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08/03/2024 | FRANCE | N°18/13780

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 08 mars 2024, 18/13780


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 08 Mars 2024



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13780 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B64K6



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 16/01830



APPELANTE

Madame [B] [N]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée

par Me Louise MILBACH, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 s...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 08 Mars 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13780 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B64K6

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 16/01830

APPELANTE

Madame [B] [N]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Louise MILBACH, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [N] [V] d'un jugement rendu le 9 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Madame [B] [N] [V] était salariée de la société [5] (ci-après désignée 'la Société') en qualité de conseillère de vente lorsqu'elle a fait parvenir à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (ci-après désigné 'la Caisse') deux déclarations maladies professionnelles établies le 22 juillet 2015, auxquelles étaient joint un certificat médical initial établi le 4 juin 2015 par le docteur [D] [W] ainsi libellé : « Sd canaux carpiens Dt + Gche - Intervention à Dte 25.4.2013 Chirurgie à gauche en attente ».

La Caisse a alors ouvert deux dossiers :

- l'un enregistré sous le numéro de sinistre 152604757 s'agissant du canal carpien gauche,

- l'autre enregistré sous le numéro de sinistre 152604759 pour le canal carpien droit,

qu'elle a instruit au titre du tableau 57C des maladies professionnelles et diligenté pour chacune une enquête administrative.

Par avis du 31 août 2015, le docteur [I] [E], médecin-conseil de la Caisse, a estimé que les affections déclarées par Mme [N] [V] correspondaient bien à celles prévues au tableau mais le service administratif a considéré qu'elles n'en remplissaient pas toutes les conditions réglementaires, le délai de prise en charge étant dépassé.

La Caisse a alors transmis le dossier de Mme [N] [V] au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Ile-de-France (ci-après désigné « CRRMP ») pour avis.

Par courriers du 18 janvier 2016, la Caisse a notifié à Mme [N] [V] son refus de prendre en charge à titre conservatoire dans l'attente de l'avis du CRRMP, tant pour le canal carpien droit que pour le canal carpien gauche.

Mme [N] [V] a contesté ces décisions devant la commission de recours amiable laquelle, lors de sa séance du 16 mars 2016 a, par deux décisions, rejeté ses recours. L'intéressée en a reçu notification le 24 mars 2016.

Finalement, le CRRMP rendait ses avis le 2 mai 2016, au terme desquels il estimait que le lien entre les pathologies déclarées et l'activité professionnelle de Mme [N] [V] n'était pas établi.

Par deux courriers datés du 11 mai 2016, la Caisse a notifié à l'intéressée les avis ainsi rendus et, tenue par ceux-ci, lui a confirmé sa décision de refus de prise en charge.

Mme [N] [V] a de nouveau saisi la CRA qui, par deux décisions du 3 août 2016, a rejeté son recours.

C'est dans ces conditions que Mme [N] [V] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny lequel, par jugement avant-dire-droit du 10 novembre 2017 auquel il convient de se rapporter pour un plus ample informé, a ordonné la désignation du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région des Hauts-de-France aux fins de recueillir son avis sur la demande de reconnaissance des maladies « canal carpien droit » et « canal carpien gauche » déclarées le 4 juin 2015 par Mme [B] [N] [V].

Le CRRMP a rendu ses avis le 25 avril 2018 concluant qu'il ne pouvait être retenu de lien direct entre les affections présentées et l'exposition professionnelle.

Par jugement du 9 novembre 2018, le tribunal a :

- homologué l'avis rendu le 25 avril 2018 par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles des Hauts-de-France,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis du 10 août 2016 refusant à Madame [B] [N] la prise en charge des affections 'canal carpien droit' et ' canal carpien gauche' déclarées le 4 juin 2015 au titre de la législation sur les risques professionnels,

- dit que les affections 'canal carpien droit' et 'canal carpien gauche' déclarées le 4 juin 2015 par Madame [B] [N] sont sans lien direct et certain avec sa profession exercée et, en conséquence,

- débouté Madame [B] [N] de sa demande de prise en charge des affections 'canal carpien droit' et 'canal carpien gauche' déclarées le 4 juin 2015, au titre de la législation sur les risques professionnels,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- rappelé que la procédure est gratuite et sans frais.

Le jugement a été notifié aux parties le 13 novembre 2018 et Madame [N] [V] en a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 13 décembre 2018.

L'affaire a alors été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 9 décembre 2021 mais renvoyée, en raison de la récente désignation à l'aide juridictionnelle du Conseil de Mme [N] [V], à l'audience du 29 juin 2022 puis à celle du 19 avril 2023, date à laquelle elle a été de nouveau renvoyée pour être plaidée à l'audience du 13 décembre 2023.

Madame [B] [N] [V], au visa de ses conclusions, demande à la cour de:

- infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en toutes ses dispositions,

- dire et juger que les affections des canaux carpiens droit et gauche qu'elle a déclarées doivent faire l'objet d'une prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels,

- fixer le taux d'incapacité permanente partielle à 10 % pour chaque canal carpien (droit et gauche),

- ordonner le versement de la rente afférente au taux,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie aux entiers frais et dépens.

La Caisse, au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 12 novembre 2018 en toutes ses dispositions et, en conséquence,

- déclarer les décisions de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle des maladies déclarées le 22 juillet 2015 bien fondées,

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes.

Si la Cour devait reconnaître le caractère professionnel des maladies déclarées par Mme [N], la Caisse lui demande de :

- débouter Mme [N] de sa demande de fixation du taux d'IPP,

- renvoyer l'examen du dossier vers la Caisse pour fixation de la date de consolidation et du taux d'IPP, et pour le versement éventuel d'un capital ou d'une rente.

En tout état de cause, la Caisse demande à la cour de condamner Mme [N] [V] aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 13 décembre 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 8 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le caractère professionnel de la pathologie

Au soutien de son recours, Mme [N] [V] fait valoir que le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude le 24 juin 2015 qui fait état de restrictions à son éventuel reclassement consistant en l'interdiction de postes nécessitant la préhension d'objets. Elle en conclut que la matérialité de ses affections est établie et que, contrairement à ce qui est soutenu par la Caisse, le délai de prise en charge n'était pas dépassé puisque le certificat médical initial est daté du 4 juin 2015.

La Caisse rétorque que deux CRRMP ont rendus un avis défavorable à la prise en charge des pathologies déclarées par Mme [N] [V] et que celle-ci n'apporte aucun élément pour les contredire. Elle souligne que l'intéressée confond la date de première constatation médicale, à partir duquel court le délai de prise en charge, et la date du certificat médical initial. La date de connaissance par l'assuré du lien entre sa maladie et son activité professionnelle, ne constitue que le point de départ du délai de prescription biennale prévue à l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale,

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.(')

l'article D. 461-1-1 du même code précisant

Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil.

Enfin, l'article R. 142-24-2 dans sa version applicable du code de la sécurité sociale prévoit que

Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du cinquième alinéa de l'article L. 461-1.

Le tribunal désigne alors le comité d'une des régions les plus proches.

Dès lors, pour qu'une maladie survenue à l'occasion ou du fait du travail bénéficie de la présomption de maladie professionnelle, elle doit répondre aux conditions cumulatives suivantes :

- la maladie doit être répertoriée dans un des tableaux de maladies professionnelles,

- le travail accompli par le malade doit correspondre à un travail figurant dans la liste des travaux susceptibles de provoquer l'une des affections dudit tableau,

- la durée d'exposition doit correspondre à celle mentionnée audit tableau,

- la prise en charge doit être sollicitée dans un délai déterminé au tableau après l'exposition aux risques.

Ainsi, la prise en charge d'une affection au titre de la législation professionnelle suppose donc que celle-ci soit mentionnée dans un tableau de maladie professionnelle, qu'elle ait été constatée dans un délai fixé par le tableau et que le salarié ait été exposé au risque également mentionné dans ce tableau. Lorsque ces deux dernières conditions ne sont pas respectées, l'affection peut néanmoins être prise en charge à condition qu'un lien direct soit établi entre la pathologie et le travail habituel du salarié. La caisse primaire doit alors recueillir l'avis motivé d'un CRRMP avant de prendre sa décision. Une pathologie désignée par un tableau de maladie professionnelle peut donc être prise en charge au titre de la législation professionnelle, même en cas d'origine multifactorielle, dès lors que le CRRMP établit qu'elle a été directement causée par le travail habituel du salarié, peu important qu'il n'en soit pas la cause exclusive.

La cour précisera enfin que les conditions médicales réglementaires permettant de faire entrer une maladie dans un des tableaux de maladies professionnelles, et notamment la concordance entre la maladie déclarée et la pathologie désignée au tableau, se distinguent des conditions administratives prévues au titre du tableau qui désigne la maladie. Seules ces dernières, lorsqu'elles ne sont pas remplies, donnent lieu à la saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

En l'espèce, les demandes de reconnaissance de maladie professionnelle de Mme [N] [V] ont été instruites au regard du tableau 57 des maladies professionnelles, intitulé « Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail » l'une au titre d'un « syndrome du canal carpien droit », l'autre au titre d'un « syndrome du canal carpien gauche » au regard d'un certificat médical initial établi le 4 juin 2015 par le docteur [D] [W] faisant mention de « Sd canaux carpiens Dt + Gche - Intervention à Dte 25.4.2013 Chirurgie à gauche en attente ».

Il n'est pas contesté que cette pathologie est prévue dans le tableau 57 des maladies professionnelles lequel, dans sa version applicable, prévoit les conditions de prise en charge suivantes :

DÉSIGNATION DES MALADIES

DÉLAI de prise en charge

LISTE LIMITATIVE des travaux susceptibles de provoquer ces maladies

- C - Poignet

Syndrome du canal carpien.

30 jours

Travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main.

La lecture de ce tableau enseigne que l'affection syndrome du canal carpien est provoquée par des « travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main ». Elle doit en outre être constatée dans un délai maximal de 30 jours entre la date de première constatation médicale de la maladie et la date de fin d'exposition au risque.

Pour que joue la présomption d'imputabilité, la victime doit avoir été exposée de façon habituelle au risque c'est-à-dire que l'exposition au risque doit présenter un caractère certain et que les travaux qui sont à l'origine de la maladie doivent avoir été effectués de façon répétée ou forcée. Le caractère «'habituel'» des mouvements visé par le tableau ne signifie cependant pas pour autant que ces mouvements ou travaux doivent constituer une part prépondérante de l'activité du salarié ni d'ailleurs que l'exposition ait été permanente et continue.

Néanmoins, la liste des travaux est limitative ce qui signifie que seuls les travaux indiqués sont reconnus comme facteur déclenchant de la maladie. Elle s'impose ainsi aux juges qui ne jouissent d'aucun pouvoir pour en étendre ou en restreindre l'étendue suivant les circonstances.

Au terme du colloque médico administratif, le médecin-conseil de la Caisse a confirmé que les pathologies étaient bien inscrites au tableau 57 des maladies professionnelles, mais qu'elles n'en remplissaient pas la condition tenant au délai de prise en charge.

L'enquête administrative a constaté que Mme [N] [V] avait cessé d'être exposée au risque le 8 janvier 2012, ce qui n'est pas contesté, pour une date de première constatation médicale fixée par le médecin conseil au 6 février 2013 pour les deux pathologies, soit 13 mois après la cessation de l'exposition au risque.

Les deux CRRMP saisis ont considéré que l'importance du dépassement ne permettait pas de relier les pathologies au travail.

S'agissant du délai de prise en charge

Aux termes de l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale

(...) A partir de la date à laquelle un travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux susmentionnés, la caisse primaire et la caisse régionale ne prennent en charge, en vertu des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 461-1, les maladies correspondant à ces travaux que si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau.

Aux termes de l'article D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale

Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil.

Il résulte de la combinaison de ces textes que la première constatation médicale concerne toute lésion de nature à révéler l'existence de la maladie, même si son identification n'est intervenue que postérieurement. Elle ne doit pas être confondue avec la date à laquelle est délivré un certificat médical faisant état du lien possible entre la maladie et l'activité professionnelle.

Elle n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que le certificat médical initial accompagnant la déclaration de sorte qu'elle peut lui être antérieure. Ce n'est qu'à défaut d'autres éléments médicaux que la date de la première constatation médicale est celle qui figure dans le certificat médical joint à la déclaration de maladie professionnelle.

Le régime de la prise en charge des maladies professionnelles repose sur la première constatation médicale de la maladie et c'est à cette date qu'il convient de se placer pour fixer le point de départ des droits de la victime, indépendamment de toute indication sur l'origine professionnelle de l'affection.

En l'occurrence, la Caisse produit le colloque médico-administratif qui précise le document ayant permis de fixer la date de première constatation médicale, à savoir un examen exploratoire réalisé le 6 février 2013, et qui confirme la date de cessation à l'exposition au risque au 8 janvier 2012.

Le délai de prise en charge tel que prévu par le tableau était donc bien dépassé, ce qui justifiait la saisine du CRRMP.

Sur la nature des travaux

Le CRRMP d'Ile-de-France a, dans deux avis rendu le 2 mai 2016, relevé pour chacune des pathologies que « l'importance du délai par rapport à la fin de l'exposition professionnelle (atteignant quasiment 13 mois) ne permet pas de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical du 04/06/2015 ».

Saisi par le tribunal, le CRRMP des Hauts-de-France a, dans son avis du 25 avril 2018, confirmé l'avis de celui d'Ile-de-France, précisant qu'à la « lecture des pièces médicales et administratives du dossier de Madame [B] [N], il constate l'activité variée de l'intéressée. Il n'y a pas dans l'activité habituelle de mouvement répété et/ou forcé de flexion/extension du poignet droit (et gauche). Par ailleurs, le dépassement du délai de prise en charge est très important et il a été impossible de retrouver des éléments d'histoire clinique objectifs permettant de la réduire. Pour toutes ces raisons, il ne peut être retenu de lien direct entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle ».

Ces deux avis sont dès lors concordants.

Pour les combattre, Mme [N] [V] fait valoir qu'elle a été licenciée pour inaptitude d'origine professionnelle ce qui n'aurait pas été le cas si son travail n'avait pas été à l'origine de ses pathologies. Elle souligne que l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail précisait qu'il existait une possibilité de reclassement sur tout poste « ne nécessitant pas la préhension d'objets ».

Ce faisant, la cour doit rappeler que l'avis d'inaptitude au poste n'induit nullement de manière automatique le lien entre la pathologie déclarée et le travail habituel de l'assurée. Il permet de seulement de confirmer l'existence et la nature de la pathologie dont Mme [N] [V] est atteinte ce qui, au demeurant, n'a jamais été contesté par la Caisse. De même, si le médecin du travail a recommandé un poste sans préhension d'objets, aucune mention ne permet d'imputer ses pathologies aux tâches qu'elle effectuait dans le cadre de son travail habituel. Ceci d'autant les deux CRRMP ont pris en compte l'avis du médecin du travail.

Au demeurant, si le dépassement du délai de prise en charge ne peut pas être, au cas d'espèce, le motif d'un rejet de reconnaissance de maladie professionnelle puisque c'est ce qui a justifié la saisine du CRRMP, il n'en demeure pas moins que les activités de Mme [N] [V], essentiellement de l'accueil, du conseil et de la vente à la clientèle, avec accessoirement du réassortiment de fournitures (sans charges lourdes mentionnées) n'étaient pas de celles qui entraînaient des mouvements répétés et/ou forcé de flexion/extension du poignet de sorte que cette constatation, non utilement remise en cause par les pièces et explications fournies par la salariée, cumulée avec une fin d'exposition au risque depuis plus d'un an, ne permet pas de faire le lien entre l'activité et la pathologie.

A l'audience, Mme [N] [V] ne verse aucun document permettant de remettre en cause les avis concordants des CRRMP.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les deux pathologies dont souffre Mme [N] [V] ne peuvent être reconnues d'origine professionnelle.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Mme [N] succombant, elle sera condamnée aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l'appel formé par Mme [B] [N] [V] recevable,

CONFIRME le jugement rendu le 9 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny (RG16-1830/B) en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE Mme [N] [V] aux dépens.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/13780
Date de la décision : 08/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-08;18.13780 ?
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