Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 14 MARS 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06599 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPFU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/03545
APPELANT
Monsieur [L] [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Thomas ROUSSINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0067
INTIMEE
S.A.S. SAS GILLAC prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [L] [C] a été engagé par la société Le poids lourd 92, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 août 2007, en qualité de magasinier-vendeur "pièces de rechange".
Par avenant à effet au 9 décembre 2013, il a été convenu que le contrat conclu avec la société Le Poids lourd 92 se poursuivrait au sein de la société Le poids lourd 77, où le salarié occuperait des fonctions de Responsable du magasin de [Localité 5].
À compter de septembre 2016, M. [L] [C] a été transféré dans les effectifs de la société Gillac, venant aux droits de la société Le poids lourd 77. Il est alors passé du poste de Responsable de magasin à celui de Responsable des achats.
Par courrier en date du 21 novembre 2016, le salarié a fait part à la société Gillac de son intention de démissionner. Le 1er février 2017, M. [L] [C] a demandé l'annulation de cette mesure, ce qui a été accepté par l'employeur.
Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective nationale des Services de l'Automobile, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 3 500 euros.
Dans un courrier du 29 mai 2017, le salarié a donné sa démission au motif qu'il déménageait en province. À cet effet, il a demandé à ce que son préavis soit écourté pour préparer son départ et à ce que son contrat de travail prenne fin le 13 juin 2017.
L'employeur s'est opposé à la réduction de la période de préavis.
En juillet 2017, le salarié a été placé en arrêt de travail jusqu'à la fin du préavis.
Par un courrier de son conseil en date du 10 octobre 2017, M. [L] [C] a réclamé le paiement d'heures supplémentaires, un rappel de salaire au titre d'un dépassement du contingent annuel d'heures, une indemnisation au titre du travail dissimulé et un rappel de rémunération variable, pour un montant total de 126 007,24 euros, outre 21 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le 6 novembre 2017, l'employeur s'est opposé à ces demandes.
Le 9 novembre 2017, M. [L] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny pour solliciter la nullité de la convention de forfait qui lui était appliquée, un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et un rappel de prime variable.
Le 16 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Bobigny, dans sa section Commerce, a statué comme suit :
- déboute la partie défenderesse de sa demande d'irrecevabilité de la demande en nullité de la convention de forfait
- dit la convention de forfait du 9 décembre 2013 nulle
- déboute M. [L] [C] de la demande d'heures supplémentaires
- condamne la SAS Gillac à verser à M. [L] [C] les sommes suivantes :
* 850 euros à titre de rappel de salaires sur prime variable
* 85 euros au titre des congés payés afférents
Rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 11 novembre 2017 et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement
- condamne la SAS Gillac à verser à M. [L] [C] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- déboute M. [L] [C] du surplus de ses demandes
- déboute la SAS Gillac de sa demande reconventionnelle
- condamne la SAS Gillac aux dépens.
Par déclaration du 13 octobre 2020, M. [L] [C] a relevé appel du jugement de première instance.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 19 mars 2021, aux termes desquelles M. [L] [C] demande à la cour d'appel de :
- confirmer le jugement du 16 septembre 2020 en ce qu'il a :
" - que la convention de forfait du 9 décembre 2013 est nulle
- condamné la société Gillac de verser à Monsieur [L] [C] la somme de 850 euros à titre de rappel de rémunération variable 2017, ainsi que 85 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 11 novembre 2017
- condamné la société Gillac de verser à Monsieur [L] [C] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société Gillac aux entiers dépens"
- réformer le jugement du 16 septembre 2020 en ce qu'il a débouté Monsieur [C] de ses demandes de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires et repos compensateurs, et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- condamner la société Gillac à verser à Monsieur [L] [C] la somme de 52 176,60 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées du 1er septembre 2014 au 31 août 2017, ainsi que 5 217,66 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2017
- condamner la société Gillac à verser à Monsieur [L] [C] la somme de 32 353,55 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux repos compensateurs dus du 1er septembre 2014 au 31 août 2017, ainsi que 3 235,35 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2017
- condamner la société Gillac à verser à Monsieur [L] [C] la somme de 21 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
- ordonner à la société Gillac de remettre à Monsieur [L] [C] des bulletins de paye ainsi que des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, certificat de travail, solde de tout compte) conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par document et par jour de retard à compter de la notification du jugement
- condamner la société Gillac à verser à Monsieur [L] [C] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (frais irrépétibles en cause d'appel).
