, alors que ni le bulletin de salaire de juillet 2017, ni celui d'août 2017 ne mentionnent une quelconque prise de congés payés.
M. [N] [E] demande une somme de 6 100,81 euros à titre de rappel de salaire au titre des congés payés non pris et 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et de santé qui est résulté de la privation de ces temps de repos.
L'employeur observe qu'alors que le salarié soutient avoir effectué 4 années de travail sans bénéficier de quelconque congés payés, il ne justifie d'aucune réclamation en la matière. La société intimée ajoute que cette absence de protestation s'explique par le fait que le salarié a bien bénéficié des congés reportés sur ses bulletins de paie. L'employeur verse même aux débats des cartes d'embarquement du salarié pour des départs vers Naples le mercredi 29 juin 2016 et le mardi 31 janvier 2017 (pièce 17).
La cour constate que le salarié produit les billets retours de ses séjours à Naples qui sont intervenus du 29 juin au 2 juillet 2016 puis du 31 janvier au 2 février 2017. Or, il apparaît que ses absences n'ont pas été reportées au titre des congés sur les bulletins de paie du salarié. En revanche, trois jours sans solde ont été déduits ce qui ne permet pas de considérer que cet exemple illustre les droits à congés dont aurait disposé le salarié. D'autres omissions reconnues par l'employeur attestent du manque de rigueur dans l'établissement des bulletins de paie. Or, si des absences de report ont pu bénéficier au salarié rien ne permet d'écarter le fait que des reports fictifs aient pu le priver de ses droits à congés. La cour rappelle qu'il incombe à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a permis au salarié d'exercer son droit à congés et que des mentions sur des bulletins de paie, dont il a été démontré l'inexactitude, sont insuffisantes à en justifier. Il sera, donc, fait droit à la demande de rappel de salaires de M. [N] [E] et il lui sera alloué une somme de 300 euros en réparation des préjudices moral et de santé subis.
12/ Sur l'obligation de formation
M. [N] [E] reproche à l'employeur de l'avoir privé de toute formation durant les 5 années qu'il a passé au sein de la société. Il considère que cette carence lui a préjudicié car il aurait pu obtenir une meilleure qualification ou parfaire son apprentissage du français. Il sollicite donc une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi.
L'employeur répond que le salarié ne justifie pas de son préjudice et relève que M. [N] [E] a systématiquement refusé de se rendre aux formations proposées par son employeur durant l'exécution de son contrat de travail. Ainsi, M. [V], gérant de la société Essafa rapporte qu'il a proposé, à plusieurs reprises, à l'appelant d'assister à des ateliers de formation au Moulin bourgeois, société avec laquelle il travaillait. M. [N] [E] a systématiquement refusé en arguant qu'il ne maîtrisait pas suffisamment la langue française, ainsi qu'en atteste un commercial de la société Moulin bourgeois (pièce 15).
Mais, la cour estime que l'attestation établie par un commercial d'un partenaire de la société intimée est insuffisante à démontrer l'offre de formation qui aurait été effectuée auprès du salarié. En effet, outre le lien commercial qui existe entre le témoin et la société Essafa, ce témoignage ne permet pas de connaître la nature de la formation qui était proposée et les dates auxquelles elle a été soumise au salarié, pas plus qu'elle n'apporte la preuve de ses refus d'y assister.
En conséquence, il sera alloué au salarié une somme de 300 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'actions de formation et d'adaptation à l'emploi proposés par la société intimée.
13/ Sur l'absence de visite médicale et la violation de l'obligation de sécurité
Le salarié appelant avance que l'employeur n'a pas respecté ses obligations légales en matière de visite médicale des travailleurs de nuit et qu'il est donc responsable de la dégradation de son état de santé qui en est résultée. En conséquence, il revendique une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Toutefois, la cour constate qu'il n'est établi par aucune pièce que M. [N] [E] aurait subi une altération de son état de santé. En l'absence de préjudice le salarié ne peut valablement prétendre à une indemnisation. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de ce chef.
