La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2024 | FRANCE | N°16/13855

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 08 mars 2024, 16/13855


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 08 Mars 2024



(n° , 15 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/13855 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ5OG



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Septembre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris RG n° 15-03877



APPELANTE

Madame [Z] [N]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée

par Me Sylvie BRENNER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0030 substituée par Me Mélissa DIMOS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0560



INTIMEES

Le syndicat des Copropriétaires

[Adresse ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 08 Mars 2024

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/13855 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ5OG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Septembre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris RG n° 15-03877

APPELANTE

Madame [Z] [N]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Sylvie BRENNER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0030 substituée par Me Mélissa DIMOS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0560

INTIMEES

Le syndicat des Copropriétaires

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Marc-david SELETZKY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0070

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8]

Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude

[Adresse 4]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre, chargée u rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été rapportées par la présente cour par arrêt du 17 janvier 2020 au contenu duquel il convient de se référer pour un plus ample informé, il suffit de rappeler que Mme [N], salariée depuis 2006 du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] (ci-après désigné 'le Syndicat') en qualité de gardienne d'immeuble, a été victime le 1er mars 2013 d'un accident du travail par électrocution alors qu'elle changeait une ampoule.

Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] (ci-après désigné 'la Caisse') au titre de la législation professionnelle, laquelle fixera par la suite la date de sa consolidation au 17 juin 2015, sans séquelles indemnisables.

Le tribunal du contentieux de l'incapacité, saisie par Mme [N], a, par jugement du 8 juillet 2016, porté le taux d'incapacité permanente partielle de l'intéressée à 5 %.

Parallèlement, Mme [N], après vaine tentative de conciliation, a intenté le 28 juillet 2015, une action en reconnaissance de la faute inexcusable du Syndicat dont elle a été déboutée par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 30septembre 2016.

Sur appel interjeté par Mme [N], la cour, autrement composée, a, par arrêt du 17 janvier 2020 :

- infirmé le jugement déféré et statuant à nouveau,

- jugé que l'accident du travail dont Mme [N] a été victime le 1er mars 2013 est dû à la faute inexcusable du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2],

- fixé au maximum prévu par la loi la majoration de capital alloué à Mme [N] sur la base d'une incapacité permanente partielle de 5%,

- avant dire droit sur la réparation des préjudices personnels de Mme [Z] [N], ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder M. le docteur [Y] [G] avec pour mission, après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son mode de vie antérieure à l'accident et sa situation actuelle, à partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis :

o décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins,

o recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches,

o l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,

o procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

o décrire les lésions initiales imputables à l'accident du travail du 1 er mars 2013 et l'état séquellaire, ainsi le cas échéant l'incidence d'un état antérieur sur ces séquelles,

- en tenant compte de la date de consolidation retenue au 17 juin 2015, et au regard des lésions imputables à l'accident du travail :

o indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles, préciser la durée des périodes d'incapacité totale ou partielle et le taux ou la classe (de 1 à 4) de celle-ci,

o dire si avant consolidation il y a eu nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne et si oui s'il s'est agi d'une assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) ou si elle a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne en indiquer la nature et la durée quotidienne,

o décrire les souffrances physiques, psychiques et/ou morales découlant des blessures subies avant consolidation et les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7,

o donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Evaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 les préjudices temporaire et définitif,

o ordonner tous éléments médicaux permettant d'apprécier la réalité et l'étendue du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

o donner tous éléments médicaux permettant d'apprécier la réalité et l'étendue du préjudice d'agrément résultant de l'impossibilité pour la victime, du fait des séquelles, de pratiquer régulièrement une ou plusieurs activités spécifiques sportives ou de loisirs, antérieures à la maladie ou à l'accident ;

o donner un avis sur l'existence, la nature et l'étendue d'un éventuel préjudice sexuel,

o indiquer si, compte tenu de l'état séquellaire, il y a nécessité d'envisager un aménagement du logement et, si c'est le cas, préciser quels types d'aménagements seront indispensables au regard de cet état,

o dire si l'état séquellaire de la victime lui permet la conduite d'un véhicule automobile, au besoin aménagé, en précisant quels types d'aménagements seront nécessaires,

- ordonné la consignation par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] auprès du Régisseur de la cour de la somme de 1 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert,

- alloué à Mme [N] une indemnité provisionnelle d'un montant de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices personnels et moraux,

- dit que la CPAM de [Localité 8] devra verser directement à Mme [N] la majoration de capital allouée ainsi que l'indemnité provisionnelle accordée,

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à rembourser à la CPAM de [Localité 8] les sommes dont elle sera tenue de faire l'avance,

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [N] une somme de 2 000 euros en remboursement des frais irrépétibles qu'elle a exposés,

- condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens d'appel.

- renvoyé l'affaire à l'audience du mercredi 30 septembre 2020 pour débats au fond après dépôt du rapport.

L'expert a été remplacé par le docteur [S] [I] par ordonnance du 23 septembre 2021.

L'expert a effectué sa mission le17 janvier 2023 et a rendu son rapport le 7 avril 2023 permettant la fixation de l'affaire à l'audience du 13 décembre 2023, date à laquelle les parties étaient représentées et ont plaidé.

Mme [N], au visa de ses conclusions, demande à la cour de :

- la déclarer recevable en son appel,

- fixer ses postes de préjudice de la manière suivante :

o 6 545 euros à titre principal, au titre du déficit fonctionnel temporaire, ou à titre subsidiaire 5 216,25 euros,

o 10 056 euros au titre de l'assistance tierce personne,

o 30 000 euros au titre des souffrances endurées avant consolidation,

o 8 000 euros au titre des souffrances endurées après consolidation,

o 4 000 euros au titre du préjudice esthétique,

o 4 000 euros au titre du préjudice de perte ou de diminution des possibilités de promotion professionnelle,

o 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

o 5 000 euros au titre du préjudice sexuel,

o 1 000 euros au titre des frais de véhicule adapté,

- dire que la CPAM avancera les sommes qui lui seront allouées sous déduction des sommes déjà réglées à ce titre en exécution des précédentes décisions judiciaires,

- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] prise en la personne de son syndic, le [7], SAS, prise en la personne de son représentant légal, à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] prise en la personne de son syndic le [7], SAS, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens d'appel.

Le Syndicat, au visa de ses conclusions déposées à l'audience, pour partie manuscrite, demande à la cour de :

- ordonner une expertise complémentaire aux fins de déterminer le lien de causalité entre l'accident de moto subi par Mme [N] et les différents postes de préjudice qu'elle fait valoir dans le cadre de la présente instance aux fins de :

o distinguer, le cas échéant les lésions et chefs de préjudices qui seraient la conséquence de l'accident de travail de Mme [N], de ceux qui résulteraient de son accident de moto,

o réévaluer les différentes lésions et l'état séquellaire de Mme [N] au vu de son accident de moto,

- surseoir à statuer dans l'attente des conclusions de l'expertise.

A titre subsidiaire, le Syndicat demande à la cour de :

- débouter Mme [N] de ses demandes au titre de :

o assistance tierce personne,

o préjudice d'agrément,

o préjudice sexuel,

o frais de véhicule adapté,

- limiter l'évaluation du préjudice subi par Mme [N] aux sommes suivantes :

o 5 216,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

o 2 000 euros au titre du préjudice esthétique,

o 1 000 euros au titre de la perte ou de diminution des possibilités de promotion professionnelle,

- limiter l'indemnisation du poste des souffrances endurées au chiffre retenu par l'expert, soit 4,5/7.

La Caisse développe oralement ses conclusions et demande à la cour de :

- ramener à de plus justes proportions les sommes allouées à Mme [N] au titre des souffrances endurées, du préjudice esthétique et du préjudice sexuel,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur les demandes de Mme [N] au titre des frais de véhicule adapté,

- limiter l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 5 216 euros,

- débouter Mme [N] de ses demandes au titre de la tierce personne, de la perte de chance professionnelle et du préjudice d'agrément,

- rappeler qu'elle fera l'avance des sommes allouées à Mme [N] dont elle récupérera le montant sur l'employeur y compris les frais d'expertise,

- condamner tout succombant aux dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 13 décembre 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 8 mars 2024.

MOTIVATION DE LA COUR

Sur le complément d'expertise

Le Syndicat sollicite un complément d'expertise au motif que l'expert n'aurait pas été informé de la survenue, au préjudice de Mme [N], d'un grave accident de moto préalablement à son embauche et qui avait entraîné un longue période d'hospitalisation. Il souligne que si le rapport mentionne « un accident de voie publique survenu en 1992 », il ne précise pas s'il s'agit de l'accident de moto. Il estime que certaines douleurs dont souffre Mme [N] pourraient être la conséquence de cet accident.

Mme [N] s'oppose à cette demande et souligne que l'accident était connu de l'expert puisqu'il l'évoque dans son rapport. Elle rappelle que cet accident a eu lieu il y a 20 ans et aucun élément n'est produit pour dire qu'il aurait encore des conséquences sur son état de santé.

Sur ce,

La cour ne peut que relever que c'est d'une particulière mauvaise foi que le Syndicat estime que le rapport d'expertise serait imparfait pour ne pas avoir pris en compte l'existence d'un accident de voie publique survenu avant l'embauche de la salariée et de ne pas préciser si les conséquences auraient encore des répercussions sur son état de santé, alors que page 6 du rapport, dans une partie intitulée 'antécédents médicaux et chirurgicaux', l'expert mentionne « un accident de voie publique (4 décembre 1992) au cours duquel elle a été percutée par un bus entraînant un polytraumatisme de l'hémicorps gauche avec hospitalisation à [6] et une rééducation en centre spécialisé ». Il est donc incontestable que l'expert a eu connaissance de l'accident et de ses conséquences médicales, sauf au Syndicat de démontrer, ce qu'il ne fait pas, que cet accident ne serait pas celui qu'il invoque malgré la similitude de date et de nature. En tout état de cause, l'expert a mentionné que ne se révélait aucun état intercurrent ou antérieur.

Il n'est au demeurant pas inintéressant d'observer que l'expert a adressé à toutes les parties une convocation pour assister à ses opérations et que le Syndicat n'a estimé utile ni de se présenter ni de lui adresser quelconque pièce, notamment s'agissant de l'accident de moto dont il avait pourtant connaissance. L'expert précise en outre qu'à l'issue des opérations d'expertise, il n'a reçu aucune correspondance ou de dire des parties, et la cour constate que le Syndicat est également resté taisant lors de la notification du rapport.

La demande de complément d'expertise sera en conséquence rejetée.

Sur l'indemnisation complémentaire de Mme [N]

Aux termes de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, «'indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle'».

Selon la décision du Conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime peut demander à celui-ci réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

En outre, par quatre arrêts rendus le 4 avril 2012, la Cour de cassation a précisé l'étendue de la réparation des préjudices due à la victime d'un accident du travail en cas de faute inexcusable de son employeur.

Il en résulte que la victime ne peut pas prétendre à la réparation, outre celle des chefs de préjudice expressément visés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, des chefs de préjudices suivants déjà couverts :

- le déficit fonctionnel permanent (couvert par L.431-1, L.434-1 et L.452-2), à l'exception des souffrances qui demeurent post consolidation,

- les pertes de gains professionnels actuelles et futures (couvertes par les articles L.431-1 et suivants, L.434-2 et suivants),

- l'incidence professionnelle indemnisée de façon forfaitaire par l'allocation d'un capital ou d'une rente d'accident du travail (L.431-1 et L.434-1) et par sa majoration (L.452-2),

- les frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales.

En revanche, la victime peut notamment prétendre à l'indemnisation :

- du déficit fonctionnel temporaire, non couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire,

- du déficit fonctionnel permanent, non couvert par la rente et qui se rapporte aux souffrances morales,

- des dépenses liées à la réduction de l'autonomie, y compris les frais de logement ou de véhicule adapté, à l'exception de l'assistance d'une tierce personne après consolidation (couverte par l'article L.434-2 alinéa 3),

- du préjudice sexuel, indépendamment du préjudice d'agrément.

L'expert a réalisé sa mission le 17 janvier 2022 et a conclu ainsi qu'il suit :

- déficit fonctionnel temporaire de 40 % du 1er mars 2013 au 18 juin 2013, de 25 % du 19 juin 2013 au 31 décembre 2014 et de 15 % du 1er janvier au 17 juin 2015, date de consolidation,

- il n'y a pas lieu de reconnaître l'assistance à tierce personne ni nécessité d'adaptation du logement et/ou du véhicule automobile,

- souffrances physiques et psychiques de 4,5 / 7,

- préjudice esthétique (perte de l'horizontalité des épaules) définitive de 2 / 7,

- préjudice sexuel consistant en une gêne motrice lors de l'intimité des relations privées,

- préjudice d'agrément, avec une gêne durable du fait de l'expression douloureuse lors des activités concernées,

- préjudice professionnel consistant en une interruption de l'activité professionnelle de gardienne et perte du logement ; possible perte de promotion professionnelle selon la grille indiciaire.

Sur les chefs de préjudice visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale

Sur les souffrances physiques et morales endurées

Mme [N] conteste l'analyse de l'expert et estime que son préjudice doit être porté à 5,5/7 pour tenir compte également des sensations / impressions de compression dans tout le bras droit, en ce compris l'épaule et la main droites ainsi que de la poitrine, des lourds traitements antalgiques prescrits qui ne la soulageaient que partiellement, des séances de kinésithérapie et du suivi psychologique. Elle évoque la réalisation de nombreux examens médicaux entre 2013 et 2014. Elle sollicite la somme de 30 000 euros de ce chef de préjudice.

Le Syndicat estime qu'il serait illégitime de faire droit à la majoration du taux alors que contrairement à ce que prétend Mme [N], l'expert a bien tenu compte de chaque chef de préjudice qu'elle a invoqué. Au demeurant, l'expert a majoritairement relevé des éléments subjectifs portant sur des impressions «elle a l'impression d'être bloquée dans son corps, une impression pénible de brûlure, on relève dans les propos de [H] [N] la notion de perte de mémoire au quotidien, elle mentionne des difficultés de concentration, elle a l'impression d'être dans le corps de quelqu'un d'autre » et non sur des constatations d'ordre médical.

Ce faisant, le Syndicat ne chiffre pas le montant de l'indemnisation qu'il considère en rapport avec le préjudice subi par Mme [N].

La Caisse estime la demande surévaluée et sollicite de la cour qu'elle s'en réfère aux montants habituellement accordés en la matière.

Sur ce,

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime par suite de l'atteinte à son intégrité physique.

L'expert a évalué les souffrances endurées à 4,5 sur une échelle de 7.

L'expert relève, pour ce poste de préjudice, que l'accident du travail a été à l'origine d'un impact neurologique (lésion du plexus brachial droit) accompagné de douleurs neurogènes spécifiques dans les territoires d'aval. Ces phénomènes douloureux se sont durablement installés, prenant une dimension chronique, retentissant dans plusieurs dimensions de la vie personnelle. Il notait également que Mme [N] avait dû, dans les suites de l'accident, subir divers examens complémentaires spécialisés, suivre des séances d'orthophonie, et consulter régulièrement un neurologue. Son état de santé a nécessité la prescription renouvelée d'antalgiques spécifiques.

Pour sa part, Mme [N] verse aux débats l'attestation du docteur [R], neurologue, établi le 18 juin 2013, soit avant la date de sa consolidation, qui mentionne : « douleurs importantes, résistantes aux antalgiques habituels, principalement localisées au niveau de l'épaule droite, bras droit, avant-bras et la main droite avec crampes et coups d'électricité (territoire du plexus brachial droit) plus hémithorax droit ». Néanmoins, ce même médecin attestera, dans le cadre d'une expertise réalisée le 14 janvier 2022 que « les douleurs sont relativement contrôlées à l'aide d'un traitement antalgique assez lourd. Ces douleurs s'apaisent au repos et sont réactivées aux mouvements ( illisible) et à l'effort. Au décours de l'électrocution, il existait des troubles attentionnels actuellement améliorés par des séances de rééducation orthophonique pendant 18 mois ». Ce certificat médical a été porté à la connaissance de l'expert qui l'a repris dans son rapport, l'a analysé et l'a pris en compte dans l'évaluation du préjudice.

Si Mme [N] invoque, pour majorer le taux retenu pour ce préjudice, qu'elle a suivi des séances de kinésithérapie durant environ deux ans, à raison de deux séances par semaine et avoir été suivie par un psychologue une fois tous les deux mois en raison d'un syndrome anxiodépressif qui a dû être traité, force est de constater qu'elle ne produit aucune prescription en ce sens alors que l'expert mentionne précisément que « elle n'a consulté ni psychiatre, ni psychologue (...) Elle n'envisageait pas de s'engager dans cette démarche dans laquelle elle ne se sentait pas suffisamment à l'aise ».

Il convient en conséquence de confirmer l'évaluation de ce préjudice à 4,5/7 et d'allouer à Mme [N] la somme de 20 000 euros.

Sur le préjudice esthétique

Mme [N] fait valoir que si l'expert évalué à 2 sur l'échelle de 1 à 7 son préjudice définitif, il ne s'est pas prononcé sur le préjudice esthétique temporaire. Elle sollicite la somme globale de 4 000 euros pour ces deux préjudices.

Le syndicat propose d'allouer une somme de 2 000 euros au regard des constatations de l'expert qui a évalué le préjudice esthétique à 2 sur l'échelle de 1 à 7, soit 'très léger', ce qui représente une indemnisation comprise entre 2 000 et 4 000 euros. Il considère en outre que la perte de l'horizontalité des épaules est un préjudice minime et peu visible à l''il nu.

La Caisse sollicite que l'indemnisation soit ramenée à de plus justes proportions.

Sur ce,

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer l'altération de l'apparence physique de la victime avant et après la consolidation. Le préjudice esthétique temporaire est en effet un préjudice distinct du préjudice esthétique permanent et doit être évalué en considération de son existence avant consolidation de l'état de la victime.

L'expert a retenu un préjudice esthétique définitif de 2/7 représenté par la perte de l'horizontalité des épaules.

Il n'est pas contestable, au regard de la nature des lésions, qu'elles existaient pour la période ante consolidation.

A défaut pour Mme [N] de présenter d'autre document que l'expertise pour évaluer ce préjudice, il lui sera allouées les sommes de :

- 2 000 euros au titre du préjudice temporaire,

- 2 000 euros au titre du préjudice permanent.

sur le préjudice d'agrément

Mme [N] fait valoir qu'elle fréquentait régulièrement la piscine et pratiquait la bicyclette de manière occasionnelle. Elle souligne que l'expert a confirmé que du fait de ses séquelles, elle ne peut plus les pratiquer.

Le Syndicat fait valoir que si Mme [N] indique ne plus pouvoir pratiquer régulièrement la natation et faire du vélo de manière occasionnelle, elle ne produit aucun élément justifiant qu'elle exerçait précédemment ces activités. Ne démontrant pas l'existence d'un préjudice d'agrément sa demande devra être rejetée.

La Caisse s'oppose à l'indemnisation de ce préjudice rappelant qu'il n'est constitué que par l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique. Or, Mme [N] ne produit aucun élément pour justifier de la pratique régulière d'une activité sportive.

Sur ce,

Ce chef de préjudice s'entend de l'impossibilité totale ou partielle de poursuivre la pratique des activités sportives ou de loisirs après la maladie. Ce préjudice concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident.

Il appartient cependant à la victime de justifier de la pratique effective de ces activités par la production, notamment, de licences sportives, d'adhésions d'associations et/ou d'attestations.

En l'espèce, Mme [N] affirme qu'avant l'accident, elle pratiquait la natation et le vélo, ce qui serait susceptible de pouvoir caractériser un préjudice d'agrément tel que défini par la dernière jurisprudence.

Force est cependant de constater que Mme [N] ne produit aucun justificatif de nature à établir qu'elle pratiquait effectivement les activités alléguées. Elle ne verse ainsi ni adhésion à un club, ni attestations d'autres pratiquants, ni de justificatifs d'achats significatifs de fournitures et matériels de sport.

Si l'expert a mentionné, dans son rapport que Mme [N] «a dû renoncer à ces activités en raison des douleurs et de la gène motrice qui les accompagnent ; lorsqu'elle se trouve en vélo, les secousses et tremblements générés par le déplacement viennent réactiver les phénomènes douloureux ; l'usage d'un vélo électrique n'apporte pas de modification à son ressenti. Elle parvient à fréquenter un spa, sans toutefois pouvoir y pratiquer une activité motrice durable », force est de constater qu'il n'a pu le dire qu'au regard des seules déclarations de la victime.

Or, le seul fait de ne pas pouvoir pratiquer un sport ou une activité précise ne peut emporter indemnisation que si ce sport, désormais contre-indiqué, était effectivement pratiqué antérieurement à l'accident, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

En tout état de cause la pratique 'occasionnelle' de la bicyclette n'est pas de nature à générer un préjudice d'agrément.

La demande d'indemnisation formée de ce chef sera par conséquent rejetée.

Sur le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle

Mme [N] fait valoir, pour ce poste de préjudice, qu'elle a dû interrompre son activité professionnelle de gardienne, qu'elle exerçait depuis près de 15 ans lors de la survenance de l'accident, et que l'arrêt définitif de cette activité a également entraîné la perte de son logement.

Elle estime que compte tenu de son ancienneté dans son poste, elle aurait parfaitement pu prétendre à une évolution de carrière puisque le statut 'Employé' prévoyait quatre niveaux (de 1 à 4) et le statut 'Agent de maîtrise', encore deux niveaux (niveau 5 et niveau 6). Elle sollicite de ce chef la somme de 4 000 euros.

Le Syndicat entend rappeler qu'une promotion n'est jamais certaine et que dans la copropriété dans laquelle travaillait Mme [N], elle n'avait pas vocation à évoluer spécifiquement. Il relève en outre que la convention collective ne prévoit pas d'évolution automatique basée sur des critères d'ancienneté. Il entend en conséquence cantonner ce préjudice à la somme de 1 000 euros.

La Caisse souligne que Mme [N] ne produit aucun document pour justifier d'une réelle perte de chance d'évolution professionnelle de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande d'indemnisation de ce chef.

Sur ce,

Pour prétendre à l'indemnisation par application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale de la perte ou de la diminution de possibilités de promotion professionnelle, la victime doit démontrer que de telles possibilités pré-existaient.

Mme [N] occupait en dernier lieu le poste de gardienne d'immeuble au statut Employé, niveau 2, coefficient 255.

Il est constant que Mme [N] présente une contre-indication à ses fonctions de gardienne, ces contre-indications étant à l'origine de la décision d'inaptitude prise par le médecin du travail le 29 mai 2015 et de la perte de son emploi.

Mme [N] ne justifie cependant pas d'une possibilité de promotion professionnelle à l'intérieur de son entreprise, le seul fait que son statut prévoit deux grades subdivisés en échelons n'étant pas, à défaut d'autres renseignements, de nature à établir qu'elle aurait naturellement évolué dans les échelons et grades visés.

Pour autant, le Syndicat proposant une somme de 1 000 euros, la cour fera droit à la demande de Mme [N] pour ce montant.

Sur les chefs de préjudice non visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Mme [N] estime que l'expert a été très peu explicatif sur les taux retenus et rappelle qu'il l'a examinée le 17 janvier 2022, c'est-à-dire plus de 9 ans après l'accident et 7 ans après la date de consolidation. Elle produit les constatations du docteur [U] afin d'ajuster l'évaluation de son préjudice à la date de la consolidation. Elle demande ainsi de le réévaluer comme suit :

- 50 % du 1er mars au 4 décembre 2013, soit 278 jours,

- 25 % du 5 décembre 2013 au 31 décembre 2014, 391 jours

-15 % du 1er janvier 2015 au 17 juin 2015, soit pendant 167 jours,

au regard d'un taux journalier de 25 euros, soit la somme de 6 545 euros décomposée comme suit :

25 x 278 jours x 50/100 = 3 475 euros

25 x 391 jours x 25/100 = 2 443,75 euros

25 x 167 jours x 15/100 = 626,25 euros.

A titre subsidiaire, si la cour devait retenir le rapport de l'expert, Mme [N] entend que son indemnisation soit fixée à la somme de 5 216,25 euros.

Le Syndicat demande à la cour de s'en tenir à l'évaluation de l'expert à savoir la somme de 5 216,25 euros calculée au regard d'un taux journalier de 25 taux soit [25 x 109 x 40 %] + [25 x 560 x 25 %] + [ 25 x 167 x 15 %].

La Caisse s'associe aux développements du Syndicat.

Sur ce,

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire jusqu'à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime. Elle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime durant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique).

Mme [N] a été victime d'un accident du travail survenu le 1er mars 2013 qui a été à l'origine d'un impact neurologique (lésion du plexus brachial droit) accompagné de douleurs neurogènes spécifiques dans les territoires d'aval. Ces phénomènes douloureux d'origine neurologique se sont durablement installés, prenant une dimension chronique, retentissant dans plusieurs dimensions de sa vie personnelle.

Mme [N] a été consolidée de ses lésions le 17 juin 2015, avec un taux d'incapacité de 5 %. Elle a été reconnue travailleur handicapé.

Aux termes de son rapport établi le 7 avril 2023, le docteur [S] [I] a retenu:

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de 40 % du' 1er mars 2013 au 18 juin 2013,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % du 19 juin 2013 au 31 décembre 2014,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de 15 % du 1er janvier 2015 au 17 juin 2015.

Si Mme [N] entend que les taux et durée soient réévalués, il sera relevé qu'aucune des pièces produites ne permet à la cour d'y faire droit, l'expertise du docteur [U] effectuée à la demande du tribunal du contentieux de l'incapacité, ayant été prise en compte et analysée par l'expert judiciaire. Le fait que celui-ci a réalisé sa mission plusieurs années après la date de consolidation n'a, sur ce poste de préjudice, aucune incidence, les périodes de DFT et les éléments médicaux à prendre en compte étant figés à la date de consolidation et retenus au regard d'éléments médicaux objectifs.

De même, s'agissant des périodes, les éléments produits ne justifient pas qu'elles soient revues tel que le demande Mme [N].

Compte tenu des lésions initiales et des soins nécessaires, Mme [N] a subi une gêne dans l'accomplissement des actes de la vie courante et une perte temporaire de qualité de vie qui seront indemnisées à hauteur de 25 euros le jour d'incapacité temporaire totale'soit:

- 109 jours x 25 x 40 % = 1 090 euros,

- 560 jours x 25 x 25 % = 3 500 euros,

- 167 jours x 25 x 15 % = 626,25 euros

soit la somme de 5 216,25 euros sur l'ensemble de la période d'incapacité temporaire considérée.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Sous l'intitulé 'réparation du préjudice moral post consolidation', Mme [N] sollicite en réalité l'indemnisation d'un déficit fonctionnel permanent. Elle décrit la persistante des douleurs et sa gène dans la vie quotidienne et s'appui sur le rapport de l'expert.

La Société ne se prononce pas sur ce point.

La Caisse indique oralement qu'elle ne s'oppose pas au principe d'indemnisation dont elle entend cependant qu'il soit ramené à de plus justes proportions.

Sur ce,

Ce poste de préjudice permet à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de son employeur, d'obtenir une réparation complémentaire pour les souffrances physiques et morales endurées après consolidation sans que les victimes ou leurs ayants droit n'aient à fournir la preuve que la rente prévue par le code de la sécurité sociale ne couvre pas déjà ces souffrances. Il répare, notamment, le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence.

Le DFP peut ainsi être défini comme « la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l'étude des examens complémentaires produits, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours » ainsi que le retiennent la Commission européenne lors de la conférence de Trèves en juin 2000 et le rapport Dintilhac.

Ce poste de préjudice permet donc d'indemniser non seulement l'atteinte à l'intégrité physique et psychique au sens strict, mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence qui persistent après consolidation.

En l'espèce, si l'expert n'a pas proposé d'indemnisation de ce chef de préjudice, il a spécifiquement noté qu'après consolidation, il retrouvait la persistance de phénomènes douloureux, concernant l'hémi-corps droit, tantôt à caractère lancinant, irradiant le long du bras droit précisant que ces sensations douloureuses étaient susceptibles de variation d'expression, selon les jours, mais aussi avec l'effort, qui vient les exacerber. Il relevait que ces douleurs concernaient aussi la partie droite de la zone pectorale, avec une sensation de compression locale. Ces douleurs persistaient la nuit et le sommeil pouvait être désorganisé avec des réveils précoces vers 3h du matin, conduisant à des nuits incomplètes et des difficultés à s'engager dans les activités du matin. Il relevait encore une humeur syntone, avec une tendance à la dépressivité et ses propos demeuraient marqués par un vécu de dévalorisation et l'expression de la persistance d'un vécu algique pénible et d'une gène de l'hémi-corps droit. Il relevait enfin des notions de perte de mémoire au quotidien.

L'épouse de Mme [N], entendue par l'expert, confirmait la persistance de crises « d'anxiété panique » lors de moments de grande fatigabilité.

Il sera donc alloué à Mme [N] de ce chef la somme de 4 000 euros rappelant qu'elle était âgée de 43 ans au moment de la consolidation et que lui a été reconnu un taux d'incapacité permanente partielle de 5 % à cette date.

Sur les frais de véhicule adapté

Mme [N] sollicite la somme de 1 000 euros de ce chef. Elle souligne que l'expert a noté qu'elle avait été gênée dans la conduite d'un véhicule professionnel, notamment dans le maniement manuel de la boîte de vitesse et que l'usage d'un véhicule avec boîte automatique avait pallié cette situation. Elle précise qu'il en est de même d'un point de vue personnel.

Le Syndicat s'y oppose indiquant qu'un véhicule comportant une boîte automatique est aujourd'hui accessible sur le marché de l'automobile et ne justifie pas de frais susceptibles d'être répercutés sur le syndicat des Copropriétaires.

La Caisse s'en rapporte sur ce point.

Sur ce,

L'expert n'a pas retenu ce poste de préjudice.

Ce faisant, l'indemnisation de ce chef ne consiste ni en une indemnité forfaitaire, ni dans la valeur totale du véhicule adapté, mais seulement dans la différence de prix entre le prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfaisait ou se serait satisfait la victime.

Il convient également de prendre en compte la valeur de revente du véhicule au moment de son remplacement. On inclut également dans ce poste les surcoûts en frais de transport rendus nécessaires à la victime en raison de ses difficultés d'accessibilité aux transports en commun.

Au cas présent, Mme [N] ne justifie nullement avoir fait adapter son véhicule automobile et ne produit aucune facture d'aucune sorte. Elle ne justifie d'ailleurs pas disposer d'un véhicule automobile.

L'expert n'avait au demeurant relevé qu'une difficulté passagère dans la conduite d'un véhicule professionnel.

Sa demande de ce chef sera en conséquence rejetée.

Sur les frais d'assistance par une tierce personne

Mme [N] estime que contrairement à ce qu'à retenu l'expert, elle a été aidée dans les démarches de la vie quotidienne. Ainsi, dès sa rencontre avec sa future épouse, c'est celle-ci qui l'a aidée dans toutes ses démarches administratives et qui a été son soutien moral. Elle entend obtenir une indemnisation de 10 056 euros représentant 45 minutes d'aide par jour pendant 838 jours au tarif horaire de 16 euros.

Le Syndicat s'oppose à cette demande relevant que l'expert a considéré qu'il n'y avait pas lieu de reconnaître l'assistance de l'épouse de Mme [N]. En tout état de cause, le seul élément produit est une attestation établie par son épouse, constituant de facto une attestation de pure complaisance. Elle ne rapporte aucun autre élément de nature à établir la nécessité de l'assistance d'une tierce personne.

La Caisse souligne que l'expert a expressément exclu ce poste de préjudice de sorte que Mme [N] n'est pas recevable à solliciter une indemnisation de ce chef.

Sur ce,

L'expert judiciaire n'a pas retenu ce poste de préjudice.

Ce faisant, il sera rappelé que la tierce personne est la personne qui apporte de l'aide à la victime qui se trouve dans l'incapacité d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante à savoir : l'autonomie locomotive [se laver, se coucher, se déplacer], l'alimentation [manger, boire], procéder à ses besoins naturels) ou qui permet à la victime d'être restaurée dans la dignité ou dans sa perte d'autonomie.

Or, s'il n'est pas contestable que son épouse a pu lui apporter une aide et un soutien moral, celui-ci est apporté au regard de la communauté de vie et non en raison d'un état de santé qui n'aurait pas permis à Mme [N] de s'assumer toute seule.

En tout état de cause, il n'était produit à l'expert aucun document d'ordre médical établissant une perte d'autonomie au cours de la période considérée qui aurait nécessité l'aide d'un tiers celui-ci indiquant au contraire, dans les doléances de Mme [N] que, « dans la vie quotidienne  [elle] déclare être gênée dans la tenue de son téléphone portable par une tension du bras droit pour lutter contre un tremblement diffus (...) Au plan de la vie privée, [H] [N] ajoute que sa femme 'l'a beaucoup soutenue'en 'gérant ses crises de panique ».

A l'évidence, aucun élément ne permet de considérer que l'état de santé de Mme [N] aurait été dans l'impossibilité d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante.

Il convient en conséquence de débouter Mme [N] de ce chef de préjudice

sur le préjudice sexuel

Mme [N] sollicite la somme de 5 000 euros de ce chef expliquant qu'elle rencontre, depuis son accident, une limitation dans ses mouvements, notamment ceux de son bras droit, ce qui est particulièrement handicapant pour une droitière. Elle ressent des douleurs musculaires à l'effort, ainsi que des crampes, ce qui concourt directement à la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel et qui complique la capacité physique à réaliser cet acte.

Le Syndicat fait valoir que si Mme [N] indique ressentir des douleurs musculaires à l'effort, selon ses dires à l'expert, elle n'invoque à aucun moment la diminution ni l'absence de relations sexuelles avec son épouse. Par ailleurs, les crampes et la perte de plaisir qu'elle invoque ne reposent que sur ses dires et n'étant nullement démontrée.

La Caisse demande à la cour de ramener la demande à de plus justes proportions et en tout état de cause à celles habituellement allouées pour ce poste de préjudice.

Sur ce,

Le préjudice sexuel s'entend d'une altération partielle ou totale de la fonction sexuelle dans l'une de ses composantes :

- atteinte morphologique des organes sexuels,

- perte du plaisir sexuel,

- difficulté ou impossibilité de procréer.

L'expert retient ce poste de préjudice pour tenir compte «de la gêne motrice lors de l'intimité des relations privées » et il n'est pas contestable, au vu de la nature des lésions, qu'elles justifient la réalité du préjudice.

Il sera allouée à Mme [N] la somme de 3 000 euros.

Le Syndicat sera en conséquence condamné à verser à Mme [N] la somme globale de 35 216,25 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la faute inexcusable qu'il a commise et qui a provoqué l'accident du travail du 1er mars 2013, sous déduction de la provision de 5 000 euros précédemment accordée.

Les frais d'expertise seront également mis à sa charge en application de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.

Il appartiendra à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] d'assurer l'avance des indemnisations ci-dessus allouées à Mme [N] et pourra en poursuivre le recouvrement à l'encontre du Syndicat.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En l'espèce, le Syndicat, qui succombe à l'instance, supportera les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera condamné à verser à Mme [N] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, somme qui tient compte de celle qui lui a déjà été allouée de ce chef par arrêt du 17 janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,

VU l'arrêt de la cour rendu le 17 janvier 2020 ayant infirmé le jugement rendu le 30 septembre 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, dit que le syndicat des Copropriétaires du [Adresse 2], avait commis une faute inexcusable dans la survenue de l'accident du travail dont a été victime Mme [N] le 1er mars 2013, et ordonné avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices subies par cette dernière une expertise ;

FIXE l'indemnisation complémentaire de Mme [N] comme suit':

- 20 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 2 000 euros au titre du préjudice esthétique définitif,

- 1 000 euros au titre de la perte ou diminution de promotion professionnelle ;

- 5 216,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 3 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 4 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

soit un total de 37 216,25 euros ;

DÉBOUTE Mme [N] de sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice d'agrément, de l'assistance par une tierce personne et de l'aménagement d'un véhicule automobile ;

DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] versera directement à Mme [N] les sommes dues au titre de l'indemnisation complémentaire desquelles devra être déduite la somme de 5 000 euros déjà allouée à titre de provision ;

CONDAMNE le syndicat des Copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic, le [7] SAS, prise en la personne de son représentant légal, à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] les sommes avancées au titre de l'indemnisation complémentaire';

CONDAMNE le syndicat des Copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic, le [7] SAS, au titre des frais d'expertise';

LE CONDAMNER à payer à Mme [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le syndicat des Copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic, le [7] SAS, aux dépens d'appel.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 16/13855
Date de la décision : 08/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-08;16.13855 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award