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07/03/2024 | FRANCE | N°23/12145

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 07 mars 2024, 23/12145


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 07 MARS 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12145 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH6HB



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Mai 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY - RG n° 23/00335





APPELANTE



Mme [C] [M] épouse [W]

[Adresse 2

]

[Localité 4]



Ayant pour avocat postulant Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Représentée à l'audience par Me Ola LOISEAU-DIAS,...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 07 MARS 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/12145 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH6HB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Mai 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY - RG n° 23/00335

APPELANTE

Mme [C] [M] épouse [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Représentée à l'audience par Me Ola LOISEAU-DIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1703

INTIMES

M. [Z] [O]

Centre Médical [12]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Marianne ANSART, avocat au barreau de PARIS

Représenté à l'audience par Me Laura FESNEAU, avocat au barreau de NICE

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM), représenté par son directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représenté par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

CAISSE PIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2024, en audience publique, devant Laurent NAJEM, Conseiller, chargé du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Depuis 2018, Mme [C] [M] épouse [W], porteuse d'une prothèse totale de la hanche droite, ressent des douleurs au niveau de ses deux hanches. Après consultation du docteur [Z] [O], elle réalise une scintigraphie osseuse qui exclut tout signe de descellement prothétique et met en évidence une hyperfixation au niveau de la hanche gauche.

Le 24 mars 2021, M. [O] pose une indication de pose de prothèse totale de hanche gauche. Le 31 mai 2021, ce dernier procède à cette intervention à la clinique [9]. L'intervention se déroule sans complications. Les suites immédiates de l'opération sont marquées par l'apparition d'un déficit du nerf sciatique poplité externe gauche. Le 3 juin 2021, Mme [W] est invitée à regagner son domicile malgré une altération de la sensibilité de son pied gauche.

Des examens réalisés en décembre 2021 et avril 2022 mettent en évidence un axonotmésis incomplet au niveau du nerf sciatique gauche intéressant le contingent du sciatique poplité externe gauche.

Le 8 avril 2022, Mme [W] est victime d'une chute responsable d'une fracture de la base du 5ème métatarsien et de petits arrachements osseux au niveau de la malléole et du talus.

Le 13 avril 2022, le docteur [D] [A], pédicure-podologue de Mme [W], constate une différence de longueur entre ses deux membres inférieurs et une atteinte des nerfs du releveur du pied qui serait à l'origine de la chute.

Dès lors, et malgré des séances de rééducation, Mme [W] allègue conserver une paralysie partielle du nerf sciatique et du releveur du pied, entraînant des difficultés de déplacement et un syndrome dépressif réactionnel.

Le 12 mai 2022, Mme [W] a saisi la Commission de conciliation et d'indemnisation de Corse (CCI Corse) d'une demande d'indemnisation.

Une expertise médicale est réalisée par le docteur [P] [K], chirurgien-orthopédique. Aux termes de son rapport, il conclut à l'absence de faute du Dr [O], considérant qu'il s'agit d'un accident médical non fautif ou aléa thérapeutique. Le 27 septembre 2022, la CCI Corse a rendu un avis d'incompétence.

Mme [W] estime alors que ledit rapport est incomplet et non contradictoire à l'ONIAM.

Par acte du 14 et 15 février 2023, Mme [W] a fait assigner M. [O], la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Corse et l'ONIAM devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny, aux fins de :

voir ordonner une expertise judiciaire destinée notamment à évaluer les préjudices qu'elle a subis à la suite de l'intervention de pose de prothèse totale de la hanche gauche réalisée le 31 mai 2021 par le docteur M. [O].

Par ordonnance contradictoire du 15 mai 2023, le juge des référés a :

- rejeté la demande d'expertise ;

- rappelé que la présente décision est commune et opposable à la CPAM de la Haute Corse ;

- rejeté la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la CPAM de la Haute Corse ;

- condamné Mme [W] aux dépens ;

- condamné Mme [W] à verser à M. [O] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 07 juillet 2023, Mme [W] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 novembre 2023, elle demande à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de l'article L. 1142-1 et suivants et L. 1111-2 du code de la santé publique, de :

- la déclarer recevable en son action et bien fondée ;

- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le juge des référés le 15 mai 2023 (RG n° 23/01354) du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'elle dispose :

rejeter la demande d'expertise,

condamner Mme [W] aux dépens ;

condamner Mme [W] à verser à M. [O] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

- à titre principal, ordonner une expertise médicale au contradictoire de l'ONIAM, de M. [O] et de la CPAM de Corse du Sud ;

- à titre subsidiaire, ordonner une expertise médicale au contradictoire de l'ONIAM et de la CPAM de Corse du Sud.

