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12/03/2024 | FRANCE | N°23/07024

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 12 mars 2024, 23/07024


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRÊT DU 12 MARS 2024



(n° 99 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07024 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHOYH



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Décembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de BOBIGNY - RG n°1222000465





APPELANT



M. [Y] [B]

[Adresse 2]

[L

ocalité 4]



Représenté par Me Loïc LE QUELLEC, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 252, présent à l'audience





INTIMEE



Mme [X] [M]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représe...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 12 MARS 2024

(n° 99 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07024 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHOYH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Décembre 2022 - Juge des contentieux de la protection de BOBIGNY - RG n°1222000465

APPELANT

M. [Y] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Loïc LE QUELLEC, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 252, présent à l'audience

INTIMEE

Mme [X] [M]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Eric SIMONNET de la SELARL SIMONNET AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0839

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Février 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre

Anne-Gaël BLANC, Conseillère

Valérie GEORGET, Conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre et par Jeanne PAMBO, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

Affirmant avoir consenti un bail à Mme [D] et M. [B] par acte sous seing privé du 26 juin 2018 à effet au 1er juillet 2018, portant sur un local à usage d'habitation avec aire de stationnement situé [Adresse 3] (93), Mme [M] a fait délivrer à chacun des locataires un commandement de payer visant la clause résolutoire par actes extrajudiciaires du 10 juin 2022, pour le recouvrement de la somme de 13 144,24 euros échue à cette date au titre des loyers et charges impayés.

Par acte extrajudiciaire du 16 août 2022, Mme [M] a fait assigner en référé Mme [D] et M. [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail, obtenir son expulsion ainsi que le paiement de diverses sommes.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 2 décembre 2022, en l'absence des deux défendeurs, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny a :

constaté la résiliation du contrat de bail consenti à Mme [D] et M. [B] sur un local à usage d'habitation et ses accessoires, situé [Adresse 3] ;

ordonné l'expulsion de Mme [D] et M. [B] ainsi que celle de toute personne vivant sous son toit, avec au besoin le concours de la force publique ;

condamné Mme [D] et M. [B] à payer à Mme [M] :

in solidum entre eux, une indemnité d'occupation mensuelle provisionnelle équivalente au montant du loyer et des charges qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi et ce, à compter du 11 août 2022 et jusqu'à libération des lieux,

d'ores et déjà, la somme de 15 223,14 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au mois d'août 2022 portant intérêts légaux à compter du 10 juin 2022 sur la somme de 13 134,24 euros, solidairement jusqu'à la résiliation du bail et in solidum à compter de celle-ci,

in solidum, la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté le surplus des demandes ;

condamné in solidum entre eux Mme [D] et M. [B] aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer.

Par déclaration du 13 avril 2023, M. [B] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a condamné à :

payer une indemnité d'occupation mensuelle provisionnelle équivalente au montant du loyer et des charges qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi et ce, à compter du 11 août 2022 et jusqu'à libération des lieux ;

payer la somme de 15 223,14euros au titre de l'arriéré locatif ;

payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

payer les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 20 décembre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, il demande à la cour de :

prononcer la nullité de la signification en date du 23 décembre 2022 de l'ordonnance du 02 décembre 2022 ;

prononcer la nullité de l'assignation introductive d'instance et de tous les actes subséquents ;

à titre subsidiaire,

prononcer la nullité de la signification en date du 23 décembre 2022 de l'ordonnance du 02 décembre 2022 ;

le dire recevable et bien fondé en son appel ;

l'y recevant,

infirmer l'ordonnance entreprise,

Et statuant à nouveau,

surseoir à statuer en attente du résultat de la plainte pénale déposée par le concluant pour usurpation d'identité ;

procéder à une vérification d'écriture comme prévu aux articles 287 à 295 du code de procédure civile ;

constater qu'il n'est pas le signataire du bail ;

En conséquence,

débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires aux présentes ,

En tout état de cause,

condamner Mme [M] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. »

Mme [M], aux termes de ses dernières conclusions en date du 27 septembre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

