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13/03/2024 | FRANCE | N°21/05584

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 13 mars 2024, 21/05584


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 13 MARS 2024



(n° /2024, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05584 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4VS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°





APPELANT



Monsieur [E] [Y]

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Représenté par Me Guy DEDIEU de la SCP DEDIEU PEROTTO, avocat au barreau d'ARIEGE





INTIMEES



SELAFA MJA prise en la personne de Maître [G] es-qualité de Mandataire ad hoc de la ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 13 MARS 2024

(n° /2024, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05584 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4VS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°

APPELANT

Monsieur [E] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 5] / FRANCE

Représenté par Me Guy DEDIEU de la SCP DEDIEU PEROTTO, avocat au barreau d'ARIEGE

INTIMEES

SELAFA MJA prise en la personne de Maître [G] es-qualité de Mandataire ad hoc de la SARL BAG2PACK dont le siège est situé [Adresse 4]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223

Association L'UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre rédactrice

Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La société Bag2pack (ci-après 'la société') est spécialisée dans la fabrication d'équipements d'emballages, de conditionnement et de pesage.

M. [E] [Y] a été engagé suivant contrat à durée indéterminée en date du 8 juin 2010, en qualité de responsable chargé d'affaires et développement export, niveau 8, échelon 3.

Il était par ailleurs associé minoritaire de la société Bag2pack depuis le 12 décembre 2007, à hauteur de 2,67 %.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la métallurgie.

La rémunération mensuelle brute de M. [Y] était au dernier état de la relation contractuelle de 2 485 euros, pour un forfait jour de 214 jours par an.

Par avenant en date du 30 décembre 2014, avec effet à compter du 1er janvier 2015, il a été convenu entre les parties que le forfait jour de M. [Y] serait réduit de 218 jours par an à 109 jours par an, portant par conséquent la rémunération à la somme de 1.268,13 euros brut par mois.

Par avenant en date du 1er janvier 2018, M. [Y] a été promu au poste de responsable de production, statut cadre, position III A, coefficient 135, moyennant une rémunération de 2 030,79 euros brut par mois.

Par jugement du 27 novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Bag2pack et désigné la Selafa Mja, prise en la personne de Me [B] [G], en qualité de mandataire liquidateur.

C'est ainsi que M. [Y] a fait l'objet, après convocation du 2 décembre 2019 et entretien préalable fixé au 10 décembre suivant, d'un licenciement pour motif économique le 11 décembre 2019 par le mandataire liquidateur.

L'AGS considérant que M. [Y] avait la qualité d'associé et non de salarié, le mandataire liquidateur a averti M. [Y], par courrier du 10 avril 2020, que sa créance salariale n'avait pas été reconnue.

Par requête du 24 juin 2020, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir, notamment, juger qu'il était bien salarié de la société Bag2pack et fixer diverses créances à la procédure de liquidation judiciaire.

Par jugement du 28 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a:

- débouté M. [E] [Y] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à l'AGS CGEA IDF Ouest la somme de 100,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'AGS CGEA IDF Ouest du surplus de ses demandes,

- condamné M. [E] [Y] au paiement des entiers dépens.

Par déclaration déposée par la voie électronique le 22 juin 2021, M. [Y] a interjeté appel de cette décision, intimant la société Bag2pack, représentée par la Selafa Mja es qualités, ainsi que l'AGS CGEA IDF Ouest.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2022, M. [Y] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 28 mai 2021 en ce qu'il a jugé qu'il n'était pas salarié de la Sarl Bag2pack et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes consistant à fixer ses créances au passif de la Sarl Bag2pack de la manière suivante :

* 43 164,89 euros brut au titre des salaires impayés pour la période du 1er janvier 2018 au 30 novembre 2019;

* 676,93 euros brut au titre du salaire du mois de décembre pour la période du 1/12/2020 au 10/12/2020;

* 1 353,86 euros brut au titre du salaire du 11/12/2019 au 31/12/2020 pour la période relative au temps de réflexion pour accepter le CSP;

* 3.655,42 euros brut au titre des congés payés pour la période du 1/04/2018 au 31/12/2019,

