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08/03/2024 | FRANCE | N°20/02106

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 08 mars 2024, 20/02106


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 08 Mars 2024



(n° , 14 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/02106 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBS4X



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/02598





APPELANTE

S.A.S.U. [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jac

ques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334 substitué par Me Justine LEVASSEUR, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE

URSSAF PARIS - REGION PARISIENNE

Division des recours amiables et...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 08 Mars 2024

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/02106 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBS4X

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/02598

APPELANTE

S.A.S.U. [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334 substitué par Me Justine LEVASSEUR, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

URSSAF PARIS - REGION PARISIENNE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée par M. [I] [D] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la SASU [4] (la société) d'un jugement rendu le 30 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l'opposant à l'URSSAF Île-de-France (l'URSSAF).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu'un procès-verbal de travail dissimulé a été dressé à l'encontre de la SARL [6] le 1er décembre 2016 ; que le 5 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 décembre 2016, l'URSSAF Nord-Pas-de-Calais, agissant pour le compte de l'URSSAF Île-de-France, a informé la SASU [4], en sa qualité de donneur d'ordre, de la situation de la société et a mis en 'uvre par lettres d'observations des 2 et 22 août 2017 la solidarité financière pour une somme de 29 375 euros à ce titre et une somme de 20 808 euros au titre de l'annulation des exonérations du donneur d'ordre vigilant suite à un constat de travail dissimulé du sous-traitant ; que le 22 août 2017, l'URSSAF Nord-Pas-de-Calais a maintenu son redressement pour une somme diminuée à 21 935 euros au titre de la solidarité financière ; que l'URSSAF Île-de-France a adressé deux mises en demeure les 23 avril et 4 mai 2018 pour payer la somme de 24 143 euros correspondant à 20 808 euros de cotisations et 3 335 euros de majorations de retard, au titre de la remise en cause des allégements et exonération du donneur d'ordre pour l'année 2014, 2015 2016 et la sommes de 21 935 euros de cotisations au titre de la mise en 'uvre de la solidarité financière pour l'année 2014-2015, ainsi que le premier trimestre 2016 ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société a formé une premier recours auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable relatif à l'annulation des générations du donneur d'ordre puis un second recours à l'encontre de la décision implicite de rejet relatif à la mise en 'uvre de la solidarité financière.

Le dossier a été transféré le 1er janvier 2019 au tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire de Paris le 1er janvier 2020.

Par jugement en date du 30 janvier 2020, le tribunal a :

ordonné la jonction des procédures ;

déclaré le recours de la SASU [4] recevable ;

dit celui-ci mal fondé ;

validé le redressement notifié par l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais à la SASU [4] dans ses lettres d'observations des 2 et 22 août 2018 des chefs de la mise en 'uvre de la solidarité financière et de l'annulation des exonérations dites ' Fillon 'en raison du procès-verbal de constat de travail dissimulé établi le 1er décembre 2016 à l'encontre de son sous-traitant, la société [6] ;

validé les mises en demeure notifiée par l'URSSAF Île-de-France à l'encontre de la SASU [4] du 4 mai 2018 pour un montant total de 21 935 euros pour la période des années 2014, 2015 et le premiers trimestres 2016 et du 23 avril 2018 pour un montant total de 24 143 euros dont 20 808 euros de cotisations et 3 335 euros de majorations de retard pour la période de 2014 à 2016 ;

confirmé le redressement au titre de la solidarité financière ;

condamné, en conséquence, la SASU [4] à payer à l'URSSAF Île-de-France la somme de 21 935 euros à ce titre pour la période des années 2014, 2015 et le premier trimestre 2016 ;

confirmé la remise en cause des exonérations dites ' Fillon ';

débouté la SASU [4] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'article 1240 du Code civil ;