In limine litis,

surseoir à statuer dans l'attente d'une décision sur la mise en mouvement de l'action publique suite à la plainte de M. [B] ;

à titre principal

déclarer irrecevable l'appel de M. [B] à son encontre ;

à titre subsidiaire

débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

confirmer l'ordonnance de référé rendue le 2 décembre 2022 par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Bobigny ;

en tout état de cause

condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 000 euros en remboursement des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [B] aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par message RPVA du 26 février 2024, la cour a indiqué aux parties qu'elle envisageait de rechercher si les différents actes de commissaires de justices des 16 août 2022, 23 décembre 2022 et 4 avril 2023, qui ont donné lieu à des constatations contradictoires, n'avaient pas eu pour effet de porter atteinte au droit de M. [B] à l'accès effectif à un juge au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les parties ont été invitées à communiquer une note en délibéré à ce sujet jusqu'au 5 mars 2024 à minuit.

Le conseil de M. [B] a fait parvenir une note par message du 4 mars 2024.

Sur ce,

Sur le sursis à statuer

Les demandes tendant au sursis à statuer dans l'attente du résultat de la plainte déposé par M. [B] pour usurpation d'identité seront rejetées. La bonne administration de la justice ne postule pas que l'instance soit suspendue jusqu'à un événement qui n'est pas défini avec précision par les parties, alors même que M. [B] a simplement été entendu au commissariat local le 6 avril 2023 et qu'il n'y a aucune indication que l'action publique a été mise en mouvement.

Sur la recevabilité de l'appel

En vertu de l'article 490 du code de procédure civile, le délai d'appel de l'ordonnance de référé est de quinze jours à compter de la signification de la décision.

Mme [M] conteste la recevabilité de l'appel qu'elle considère comme tardif, en soutenant que l'ordonnance du 2 décembre 2022 a été signifiée le 23 décembre 2022 à domicile, avec avis délivré au [Adresse 3].

Le procès-verbal de signification du 23 décembre 2022 (pièce 4 [M]) relève que le nom de M. [B] est inscrit sur la boite aux lettres et le facteur dépose du courrier au nom du destinataire de l'acte. Il précise aussi que personne n'est présent ou ne répond à ses appels, et qu'il n'a pu, lors de son passage, avoir d'indication sur le lieu où rencontrer le destinataire de l'acte. Le commissaire de justice mentionne que l'acte a été déposé à l'étude, avec un avis de passage laissé à l'adresse du signifié, les prescriptions de l'acte 658 du code de procédure civile étant par ailleurs respectées.

M. [B] explique qu'il a reçu un avis de passage du commissaire de justice le 4 avril 2023 à sa véritable adresse, située [Adresse 2] (93) correspondant à un bien qu'il loue depuis le 10 octobre 2011. Il en déduit qu'il a respecté le délai de quinze jours pour faire appel. Mme [M] fait valoir qu'elle a fait procéder à une seconde signification de l'ordonnance entreprise à toutes fins, dans la mesure où le commissaire de justice a découvert cette adresse de M. [B] en effectuant des recherches dans le Ficoba pour exécuter les condamnations pécuniaires. Elle affirme que dans cette hypothèse, seule la date de la première signification doit être prise en compte.

Il convient cependant d'observer que les moyens de défense de M. [B] tiennent à l'existence d'une usurpation d'identité. Il dénie avoir signé le bail litigieux et avoir habité dans les locaux situés [Adresse 6]. Les constatations de l'acte de commissaire de justice le 23 décembre 2022, si elles font certainement foi, se limitent à la présence d'un nom sur une boîte aux lettres ; la mention « le facteur dépose du courrier au nom du destinataire de l'acte » n'est pas probante dès lors que le commissaire ne mentionne pas avoir vu le facteur opérer. En outre, dans son ordonnance du 2 décembre 2022, le premier juge avait relevé que M. [B], non comparant, avait été cité à cette adresse à l'aide d'un procès-verbal de recherches infructueuses, alors que Mme [D] avait été assignée à domicile.