* 4.907,74 euros net au titre de l'indemnité de licenciement;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 28 mai 2021 en ce qu'il a dit et jugé que le CGEA ne devait pas garantir les créances de M. [Y] et que Me [B] [G], ès qualité de mandataire ad hoc de la Sarl Bag2pack, n'avait pas à remettre à M. [Y] le bulletin de salaire du mois de novembre 2019;

Statuant à nouveau,

- juger que M. [Y] était salarié de la Sarl Bag2pack;

- fixer les créances de M. [Y] de la manière suivante :

* 43 164,89 euros brut au titre des salaires impayés pour la période du 1er janvier 2018 au 30 novembre 2019;

* 676,93 euros brut au titre du salaire du mois de décembre pour la période du 1/12/2020 au 10/12/2020;

* 1 353,86 euros brut au titre du salaire du 11/12/2019 au 31/12/2020 pour la période relative au temps de réflexion pour accepter le CSP;

* 3.655,42 euros brut au titre des congés payés pour la période du 1/04/2018 au 31/12/2019,

* 4.907,74 euros net au titre de l'indemnité de licenciement;

- ordonner au CGEA de garantir les créances salariales de M. [Y];

- ordonner à Me [B] [G], ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL Bag2pack de remettre le bulletin de salaire du mois de novembre 2019;

- condamner Me [B] [G], ès qualité de mandataire ad hoc de la SARL Bag2pack et le CGEA, à titre personnel, à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel;

- débouter Me [B] [G], ès qualité de mandataire ad hoc de la Sarl Bag2pack et le CGEA de l'ensemble de leurs demandes.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2022, la société Bag2pack, représentée par la Selafa MJA, es qualités, demande à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions;

En conséquence :

- dire et juger que M. [Y] n'a pas la qualité de salarié de la société Bag2pack;

- débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes;

- condamner M. [Y] à la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner M. [Y] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2021, l'AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 28 mai 2021 en toutes ses dispositions;

En conséquence,

- juger M. [Y] n'avait pas la qualité de salarié de la société Bag2pack

- débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes;

A titre subsidiaire, et si la Cour devait infirmer le jugement par rejet des motifs précités :

- juger que la créance salariale de M. [Y] s'est novée en prêt;

- débouter M. [Y] de ses demandes de rappel de salaires;

A titre infiniment subsidiaire, et si la Cour devait infirmer le jugement par rejet des motifs précités :

- juger que l'avenant du 1er janvier 2018 fixant l'augmentation de salaire est nul;

- ramener à de plus justes proportions la demande de rappels de salaires de M. [Y] et la fixer à 29 484,02 euros brut;

En tout état de cause, sur la garantie de l'AGS :

- juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale;

- juger que s'il y a lieu à fixation, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail, la garantie de l'AGS n'est due qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur et sous réserve qu'un relevé de créances soit transmis par le mandataire judiciaire;

- juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié, le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du travail;

- juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution ou pour cause de rupture du contrat de travail au sens dudit article L. 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou de l'article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie;

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'Unédic AGS;

- condamner M. [Y] à verser à l'AGS CGEA IDF Ouest la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée à ce titre par le jugement entrepris;

- le condamner aux entiers dépens.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 novembre 2023.

MOTIFS

Sur la qualité de salarié

Pour voir infirmer le jugement déféré, M.[Y] se prévaut de la qualité de salarié en invoquant les éléments suivants :

- il dispose d'un contrat de travail complété par un avenant et des bulletins de paie qui lui ont été délivrés;

- il produit ses relevés de compte bancaire faisant apparaître des virements de la société;

- il soutient apporter la preuve qu'il exécutait un travail sous l'autorité de l'employeur;

- la réalité du lien de subordination serait confirmée par les pièces versées aux débats;

- il a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique.

L'AGS et le mandataire ad hoc exposent principalement que M. [Y], associé minoritaire de la société, échoue à démontrer qu'il exerçait, dans le cadre d'un lien de subordination, des fonctions au sein de la société Bag2pack. Dès lors, il ne peut lui être reconnu la qualité de salarié.

Aux termes de l'article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de celui qui revendique la qualité de salarié. Mais être associé minoritaire de l'entreprise ne vaut pas présomption de gérance ou direction de fait ni d'absence de lien de subordination.