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 2 juin 2021, aux termes desquelles la SAS Gillac demande à la cour d'appel de :
A titre principal,
- vu la demande de réformation limitée aux heures supplémentaires et aux repos compensateurs et l'absence de demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [C] de cette demande, se déclarer non saisie des demandes relatives aux heures supplémentaires, aux repos compensateurs et au travail dissimulé
- juger en tout état de cause, Monsieur [C] irrecevable à rajouter une demande de "réformation" du chef de la demande d'indemnité pour travail dissimulé
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement en ce qu'écartant l'irrecevabilité soulevée à ce titre, il a statué sur la demande de «dire la convention de forfait du 9 décembre 2013 nulle» qui n'était pas une prétention
- infirmer le jugement en ce qu'il a alloué une prime sur CA magasin de 850 euros + 85 euros de congés incidents au titre du premier trimestre 2017
- infirmer le jugement en ce qu'il a alloué une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [C] de ses demandes d'heures supplémentaires et de repos compensateurs et du surplus de ses demandes y incluant la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé, au besoin par substitution de motifs
- débouter Monsieur [C] de l'intégralité de ses demandes pour les motifs sus-exposés
- condamner Monsieur [C] à lui régler la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner Monsieur [C] aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier de justice.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 22 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
1/ Sur l'effet dévolutif de l'appel
La société intimée relève que, dans sa déclaration d'appel en date du 13 octobre 2020, puis dans ses conclusions postérieures, le salarié a demandé de "réformer le jugement du 16 septembre 2020 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires et repos compensateurs" et qu'il n'a pas demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de ce chef. En conséquence, il demande à ce que la cour dise qu'elle n'est pas saisie des demandes du salarié de rappel de salaires correspondant aux heures supplémentaires et aux repos compensateurs.
Mais, la cour rappelle que l'article 542 du code de procédure civile dispose : "L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel" et qu'il y a donc lieu de considérer qu'elle est valablement saisie par une demande tendant à la réformation d'un chef de jugement critiqué.
2/Sur la recevabilité de la demande de nullité de la convention de forfait du 9 décembre 2013
La société Gillac relève que si M. [L] [C] a développé, devant les premiers juges, des moyens relatifs à la nullité de la convention de forfait conclue le 9 décembre 2013, il n'a pas formulé de prétentions associées dans le dispositif de ses écritures. Cette demande a été formée à la barre par le salarié et l'employeur a sollicité, oralement, qu'elle soit dite irrecevable.
Si désormais le salarié formule une telle demande dans ses conclusions en cause d'appel, la société intimée réclame qu'elle soit dite irrecevable comme nouvelle.
Mais, la cour retient que la demande de nullité de la convention de forfait en heures est l'accessoire de la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs et de l'indemnité pour travail dissimulé. Preuve en est d'ailleurs, que cette demande n'entraîne pas à elle seule de conséquences indemnitaires.
Aussi, même si l'on considère que cette demande est nouvelle, pour ne pas avoir été formée dans les conclusions saisissant les premiers juges, elle doit être jugée recevable en cause d'appel en application de l'article 566 du code de procédure civile.
3/ Sur les heures supplémentaires
Selon l'article L. 3174-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci.