condamné la SASU [4] à payer à l'URSSAF Île-de-France la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SASU [4] aux dépens ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le tribunal a relevé que la procédure était régulière dès lors que l'URSSAF avait clairement et expressément informé la société par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 décembre 2016 que son sous-traitant avait exécuté des prestations en pratiquant du travail dissimulé et en faisant mention dans la lettre d'observations du 2 août 2017 du procès-verbal constatant le délit établi le 1er décembre 2016, pour transmission au procureur de la République. Il a ajouté que la transmission préalable au donneur d'ordre du procès-verbal établi à l'encontre du sous-traitant n'était pas une condition de validité de la procédure. Relativement à la validité des lettres d'observations, le tribunal a estimé que le constat de travail dissimulé ayant été établi par l'agent du contrôle URSSAF Nord-Pas-de-Calais, la signature des lettres d'observations par le directeur de l'organisme de recouvrement n'était pas exigée ; que la lettre d'observations du 2 août 2017 mentionnait l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de fin du contrôle, les considérations de droit et de fait constituant le fondement du redressement, le mode de calcul des cotisations et contributions sociales, le montant des parts de cotisations sociales concernées, le montant total du redressement et la mention relative au délai de réponse ; que la lettre d'observations du 22 août 2017 contenait le même type de mentions. Il a estimé que les mises en demeure étaient régulières pour comprendre l'ensemble des éléments exigés par les textes et la jurisprudence. Relativement à la mise en 'uvre de la solidarité financière, le tribunal a relevé que l'URSSAF s'était fondée sur le procès-verbal établi à la suite du constat d'un travail dissimulé auprès du sous-traitant, la société [6], et qu'elle avait sollicité les demandes attestation de vigilance est constatée l'absence de production pour la période du troisième et quatrième trimestre 2014, la période du troisième trimestre 2015 au premier trimestre 2016. L'URSSAF avait en outre relevé que les autres donneurs d'ordre de la société avaient tous reçus des attestations de vigilance. Sur le montant des cotisations appelées, le tribunal a indiqué que la société ne produisait aucun justificatif de nature à démontrer une erreur de calcul. Il a ajouté qu'elle devait s'assurer que le sous-traitant était à jour de ses obligations de déclaration et de paiement des cotisations sur ces périodes litigieuses. En application des dispositions de l'article L.133-4-5 du code de la sécurité sociale, il en a conclu à l'annulation nécessaire de l'exonération du donneur d'ordre.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 3 février 2020 à la SASU [4] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 2 mars 2020.

Par conclusions en réponse (2) écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.S.U. [4] demande à la cour de :

annuler les opérations de contrôle et la décision de redressement que constituent les mises en demeure des 23 avril et 4 mai 2018 ;

constater l'acharnement de l'URSSAF et partant sa faute dans les inscriptions irrégulières des privilèges ;

en conséquence,

les annuler ;

condamner l'URSSAF d'île de France au paiement de la somme de 500 000 euros au titre des dommages et intérêts en raison des lourds préjudices moraux et financiers subis par le cotisant ;

condamner l'URSSAF d'île de France au paiement de la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF Île-de-France demande à la cour de :

confirmer en tous points la décision de première instance du 30 janvier 2020,

condamner la société à payer 3 000 euros d'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 11 décembre 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

- sur la nullité des opérations de contrôle :

La SASU [4] expose que le caractère contradictoire de l'ensemble de la procédure, les droits de la défense et les textes spécifiques du code de la sécurité sociale n'ont pas été respectés aux différentes étapes de la procédure de ce redressement ; que la lettre d'observations qui concerne la période vérifiée du 1er janvier 2013 au 31 mars 2016 se base sur un procès-verbal de travail dissimulé en date du 1er décembre 2016 sur un chantier qui lui est étranger ; qu'elle n'a aucun lien avec le chantier où le contrôle a eu lieu ; que le procès-verbal de l'Urssaf n'est pas annexé à la lettre d' observations ; que l'Urssaf se garde bien de préciser dans la lettre d'observations le nombre de salariés concernés ainsi que le montant de leurs salaires ; qu'aussi, dans l'ignorance de l'identité des salariés concernés et de leurs salaires, on ne voit pas comment l'Urssaf peut savoir sur quel compte individuel faire affecter les cotisations réclamées ; que, par ailleurs, en raison de leur formulation trop vague et trop succincte, les observations faites ne permettent pas d'assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense ; qu'elles ne satisfont pas aux exigences de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence qui en découle ; que les lettres d'observations ne lui permettent pas de connaître l'étendue de ses droits et ne correspondent pas à la période pour laquelle elle a travaillé avec la société [6] ; que la lettre d'observations du 2 août 2017 ne répond pas aux exigences légales en ce qu'elle ne mentionne ni la date de fin du contrôle ni les documents consultés contrairement à ce qu'avait indiqué en première instance le tribunal judiciaire ; qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article R 243-59 III alinéas 2 à 4 ; que l'URSSAF aurait dû communiquer le procès-verbal de travail dissimulé dès le stade des opérations de contrôle ; qu'elle n'a pas été informée de la Charte du cotisant ; que la seconde lettre d'observations du 22 août 2017 respecte ces exigences ; que si la première lettre d'observations, du fait de son irrégularité anéantit l'ensemble du redressement, alors le redressement sur les exonération « Fillon » doit également être annulé ; que la mise en demeure du 4 mai 2018 est tout aussi taisante sur la nature des cotisations et des contributions.

L'URSSAF Île-de-France réplique que la société a fait l'objet d'une lettre d'observations en date du 2 août 2017, dans laquelle est mentionné le chef de redressement relatif à la mise en 'uvre de la solidarité financière ; que la SARL [6] ayant fait l'objet d'un procès-verbal de travail dissimulé et le donneur d'ordre ne s'étant pas fait remettre, sur la période vérifiée, l'intégralité des attestations de paiement et de déclaration de cotisations sociales émises par l'organisme de recouvrement, transmises par la société sous-traitante, le devoir de vigilance n'a pas été rempli par le donneur d'ordre ; qu'elle a alors réclamé au donneur d'ordre la quote-part du redressement notifié, à hauteur du montant réglé à la société sous-traitante par la société ; qu'en ce qui concerne la communication du procès-verbal de travail dissimulé, l'article R. 243-59 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ne prévoit pas la communication de ces éléments lorsqu'une procédure de solidarité financière est mise en 'uvre ; que sa seule exigence concerne l'envoi d'une lettre d'observations à la société redressée, ce qui a été fait ; que la procédure prévue par l'article précité a été respectée ; que néanmoins, dans le cadre de la présente instance et lors de l'instance devant les premiers juges du fond, a été communiqué à la partie adverse et versé aux débats, le procès-verbal de travail dissimulé du 28 avril 2016 ; que le fait que la période redressée du juillet 2014 au 31 mars 2016 soit plus restreinte que la période vérifiée du 1er janvier 2013 au 31 mars 2016 (période de la sous-traitance avec la SARL [6]) n'est en rien contradictoire, l'obligation de vigilance ayant été démontrée sur une partie de la sous-traitance, soit la période du 1er janvier 2013 au juillet 2014 ; que c'est ce qui explique que les mises en demeure adressées à la société n'ont concerné que les années 2014 à 2016 ; que la société a ainsi été régulièrement informée des omissions et des erreurs qui lui étaient reprochées ainsi que des bases des redressements proposés, et était, dès lors, parfaitement à même de répondre aux observations formulées par les inspecteurs du recouvrement ; qu'en toute connaissance de cause, la société a pu répondre aux observations des inspecteurs, par courrier du 7 août 2017, pour contester les chefs de redressement notifiés ; que les observations notifiées résultent des infractions constatées par les inspecteurs de recouvrement de l'URSSAF Nord - Pas-de-Calais, matérialisé par procès-verbal n° 201600316 en date du 28 avril 2016 ; que les lettres d'observations des 2 et 22 août 2017 sont valables ; que les mises en demeure des 23 avril et 4 mai 2018, conformes aux exigences textuelles et jurisprudentielles, sont suffisamment précises et ont permis à la société de connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations.

En vertu des dispositions des article L. 8221-1 à L. 8221-25 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne morale ou physique qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de sécurité sociale.

L'article L. 242-1-2 du code de sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose:

' Pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L. 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens de l'article L. 324-10 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement à six fois la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 141-11 du même code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. Ces rémunérations sont soumises à l'article L. 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté.

« Sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé qui leur sont transmis, les organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code procèdent au recouvrement des cotisations et contributions qui leur sont dues au titre des rémunérations évaluées conformément à l'alinéa précédent '.

En l'espèce, le contrôle a débuté le 8 décembre 2016. En application de l'article 16 du décret n°2016-941 du 8 juillet 2016, les opérations de contrôle et la lettre d'observations obéissent au régime défini par l'article R. 243-59 dans sa rédaction issue de ce texte.

L'article R 243-59 I alinéa 2 du code de la sécurité sociale dispose dans cette version que :

« Toutefois, l'organisme n'est pas tenu à cet envoi dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail. Dans ce dernier cas, si cette recherche n'a pas permis de constater de telles infractions et que l'organisme effectuant le contrôle entend poursuivre le contrôle sur d'autres points de la réglementation, un avis de contrôle est envoyé selon les modalités définies au premier alinéa ».

En application de ce dispositions, l'URSSAF n'était pas tenue d'informer la société de la Charte du cotisant contrôlé. C'est donc vainement que la société reproche à l'URSSAF de ne pas l'avoir fait.

Selon l'article R. 243-59 III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016 applicable aux opérations de contrôle litigieuses,

« A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle. Ces dernières sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés ».

En application de ce texte, l'URSSAF n'est pas tenue de joindre à la lettre d'observations le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé à l'origine du redressement litigieux. Toutefois, en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale.

En l'espèce, l'URSSAF dépose ce document établi le 28 avril 2015.

Les critiques adressées au visa d'une version postérieure de l'article précité, inapplicables au contrôle en cours, sont donc inopérantes.

