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14/03/2024 | FRANCE | N°19/06788

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 14 mars 2024, 19/06788


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 14 MARS 2024

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06788 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADZP



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° R19/00143





APPELANTE :



Madame [Z] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]


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INTIMÉE :



SAS AUXILIADOM, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en c...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 14 MARS 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06788 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADZP

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° R19/00143

APPELANTE :

Madame [Z] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Julien DAMI LE COZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C1116

INTIMÉE :

SAS AUXILIADOM, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Françoise FELISSI, avocat au barreau de PARIS, toque : G225

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, président, chargé du rapport, en présence de Madame [M] [R], élève avocate en stage PPI.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Eric LEGRIS, président

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Eric LEGRIS, président et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société AUXILIADOM a pour activité l'aide à domicile de personnes âgées dépendantes ou handicapées, qui par définition sont des personnes fragiles et vulnérables.

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 avril 2017, Madame [Z] [B] a été engagée par la société AUXILIADOM en qualité de directrice des opérations.

La moyenne mensuelle de ses salaires était de 3.331,00 euros.

En son article 12, le contrat de travail de Madame [B] prévoyait une clause de non concurrence devant s'appliquer pour une durée de deux ans à compter de la fin du contrat. En contrepartie, la société AUXILIADOM s'était engagée à verser à la salariée une indemnité mensuelle égale à 30% de son salaire brut mensuel, versée trimestriellement pendant tout la durée d'application de la clause de non concurrence.

Par courrier en date du 02 février 2018, Madame [B] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par courrier en date du 21 février 2018, l'employeur a confirmé à la salariée l'application de la clause de non concurrence pendant une durée d'un an.

La société AUXILIADOM n'a pas versé l'indemnité mensuelle prévue par la clause de non concurrence.

Elle a appris que Madame [B] avait rompu son contrat de travail pour être embauchée dès le 06 février 2018 par une société concurrente.

Par courrier en date du 21 février 2018, la société AUXILIADOM a rappelé ses obligations à Madame [B] et a également informé la société AUXILIFE pour l'informer de l'existence de cette clause de non concurrence.

Le 13 mars 2018, la société AUXILIFE a mis un terme au contrat de travail à durée indéterminée conclu le 06 février 2018 avec Madame [B].

Invoquant l'absence de versement de l'indemnité mensuelle prévue par la clause de non concurrence, Madame [B] a saisi la section des référés du conseil de prud'hommes de Paris.

Par ordonnance du 1er avril 2019, notifiée aux parties le 22 mai 2019, la formation des référés du conseil de prud'hommes de Paris a :

Dit n'y avoir lieu à référé pour les demandes de Madame [Z] [B] ;

Ordonné à Madame [Z] [B] de verser à la S.A.S. AUXILIADOM la somme de 10.000 € au titre de la clause pénale ;

Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes.

Par déclaration du 29 mai 2019, Madame [B] a interjeté appel.

Maître FELISSI, représentant la société AUXILIADOM, s'est constituée à la date du 10 juillet 2019.

Les conclusions de l'appelant ont été communiquées à la date 04 août 2019.

Les conclusions de l'intimé, quant à elle, ont été remises au greffe le 28 octobre 2019.

Le 25 novembre 2019, un avis d'irrecevabilité des conclusions de la société AUXILIADOM a été rendu par le greffe.

Par courrier du 26 novembre 2019, Maître FELISSI a présenté ses observations quant à l'avis d'irrecevabilité de ses conclusions.

Par une ordonnance du 04 décembre 2019, notifiée aux parties le 09 décembre 2019, la chambre 6-2 de la cour d'appel de Paris a :

Déclaré irrecevables les conclusions déposées le 28 octobre 2019 ;

Prononcé l'irrecevabilité des conclusions, sauf le droit de déférer la présente ordonnance à la cour par application de l'article 916 ;

Dit que la présente décision sera notifiée aux parties ainsi qu'à leurs représentants par lettre simple.

L'ordonnance a été déférée.

Par arrêt du 29 octobre 2020, la chambre 6-2 de la cour d'appel de Paris a :

Rejeté le déféré ;

Condamné la S.A.S. AUXILIADOM aux dépens du déféré.

Le 21 juillet 2023, l'affaire a été fixée à bref délai.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2024.

Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique à la date du 04 août 2019 et à nouveau le 08 novembre 2019, Madame [Z] [B] demande à la cour de :

Infirmer l'ordonnance de référé attaquée, rendue par le conseil de prud'hommes de Paris, en date du 1er avril 2019, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé pour les demandes formées par Madame [B] et ordonné à celle-ci de verser à la société AUXILIADOM la somme de 10.000 €, au titre de la clause pénale.

Ce faisant et statuant à nouveau :

Condamner la société AUXILIADOM au paiement des sommes suivantes :

Indemnités au titre de la clause de non-concurrence : 11.992,80 € ;

Congés payés y afférents : 1.199,28 € ;

Ordonner la remise des fiches de paie y afférentes, sous astreinte journalière de 20 € ;

Intérêts au taux légal à compter de la saisine ;

Débouter la société AUXILIADOM de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires ;

Condamner la société AUXILIADOM à payer à Madame [B] une indemnité de 3.000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société AUXILIADOM à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur ce,

En application de l'article 472 du code de procédure civile, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés ;

Madame [B] soutient que si en vertu de la clause de non concurrence prévu à l'article 12 de son contrat de travail, elle avait l'interdiction de travailler dans une entreprise concurrente de la société AUXILIADOM pour une durée de 2 ans, elle avait convenu oralement avec ladite société être libre de sa clause de non concurrence, à la suite de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.

Elle ajoute que la société AUXILIADOM n'a jamais versé l'indemnité mensuelle prévue par cette même clause et ce, depuis le mois de février 2018, alors que la clause de non concurrence prévoit un versement trimestriel d'une indemnité égale à 30 % du salaire brut mensuel de cette dernière correspondant à un versement trimestriel de 999,40 euros avec des congés payés y afférents de 2999,82 euros.

Elle précise que la société AUXILIADOM lui a adressé un courrier du 21 février 2018 afin de procéder à l'activation de la clause de non concurrence pour une durée d'un an. Elle affirme que la société a également adressé un courrier à la société AUXI'LIFE afin de l'aviser de l'activation de la clause de non concurrence prévue au sein du contrat de Madame [B] en sollicitant la cessation de toute collaboration avec cette dernière. Elle rappelle que la société AUXI'LIFE a, par suite, rompu son contrat de travail le 13 mars 2018.

Madame [B] soutient également que sa condamnation à une indemnité à hauteur de 10.000 euros au titre de la clause pénale prévue à l'article 12 de son contrat de travail est injustifiée au regard des circonstances. Elle affirme qu'il apparaît singulier que la société AUXILIADOM puisse se prévaloir de la clause de non-concurrence auprès de son nouvel employeur pour obtenir la rupture de son nouveau contrat de travail et qu'elle puisse, en outre, ne pas avoir à régler l'indemnité prévue au titre de la clause de non-concurrence et obtenir le paiement d'une indemnité de 10.000 euros au titre de d'un prétendu irrespect de la clause de non-concurrence.

Les demandes telles qu'elles sont formulées au regard de l'exécution du contrat de travail seront examinées en application des dispositions susceptibles d'être mobilisées, peu important que les demandes n'aient pas été présentées à titre provisionnel, la cour relevant en outre que les condamnations prononcées par le premier juge ne l'ont pas été à titre provisionnel.

L'article R.1455-6 du code du travail prévoit que :

« La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Aux termes de l'article R1455-7 du même code, « dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »

Aux termes de l'article 1103 du code civil « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

En l'espèce, l'article 12 du contrat de travail signé entre Madame [B] et la société AUXILIADOM contient une clause de non-concurrence rédigée de la manière suivante :

« Au terme du présent contrat, le salarié s'engage à ne pas exploiter ou faire exploiter, directement ou indirectement, une entreprise concurrente ou similaire à la société AUXILIADOM et à ne pas louer ses services ni exercer d'activité à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit, dans une entreprise concurrente de la société AUXILIADOM.

Cette obligation de non-concurrence est limitée aux activités de service à la personne et plus généralement à toute activité susceptible de concurrencer celle de la société AUXILIADOM.

Elle s'appliquera pendant une durée de deux ans à compter de la fin du présent contrat et sera limitée aux départements dans lesquelles AUXILIADOM exerce une activité en vertu d'un agrément ou d'une autorisation.

En contrepartie de cette obligation, la société AUXILIADOM s'engage à verser à la salariée, après l'expiration du présent contrat une indemnité mensuelle égale à 30 % de son salaire brut mensuel.

Cette indemnité sera versée trimestriellement pendant toute la durée d'application de la clause de non-concurrence.

La société AUXILIADOM se réserve discrétionnaire de choisir de désactiver la clause de non-concurrence ainsi que de réduire sa durée. Dans ce cas, la société AUXILIADOM notifiera Le Salarié par lettre recommandée avec avis de réception son choix de désactiver la clause de non-concurrence ou de la réduire, au plus tard 30 jours suivant la rupture des relations contractuelles.

En cas de violation de cette obligation de non-concurrence, le salarié devra verser à la société AUXILIADOM, à titre de clause pénale, une somme irréductible et forfaitaire de 25 000 €. En outre la société se réserve le droit de faire ordonner immédiatement la cessation de l'activité concurrente ».

Madame [B], qui n'apporte pas la preuve, au-delà de ses propres affirmation, d'un accord convenu avec la société AUXILIADOM pour être libérée de sa clause de non concurrence, a violé son obligation contractuelle résultant de cette clause en signant un contrat de travail avec la société concurrente AUXLIFE quelques jours après la rupture de son contrat de travail chez AUXILIADOM, laquelle par courrier daté du 21 février 2018 n'a pas désactivé mais au contraire rappelé l'activation de cette clause en ramenant simplement sa durée à une période d'un an.

Le salarié qui viole une clause de non-concurrence perd son droit à la contrepartie financière

Dès lors, l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Paris a justement retenu qu'il n'y a lieu à référé pour les demandes de Madame [B].

L'employeur est fondé à demander que le salarié qui n'exécute pas son obligation de non-concurrence soit condamné à lui verser des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Une clause pénale peut prévoir que la violation de la clause de non-concurrence par le salarié entraîne le paiement automatique d'un montant forfaitaire de réparation à l'employeur, à titre de dommages et intérêts, sans que l'employeur n'ait à prouver un quelconque préjudice. Si cette clause est manifestement excessive ou dérisoire, le juge peut moduler le montant prévu contractuellement.

En l'espèce, Madame [B] a violé son obligation de non-concurrence en signant un contrat de travail avec la société AUXLIFE quelques jours après la rupture de son contrat de travail chez AUXILIADOM. Sa propre obligation n'est ainsi pas sérieusement contestable.

Etant rappelé que la Société AUXILIADOM n'a pas eu à régler de contrepartie financière dans ces conditions, qu'elle a aussi informé le nouvel employeur et obtenu la rupture du nouveau contrat de travail, la société AUXI'LIFE ayant rompu la période d'essai de la salariée, la cour estime que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des règles applicables en limitant la condamnation de Madame [B] à une indemnité de 10.000 euros au profit de la société AUXILIADUM.

Le jugement est également confirmé de ce chef, sauf à préciser que cette somme est prononcée à titre de provision.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Madame [B], qui succombe pour l'essentiel doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

CONFIRME l'ordonnance du 1er avril 2019 de la formation des référés du conseil de prud'hommes de Paris, sauf à préciser que la condamnation de Madame [Z] [B] à verser à la SAS AUXILIADOM la somme de 10.000,00 euros au titre de la clause pénale est prononcée à titre de provision,

CONDAMNE Madame [Z] [B] aux dépens et la déboute de sa demande au titre des frais de procédure.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 19/06788
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;19.06788 ?
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