Le salarié indique que, le 9 décembre 2013, un avenant à son contrat de travail a prévu, dans son article 2, que sa "rémunération brute sera de 3 000 euros indépendamment du nombre d'heures effectuées". Il soutient que ces dispositions ne peuvent en aucune manière être comprises comme une convention de forfait en heures puisqu'elles ne prévoyaient pas le nombre d'heures incluses dans le forfait. Celui-ci n'apparaissait pas davantage sur les bulletins de paie qui se contentent de faire référence à un "forfait" d'heures. L'appelant ajoute qu'il ne remplissait pas les conditions pour souscrire à une convention de forfait annuel en jours ou en heures et que si, précédemment, il avait accepté d'être réglé sur la base de 169 heures par mois, l'absence de référence à cet horaire dans l'avenant du 9 décembre 2013, ne pouvait valoir accord de sa part sur cette base.
En conséquence, le salarié estime, qu'à défaut d'accord sur un forfait en heures défini, seul le régime légal de 151,67 heures par mois lui était applicable et qu'il est éligible à réclamer le paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de cet horaire.
À cet égard, il explique, que quand il a occupé les fonctions de Responsable de magasin à [Localité 5], pour la société Le poids-lourd 77, soit à compter du 9 décembre 2013, il devait être présent de l'ouverture à la fermeture du commerce, de 8 heures à 19 heures.
Pour en justifier il verse aux débats l'attestation de [W] [B], magasinier vendeur (pièce 13), celle de M. [I], employé sur le site de [Localité 5] (pièce 15) et le témoignage de Mme [Y], comptable (pièce 16).
À partir de juillet 2016, il a occupé le poste de Responsable des achats et a été basé au magasin de [Localité 6]. Cependant, comme le poste de Responsable de magasin était vacant, il a également dû assumer cette fonction jusqu'à la nomination d'un salarié sur ce poste et sa formation, soit jusqu'à la fin du mois de janvier 2017. En mars et avril 2017, il a continué à effectuer les mêmes horaires, ainsi qu'en témoigne Mme [U] [N], Responsable comptable sur le site de [Localité 6] (pièce 14). En mai 2007, il a dû remplacer le responsable de magasin sur le site de [Localité 5] (pièces 13, 14).
M. [L] [C] affirme donc qu'il a effectué de très nombreuses heures supplémentaires, sur la base d'un horaire quotidien de 8h à 12h/13h30 à 19h, outre un samedi sur deux de 8h à 12, qui n'ont jamais été réglées. S'il n'a jamais réclamé le paiement de ces heures supplémentaires, c'est qu'il pensait que l'avenant du 9 décembre 2013 ne lui permettait pas d'y prétendre.
Le salarié appelant sollicite une somme totale de 52 176,60 euros à titre de rappel de salaires pour la période 2014 à 2017, outre 5 216,66 euros au titre des congés payés afférents.
L'employeur rappelle que le contrat conclu par le salarié et prenant effet en mai 2013 prévoyait un horaire de 169 heures, qui intégrait explicitement une majoration de 25 % sur les 17,33 heures effectuées au-delà de 151,67 heures (pièce 1 salarié). Il était donc convenu que le salarié percevrait un salaire mensuel de 2 450,83 euros sur cette base.
Lorsque M. [L] [C] a été transféré au sein de la société Le poids lourd 77, en application d'un avenant du 9 décembre 2013, il a été convenu que le contrat conclu avec la société Le poids lourd 92 se poursuivrait avec ladite société et que sa rémunération serait de 3 000 euros "indépendamment du nombre d'heures effectuées dans le mois".
Si la société intimée ne conteste pas que ces dispositions ne peuvent valoir convention de forfait en heures ou en jours, elle demande à ce que son annulation ait pour conséquence de replacer les parties dans les mêmes conditions que celles qui présidaient avant la conclusion de cette convention. Les parties ayant convenu, aux termes du contrat de travail de mai 2013, que M. [L] [C] percevrait une rémunération de 2 450,83 euros sur la base d'un horaire mensuel de 169 heures, l'intimée estime qu'il s'agit d'une convention de forfait de rémunération qui s'impose au salarié et qu'il n'est pas fondé à réclamer le paiement d'heures supplémentaires pour les heures accomplies au-delà de 151,67 heures par mois. D'ailleurs, l'employeur relève que le chiffre de 169 heures était bien mentionné sur les bulletins de paie de M. [L] [C], contrairement à ce qu'il affirme et surtout, que M. [L] [C] ne peut sérieusement prétendre qu'il aurait été payé 3 500 euros pour 151,67 heures mensuelles quand il percevait 2 450 euros pour 169 heures mensuelles chez Le poids lourd 92.
