RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 08 Mars 2024
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/05900 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6UD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY RG n° 20/01945
APPELANTE
CPAM 69 - RHONE
[Localité 2]
représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
Société MAJ
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Fanny CAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2510
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre
Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, conseiller
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône (la caisse) d'un jugement rendu le 27 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l'opposant à la SA MAJ (la société).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [D] [F] (la salariée), salariée de la SA MAJ, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 28 avril 2020 à 9 heures 45 ; que la SA MAJ a transmis à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône la déclaration d'accident du travail en indiquant : ' En enroulant une bobine coton sur le mandrin ; aurait eu son index droit entraîné entre deux plis de la bobine. Siège des lésions : index main droite. Nature des lésions : douleurs ' ; que le 29 mai 2020, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône a pris en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable, la SA MAJ a formé un recours devant le tribunal.
Par jugement en date du 27 mai 2021, le tribunal a :
déclaré inopposable à la SA MAJ la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône du 29 mai 2020 de prendre en charge l'accident déclaré par Mme [D] [F] le 28 avril 2020 au titre de la législation sur les risques professionnels ;
condamné la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône aux dépens de l'instance.
Le tribunal a souligné que Mme [D] [F], après l'accident allégué qui n'avait pas eu de témoin, avait poursuivi son activité jusqu'à 13 h20 sans rien signaler et que l'employeur n'avait été informé que le lendemain, date d'établissement du certificat médical. Il a donc retenu que la preuve de l'accident ne résultait que des déclarations de la salariée et que la présomption devait être écartée. Faute de preuve, il en a conclu à l'inopposabilité de la décision de reconnaissance à l'employeur.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 11 juin 2021 à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 18 juin 2021.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône demande à la cour de :
recevoir son appel ;
réformer le jugement entrepris ;
dire et juger bien fondé et opposable à l'employeur la décision de prise en charge des faits survenus le 28 avril 2020 au titre de la législation professionnelle ;
rejeter toute autres demande de l'employeur comme non fondée.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône expose que la société a établi une déclaration d'accident du travail en date du 29 avril 2020 faisant état d'un fait accidentel déclaré par la salariée qui serait survenu le 28 avril 2020 à 9h45 ; que la salariée a déclaré à son employeur en enroulant une bobine, son annexe droit avait été entraîné entre deux plis de la bobine ; qu'il s'agit d'un fait précis et localisé dans le temps survenu ; que la société a confirmé l'activité de la salariée sans émettre aucune réserve ; que le certificat médical initial du 29 avril 2020 fait état d'une entorse de l'index droit ; qu'il confirme ainsi les déclarations de la salariée ; que la constatation a été opérée au plan médical avec une information délivrée à l'employeur le lendemain des faits ; que les éléments sont concordants et déterminent l'application de la présomption d'imputabilité des faits au travail.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la SA MAJ demande à la cour de :
confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 27 mai 2021 ;
déclarer inopposable à la SA MAJ la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont Mme [D] [F] a été victime le 28 avril 2020 ;
débouter la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône de l'intégralité de ses demandes.
La SA MAJ expose que l'accident allégué n'a eu aucun témoin alors que la salariée travail entourée de plusieurs collègues ; qu'elle n'a pas interrompu son travail dans les suites de l'accident prétendu ; qu'elle a quitté son travail sans faire mention d'un quelconque accident ; que celui-ci n'a été déclaré que le lendemain avec un certificat médical établi d'eux-mêmes le lendemain des faits allégués ; que rien ne permet d'affirmer que la salariée se soit blessée au temps et au lieu travail le 28 avril 2020 ; que le certificat médical fait état d'une fracture de la première phalange de l'annexe droit ; qu'il est donc très étonnant qu'aucunes doléances et été exprimé immédiatement.
SUR CE
Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n 00-21.768, Bull. n 132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n 397).
Le salarié doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. n 181) ; il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, n 97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, n 13-16.968).
En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui qui entenant la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail. Il en est ainsi d'un choc psychologique survenu au temps et au lieu de travail (2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n 15-29.411).
En la présente espèce, la déclaration d'accident du travail a été établie par l'employeur le 29 avril 2020. Elle indique que l'accident serait survenu le 28 avril 2020 à 9h45 dans les circonstances suivantes : en enroulant une bobine coton sur le mandrin de la machine idoine, l'index droit de la salariée aurait été entraîné entre deux plis de la bobine. La déclaration ne fait état d'aucun témoin. Le certificat médical initial a été établi le 29 avril 2020, soit le lendemain des faits, et fait état d'une entorse de l'annexe droit. Le certificat médical de prolongation du 11 mai 2020 fait état d'une fracture de la base de la phalange n° 1 du deuxième doigt de la main droite.
Si le certificat médical initial est compatible avec les déclarations de la victime, en ce que la blessure peut être la conséquence de l'entraînement du doigt entre les plis de la bobine, aucune explication n'est donnée sur le fait que cet accident étant survenu, selon la victime, le 28 avril à 9h45, aucun témoin n'y a assisté, ni aucune personne contactée durant l'ensemble de la journée de travail, alors que l'accident a occasionné des lésions ayant nécessité un arrêt de travail qui a été prolongé le 11 mai après affinement du diagnostic en direction d'une lésion plus importante.
Dès lors, les éléments exposés par la caisse sont insuffisants pour créer le faisceau d'indices permettant de démontrer qu'une lésion est apparue au temps et au lieu de travail. La décision de reconnaissance de l'accident du travail dont a été victime la salariée de la société lui sera donc déclarée inopposable.
Le jugement sera donc confirmé.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône ;
CONFIRME le jugement rendu le 27 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ses dispositions soumises à la cour ;
CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône aux dépens.
La greffière Le président