Face à trois actes de commissaire de justice qui se contredisent (assignation PV 659 du 16 août 2022, signification à domicile du 23 décembre 2022, signification à domicile mais à une autre adresse du 4 avril 2023), admettre l'irrecevabilité de l'appel de M. [B] comme tardif en affirmant dès à présent que M. [B] habitait [Adresse 3] (93) serait de nature à violer son accès effectif à un juge, étant rappelé que M. [B] n'était pas comparant en première instance. En effet, les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent conduire le juge à vérifier que le recours s'exerce à partir du moment où les intéressés peuvent effectivement connaître les décisions judiciaires qui leur imposent une charge ou pourraient porter atteinte à leurs droits ou intérêts légitimes. La notification, par voie de signification en l'espèce, en tant qu'acte de communication entre l'organe juridictionnel et les parties, sert à faire connaître la décision de la juridiction, ainsi que les fondements qui la motivent, pour permettre, le cas échéant, aux parties de former un recours ([F] [E] et autres c. Espagne, 2000, § 37).

Les incertitudes qui pèsent sur l'efficacité de la signification à l'adresse litigieuse ne permettent pas de s'assurer que M. [B] a pu connaître, dans les quinze jours suivants la signification du 23 décembre 2022, la décision de la juridiction. Il sera donc tenu compte seulement de la signification du 4 avril 2023. Dès lors, M. [B] a formé son appel dans le délai de quinze jours. L'exception d'irrecevabilité sera rejetée.

Sur la nullité des significations

M. [B] demande l'annulation de la signification du 23 décembre 2022 de l'ordonnance du 2 décembre 2022 et celle de l'assignation introductive d'instance et de tous les actes subséquents. Il reproche au commissaire de justice d'avoir opéré des recherches insuffisantes qui l'ont empêché de bénéficier d'un double degré de juridiction.

L'assignation introductive d'instance du 16 août 2022 a fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses aux termes de diligences de l'huissier que M. [B] ne peut pas critiquer, puisqu'il affirme lui-même qu'il ne demeurait pas à l'adresse à laquelle s'est rendu l'huissier, [Adresse 3].

S'agissant de la signification du 23 décembre 2022 de l'ordonnance du 2 décembre 2022, M. [B] ne démontre pas l'existence d'un grief, alors que la recevabilité de son appel a été admise.

Ces deux exceptions de nullité seront donc rejetées.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes

En vertu de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement de payer contient, notamment, à peine de nullité un décompte de la dette.

En vertu de ces textes, il est possible, dans le cadre d'une procédure en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de location en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre conformément aux dispositions d'ordre public de la loi applicable en matière de baux d'habitation.

Par application de l'article 285 du code de procédure civile, le juge des référés peut procéder incidemment à l'examen à la vérification d'écriture prescrite par les articles 287 et suivants du même code, dès lors que cette contestation n'est pas sérieuse. En l'espèce, au vu des différents échantillons de paraphes et de signatures tirés, pour ceux qui sont argués de faux, du bail litigieux portant sur le local situé [Adresse 3] et, pour ceux reconnus comme vrais par M. [B], d'un bail passé le 4 octobre 2011 pour un bien situé [Adresse 2], il convient de constater que le moyen de défense de M. [B] n'apparaît pas immédiatement vain, et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond, qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point, si les parties entendaient saisir le juge du fond.

Dans ces conditions, vu l'existence d'une contestation sérieuse, la vérification d'écriture à titre incident excède les pouvoirs du juge des référés.

Cette contestation sérieuse doit conduire à infirmer l'ordonnance entreprise et à dire n'y avoir lieu à référé sur les chefs de décision critiqués par M. [B].

L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a tenu M. [B] aux dépens et au paiement d'une somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Mme [M] sera tenue aux dépens d'appel et devra à M. [B] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboute les parties de leurs demandes de sursis à statuer ;

Rejette les exceptions de nullité formées par M. [B] ;

Infirme l'ordonnance entreprise des chefs dont il a été fait appel ;

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Déboute Mme [M] de sa demande tendant à la condamnation in solidum de M. [B] aux dépens de première instance et au paiement d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [M] à payer à M. [B] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d'appel ;

Condamne Mme [M] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 23/07024
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;23.07024 ?
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