De surcroît, la société intimée observe que les calculs de rappel de salaires sur heures supplémentaires de l'appelant n'ont cessé de varier dans le temps puisqu'il réclamait, initialement, le paiement d'heures effectuées alors qu'il était en arrêt de travail ou en congés, voire même pendant des périodes de fermeture de la société. L'employeur critique, aussi, les attestations versées aux débats en constatant que l'une émane d'un magasinier qui a été licencié pour faute et l'autre d'une comptable dont il a été mis fin à la période d'essai non concluante.
L'employeur produit, pour sa part, le témoignage d'un magasinier qui affirme qu'il était en charge d'ouvrir le garage à [Localité 5] à 6h30 (pièce 4), celui du successeur de M. [L] [C] qui prétend que, pour sa part, il commençait vers 8 h et quittait la société à 18h15 (pièce 5). D'autres salariés attestent que M. [L] [C] n'effectuait pas, tous les jours, les horaires qu'il revendique (pièces 2, 3,7).
Mais, la cour retient qu'en cas de nullité de la convention de forfait en heures, ce dont les deux parties conviennent, il n'y a pas lieu de se rapporter aux dispositions antérieures du contrat de travail auxquelles l'avenant a mis fin mais aux dispositions de droit commun à savoir le régime légal de 151,67 heures mensuelles. Le salarié est donc bien fondé à réclamer un rappel de salaires pour les heures non rémunérées effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires.
A cet égard, si la société intimée critique abondamment les pièces produites par le salarié, elle ne verse, pour sa part, aucun élément permettant d'établir de manière objective et fiable le nombre d'heures de travail effectué par M. [L] [C], à défaut d'avoir mis en place un dispositif de contrôle de son temps de travail journalier. En cet état, il sera considéré que la société Gillac ne remplit pas la charge de la preuve qui lui revient, le salarié ayant de son côté apporté à la cour des éléments précis. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents au titre des heures supplémentaires.
Toutefois, il sera pris en compte les observations apportées par l'employeur sur les calculs et revendications de M. [L] [C] pour arbitrer ses demandes.
Il sera jugé que :
- en 2014, le salarié a accompli 111 heures supplémentaires, pour un montant de 2 995,40 euros
- en 2015, le salarié a accompli 58,50 heures supplémentaire, pour un montant de 1 566,31 euros
- en 2016, le salarié a accompli 246 heures supplémentaire, pour un montant de 7 128,86 euros
- en 2017, le salarié a accompli 84 heures supplémentaire, pour un montant de 2 462,89 euros.
Il sera, donc, alloué une somme totale de 14 153,46 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, outre 1 415,35 euros au titre des congés payés afférents.
4/ Sur les repos compensateurs
Le salarié prétendant avoir accompli chaque année un nombre d'heures supplémentaires dépassant le contingent légal de 220 heures, il réclame les sommes suivantes :
- 2014 : 5 966,08 euros
- 2015 : 11 330,11 euros
- 2016 : 11 232,45 euros
- 2017 : 3 824,92 euros
soit un total de 32 353,55 euros, outre 3 235,35 euros au titre des congés payés afférents.
La société intimée objecte que le salarié ne démontre pas avoir dépassé le quota légal de 220 heures.
La cour ayant retenu que le salarié n'a dépassé le contingent annuel de 220 heures supplémentaires que pour l'année 2016, il lui sera alloué une somme de 3 720,30 euros à titre de rappel de salaires pour repos compensateurs pour cette année et 372,03 euros au titre des congés payés afférents.