14/ Sur le harcèlement moral
M. [N] [E] prétend que l'avertissement qui lui a été adressé le 12 juin 2019 pour de prétendues insuffisances professionnelles est intervenu à titre de représailles à la suite des réclamations qu'il avait faites auprès de l'employeur pour obtenir une augmentation de son salaire et le paiement des heures supplémentaires accomplies. En effet, si la société intimée verse aux débats trois lettres de clients qui se seraient plaint de la qualité du pain et de l'absence de viennoiserie entre 7 et 8 heures, il constate que ces courriers sont imprécis et contradictoires. A l'opposé, le salarié appelant produit des lettres de son employeur louant la qualité de son travail (pièces 2, 3). L'appelant explique que la notification d'un avertissement est intervenue deux jours avant que l'employeur ne convoque dans la société un salarié sans papier, dont M. [N] [E] a compris qu'il devait le remplacer dans son travail.
Le salarié appelant considère que ces agissements sont constitutifs d'un harcèlement moral de la part de l'employeur dont il demande réparation à hauteur de 5 000 euros.
Dans le dispositif de ses écritures, il revendique également une somme de 2 420,96 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié mais sans s'expliquer dans le corps de ses conclusions sur le fondement de cette demande.
La cour retient au vu de ces éléments, qui pris dans leur ensemble, relatent une dégradation des conditions de travail du salarié que ce dernier présente des éléments de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il appartient dès lors à l'employeur de prouver que les agissements précis qui lui sont reprochés n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L'employeur explique qu'alors que le fonctionnement de la boulangerie était impacté par le conflit qui existait entre les co-gérants, M. [N] [E] a commis des manquements dans l'exécution de ses missions, ainsi que dans le respect des règles d'hygiènes ce qui a eu des répercussions sur la qualité de son travail et des produits vendus et a été à l'origine de plaintes de clients (pièces 3, 4, 5, 6, 7). Il ajoute que le salarié n'a émis aucune contestation par rapport à l'avertissement qui lui a été notifié en 2019. Concernant son supposé remplacement organisé par l'employeur. Celui-ci rapporte que M. [S] [P] a été embauché sous contrat à durée déterminée de remplacement le 7 janvier 2019 pour une période de trois mois, correspondant à celle où M. [N] [E] avait posé des congés payés. Son contrat a donc pris fin la veille du retour de congé de l'appelant, lorsque
M. [P] s'est présenté à la boulangerie le 14 juin 2019 pour récupérer ses documents de fin de contrat, M. [N] [E] l'a insulté puis frappé, comme l'a constaté une autre salariée du commerce, avant que les policiers n'interviennent et ne placent l'appelant en garde à vue. Par la suite, celui-ci a été convoqué devant le Tribunal correctionnel d'Evry pour répondre de faits de violences volontaires avec arme. Ces faits d'une gravité extrême survenus sur le lieu de travail ont conduit l'employeur à diligenter une procédure de licenciement à l'encontre de M. [N] [E], qu'il a interrompu lorsque celui-ci a quitté de lui-même la société.
En cet état, la cour retient que l'employeur justifie des fautes commises par le salarié dans l'exécution de ses missions contractuelles par la production de nombreuses lettres de clients insatisfaits de la qualité du service et des produits. La société appelante établit, également, au moyen des pièces versées aux débats que M. [N] [E] a été à l'origine de l'altercation qui l'a opposé à M. [P] et qu'il a commis sur ce dernier des violences graves sur son lieu de travail.
Il est donc acquis que les décisions de la société intimée étaient justifiées par des éléments objectifs à tout harcèlement. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
15/ Sur la prise d'acte
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. La charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié.
Il est rappelé que le courrier par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail ne fixe pas les limites du litige, la juridiction doit examiner les manquements invoqués par le salarié même s'ils ne sont pas mentionnés dans ledit courrier.
M. [N] [E] fonde sa prise d'acte sur l'ensemble des griefs précédemment énoncés qu'il forme à l'encontre de l'employeur et dont la plupart ont été visés dans son courrier du 18 juin 2019.
L'employeur conteste, d'une part, les griefs formés à son encontre et, d'autre part, estime, à supposer qu'ils soient retenus, qu'ils ne sont pas suffisamment graves pour justifier de la rupture de la relation contractuelle à ses torts. Il ajoute que M. [N] [E] ne lui avait adressé aucun reproche avant son courrier de prise d'acte du 18 juin 2019 et qu'il ne lui a pas donné la possibilité de régulariser les éventuels rappels de salaire auxquels il aurait pu prétendre. Enfin et surtout, la société appelante observe que la prise d'acte est intervenue pour faire obstacle à la procédure de licenciement pour faute qu'elle avait mise en 'uvre à l'encontre du salarié.
