Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 14 MARS 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11352 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA6QL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° 19/00217
APPELANTE
Société ADECCO FRANCE, SASU
immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 998 823 504, agissant poursuites et diligences de son Président, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me François VACCARO, avocat au barreau de TOURS, toque : 54
INTIMES
Monsieur [D] [R]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d'ESSONNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/032699 du 18/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
SASU DHL SERVICES LOGISTIQUES
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Bruno COURTINE, avocat au barreau de PARIS, toque : J094
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [D] [R] a été engagé par la société Adecco France, suivant un contrat de mission conclu pour la période du 22 août au 31 août 2018, pour exercer les fonctions de préparateur de commande au sein de la société DHL services logistiques.
D'autres contrats de mission ont été conclus de manière discontinue sur la période courant du 31 août 2018 jusqu'au 20 février 2019.
Le 8 mars 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Évry-Courcouronnes d'une demande de requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée ainsi que de demandes de rappel de salaire pour les périodes intercalaires et de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier.
Le 19 septembre 2019, le conseil de prud'hommes d'Évry-Courcouronnes, dans sa section Activités diverses, a statué comme suit :
- condamne in solidum les sociétés DHL services logistiques et Adecco, en leurs représentants légaux, à verser à M. [D] [R] les sommes suivantes :
* 1 498,50 euros au titre de l'indemnité de requalification
* 1 007,84 euros au titre des rappels de salaire sur les périodes intercalaires
* 100,78 euros au titre des congés payés sur les périodes intercalaires
* 1 498,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 149,85 euros au titre des congés payés afférents au préavis
Avec intérêts au taux légal à compter du 15/03/2019, date de réception la plus éloignée par l'une des parties défenderesses de la convocation devant le bureau de jugement
Rappelle qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire
Fixe le salaire mensuel moyen de M. [D] [R] à 1 498,50 euros
* 1 498,50 euros au titre des dommages intérêts pour rupture abusive
* 1 498,50 euros au titre des dommages intérêts pour licenciement irrégulier
* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Avec intérêts au taux légal à compter de ce jour
- ordonne vu l'article 515 du code de procédure civile, l'exécution provisoire de l'ensemble du jugement
- déboute les sociétés défenderesses de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonne conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par les parties défenderesses, des allocations-chômage dans la limite de six mois
- condamne les sociétés défenderesses aux dépens
- dit que le présent jugement sera transmis par le greffe au Procureur de la République ainsi qu'à la DIRECCTE de l'Essonne.
Par déclaration du 15 novembre 2019, la société Adecco France a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification le 18 octobre 2019.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 13 janvier 2020, aux termes desquelles la société Adecco France demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement rendu le 19 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes d'Evry en ce qu'il a condamné la société Adecco France à verser à Monsieur [R] les sommes suivantes :
* 1 498,50 euros à titre d'indemnité de requalification
* 1 007,84 euros à titre de rappel de salaire des périodes intercalaires
* 100,78 euros de congés payés afférents
* 1 498,50 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail
* 1 498,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier
* 1 498,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 149,85 euros de congés payés afférents
* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, statuant à nouveau de ces chefs,
- débouter Monsieur [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions
- mettre hors de cause la société Adecco France
- condamner Monsieur [R] à verser à la société Adecco France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 19 février 2020, aux termes desquelles
M. [D] [R] demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 1 498,50 euros le montant des dommages et intérêts pour rupture abusive
- condamner in solidum les sociétés Adecco et DHL services logistiques à verser à Monsieur [R] la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus
- assortir l'ensemble de ces condamnations des intérêts au taux légal
- prononcer l'exécution provisoire sur le tout en application de l'article 515 du code de procédure civile
- statuant de nouveau, condamner in solidum les sociétés Adecco et DHL services logistiques à verser à Monsieur [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
Par une ordonnance du 17 février 2023, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré les conclusions d'intimée de la société DHL services logistiques irrecevables.
En application de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas en cause d'appel est réputée s'approprier les motifs du jugement.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
En l'absence de contestation des parties sur les points suivants, le jugement est définitif en ce qu'il a :
- condamné la société DHL services logistiques à payer à M. [D] [R] les sommes suivantes :
* 1 498,50 euros à titre d'indemnité de requalification.
* 1 498,50 euros au titre des dommages intérêts pour rupture abusive
* 1 498,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 149,85 euros au titre des congés payés afférents au préavis
* 1 498,50 euros au titre des dommages intérêts pour licenciement irrégulier.
1/ Sur la requalification des contrats de mission à l'encontre de la société Adecco et sa condamnation in solidum
M. [D] [R] affirme qu'il a été mis à disposition de la société DHL services logistiques par la société Adecco France sans s'être vu délivrer de contrats de mission dans le délai légal de deux jours à compter du début de son activité. Pire, à compter du 8 décembre 2018, il prétend qu'aucun contrat de travail ne lui a plus été remis, ce qui suffit pour entraîner la requalification de ses contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée à l'encontre de société Adecco France. De surcroît, l'entreprise de travail temporaire n'a pas respecté les délais de carence prévus par la loi entre deux missions successives, ainsi qu'en atteste la lecture de ses bulletins de paie.
En conséquence, il demande à ce que la société Adecco France soit condamnée in solidum avec la société DHL Services à supporter toutes les conséquences de la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée.
La société Adecco France répond qu'elle a respecté ses obligations légales à l'encontre du salarié intimé et, notamment, la transmission dans les deux jours suivant le début de la mission d'un contrat signé. Preuve en est d'ailleurs, que c'est le salarié lui-même qui communique lesdits documents pour la période du 22 août au 8 décembre 2018 (pièce 1 salarié). S'agissant des contrats de mission correspondant à la période postérieure jusqu'au 20 février 2019, dont M. [D] [R] prétend qu'ils n'auraient jamais existé, la société appelante les verse aux débats (pièce 3).
La société Adecco s'explique sur son dispositif d'édition des contrats de mission pour les salariés intérimaires en précisant qu'aucun paiement ne peut intervenir en l'absence de signature du contrat de mission par le salarié. Elle relève, en outre, que M. [D] [R] ne s'est jamais plaint de ne pas disposer de contrat de travail.
S'agissant du non-respect des délais de carence, la société appelante soutient que des manquements de cet ordre, dont elle ne nie pas l'existence, ne sont pas de nature à entraîner la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire, ni une condamnation in solidum de cette dernière aux côtés de l'entreprise utilisatrice. Pour ce faire, il faudrait a minima que le salarié intérimaire démontre une entente illicite ou une action de concert des deux sociétés pour violer la législation relative au travail intérimaire. Or,
M. [D] [R] n'apporte aucune démonstration en ce sens.
La cour rappelle que les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35-1 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d''uvre est interdite n'ont pas été respectées, et ce concurremment à l'action exercée à l'encontre de la société utilisatrice qui repose sur d'autres fondements.
En l'espèce, la cour observe qu'alors que le salarié avait signé tous les contrats de mission jusqu'au 8 décembre 2018, les documents produits par la société Adecco France à compter de cette date ne comportent plus sa signature ce qui ne permet pas de contredire les déclarations du salarié selon lesquelles aucun contrat de travail ne lui a plus été remis après cette date. Ce manquement suffit à entraîner la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée.
En outre, il est acquis que l'entreprise de travail temporaire a conclu plusieurs contrats de mission au motif d'un accroissement temporaire d'activité et il ressort de l'analyse de la succession des contrats que le délai de carence n'a pas été respecté par la société appelante et ce, dès le début de la mise à disposition au bénéfice de la société DHL. Ainsi, les parties ont conclu un contrat de mission renouvelé du 22 août au 1er septembre 2018 et un nouveau contrat du 03 septembre au 15 septembre 2018. Seule une journée a séparé la signature des deux contrats alors qu'un délai minimal de 4 jours et demi aurait dû être respecté. De surcroît le 2 septembre 2018 correspondait à un dimanche et ne pouvait être pris en compte au titre du délai de carence. Le même constat s'impose pour le contrat suivant. En effet,
alors qu'il est arrivé à échéance le 15 septembre 2018 et qu'un nouveau contrat n'aurait pas dû être signé avant le 24 septembre 2018, un contrat de mission a été signé dès le 17 septembre 2018 etc...
C'est à bon droit que les premiers juges en ont déduit que la relation contractuelle existant entre le salarié et l'entreprise de travail temporaire devait être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 03 septembre 2018. Par ailleurs, le défaut de remise d'un contrat écrit et le non-respect du délai de carence caractérisant des manquements par l'entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l'établissement des contrats de mission, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Adecco in solidum avec l'entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l'exception de l'indemnité de requalification, dont l'entreprise utilisatrice est seule débitrice.
2/ Sur les demandes de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles
M. [D] [R] fait valoir qu'à compter du moment où ses contrats de mission ont été requalifiés en un contrat à durée indéterminée, il est bien fondé à réclamer des rappels de salaire au titre des périodes interstitielles.
Cependant, ainsi que le constate la société appelante, le salarié intérimaire ne peut revendiquer le paiement des périodes non travaillées entre chaque contrat de mission que s'il justifie s'être tenu à la disposition de l'employeur. A défaut pour M. [D] [R] d'apporter une telle démonstration, il sera débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre des périodes intercalaires.
3/ Sur la rupture du contrat de travail
Les contrats de mission ayant été requalifiés en un contrat à durée indéterminée à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire à compter du 3 septembre 2018 et la société Adecco n'ayant pas mis en 'uvre de procédure de licenciement à l'encontre du salarié, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Adecco in solidum avec la société DHL services logistiques à payer au salarié la somme justement évaluée à 1 498,50 euros au titre des dommages intérêts pour rupture abusive et 1 498,50 euros au titre des dommages intérêts pour licenciement irrégulier.
Le salarié pouvant légitimement prétendre à une indemnité compensatrice de préavis en sus des sommes perçues au titre de l'indemnité de fin de mission, la société Adecco sera, également, condamnée à lui payer in solidum avec la société DHL services logistiques les sommes suivantes :
- 1 498,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 149,85 euros au titre des congés payés afférents au préavis.
4/ Sur les autres demandes
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Adecco France a supporté in solidum avec la société DHL services logistiques les dépens de première instance et en ce qu'elle l'a condamnée in solidum avec la société DHL services logistiques à payer à M. [D] [R] une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel.
La société Adecco supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Rappelle que le jugement se trouve définitif en ce qu'il a :
- condamné la société DHL services logistiques à payer à M. [D] [R] les sommes suivantes :
* 1 498,50 euros à titre d'indemnité de requalification.
* 1 498,50 euros au titre des dommages intérêts pour rupture abusive
* 1 498,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 149,85 euros au titre des congés payés afférents au préavis
* 1 498,50 euros au titre des dommages intérêts pour licenciement irrégulier.
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- condamné in solidum les sociétés DHL services logistiques et Adecco, en leurs représentants légaux, à verser à M. [D] [R] les sommes suivantes :
* 1 498,50 euros au titre de l'indemnité de requalification
* 1 007,84 euros au titre des rappels de salaires sur les périodes intercalaires
* 100,78 euros au titre des congés payés sur les périodes intercalaires,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [D] [R] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés afférents pour les périodes intercalaires, de sa demande d'indemnité de requalification à l'encontre de la société Adecco ainsi que du surplus de ses demandes,
Déboute la société Adecco du surplus de ses demandes plus amples ou contraires,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société Adecco aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE