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13/03/2024 | FRANCE | N°21/07016

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 13 mars 2024, 21/07016


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 13 MARS 2024



(n° /2024, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07016 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEXU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/01388





APPELANT



Monsieur [V] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Mohamed DIARRA, avocat au barreau d'ESSONNE





INTIMEE



SFR FIBRE SAS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Mickaël VALETTE, avocat au barreau de PARIS...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 13 MARS 2024

(n° /2024, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07016 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEXU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/01388

APPELANT

Monsieur [V] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Mohamed DIARRA, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

SFR FIBRE SAS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Mickaël VALETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2237

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Rappel des faits, procédure et prétentions des parties

La société SFR fibre est spécialisée dans le secteur d'activité des télécommunications filaires. Elle emploie plus de 300 salariés.

Suivant contrat d'apprentissage en date du 25 septembre 2013, M. [V] [X] a été engagé par la société SFR service client.

Le 1er octobre 2014, M. [V] [X] a été engagé par la société SFR Clients en qualité de conseiller service client, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Le 1er décembre 2017, le contrat de travail de M. [V] [X] a été transféré à la société NC Numéricable (devenue par la suite la société SFR Fibre), en application d'une convention tripartite.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [V] [X] occupait le poste de chargé d'affaires service client, statut Cadre, moyennant un salaire mensuel de 3772,21 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des télécommunications.

M. [V] [X] a fait l'objet, après convocation et mise à pied conservatoire du 11 février 2019 et entretien préalable fixé au 19 février suivant, d'un licenciement pour faute grave le 25 février 2019.

M. [V] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 18 février 2020, aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner son employeur à lui verser diverses sommes de nature salariale ou indemnitaire.

Par jugement en date du 24 juin 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes et a condamné le salarié au paiement des entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 29 juillet 2021, M. [V] [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 novembre 2023, M. [V] [X] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [V] [X] de l'intégralité de ses demandes et condamné ce dernier aux dépens,

Statuant à nouveau :

- fixer le salaire mensuel moyen de M. [V] [X] à la somme de 3.772,21 euros,

- dire que le licenciement de M. [V] [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société SFR fibre à verser à M. [V] [X] les sommes suivantes :

* 2.460,11 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 11 au 25 février *2019, outre 246,01 euros au titre des congés payés afférents,

* 11.316,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (trois mois), outre 1.131,66 euros au titre des congés payés afférents,

* 6.484,43 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 22.633,24 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois),

* 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise d'un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte) conformes à l'arrêt à intervenir dans un délai de 8 jours à compter de sa signification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,

- assortir l'ensemble des condamnations des intérêts légaux à la date de la saisine avec application de la règle de l'anatocisme (article 1343-2 du code civil),

- condamner la société SFR fibre aux entiers dépens et actes de procédures y compris ceux dus au titre d'une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 8 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d'huissiers de justice.

Aux termes de ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 janvier 2022, la société SFR fibre demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 24 juin 2021 en ce qu'il a débouté M. [V] [X] de l'ensemble de ses demandes,

En conséquence :

- débouter M. [V] [X] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [V] [X] à verser à la société SFR Fibre la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] [X] aux entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS

-Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture en date du 25 février 2019, il est reproché à M. [X] l'utilisation des outils mis à sa disposition dans le cadre de son activité professionnelle ainsi que des procédures en vigueur afin d'accomplir des actes de gestion non conformes consistant en :

1-l'utilisation de la base de données clients dites 'CRM' des lignes d'abonnés à des fins personnelles à savoir la consultation à des fins personnelles, depuis son poste de travail et avec ses accès personnels, les bases de données clients pour ses contrats et ceux de ses proches et plus précisément :

-le 10 janvier 2019, 12 recherches sur son contrat et celui d'une personne du nom de [F] [X];

-le 19 septembre 2018, 10 recherches sur l'IMEI d'un certain [K] [G] ainsi que sur les numéros d'appels de cette même personne;

-9 recherches, entre le 26 septembre 2018 et le 10 janvier 2019, sur le numéro d'un certain [Z] [S];

2-la commission de pratiques frauduleuses sur l'année 2016 concernant des renouvellements de mobiles et des annulations de commandes sans retour de mobile, le salarié ayant entre octobre et novembre 2016, passé 10 commandes de téléphones en bénéficiant de la remise collaborateur de 30 %, correspondant à un total de remise de 2457 euros, alors que selon les « Conditions Particulières d'Abonnements (CPA) Collaborateurs» il n'est possible de bénéficier de cette remise qu'une fois par an et qu'elle ne fonctionne pas sur l'achat d'un téléphone seul, chaque téléphone devant être acheté avec une ligne (en même temps que la souscription ou en renouvellement).

Il est reproché au salarié d'avoir souscrit des lignes RED qui sont sans engagement, d'avoir commandé à chaque fois un mobile haute de gamme en bénéficiant de la remise collaborateur et d'avoir ensuite, très rapidement résilié la ligne. Il lui est également reproché d'avoir annulé deux commandes d'octobre 2016 lesquelles n'ont pas été facturées, les commandes étant retirées en relais colis, sans aucune trace de retour chez SFR.

3-l'utilisation de son statut de salarié SFR et de sa fonction auprès des conseillers service Clients, entre le 28 novembre 2016 et le 26 janvier 2019, sollicitant des informations sur ses contrats personnels et en faisant pression sur son interlocuteur, voir en mettant en doute ses compétences. Il est également reproché au salarié, d'avoir, entre le 19 et le 26 janvier 2019, contacté les sites relations clients VAD et Rétention, concernant des demandes d'activations de commandes RED alors que ces sites ne sont pas habilités à traiter ce genre de demandes RED, ce qu'il savait forcément.

La société explique qu'elle a été averti des faits par une 'note d'investigations' de la direction gestion des risques et obligations légales- département investigations concernant 3 salariés dont M. [V] [X]- en date du 5 février 2019. Elle souligne qu'elle n'a pris connaissance des faits qu'à cette date, si bien qu'aucun d'entre eux n'est prescrit.

Le salarié soutient que sa hiérarchie, en la personne de Mme [T], était informée des renouvellements des mobiles depuis au moins décembre 2017 ou janvier 2018 comme cela ressort de leur échanges de messages whatsapp et que concernant les deux mobiles qu'il aurait récupérés en octobre 2016, les faits sont également prescrits.

Concernant le grief n° 1, le salarié indique qu'il n'a utilisé sa ligne ou celles de proches que dans l'exercice de ses fonctions de formateur de salariés SFR, en l'absence de ligne test, que ses collègues font de même et que la société ne démontre aucune manipulation de sa part sur ces lignes. Il indique que la charte informatique dont il est fait état est inapplicable puisqu'elle concerne la société Numéricable. Il met en doute la note interne versée aux débats (pièce 2 de l'employeur).

La cour considére que le grief n° 1 ne peut être retenu dans la mesure ou le salarié verse aux débats quatre attestations d'anciens salariés, lesquels témoignent de cette pratique, tolérée par la hiérarchie, sans que de son côté la société ne rapporte la preuve que les salariés pouvaient faire autrement, par exemple par la mise à disposition de lignes tests dédiées.

En ce qui concerne le grief n°2, les faits ne sont pas prescrits, seul le rapport d'investigations du 5 février 2019 ayant permis à l'employeur de connaître avec précision les faits et leur ampleur, étant précisé que l'échange de messages Whatsapp avec Mme [T], que le salarié a fait extraire par un huissier de justice de son téléphone (procès-verbal de constat en date du 24 mars 2019), s'il est non daté, a eu lieu, à l'évidence, après l'envoi de la lettre de licenciement (ou du moins l'entretien préalable), si bien qu'il ne peut rapporter valablement la preuve de ce que la hiérarchie du salarié en était informée depuis plus de deux mois.

Le salarié soutient que les collaborateurs ont droit a une remise de 30% pour 10 lignes personnelles et met en doute la validité du fichier produit pas l'employeur présenté comme établissant la politique applicable en matière de' remises collaborateurs'. Il verse aux débats, les versions de ce document pour 2015 et 2018.

La cour constate que quelque soit la version des conditions de remises collaborateurs, si ces derniers peuvent bénéficier de 30% de remise sur l'ouverture de 10 lignes, cette même remise pour le renouvellement d'un mobile est autorisée une seule fois par an et uniquement dans le cadre d'une souscription d'un contrat avec engagement pendant 24 mois ou du renouvellement d'un contrat existant.

Ainsi la souscription à 10 reprises de lignes RED qui sont sans engagement, avec la commande d'un téléphone mobile, suivie deux/trois mois après de la résiliation de la ligne, ce dont la société SFR Fibre rapporte la preuve et n'est pas contesté par le salarié, est bien constitutif d'une fraude qui caratérise une faute grave, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner le grief n°3, rendant impossible le maitien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur dont la confiance a nécessairement été mise à mal.

Le jugement est confirmé de ce chef et en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes au titre du rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de remise des documents de fin de contrat.

Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] [X] est condamné aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

CONDAMNE M. [V] [X] aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/07016
Date de la décision : 13/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-13;21.07016 ?
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