Sur la régularité des lettres d'observations :

Répondent aux exigences de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, les observations adressées à la société par l'inspecteur du recouvrement dès lors qu'elles contiennent les mentions obligatoires relatives à l'objet du contrôle et à la période vérifiée et à la fin du contrôle, qu'elles précisent la nature de chaque chef de redressement envisagé, le contenu et les modalités d'application des textes législatifs et réglementaires invoqués ou la jurisprudence applicable, les assiettes et le montant de chaque chef de redressement par année ainsi que les taux de cotisation appliqués. Cet article n'implique pas la communication intégrale à l'employeur du rapport de contrôle de l'inspecteur avec toutes ses annexes, mais fait seulement obligation à ce dernier de présenter ses observations avec les bases de redressement proposées, en vue de provoquer les explications du redevable. Les inspecteurs du recouvrement n'ont en outre pas à joindre, dans leurs observations, une liste nominative des salariés concernés, à la condition que l'employeur puisse avoir une connaissance des causes du redressement qui lui permette de faire valoir ses observations, ni le détail des calculs effectués pour chaque chef de redressement (Civ. 2ème, 25 juin 2009, n 08-14.981.

La lettre d'observations du 2 août 2017 indique dans son objet qu'elle concerne la mise en 'uvre de la solidarité financière prévue aux articles L. 8222-1 et suivants du code du travail et indique la période contrôlée du 1er janvier 2013 au 31 mars 2016 portant sur l'activité en sous-traitance donnée à la SARL [6]. Il est précisé que cette société a eu recours à du travail dissimulé et il est indiqué qu'il reprochait au donneur d'ordre de ne pas avoir vérifié la régularité de la situation du sous-traitant faute de communication d'une attestation de vigilance datant de moins de six mois concernant certaines périodes. Il en est ainsi de la période du deuxième trimestre 2013 au quatrième trimestre 2013, du troisième trimestre 2014 quatrième trimestre 2014 et du troisième trimestre 2015 au premier trimestre 2016. La lettre d'observations indique en outre les modalités de reconstitution du chiffre d'affaires du sous-traitant au profit du donneur d'ordre et on déduit l'assiette du redressement pour les années 2014, 2015 et 2016. Le document précise année par année les cotisations appelées au titre de la société sous-traitante émise à la charge en proportion du chiffre d'affaires réalisées pour le donneur d'ordre le montant mis à la charge de ce dernier.

Cette lettre d'observations est donc conforme aux exigences du code de la sécurité sociale.

La lettre d'observations du 22 août 2017 rappelle la période de sous-traitance confiée à la SARL [6], rappelle les documents comptables concernant l'entreprise sous-traitante, à savoir les chèques émis, les factures établies, la copie des contrats de sous-traitance, les fiches de suivi de travaux ainsi que les attestations de vigilance reçue du 1er octobre 2014 aux 30 juin 2015 du 1er janvier 2014 au 30 juin 2014. Elle rappelle l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant suite au constat du travail dissimulé du sous-traitant en rappelant les textes législatifs applicables et rappelle la sanction d'annulation des exonérations dites Fillon pour la période du 1er juillet 2014 au 30 septembre 2014 du 1er octobre 2015 au 31 mars 2016 en indiquant les bases plafonnées sur lesquelles les annulations ont été calculées.

Cette lettre d'observations et de même conforme aux exigences du code de la sécurité sociale.

Sur la régularité des mises en demeure :

Selon les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

Les mentions exigées d'une mise en demeure après contrôle sont impérativement la référence au redressement précédemment notifié par une lettre d'observations et le montant des cotisations et majorations de retard réclamées année par année. Il n'est pas exigé que la mise en demeure détaille le calcul des cotisations réclamées, en raison du renvoi à la lettre d'observations, dès lors que le redressement tient compte des déclarations et versements enregistrés et permet à la personne contrôlée, en considération des explications circonstanciées fournies de part et d'autre au cours des échanges intervenus depuis la lettre d'observations, d'avoir une connaissance suffisamment précise des manquements reprochés ainsi que des bases du redressement, et donc de connaître la nature, l'étendue et la cause de son obligation.

Le fait de mentionner dans la mise en demeure que les cotisations étaient appelées au titre du régime général et incluaient la contribution à l'assurance-chômage et les cotisations AGS, en précisant la période en cause est suffisant pour permettre à la société de connaître la nature des cotisations mises à sa charge (2e Civ., 12 mai 2021, pourvoi n 20-12.264).

En la présente espèce, la mise en demeure du 23 avril 2018 rappelle qu'elle est adressée au titre de la remise en cause des allégements des exonérations du donneur d'ordre à la suite du travail dissimulé. Elle rappelle qu'elle est adressée à la suite de la lettre d'observations du 22 août 2017 et mentionne, année par année, les cotisations et majorations de retard dû à ce titre. Les montants dus au titre des cotisations sont strictement conformes à ceux qui ont été notifiés dans la lettre d'observations. Cette mise en demeure qui notifiait le délai d'un mois pour payer et les modalités de recours a été distribuées à la société selon l'accusé de réception qui y est jointe. Cette mise en demeure est donc régulière.

La mise en demeure du 4 mai 2018 rappelle qu'elle met en 'uvre la solidarité financière en visant les articles du code du travail applicables et précise qu'elle porte sur les cotisations dues à ce titre par la société sous-traitante dont elle précise la dénomination sociale et l'adresse du siège social. Elle indique, année par année les cotisations appelées à ce titre pour des périodes strictement identiques à celles visées dans la lettre d'observations qui l'a précédée. Les montants retenus sont strictement conformes à ce figurant dans la réponse donnée le 22 août 2017 en contestation de l'employeur suite à la lettre d'observations prenantes en compte l'attestation de vigilance du 20 octobre 2014 produites par la société est maintenant les autres montants du fait de l'absence de production d'attestation de vigilance permettant de remettre en cause les sommes notifiées. Cette lettre d'observations rappelle le délai pour payer ainsi que les modalités de recours et elle a été adressée en lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, de telle sorte que l'URSSAF a respecté ses obligations.

La société avait donc connaissance de la nature des cotisations mises à sa charge et des causes des redressements opérés.

Il importe peu que les mises en demeure visent une période moindre que celle notifiée dans les lettres d'observations comme période de contrôle dès lors que les périodes réclamées sont celles pour lesquelles la société n'a pas justifié, selon l'URSSAF, de ses obligations de vérification et correspondent à celles pour lesquelles un débit a été réclamé.

Les contestations relatives aux modalités du contrôle seront donc rejetées.

- sur les bases du redressement :

La SASU [4] expose qu'aucun salaire de l'entreprise, présentée par l'Urssaf comme étant à l'origine d'un travail dissimulé, n'a été communiqué ; que se pose dans ces conditions la validité d'une remise en cause des allégements et exonérations de charges alors que l'on ignore sur quels salaires elles portent ; qu'à la lecture de la lettre d'observations, on constate enfin que l'Urssaf a rejeté la prise en compte d'attestations de vigilance pour l'année 2014 qu'elle a communiquées alors que ces mêmes attestations ont été retenues pour la SCCV [5], société civile qu'elle a créée et domiciliée à son siège social en vue de la réalisation d'une opération immobilière pour laquelle elle est le maître de l'ouvrage ; que l'organisme s'est basé sur des pièces de la société [6] non communiquées en annexe ; qu'elle ne peut donc pas vérifier le montant du redressement demandé par rapport aux factures litigieuses selon l'Urssaf ; qu'il n'est pas possible de prononcer une solidarité sur des bases erronées et, en tout état de cause, inexistantes ; que l'Urssaf ne mentionne pas les raisons pour lesquelles la société [6] n'aurait pas respecté ses obligations ; que l'Urssaf a procédé à un calcul incompréhensible sur la base du chiffre d'affaires ; que ce calcul n'est pas correct ; qu'elle n'a pas simplement payé la fourniture de personnel, mais a aussi sous-traité la fourniture des matériaux nécessaires pour la réalisation de l'ouvrage ; que le prix payé ne correspond pas dans son intégralité à des rémunérations mais également à de la fourniture ; que l'URSSAF Île-de-France devrait opérer une distinction par opération afin de vérifier si certaines ont une valeur inférieure ou supérieure à 3000 euros ; qu'en cas de prestation d'un montant inférieur à 3000 euros le donneur d' ordre n'a pas à demander d'attestation de vigilance ; que l'Urssaf a enfin rejeté la prise en compte d'attestations de vigilance pour l'année 2014 qu'elle a fournies alors que ces mêmes attestations ont été retenues pour la SCCV [5] ; qu'elle a scrupuleusement respecté ses obligations en sa qualité de donneur d'ordre, puisqu'elle a transmis la totalité des attestations de vigilance par deux courriers des 14 décembre 2016 et 7 août 2017 ; que ce qui concerne la mise en demeure du 4 mai 2018, elle n'est pas en mesure de connaître le montant du redressement demandé par rapport aux factures litigieuses ; qu'elle n'a pas connaissance des raisons pour lesquelles la société sous-traitante n'aurait pas respecté ses obligations ; que les salariés mis à disposition de la société sous-traitante ne sont pas identifiés ; qu'il n'est pas précisé le nombre de salariés concernés par l'absence de déclaration et encore moins leur nom ; que le calcul est incorrect ; qu'au regard de la différence de traitement avec la SCCV [5], il y a discrimination au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'URSSAF Île-de-France réplique que les rapprochements faits entre les situations bancaires de la SARL [6], les documents obtenus légalement auprès de tiers, les quelques documents comptables de la société, ses bulletins de paye, les contrats de travail et les ratios de rémunération des entreprises du BTP par rapport au chiffre d'affaires réalisé ont permis de déterminer une minoration de la masse salariale ; qu'elle a notifié un redressement qui n'a pas été contesté par la société sous-traitante ; que le devoir de vigilance ne se limite pas au fait que le donneur d'ordres se soit fait remettre tous les 6 mois une attestation de paiement et de déclaration des cotisations sociales émanant de l'URSSAF ; qu'il a également une obligation de vérifier les informations contenues dans l'attestation produite, en particulier de vérifier si le nombre de salariés portés sur l'attestation est en adéquation avec les travaux qui sont confiés ; que cette obligation est ainsi rappelée dans le corps même de l'attestation, laquelle précise que « la validité de cette attestation et le détail des informations contenues doivent être contrôlés par votre cocontractant », à savoir le donneur d'ordres ; que la société cliente doit donc s'assurer de l'intégrité de l'attestation de vigilance fournie pas son cocontractant et doit veiller par un examen approfondi à la véracité des informations qui y sont contenues ; qu'aucune attestation de paiement et de déclaration des cotisations n'a été effectuée entre le 18 janvier et le 20 octobre 2014 et entre février 2015 et juin 2016 ; que par conséquent, en tant que donneur d'ordre, la société n'a pas satisfait à son obligation de vigilance au titre de la période du juillet 2014 au 30 septembre 2014 et du 1 er juillet 2015 au 31 mars 2016 ; qu'il a été pris en compte le fait que la société sous-traitante était à jour de ses cotisations jusqu'au 30 septembre 2014 et que l'obligation de vigilance avait été respectée jusqu'au 31 mars 2015 ; que néanmoins, aucune attestation n'ayant été demandée entre le 18 janvier et le 20 octobre 2014, la période du 1er juillet au 30 septembre 2014 n'a pas été pas couverte par une attestation de vigilance ; qu'il n'y a pas eu de différences de traitement avec la SCCV [5] ; que, concernant le mode de calcul du prorata, aux termes de l'article L. 324-14 du code de la sécurité sociale, les sommes, dont le paiement est exigible en application de la solidarité financière, sont déterminées au prorata de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ; qu'elle a respecté scrupuleusement la règle de calcul regard des pièces produites par le sous-traitant et la société ; que la sanction de l'annulation de la réduction Fillon résulte du défaut de vigilance du donneur d'ordre.

Selon l'article L 8222-1 du code de la sécurité sociale, « Toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte :

« 1 des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;

« 2 de l'une seulement des formalités mentionnées au 1 , dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants ».

L'article L 8222-2 du même code énonce que « Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :

« 1 Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;

« 2 Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;

« 3 Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie ».

En application de ces textes, l'article D. 8222-5 du code de la sécurité sociale précise ainsi que : « La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution :

« 1 Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

« 2 Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants :

« a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;

« b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ;

« c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ;

« d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription ».

Les documents énumérés par l'article D. 8222-5 du code du travail sont les seuls dont la remise permet à la personne dont le cocontractant est établi en France, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, de s'acquitter de l'obligation de vérification mise à sa charge par l'article L. 8222-1.

Dès lors qu'il est constaté qu'une société ne s'est pas fait remettre par son cocontractant les documents mentionnés par le premier de ces textes et qu'elle n'a pas procédé aux vérifications qui lui incombaient en vertu du dernier, elle est tenue à la solidarité financière prévue par l'article L. 8222-2.

Il se déduit des articles précités que l'attestation de solidarité financière doit être délivrée à la signature de chaque contrat et non lors du début d'exécution des travaux, de telle sorte qu'une attestation délivrée il y a moins de six mois pour un chantier, dans le cadre d'une relation contractuelle, ne peut être opposée par l'entreprise utilisatrice versée dans le cadre de la nouvelle convention que si l'entreprise cotraitante l'a produite à nouveau, dès lors qu'elle n'est pas dispensée de s'assurer à nouveau de son authenticité.

En application de l'article D. 8222- du code du travail, le seuil de vérification était de 3 000 euros jusqu'au 30 mars 2015, selon la version issue du décret n 2008-244 du 7 mars 2008 et est de 5 000 euros depuis le décret n 2015-364 du 30 mars 2015.

En l'espèce, les constatations opérées par les inspecteurs du recouvrement font état des faits suivants : la société a demandé une attestation de vigilance 18 janvier 2014 afin de justifier que son sous-traitant était à jour de ses cotisations jusqu'au 31 décembre 2013. De même, le 20 octobre 2014, une demande attestation de vigilance a été réalisée afin de justifier que l'entreprise sous-traitante était à jour de ses cotisations jusqu'au 30 septembre 2014. Pour autant, il n'a pas été constaté de demande d'attestation de vigilance entre le 18 janvier et le 20 octobre 2014, ce qui nécessitait une demande formulée en juillet 2014. Les inspecteurs relèvent en outre que l'attestation de versement de cotisations et de fourniture des déclarations des candidats attributaires des marchés publics ne justifie pas du respect par le sous-traitant de ses obligations au 31 décembre 2014, ne s'agissant pas d'une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions des candidats à une commande au moins égale à 3000 euros, seuil applicable à l'époque.

Contrairement à ce qu'allègue la société, si les pièces déposées au titre de la solidarité financière par la SCCV [5] sont identiques à celles qu'elle a déposées, il n'est pas démontré que les chantiers confiés par cette dernière au sous-traitant couvraient toute la période de l'année 2014, de telle sorte que la régularisation opérée n'est pas transposable. La discrimination n'est donc pas prouvée.

Dès lors, la société ne démontre pas avoir satisfait à ses obligations. En conséquence, elle est tenue, au titre de la solidarité financière des cotisations éludées par son sous-traitant calculé au prorata du chiffre d'affaires réalisé par ce dernier à son profit.

L'article L. 8222-2 du code du travail prévoit quant à lui que :

« Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :

« 1 Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;

« 2 Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;

« 3 Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie ».

L'article L. 8223-3 du code du travail dispose en outre que :

« Les sommes dont le paiement est exigible en application de l'article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ».

Il s'en déduit que si l'employeur doit recevoir le mode de calcul du redressement envisagé à son encontre, tel n'est pas le cas du donneur d'ordre pourtant solidaire notamment du paiement des cotisations obligatoires augmentées des éventuelles pénalités et majorations. De même, l'absence de mention du nombre de salariés concernés par le travail dissimulé n'est en rien un obstacle au redressement, les dispositions précitées permettant une reconstitution forfaitaire de la masse salariale réelle de l'entreprise au regard de critères déterminés et de définir ainsi les rémunérations et cotisations omises.

En l'espèce, le procès-verbal de travail dissimulé du 28 avril 2016 fait état du fait que la société sous-traitante mentionne sur les bulletins de paye un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, qu'elle n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale et à l'administration fiscale, en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Ce constat a été opéré à la suite d'un contrôle sur un chantier de restaurant McDonald's dans le Pas-de-Calais. Il a été constaté que l'entreprise a déclaré une masse salariale faible sur les années 2012, 2013, 2014 et 2015 au regard du nombre de salariés ayant fait l'objet d'une déclaration annuelle des données sociales. La vérification sur les salariés contrôlés, qui déclarent avoir été embauchés à temps complet, démontre que les salaires versés sont hors de proportion avec les contrats existants. Le croisement entre le Grand livre partielle pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015, les contrats de travail des salariés contrôlés ainsi que d'une partie des copies des bulletins de paie réclamés pour les années 2013 à 2015 détermine des incohérences entre les données des bulletins de paie relativement à la durée de travail au regard de la quotité déterminée dans les contrats de travail. Lors du contrôle, la société n'a pas produit sa comptabilité, de telle sorte que les inspecteurs du recouvrement ont dû reconstituer la masse salariale selon la formule définie à l'article L. 8223-3 du code du travail.

Ils ont donc opéré, au vu des comptes bancaires produit, la reconstitution du chiffre d'affaires et ont appliqué un coefficient de 60 % correspondants aux rémunérations versées, en prenant en compte les usages de la profession du bâtiment selon lesquels la masse salariale représente 60 % du chiffre d'affaires.

Cette reconstitution est conforme aux textes précités, de telle sorte que le chiffrage des rémunérations omises est justifié par la différence entre les rémunérations déclarées et les sommes reconstituaient, année par année. L'URSSAF en a déduit un montant de cotisations et contributions à recouvrer égal à 1 068 980 euros hors majorations de retard des pénalités outre la pénalité de redressement de 40 % prévus par les textes. De même, du fait de l'annulation de l'exonération Fillon, l'URSSAF a recrédité les sommes dues à ce titre.

La société, qui a été en mesure de consulter le procès-verbal, ne dépose aucun élément pour contester le calcul des cotisations omises, étant précisé que, contrairement ses affirmations, le calcul des cotisations et opérées déduction faite du prix des matériaux, par l'application du coefficient de 60 %.

S'agissant du seuil à partir duquel la vigilance financière est exigée, la société ne dépose aucune pièce justifiant que les montants de certains des marchés qu'elle a passés avec la société sous-traitante étaient inférieurs à celui-ci et démontrant que le calcul opéré par l'URSSAF de reconstitution en pourcentage de la part de chiffre d'affaires réalisée par le sous-traitant à son profit était erroné du fait de la prise en compte à tort de marchés inférieurs à 3 000 euros.

L'argumentation tirée de l'absence d'identification des salariés en cause est donc inopérante.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Du fait de la mise en jeu de la solidarité financière, la société n'est plus éligible aux réductions « Fillon ». La société ne démontre aucune erreur de l'URSSAF sur la ré-imputation des réductions.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

- sur la faute alléguée contre l'URSSAF Île-de-France :

La SASU [4] expose que le 10 avril 2018 et malgré la décision de la Commission de recours amiable annulant la mise en demeure du 23 novembre 2017, l'URSSAF a procédé à l'inscription au registre tenu par le greffe du tribunal de commerce d'un privilège portant sur les mêmes créances et ce alors que les sommes inscrites avaient d'ores et déjà été réglées à l'organisme ; que l'obligation pesant sur l'organisme de recouvrement d'inscrire ses créances privilégiées au registre tenu par le greffe du tribunal de commerce ne concerne que ses créances certaines et exigibles et ne s'étend pas aux créances dont le principe même est contesté, l'organisme de recouvrement ayant pour ces dernières non pas l'obligation mais la faculté de procéder à leur inscription ; qu'en dépit du fait que par la suite il a été procédé à la radiation de l'inscription de privilège susvisée, cette inscription abusive a été gravement préjudiciable pour son image vis-à-vis de ses fournisseurs et co-contractants ; que ses notes de solvabilité ont été abaissées dans de fortes proportions.

L'URSSAF Île-de-France réplique que selon l'article L. 243-5 du code de la sécurité sociale, lorsqu'une créance de cotisations sociales n'est pas réglée par une société, elle peut faire l'objet d'une inscription de privilège par l'organisme de recouvrement auprès du greffe du tribunal de commerce compétent ; qu'en l'espèce, en procédant à l'inscription de privilège de la dette redressée, elle n'a fait qu'appliquer l'option qui lui était proposée par le texte et il ne pourrait lui être reprochée aucune faute ;que par ailleurs. le préjudice allégué de la société, constitué par la perte de marchés publics suite à l'inscription de ce privilège, n'est pas démontré ; que le lien de causalité entre la baisse de l'indice de solvabilité de l'entreprise, telle qu'elle résulte des éléments apportés par la partie adverse et l'inscription de privilège, rien ne vient le démontrer.

L'article L. 243-5 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2011- 525 du 17 mai 2011, applicable au litige, dispose que :

« Dès lors qu'elles dépassent un montant fixé par décret, les créances privilégiées en application du premier alinéa de l'article L. 243-4, dues par un commerçant, une personne immatriculée au répertoire des métiers, une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale, ou une personne morale de droit privé, doivent être inscrites à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance dans le délai de neuf mois suivant leur date limite de paiement ou, le cas échéant, la date de notification de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, lorsque la créance est constatée lors d'un contrôle organisé en application des dispositions de l'article L. 243-7. Le montant mentionné au présent alinéa est fixé en fonction de la catégorie à laquelle appartient le cotisant et de l'effectif de son entreprise ».

S'il n'est pas contestable que l'URSSAF a demandé l'inscription le 30 janvier 2018 d'un privilège pour la somme de 24 474, 10 euros, en se fondant sur la mise en demeure adressée le 23 novembre 2017 pour obtenir le paiement de cette somme, et que celui-ci a été effectif le même jour, la société ne démontre de paiement que le 1er mars 2018, soit postérieurement à l'inscription. A cette date, la mise en demeure qui la fondait n'avait pas été annulée dès lors que la commission de recours amiable n'a statué sur son annulation que le 12 mars 2018.

Dès lors, l'URSSAF a parfaitement respecté les conditions légales d'inscription de son privilège. En opérant la mainlevée le 14 mars 2018 du privilège, l'URSSAF a exécuté la décision de la commission de recours amiable, de telle sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée.

La société ne dépose au demeurant aucune pièce pour justifier d'un préjudice quelconque qui aurait résulté de cette inscription de privilège.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

La SASU [4], qui succombe, sera condamnée aux dépens et au paiement d'une somme supplémentaire de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la SASU [4] ;

CONFIRME le jugement rendu le 30 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant

CONDAMNE la SASU [4] à payer à l'URSSAF Île-de-France la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SASU [4] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/02106
Date de la décision : 08/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-08;20.02106 ?
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