En application de l'article 1353 du code civil, c'est à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence. Mais en présence d'un contrat de travail apparent, la charge de la preuve est renversée et il appartient alors à celui qui invoque le caractère fictif du contrat d'en rapporter la preuve.

Enfin, la preuve du caractère fictif tiré de l'absence de prestation de travail renverse la présomption attachée à la présence d'un contrat de travail apparent.

En l'espèce, la cour constate que M. [Y] établit l'existence d'un contrat de travail apparent le liant à la société Bag2pack par la production des éléments suivants :

- un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet signé le 8 juin 2010 et aux termes duquel il est embauché en qualité de responsable chargé d'affaires et développement expert, niveau 8 , échelon 3 et est placé sous la responsabilité de M. [T] [L], gérant;

- deux avenants au contrat de travail datés respectivement du 30 décembre 2014 et 1er janvier 2019 prévoyant la mise en place d'un forfait jours;

- une attestation établie par M. [H], qui témoigne de ce qu'il travaillait dans un lien de subordination;

- une attestation établie par M. [L], gérant de la société en ce sens;

- des courriels échangés faisant apparaître des demandes ou commandes du gérant;

- le courrier du liquidateur es qualité le convocant à un entretien préalable à licenciement pour motif économique suite à la liquidation judiciaire de la société;

- la lettre de licenciement pour motif économique en date du 11 décembre 2019;

- le bulletin de paie simplifié établi par le mandataire judiciaire es qualités;

- le certificat de travail établi le 16 janvier 2020 par le mandataire es qualité aux termes duquel M. [Y] a été employé par la société Bag2pack du 9 juin 2010 au 31 décembre 2019;

- des bulletins de salaire pour les mois de janvier à décembre 2018 ainsi que ceux couvrant la période de janvier à décembre 2019.

Ces documents, produits par M. [Y], permettent de retenir l'existence d'un contrat de travail apparent le liant à la société Bag2pack.

Il appartient donc à ce stade à l'AGS et au mandataire es qualités de rapporter la preuve du caractère fictif du contrat de travail apparent.

Pour invoquer le caractère fictif de ce contrat de travail, les intimés font valoir que :

- le licenciement pour motif économique ne vaut nullement reconnaissance de son statut de salarié et est intervenu 'sous réserve de la reconnaissance d'un statut de salarié', ce qui présume qu'au jour où il a été notifié le liquidateur émettait des réserves sur la qualité de salarié de M. [Y];

- M. [Y] indique exercer des fonctions de responsable statut non cadre alors qu'il est présenté sur le site internet de la société comme ' directeur commercial' minimisant ainsi son statut et son rôle;

-il n'a pas exercé de fonctions techniques distinctes découlant de sa qualité d'associé dans un état de subordination,

-il ne verse aucun document tendant à démontrer qu'il recevait des ordres ou des directives, les échanges de mails produits s'inscrivant dans le cadre de discussions entre associés;

- il est étonnant qu'il ait continué sa prestation de travail à compter de janvier 2018 sans percevoir de rémunération et sans la réclamer.

S'agissant du statut de M. [Y], il ressort des statuts mis à jour certifiés conformes à l'assemblée générale que sur 1688 parts de la société, M. [Y] n'était titulaire que de 45 parts. Il avait donc bien le statut d'associé minoritaire.

Sur les fonctions réellement exercées par M. [Y], son contrat de travail fait état des missions principales suivantes pour le poste de 'Responsable chargé d'affaire et développement export' :

- définition de la politique commerciale internationale;

- organisation des salons, expositions et missions de prospections;

- développement des zones Europe de l'Est, Moyen Orient et Asie sur lesquelles il définira la politique commerciale (ouverture de franchise, mise en place de partenariats).

Il est ajouté dans le contrat que M. [Y] pourra être affecté temporairement en cas de nécessité liée au bon fonctionnement de la société et se conformera aux directives et instructions qui lui seront données par son supérieur hiérarchique.

Il ressort des statuts de la société ainsi que du jugement du tribunal de commerce produit par la Selafa Mja es qualités que le gérant de la société est M. [L]. Le fait que M. [Y] soit présenté comme directeur commercial n'implique aucunement qu'il n'était pas lié par un lien de subordination juridique puisque cet emploi renvoie à un poste de cadre, étant relevé que sur les bulletins de paie, si l'emploi visé est certes celui de responsable de production, le salarié est en revanche cadre (forfait jours), Position III, coefficient 86 puis 135 (ce qui correspond dans le cadre de la convention collective applicable à une classification de cadre). Par ailleurs, la qualité d'associé, qui plus est minoritaire à hauteur de 2,67 %, ne saurait davantage impliquer ipso facto que M. [Y] n'avait pas en réalité la qualité de salarié et ce d'autant plus qu'il aurait été selon le site internet de la société 'directeur commercial' au sein de la société correspond à des fonctions distinctes de celles de dirigeant de l'entreprise. Le mandataire es qualités et l'AGS ne prétendent pas que M. [Y] assurait en réalité la gestion administrative, comptable, opérationnelle et financière de la société.

Les courriels produits par M. [Y] et le rapport d'étude démontrent qu'il rendait compte de l'avancée des démarches et devait répondre à des demandes. Ces courriels permettent également de s'assurer que M. [Y] a assumé ses fonctions au delà du mois de janvier 2018. Enfin, l'examen des bulletins de salaire démontre que des cotisations de chômage ont bien été versées pour ce salarié.

La Selafa Mja es qualités et l'AGS ne rapportent donc pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail fictif. Elles seront en conséquence déboutées de leurs demandes aux fins de voir juger que M. [Y] n'avait pas la qualité de salarié.

Sur les créances et la novation

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'est libéré de son obligation de régler les salaires.

En l'espèce, M. [Y] sollicite la somme de 43 164, 89 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 1er janvier 2018 au 31 novembre 2019, outre le salaire pour le mois de décembre 2019.

Le mandataire es qualités ne démontre pas que l'employeur ait réglé les salaires.

Pour s'opposer à la demande de M. [Y], l'AGS soutient que M. [Y], en ne réclamant pas le paiement de ses salaires, aurait favorisé l'intérêt social au détriment de son intérêt salarial et aurait ainsi opéré novation de sa créance salariale en créance de prêt.

Or, la novation ne se présume pas.

Même à la supposer établie, la circonstance invoquée par l'AGS que M. [Y] n'aurait pas sollicité du gérant de la société le versement des arriérés de la rémunération lui étant due au titre de son activité dont il sollicite aujourd'hui le paiement, est insuffisante à elle-seule, compte-tenu de la liquidation judiciaire de la société, à caractériser la volonté claire et non équivoque de l'intéressé de renoncer au paiement de tout ou partie de ses salaires- qui ne pouvait résulter de la seule non-perception de ceux-ci- ou de faire prévaloir ses intérêts d' associé.

Le moyen sera en conséquence rejeté.

Sur la demande relative à la nullité de l'avenant du contrat de travail du 1er janvier 2018

L'AGS CGEA, fait valoir que la société était en période suspecte lorsque l'avenant au contrat de travail de M.[Y] portant augmentation de son salaire a été signé et qu'en s'engageant par renouvellement en période suspecte l'employeur a accentué le déséquilibre de la relation contractuelle.

En application de l'article L. 632-1.2° du code du commerce, est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie.

Le contrat de travail entre dans la catégorie des contrats commutatifs au sens de cet article, et la période suspecte court de la date de cessation des paiements à l'ouverture de la procédure par le jugement prononçant le redressement ou la liquidation judiciaire.

Il appartient à celui qui sollicite la nullité du contrat d'établir le déséquilibre des prestations.

L'appréciation du déséquilibre porte sur le contenu des obligations et la charge qu'elle implique pour les parties, sans avoir à rechercher si le salarié avait connaissance de l'état de cessation des paiements.

En l'espèce, il résulte du jugement d'ouverture de la procédure collective prononcé le 27 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris que la date de cessation des paiements de la Sarl Bag2pack a été fixée au 27 mai 2018.

L'avenant du contrat de travail conclu avec M. [Y] le 1er janvier 2018 est intervenu plusieurs mois après la cessation des paiements et avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Ce seul fait n'implique pas nécessairement qu'un déséquilibre notable entre les obligations des parties résulterait de l'avenant signé pendant cette période.

Il apparaît en conséquence que l'existence de cet avenant au contrat de travail résulte de circonstances qui sont de nature à permettre de retenir que le salaire consenti constitue la contrepartie non excessive du travail fourni.

En tout état de cause, en présence d'un avenant au contrat de travail signé par chacune des parties, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il n'y a pas eu travail effectif et cette démonstration n'est pas faite par les intimées.

Dès lors, les obligations résultant pour l'employeur de l'avenant au contrat de travail du 1er janvier 2018 n'excédant pas notablement les obligations du salarié, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 632-1 du code de commerce.

Il convient par conséquent de rejeter la demande d'annulation de l'avenant du contrat de travail du 1er janvier 2018.

Sur les demandes financières

Au vu des développements précédents, M. [Y] est fondé à réclamer un rappel de salaires. Il verse à l'appui de sa réclamation les relevés bancaires dont il ressort qu'il a reçu de la société des virements partiels. Toutefois son décompte présente des incohérences qui doivent être corrigées au regard du salaire de base revendiqué.

Il y a lieu, en conséquence, infirmant le jugement entrepris, au vu des développements de fixer au passif de la procédure collective suivie contre la société Bag2pack au profit de M. [Y] les sommes suivantes:

-14 475, 80 euros bruts au titre de rappel de salaire de janvier 2018 à décembre 2018;

- 21 138, 69 euros bruts au titre des salaires de janvier 2019 à novembre 2019,

soit la somme totale de 35 614, 49 euros bruts;

- 676, 93 euros bruts au titre du salaire du 1er au 10 décembre 2019;

- 1353, 86 euros bruts au titre du salaire du 11 décembre 2019 au 31 décembre 2019 correspondant à la période de réflexion pour accepter le CSP, étant observé que M. [Y] ne sollicite pas aux termes du dispositif de ses écritures les congés payés afférents.

Deuxièmement, aucune critique utile n'étant développée quant au reliquat de congés payés non pris au jour de la rupture du contrat de travail, il convient de fixer au passif de la procédure collective suivie contre la société Bag2pack au profit de M. [Y] la somme de 3655, 42 euros s bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Troisièmement, il convient de fixer au passif de la procédure collective suivie au bénéfice de M. [Y] qui a fait l'objet d'un licenciement économique par le mandataire liquidateur, une indemnité de licenciement de 4907, 74 euros.

Il est ordonné au mandataire liquidateur de remettre le bulletin de salaire rectifié conforme au présent arrêt.

Sur la garantie de l'AGS

Il y a lieu de déclarer le jugement commun et opposable à l'AGS et de dire que l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA de d'Ile de France Ouest , devenue AGS, doit sa garantie selon les conditions fixées par la loi.

Sur les autres demandes

Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel sont mis à la charge de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

FIXE au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la Sarl Back2pack les créances suivantes au profit de M. [E] [Y] :

-35 614, 49 euros bruts à titre de rappel des salaires lui restant dus pour la période comprise entre le 1er janvier 2018 et le 30 novembre 2019;

- 676, 93 euros bruts au titre de salaire pour la période comprise entre le 1er décembre 2019 et le 10 décembre 2019;

- 1353, 86 euros bruts au titre du salaire du 11 décembre 2019 au 31 décembre 2019, correspondant à la période relative au temps de réflexion pour accepter le CSP;

- 3655, 42 euros bruts au titre des congés payés pour la période du 1er avril 2018 au 31 décembre 2019;

- 4907, 74 euros nets à titre d'indemnité de licenciement.

DIT que ces créances seront garanties par l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA de d'Ile de France Ouest , devenue AGS, dans les limites et plafonds légaux et conditions prévues par la loi;

ENJOINT à la Selafa Mja pris en la personne de Maître [B] [G], ès qualités de mandataire ad'hoc de la Sarl Back2pack en liquidation, de délivrer à M. [E] [Y] le bulletin de salaire rectifié conformément au présent arrêt;

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire;

DEBOUTE les parties de toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05584
Date de la décision : 13/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-13;21.05584 ?
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