Mais, la cour ayant retenu que l'employeur avait manqué à un grand nombre de ses obligations contractuelles tant en termes de paiement à M. [N] [E] des salaires et primes auxquelles il pouvait prétendre, qu'en matière de respect de ses droits à repos et à congés, elle estime que ces manquements sont suffisamment graves pour rendre impossible le maintien du lien contractuel. La cour rappelle aussi que le salarié n'a pas à formuler une demande préalable à l'employeur ni à le mettre en demeure de régulariser la situation. Il sera donc dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié aux torts exclusifs de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [N] [E] qui, à la date du licenciement comptait quatre ans et quatre mois d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre un et cinq mois de salaire.
Au regard de son âge au moment de la prise d'acte, 41 ans, de son ancienneté de plus de quatre ans, du montant de la rémunération à laquelle il pouvait prétendre, il convient de lui allouer en réparation de son entier préjudice la somme de 5 000 euros.
Le salarié peut, également, légitimement prétendre à l'allocation des sommes suivantes non discutées dans leurs quanta par l'employeur :
- 4 841,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 4 84,19 euros au titre des congés payés afférents
- 2 622,70 euros à titre d'indemnité de licenciement.
Le salarié sera débouté de sa demande de rappel de salaires au titre de l'incidence sur la prime de fin d'année de l'indemnité compensatrice de préavis.
Il sera ordonné à la société Essafa de délivrer à M. [N] [E] dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision un bulletin de paie récapitulatif conforme et une attestation Pôle emploi rectifiée, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
16/ Sur les autres demandes
Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2019, date de l'audience du bureau de jugement, à défaut pour la cour de connaître la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.
Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
La société Essafa supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à M. [N] [E] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [N] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de rappel de majoration d'heures de nuit, de congés payés afférents, d'incidence sur prime de fin d'année et congés payés afférents, de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, de ses demandes de dommages-intérêts pour non-respect du temps de repos hebdomadaire, manquement à l'obligation de sécurité, non-respect du repos dominical, avertissement injustifié, de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférent au titre de l'incidence sur la prime de fin d'année de l'indemnité compensatrice de préavis,
- condamné la société Essafa aux dépens de première instance,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail en date du 18 juin 2019 est aux torts exclusifs de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Essafa à payer à M. [N] [E] les sommes suivantes :
- 11 950 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires
- 1 195 euros au titre des congés payés afférents
- 458,89 euros au titre de l'incidence sur les primes de fin d'année
- 45,89 euros au titre des congés payés afférents
- 6 689,52 euros à titre d'indemnité pour non-respect du repos compensateur
- 1 915,55 euros à titre de rappel pour défaut de paiement de la prime de fin d'année
- 191,55 euros au titre des congés payés afférents.
- 3 599,76 euros à titre de rappel de salaires conventionnels
- 359,97 euros au titre des congés payés afférents
- 138,23 euros au titre de l'incidence sur les primes de fin d'année
- 13,82 euros au titre des congés payés afférents
- 1 340,19 euros à titre de rappel de majoration du dimanche
- 134,01 euros au titre des congés payés afférents
- 47,44 euros en incidence de prime de fin d'année
- 4,74 euros au titre des congés payés afférents
- 2 150,22 euros à titre de rappel de majoration des jours fériés
- 215,02 euros au titre des congés payés afférents
- 82,56 euros en incidence de prime de fin d'année
- 8,25 euros au titre des congés payés afférents
- 5 369,53 euros à titre de rappel d'indemnité pour frais professionnels
- 6 100,81 euros à titre d'indemnité pour congés payés non pris
- 300 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la législation sur les congés payés
- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'amplitude journalière et de la durée du repos journalier
- 300 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 4 841,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 4 84,19 euros au titre des congés payés afférents
- 2 622,70 euros à titre d'indemnité de licenciement
- 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2019 et que les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Ordonne la capitalisation des intérêts pourvus qu'il soient dus pour une année entière,
Ordonne à la société Essafa de délivrer à M. [N] [E] dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision un bulletin de paie récapitulatif conforme et une attestation Pôle emploi rectifiée,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société Essafa aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE