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08/03/2024 | FRANCE | N°20/05007

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 08 mars 2024, 20/05007


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 08 Mars 2024



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/05007 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCF26



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juin 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 18/03835





APPELANTE

CPAM 02 - AISNE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée p

ar Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE

S.A.S. [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparante, non représentée



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'artic...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 08 Mars 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/05007 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCF26

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juin 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 18/03835

APPELANTE

CPAM 02 - AISNE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparante, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne d'un jugement rendu le 25 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à la société [4].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [C] était salarié de la SAS [4] (ci-après désignée 'la Société') depuis le 5 septembre 2016 en qualité de menuisier lorsque, le 29 septembre 2016, il a informé son employeur avoir été victime d'un accident survenu sur son lieu de travail que celui-ci a déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne (ci-après désigné 'la Caisse') en ces termes « selon les dires de l'intérimaire, en soulevant un vitrage, il a ressenti une douleur dans l'épaule droite ; siège des lésions : épaule droite ; nature des lésions : douleurs ».

Le certificat médical initial établi le 03 octobre 2019 par le docteur [S] faisait état d'une « épaule/omoplate droites douleur suite port d'objets lourds » et prescrivait des soins avec arrêt de travail jusqu'au 07 octobre suivant.

La Caisse a reconnu le caractère professionnel de l'accident par décision du 26 décembre 2016 et a pris en charge à ce titre les arrêts de travail et les soins prescrits à sa suite à M. [C].

La Société a contesté l'imputation sur son compte employeur du coût des prescriptions dont a bénéficié son salarié devant la commission de recours amiable puis, à défaut de décision explicite, a formé un recours contentieux devant le pôle social du tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 25 juin 2020 le tribunal, devenu tribunal judiciaire au 1er janvier 2020, a:

- reçu la SAS [4] en son recours,

- l'a dit bien fondée,

- dit que la décision de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'accident déclaré le 29 septembre 2016 par M. [C] et des arrêts de travail subséquents sont inopposables à l'employeur,

- condamné la CPAM aux dépens de la procédure.

Le jugement a été notifié aux parties le 1er juillet 2020 et la Caisse en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 21 juillet suivant.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 13 octobre 2023 pour laquelle seule la Caisse a comparu.

La Caisse, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris,

- juger opposable à la société [4] l'ensemble des soins et arrêts prescrits à M. [X] [C] consécutivement à son accident du travail du 29 septembre 2016.

A titre subsidiaire, la Caisse demande à la cour d'ordonner une mesure d'expertise médicale portant sur l'imputabilité des soins et arrêts prescrits à M. [X] [C] consécutivement à son accident du travail du 29 septembre 2016

La Société, bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée dont elle a accusé réception est absente. Elle n'a fait part d'aucune indisponibilité ni sollicité de renvoi.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 8 mars 2024.

MOTIVATION DE LA COUR

Sur l'oralité des débats

La cour rappelle qu'en vertu de l'article R. 142-10-4 du code de la sécurité sociale applicable au litige, la procédure est orale.

De même, aux termes de l'article R. 142-20-2 de ce code

Le président de la formation de jugement qui organise les échanges entre les parties comparantes peut dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure, conformément au second alinéa de l'article 446-1 du code de procédure civile. Dans ce cas, la communication entre les parties est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès du tribunal dans les délais impartis par le président.

En cours d'instance, toute partie peut aussi exposer ses moyens par lettre adressée au tribunal, à condition de justifier que l'adversaire en a eu connaissance avant l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La partie qui use de cette faculté peut ne pas se présenter à l'audience, conformément au second alinéa de l'article 446-1 du code de procédure civile.

Par ailleurs, l'article 472 du code de procédure civile dispose

Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.

Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée

Il sera enfin rappelé qu'au regard de la combinaison de ces textes, en matière de procédure orale, les conclusions écrites d'une partie ne saisissent valablement le juge que lorsqu'elles sont réitérées verbalement à l'audience. Le dépôt ou l'envoi de conclusions ne peut pallier le défaut de comparution du demandeur en personne ou dûment représenté à l'audience que s'il a été autorisé à le faire par le magistrat.

En l'espèce, la société a été avisée du recours de la Caisse par courrier du greffe du 14 août 2020 et a été convoquée par lettre recommandée avec accusé réception à l'audience de ce jour le 10 juin 2021. Elle a également été destinataire des conclusion de la Caisse.

Force est de constater que la Société, qui avait connaissance de la date d'audience, est absente et s'est abstenue de toute diligence. Elle n'a pas davantage sollicité de la cour le renvoi de son affaire et n'a fait part d'aucune indisponibilité ou empêchement de se présenter devant la cour.

La Caisse entend obtenir un jugement au fond.

Il est donc statué au fond par décision réputée contradictoire et sur les seuls éléments produits par la caisse primaire d'assurance maladie, la cour s'étant assurée qu'aucun moyen d'ordre public qu'elle serait tenue de relever d'office ne se révèle en la cause.

Sur l'étendue de la saisine du tribunal

Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile

L 'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense.

l'article 5 du même code précisant

Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

Au cas présent, la lecture de l'acte de saisine de la CRA, de l'acte introductif d'instance et des conclusions présentées en première instance, enseigne que la Société a saisi le tribunal d'une demande d'inopposabilité des arrêts de travail et des soins prescrits à M. [C]. Aucune contestation ne s'est élevée contre la décision de la Caisse de prendre en charge, au titre du risque professionnel, l'accident dont il avait été victime le 29 septembre 2016. Le litige n'ayant pas évolué au cours de la procédure, en statuant sur l'opposabilité de la décision de prise en charge de l'accident au titre du risque professionnel, le tribunal a statué ultra petita.

La décision sera en conséquence réformée de ce chef.

Sur l'imputabilité des arrêts de travail et des soins à l'accident

La Caisse rappelle que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime. Cette présomption est opposable à l'employeur, lequel ne peut la détruire qu'en démontrant que les soins prodigués ont une cause totalement étrangère au travail. Or, la société [4] se contente d'invoquer que M. [C] n'aurait bénéficié que d'un arrêt de travail du 03 octobre 2016 alors que les prescriptions d'arrêt de travail se sont succédées à compter du 07 octobre 2016, de façon continue et ce, pour des lésions en lien avec celles décrites dans le CMI. La continuité des symptômes et des soins est ainsi avérée. S'agissant des lésions, la Caisse fait grief d'avoir jugé que « la pathologie n 'est donc pas établie de manière certaine » alors que le certificat médical initial du 03 octobre 2016 mentionne parfaitement la pathologie de l'assuré à savoir «Epaule/omoplate droite, douleur suite port de charge lourdes » sans aucune mention interrogative et que, par la suite, l'ensemble des certificats médicaux de prolongation reprennent la notion d'omoplate droite rappelant ainsi la lésion initialement constatée. En tout état de cause, la pathologie a clairement été établie par le certificat médical initial du 03 octobre 2016 et a été reprise dans l'ensemble des certificats médicaux de prolongation.

Sur ce,

L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose

Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il résulte de ce texte que la présomption d'imputabilité dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial de la maladie professionnelle est assorti d'un arrêt de travail, s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident, pendant toute la période d'incapacité précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement, aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement à toutes les conséquences directes de l'accident, fait obligation à la caisse de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents de travail les dépenses afférentes à ces lésions.

Ainsi, et sans que la Caisse n'ai à justifier de la continuité de symptômes et de soins à compter de l'accident initial, l'incapacité et les soins en découlant sont présumés imputables à celui-ci sauf pour l'employeur à rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

En conséquence, l'employeur qui conteste le caractère professionnel de l'accident ou des arrêts de travail prescrits à la suite de l'accident et pris en charge à ce titre, doit détruire la présomption d'imputabilité s'attachant à toute lésion survenue au temps et au lieu de travail, en apportant la preuve que cette lésion est totalement étrangère au travail, étant rappelé que l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile fait obstacle à ce qu'une mesure d'instruction soit ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

Sauf à inverser la charge de la preuve, ce n'est donc pas à la Caisse de prouver que les soins et arrêts de travail pris en charge sont exclusivement imputables à l'accident du travail, mais à l'employeur de justifier que ceux-ci sont exclusivement imputables à une cause totalement étrangère au travail de l'assuré.

Dans le cadre de la présente procédure, la Caisse verse aux débats le certificat médical initial établi le 03 octobre 2016 par le docteur [S] faisant état d'une « épaule/omoplate droites douleur suite port d'objets lourds » et prescrivant des soins avec arrêt de travail jusqu'au 07 octobre suivant.

En produisant un certificat médical initial prescrivant un arrêt de travail, la Caisse bénéficie de la présomption d'imputabilité des arrêts de travail et des soins à l'accident du travail laquelle s'étend à toute la durée de l'incapacité jusqu'à la guérison.

Au demeurant, la Caisse produit également l'intégralité des certificats médicaux prescrits à M. [C] jusqu'au 2 février 2017 date de la contestation de l'employeur à savoir:

- les prescriptions d'arrêts de travail du 7 au 15 octobre 2016, du 28 octobre 2016 au 1er février 2017 au titre d'une « omoplate droite, accident musculaire », de « douleurs omoplate droite (illisible) accident musculaire suite port de charge » et de « omoplate droite, accident musculaire ( décompensation d'une arthrose sous-jacente ') »,

- les prescriptions de soins du 14 octobre au 31 octobre 2016 pour « épaule droite/omoplate droite ».

Il peut ainsi être constaté que concomitamment ou alternativement le salarié a bénéficié d'arrêts de travail et de soins et que le siège et la nature des lésions figurant sur l'ensemble des certificats de prolongation sont identiques à ceux mentionnés sur le certificat médical initial.

Il appartient donc à l'employeur, qui entend combattre la présomption d'imputabilité, de produire des éléments permettant d'établir, ou à tout le moins de douter, que les arrêts de travail et les soins seraient la conséquence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte et totalement étrangère au travail.

Force est de constater que la Société, absente à l'audience, n'apporte pas de démonstration en ce sens, pas plus qu'elle ne démontre l'existence d'une cause qui serait survenue postérieurement, totalement étrangère à l'accident de travail, et que la Caisse aurait pour autant rattaché à celui-ci.

En conséquence, la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] de prendre en charge, au titre du risque professionnel, les arrêts de travail et les soins prescrits à M.[C] à compter du 3 octobre 2016, date de l'accident, est opposable à la Société.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur les dépens

La Société, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt réputé contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne recevable,

INFIRME le jugement rendu le 25 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris (RG18-3835) en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

JUGE opposables à la SAS [4] , les arrêts de travail et les soins prescrits à M. [C] à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 29 septembre 2016 et qui ont été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] au titre du risque professionnel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la société [4] aux dépens d'instance et d'appel.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/05007
Date de la décision : 08/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-08;20.05007 ?
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