5/ Sur le travail dissimulé
La cour constate que dans sa déclaration d'appel M. [L] [C] a limité sa demande de réformation aux dispositions du jugement qui l'ont débouté de ses demandes de rappel de salaires et congés payés afférents au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs. Le salarié n'ayant pas demandé l'infirmation des dispositions qui l'ont débouté de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé, la cour n'est pas valablement saisie de ce chef par le salarié. Au demeurant, il est observé que M. [L] [C] ne démontre pas l'intention de dissimulation de l'employeur qui ne se déduit pas de la seule existence d'heures supplémentaires non rémunérées.
6/ Sur la rémunération variable
Le salarié rappelle que son contrat de travail prévoyait une rémunération variable ainsi fixée :
« - 750 euros/trimestre si le Chiffre d'affaires total magasin + atelier (hors ventes internes et cession) est supérieur ou égal de 2,5% au chiffre d'affaires du trimestre de l'année précédente.
- 850 euros/trimestre si le chiffre d'affaires total magasin + atelier est supérieur ou égal de 4 % au chiffre d'affaires (CA) du trimestre de l'année précédente. ».
Or, il estime, qu'au vu des pièces dont il dispose (pièce 17) et du comparatif auquel il s'est livré avec l'année 2016 :
Concernant le 1er trimestre (T1) 2017 :
- Le CA T1 2016 s'est élevé à 801 749,26 euros,
- Le CA T1 2017 s'est élevé à 845 793,27 euros, soit une progression de plus de 5,49 % qu'en 2016, c'est-à-dire plus de 4 %,
En conséquence, une prime de 850 euros lui est due.
Concernant le 2ème trimestre (T2) 2017 :
- Le CA T2 2016 s'est élevé à 712 622,11 euros
- Le CA T2 2017 s'est élevé à 733 169,36 euros, soit une progression de plus de 2,88 % qu'en 2016, c'est-à-dire plus de 2,5 %,
En conséquence, une prime de 750 euros lui est due.
Soit une rémunération totale de 1 600 euros pour les deux premiers trimestres de 2017, alors qu'il n'a perçu que 750 euros à titre de prime variable. Il revendique, donc, un rappel de 850 euros, outre 85 euros au titre des congés payés afférents.
L'employeur répond que M. [L] [C] fonde ses prétentions sur un tableau Excel qui ne précise ni le chiffre d'affaires de l'atelier, ni les retraitements liés aux ventes internes et cessions. En conséquence, il demande à ce que le salarié soit débouté de sa demande qui n'est pas suffisamment étayée.
Cependant, la cour rappelle que lorsqu'un employeur se prétend libéré de l'obligation de paiement d'une rémunération variable, il doit en rapporter la preuve ainsi que toutes les précisions utiles permettant de déterminer l'origine et le mode de calcul de cette rémunération. A défaut pour la société intimée de verser aux débats les éléments ayant abouti à la définition de la part variable du salarié, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de M. [L] [C].
7/ Sur les autres demandes
Il sera ordonné à la société Gillac de délivrer au salarié dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte) conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
La société Gillac supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à M. [L] [C] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Dit que la cour est valablement saisie des demandes de M. [L] [C] tendant à la réformation du jugement du 16 septembre 2020 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de rappel de salaires correspondants aux heures supplémentaires et repos compensateurs ainsi que de ses demandes de rappels de salaires,
Dit qu'elle n'est pas saisie de la demande d'infirmation des dispositions du jugement ayant débouté M. [L] [C] de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé,
Dit recevable la demande de M. [L] [C] de nullité de la convention de forfait datée du 9 décembre 2013,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [L] [C] de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit nulle la convention de forfait du 9 décembre 2013,
Condamne la société Gillac à payer à M. [L] [C] les sommes suivantes :
- 14 153,46 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires
- 1 415,35 euros au titre des congés payés afférents
- 3 720,30 euros à titre de rappel de salaires pour repos compensateurs
- 372,03 euros au titre des congés payés afférents
- 2 000 euros au titre des trais irrépétibles d'appel,
Ordonne à la société Gillac de délivrer au salarié dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte) conformes à la présente décision,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société Gillac aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE