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08/03/2024 | FRANCE | N°20/02337

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 08 mars 2024, 20/02337


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 08 Mars 2024



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/02337 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBXNQ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Janvier 2020 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/02501





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 2]

[LocalitÃ

© 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIMEE

Société [5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Olivia COLMET DAAGE, avoca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 08 Mars 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/02337 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBXNQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Janvier 2020 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/02501

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

Société [5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Olivia COLMET DAAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse primaire d'assurance maladie de

Seine-Saint-Denis (la caisse) d'un jugement rendu le 30 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l'opposant à la société [5] (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [M] [H] (la victime), salarié de la société [5], a déclaré à son employeur avoir été victime d'un accident du travail le

20 septembre 2018 ; que la société [5] a transmis cette déclaration le

21 septembre 2018 en l'assortissant de réserves ; qu'après instruction et information sur la possibilité de venir consulter le dossier, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-Saint-Denis a décidé le 15 janvier 2019 de prendre en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société [5] a porté son recours devant le tribunal de grande instance de Bobigny, devenu le tribunal judiciaire de Bobigny le

1er janvier 2020.

Par jugement en date du 30 janvier 2020, le tribunal a :

déclaré recevable le recours de la société [5] ;

déclaré celui-ci bien fondé ;

constaté l'irrégularité affectant la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis du 15 janvier 2019 prenant en charge l'accident du travail déclaré le 20 septembre 2018 par M. [M] [H] ;

dit inopposable à la société [5] la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis du 15 janvier 2019 prenant en charge l'accident du travail déclaré le 20 septembre 2018 par

M. [M] [H] ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis aux dépens de l'instance.

Le tribunal a estimé au visa des articles R.441-10 et R.441-14 du code de la sécurité sociale que le délai de trente jours pour statuer ou informer de l'ouverture de l'enquête doit être décompté entre la réception de la déclaration d'accident du travail et du certificat médical initial et l'envoi d'une décision de prise en charge ou de la notification d'un délai complémentaire d'instruction, qui ne peut excéder deux mois. Le tribunal, raisonnant sur l'unique date certaine de réception du certificat médical, a retenu celle-ci comme réception de la déclaration d'accident du travail et a constaté que le délai de trente jours avait expiré à la date de notification du recours à l'instruction.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 14 février 2020 à la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 12 mars 2020.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis demande à la cour de :

infirmer le jugement du 30 janvier 2020 en toutes ses dispositions.

en conséquence,

déclarer la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [M] [H] opposable à la société [5] ;

débouter la société [5] de toutes ses demandes ;

condamner la société [5] aux entiers dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la société [5] demande à la cour de :

déclarer la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis recevable en son appel ;

l'y déclarer mal fondée ;

juger que la Caisse ne rapporte pas la preuve de la survenance d'un fait accidentel au temps et au lieu de travail et survenu à l'occasion du travail.

juger qu'il n'existe pas d'indices précis, graves et concordants justifiant de la survenance du fait accidentel au temps et au lieu de travail, en présence par ailleurs de réserves motivées et circonstanciées de la société

[5] portées à la connaissance de la Caisse primaire d'emblée dans le cadre de l'instruction ;

en conséquence,

dire et juger inopposable à la société la décision de prise en charge de l'accident déclaré par M. [M] [H], ainsi que l'ensemble des prestations prises en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie ;

condamner la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis aux entiers dépens de l'instance.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 11 décembre 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

sur l'instruction :

La Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis expose qu'il est de jurisprudence constante que le non-respect des délais d'instruction visés aux articles

R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale par la Caisse n'entraine pas l'inopposabilité de la décision de prise en charge à l'égard de l'employeur, la seule conséquence de ce non-respect étant la reconnaissance implicite de la maladie au bénéfice de l'assuré ; que le tribunal a considéré à tort que le recours tardif au délai complémentaire d'instruction avait pour conséquence de rendre inopposable à la société [5] la décision de prise en charge de l'accident du travail survenu à

M. [M] [H].

La société [5] réplique ne pas maintenir le moyen d'inopposabilité présenté.

En application des articles R.441-10 du code la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue du décret n°2016-756 du 7 juin 2016 et R.441-14 du même code, dans sa version issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, l'employeur ne peu pas se prévaloir de l'inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse, laquelle n'est sancionneée que par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident à l'égard de la victime (2e CiV., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-11.400)

Dès lors c'est à tort que le tribunal a sanctionné un éventuel manquement de la caisse dans le respect des délais instruction en déclarant inopposable à l'employeur la décision de la caisse de reconnaître accident du travail dont a été victime son salarié.

Le jugement déféré sera donc infirmé.

sur la matérialité de l'accident :

La Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis expose qu'il ressort de la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur que M. [M] [H] a avisé son employeur de l'accident, 1h30, après sa survenance, et que l'accident a été inscrit, le jour même, au registre bénin des accidents du travail ; qu'il ressort de la déclaration d'accident du travail qu'en soulevant un bac contenant des verres à vin, M. [M] [H] a ressenti une douleur au bas du dos et dans la jambe droite ; que la lésion reportée sur le certificat médical initial à savoir une dorso-lombalgie avec irradiation sciatique droite est parfaitement cohérente avec le geste accidentel, un effort de soulèvement pouvant tout à fait provoquer des douleurs au dos et déclencher une sciatique ; que l'absence de témoin n'est pas de nature, en présence d'éléments graves précis et concordants, à écarter la présomption d'imputabilité ; que la société part du postulat qu'il existerait nécessairement un état pathologique antérieur chez M. [M] [H] mais ne produit aucun élément en ce sens ; qu'un état pathologique antérieur révélé ou aggravé par un accident du travail peut tout à fait être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La société [5] réplique que par courrier du 21 septembre 2018, elle a émis des réserves sur le caractère professionnel de l'accident ; que M. [M] [H] s'est rendu chez son médecin traitant le lendemain, 21 septembre 2018 ; que la lésion exacte n'est pas connue, néanmoins il peut être admis que la douleur invoquée au bas du dos jusqu'à la jambe droite s'apparente à une lombosciatique droite ; qu'elle conteste l'imputabilité d'une telle lésion liée au simple fait d'avoir soulevé un bac de verres de vin ; que la lésion ne peut s'analyser comme une lésion post-traumatique et la douleur ressentie par son salarié constitue davantage une manifestation douloureuse d'un état pathologique préexistant au dos, non décompensé ou aggravé par le fait bénin allégué, qui ne peut dès lors caractériser un fait accidentel à l'origine de cette lésion ; qu'en l'absence de soins apportés sur une douleur sans lésion visible à l''il nu, l'inscription au registre des accidents bénins le 20 septembre 2018 ne peut être analysée comme une constatation médicale initiale ; que le salarié ne justifie pas de la présence d'un témoin, auprès duquel il se serait plaint de douleur au dos ; que, pourtant, ce dernier travaille en qualité d'employé d'exploitation au sein d'une équipe, en présence dans le même service de deux autres collègues. ; qu'il a été en mesure de continuer de travailler toute la journée malgré une douleur au dos et à la jambe droite incompatible avec la poursuite d'un travail en position debout constante.

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n 00-21.768, Bull. n 132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n 397).

Le salarié doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. n 181) ; il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, n 97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, n 13-16.968).

En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui qui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail. Il en est ainsi d'un choc psychologique survenu au temps et au lieu de travail (2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n 15-29.411).

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail du 21 septembre 2018 mentionne que le 20 septembre 2018 à 10h30, la victime aurait ressenti une douleur au niveau du bas du dos jusqu'à la jambe droite en soulevant un bac de verres à vin. L'accident a été signalé à l'employeur le même jour à midi et la première personne avisée a été M. [L] [D]. Le certificat médical du 21 septembre 2018 fait état de dorsolombalgies avec irradiation sciatique droite, les examens étant en attente.

En réponse au questionnaire, la victime a précisé qu'il soulevait un bac pesant environ 10 kg au moment où il a ressenti une violente douleur sur le bas du dos. Il précise avoir été immédiatement consulté le médecin du travail de l'entreprise. Si la société indique avoir répondu le 4 décembre 2018 au questionnaire qui lui a été envoyé, elle ne démontre pas sa réception effective par la caisse. La société confirme le passage à l'infirmerie à 10h35 sans qu'aucune lésion n'ait été constatée ni aucun soins particuliers dispensé. Toutefois, les soins ont été portés sur le registre des accidents sous le n° 63. L'employeur indique qu'il est étonnant que l'accident n'ait pas eu de témoins alors que deux personnes étaient présentes dans le même service au même moment. Pour autant, la société ne produit pas la fiche correspondant au registre permettant de justifier ses assertions.

Il en résulte que la victime a fait constater dans un temps immédiatement proche de l'accident dont il allègue l'existence l'apparition de lésions à l'infirmerie de l'établissement dans lequel il travaillait. Si aucun soin n'a été pour autant prescrit, la mention au registre des accidents de travail opère bien le constat des doléances du salarié nécessairement objectivé par le constat médical réalisé justifiant de cette inscription. Le certificat médical établi le lendemain des faits met en évidence des lésions compatibles avec les déclarations du salarié.

Dès lors, la preuve est rapportée de la survenance au temps et au lieu de travail d'une lésion justifiant de l'imputabilité de cette dernière au travail est rapportée. Il appartient en conséquence la société de détruire la présomption apportant la preuve d'une cause étrangère.

En l'espèce, cette preuve n'est pas rapportée, la société ne faisant qu'émettre des suppositions sur l'état de santé antérieur et l'absence de décompensation de celui-ci du fait du travail.

Le jugement déféré sera donc infirmé et la décision de prise en charge de l'accident dont a été victime le salarié de la société lui sera déclarée opposable.

La société [5], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis ;

INFIRME le jugement rendu le 30 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT à nouveau :

DÉCLARE la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [M] [H] opposable à la société [5] ;

DÉBOUTE la société [5] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE la société [5] aux entiers dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/02337
Date de la décision : 08/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-08;20.02337 ?
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