En conséquence,

- désigner tel collège d'experts spécialisés, pour l'un, en chirurgie orthopédique adulte et, pour l'autre, en neurologie qu'il lui plaira, ayant pour mission de :

Sur la responsabilité médicale :

- convoquer toutes les parties ;

- entendre tous sachants ;

- se faire communiquer par les requérants tous éléments médicaux relatifs à l'acte critiqué, se faire communiquer par tous tiers détenteurs l'ensemble des documents médicaux nécessaires ainsi que ceux détenus par tous médecins et établissements de soins concernant la prise en charge de la victime et s'assurer de la communication contradictoire de ces documents ;

- prendre connaissance de la situation personnelle et professionnelle de la victime ; fournir le maximum de renseignements sur son mode de vie, son activité professionnelle, son statut exact ;

- retracer l'état médical de la victime avant les actes critiqués ;

- procéder un examen clinique détaillé de la victime ;

- décrire les soins et interventions dont la victime a été l'objet, en les rapportant à leurs auteurs, et l'évolution de l'état de santé ;

- réunir tous les éléments permettant de déterminer si les soins ont été consciencieux, attentifs et dispensés selon les règles de l'art et les données acquises de la science médicale à l'époque des faits, et en cas de manquements en préciser la nature et le ou les auteurs ainsi que leurs conséquences au regard de l'état initial de la victime ;

- en cas d'infection, préciser :

s'il s'agit d'une infection nosocomiale ;

si toutes les précautions ont été prises en ce qui concerne les mesures d'hygiène prescrites par la réglementation en mati re de lutte contre les infections nosocomiales, dans la négative dire quelle norme n'a pas été appliquée ;

si les moyens en personnel et matériel mis en 'uvre aux moments du(es) acte(s) mis en cause correspondaient aux obligations prescrites en mati re de sécurité ;

si le diagnostic et le traitement de cette infection ont été conduits conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale l'époque où ils ont été dispensés ;

faire la partie entre l'infection stricto sensu et les conséquences du retard de diagnostic et de traitement.

Sur l'accident médical non fautif :

- dire, si le dommage subi par du demandeur résulte d'un accident médical non fautif, et préciser en quoi les conséquences ont été anormales au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;

- apprécier la probabilité que le dommage se réalise au cours ou au décours de l'acte médical, au regard des conditions d'accomplissement de celui-ci et préciser notamment le taux de risque inhérent à l'acte réalisé.

Sur les préjudices de la victime :

- après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime, sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut et/ou sa formation, son mode de vie antérieur à l'accident en comparaison avec sa situation actuelle ;

- dans le cas d'une victime mineure, préciser l'identité des parents de la victime, leur situation, les conditions de leur activité professionnelle, leur statut et/ou leur formation, leur mode de vie antérieure à l'accident en comparaison avec leur situation actuelle ;

- à partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins ;

- recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches et les transcrire fidèlement, l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance, la répétition et la durée des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences ;

- décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence directe sur les lésions ou leurs séquelles ;

- procéder contradictoirement à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

- l'issue de cet examen et, au besoin après avoir recueilli l'avis d'un sapiteur d'une autre spécialité, analyser dans un exposé précis et synthétique :

la réalité des lésions initiales ;

la réalité de l'état séquellaire ;

l'imputabilité certaines des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur ;

apprécier les différents postes de préjudices listés (')

- dire que les Experts, après avoir répondu aux dires des parties, devront transmettre aux représentants de ces dernières et à la juridiction qui a procédé à sa désignation, leur rapport définitif ;

- déclarer l'ordonnance intervenir commune aux organismes sociaux appelés à la cause ;

- en tout état de cause, infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a condamné Mme [W] à verser la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à M. [O] ainsi qu'aux dépens ;

- débouter toutes parties de toutes demandes contraires aux présentes ;

- mettre à la charge de chacune des parties ses dépens.

Elle fait valoir que les réunions d'expertise ordonnées à la demande de la CCI sont réalisées sans que l'ONIAM organisme susceptible de prendre en charge l'indemnisation au titre de la solidarité nationale n'y participe ; qu'une demande au contradictoire de l'ONIAM ne peut s'analyser en une contre-expertise ; qu'elle n'était pas assistée d'un médecin conseil ; qu'elle n'a pas été invitée à faire valoir ses observations devant la CCI avant que celle-ci ne rende son avis.

Elle rappelle les principes de la responsabilité pour faute du praticien et de l'aléa thérapeutique.

Elle estime ne pas avoir été informée du risque de paralysie nerveuse par le Dr [O] et que le Dr [K], expert, n'est pas rompu aux poses de prothèses totales pour adulte.

Elle détaille ses contestations s'agissant des postes de préjudice.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 25 octobre 2023, l'ONIAM demande à la cour de :

prendre acte de ce qu'il s'en rapporte à la justice sur les mérites de l'appel de Mme [W] ;

statuer ce que de droit quant aux dépens.

L'ONIAM expose qu'il ne s'était pas opposé à la demande d'expertise médicale de Mme [W] en première instance et qu'il s'en rapporte à justice sur les mérites de l'appel de Madame [W] aux fins de voir accueillir sa demande d'expertise médicale.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 décembre 2023, M. [O] demande à la cour, au visa de l'article 146 du code de procédure civile et de l'article L.1142-2 du code de la santé publique, de :

confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

débouter Mme [W] de sa demande en ce qu'elle s'assimile à une demande de contre-expertise, relevant de la compétence du juge du fond ;

débouter Mme [W] de sa demande en nouvelle expertise en l'absence de tout motif légitime ;

condamner Mme [W] à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouter la CPAM de Haute Corse de sa demande de condamnation de M. [O] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

condamner Mme [W] aux entiers dépens.

Il fait valoir, au visa de l'article 146 du code de procédure civile, qu'une nouvelle mesure d'instruction ne peut être ordonnée par le juge des référés que dans le cas où il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige ; qu'en l'espèce, Mme [W] dispose déjà d'un rapport d'expertise établi par le Dr [K] ; qu'elle n'a donc aucun motif légitime pour réclamer une nouvelle expertise ; que la pertinence du rapport qui serait déposé ne pourrait qu'être contestée devant le juge du fond, puisque s'analysant comme une contre-expertise ; qu'une telle demande entre dans les compétence du juge du fond.

Il soutient que Mme [W] n'a formé cette demande que parce qu'elle n'était pas satisfaite des conclusions du Dr [K] ; que les cours d'appel jugent régulièrement que le rapport de l'expert missionné par la CCI constitue un élément d'information tout aussi probant que celui des experts judiciaires ; que le Dr [K] a rempli sa mission de manière complète et éclairée ; qu'il appartenait à Mme [W] de se faire accompagner d'un médecin si elle le souhaitait ; que l'expert a été parfaitement impartial.

Il fait valoir que c'est à juste titre que le Dr [K] a considéré que l'information délivrée à la patiente était parfaitement conforme ; que tous les stades de la prise en charge ont été analysés sans qu'aucun manquement ne soit objectivé. Il considère que l'évaluation des préjudices n'est contestée par la patiente que pour espérer atteindre les critères de gravité fixés par les textes.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 17 octobre 2023, la CPAM de la Haute-Corse demande à la cour, au visa des articles 145 et 146 du code de procédure civile et des articles L.376-1 et L.454-1 du code de la sécurité sociale, de :

infirmer l'ordonnance de référé rendue par Mme le président du tribunal judiciaire de Bobigny, le 15 mai 2023, dans l'ensemble de ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

faire droit à la demande d'expertise formulée par Mme [W] ;

donner acte à la CPAM de la Haute-Corse agissant pour le compte de la CPAM de la Corse du Sud, de ce qu'elle se réserve le droit de poursuivre ultérieurement le recouvrement des prestations par elle servies suite à l'accident dont a été victime son assurée Mme [W] ;

condamner M. [O] à payer à la CPAM de la Haute-Corse la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile 

condamner M. [O] aux entiers dépens de l'instance.

Elle allègue que Mme [W] étant affiliée auprès de la CPAM, elle est donc fondée à poursuivre le recouvrement des prestations par elle servies suite à l'accident dont s'agit.

Elle soutient que Mme [W] ne dispose pas d'éléments suffisants pour prouver la faute commise par le Dr [O] lors de l'intervention du 30 mai 2021, que ce soit dans le geste médical ou dans le défaut d'information ; que la présente demande d'expertise ne saurait s'analyser en une demande de contre-expertise relevant de la compétence des juges du fond, du seul fait de l'existence d'une précédente expertise mise en 'uvre par la CCI ; que l'expertise n'est pas contradictoire à son égard alors qu'en sa qualité de tiers-payeur, elle a un intérêt légitime à réclamer une expertise judiciaire puisque elle est susceptible de recouvrer les dépenses de santé dont elle a fait l'avance.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

En vertu de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Selon l'article 145 du code civil, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

A titre liminaire, il convient de rappeler :

- que la circonstance selon laquelle une procédure a précédemment été engagée devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation n'interdit pas, par principe, l'introduction d'une instance en référé-expertise ;

- qu'en particulier, l'introduction d'une telle instance ne s'analyse pas en une demande de contre-expertise insusceptible de se rattacher aux pouvoirs du juge des référés ;

- que cependant, compte tenu du caractère contradictoire des opérations d'expertise devant la commission en application de l'article L.1142-12 du code de la santé publique, le requérant doit justifier que la désignation d'un expert en référé remplit les conditions de l'article 145 précité et est notamment fondée sur un motif légitime.

Mme [W] sollicite une expertise au contradictoire de l'ONIAM et de la CPAM de la Corse du Sud.

L'ONIAM s'en rapporte ; la CPAM s'associe à cette demande d'expertise.

Contrairement à ce qu'expose le Dr [O] et à ce qu'a retenu le premier juge, seules les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile sont ici applicables, puisque la demande d'expertise est formée avant tout procès au fond.

En effet, les dispositions de l'article 146, applicables devant le seul juge du fond, sont indifférentes au référé probatoire.

L'expertise diligentée n'est pas contradictoire à l'égard de la CPAM alors qu'ainsi que cette dernière le relève à juste titre, en sa qualité de tiers payeur, elle est susceptible de vouloir recouvrer les dépenses de santé dont elle a fait l'avance auprès d'un tiers responsable.

De la même manière, l'expertise n'était pas opposable à l'ONIAM puisqu'il n'y a pas participé.

La demande de Mme [W] ne s'analyse donc pas à titre principal en une contestation de l'expertise assimilable à une demande de contre-expertise, alors même qu'il n'est pas justifié que toute demande d'indemnisation à l'encontre de l'ONIAM serait manifestement vouée à l'échec.

Il convient en outre de rappeler que la faculté qu'a le juge du fond de prendre en considération un rapport d'expertise non contradictoire est limitée par la nécessité que celui-ci soit corroboré par d'autres éléments de preuve. D'autre part, cette possibilité ouverte au juge du fond ne peut avoir pour conséquence de rendre impossible la mise en 'uvre de l'article 145 précité en respectant le principe de la contradiction.

La question en l'espèce n'est pas celle du contenu et des mérites de l'expertise diligentée, mais de sa force probante, et de son caractère opposable à plusieurs parties susceptibles d'intervenir, en demande ou en défense, dans un procès au fond.

Enfin, une nouvelle expertise, judiciaire, au seul contradictoire de l'ONIAM et de la CPAM serait dépourvue de toute pertinence, en ce qu'il incombe que toutes les parties concernées puissent participer à la même mesure d'instruction.

Mme [W] justifie donc d'un motif légitime à ce titre.

Il y a lieu d'infirmer la décision entreprise et d'ordonner une expertise judiciaire au contradictoire de l'ensemble des intimés.

En revanche, la nécessité de désigner un collègue d'expert n'est pas avérée, la mission prévoira la faculté pour l'expert désigné de s'adjoindre tous spécialistes utiles de son choix, plus particulièrement un neurologue, à charge de joindre leur avis à son rapport.

Le sens de la présente décision commande d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Mme [W] à payer au Dr [O] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant de nouveau, il n'y a pas lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles.

Mme [W], demanderesse à l'expertise ordonnée dans son intérêt, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise, sauf en ce qui concerne les dépens ;

Statuant à nouveau,

Ordonne une expertise médicale de Mme [W], au contradictoire du Dr [O], de l'ONIAM, de la CPAM de la Haute-Corse agissant pour le compte de la CPAM de la Corse du Sud, et désigne pour y procéder :

Docteur [J] [I]

Clinique [13], [Adresse 14]

Tél : [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 11]

Avec la mission suivante :

I- sur la responsabilité médicale :

1) convoquer toutes les parties ;

2) entendre tout sachant ;

3) se faire communiquer par la partie demanderesse tous les éléments médicaux relatifs à la prise en charge litigieuse et se faire communiquer par tous les tiers détenteurs l'ensemble des documents médicaux nécessaires, notamment ceux détenus par tout médecin et établissement de soins intervenus dans la prise en charge du patient ;

4) prendre connaissance de la situation personnelle et professionnelle de la partie demanderesse, fournir le maximum de renseignements sur son mode de vie, ses conditions d'activité professionnelle, son statut exact ;

5) retracer son état médical avant les actes critiqués ;

6) procéder à un examen clinique détaillé de la partie demanderesse ;

7) décrire les soins et interventions dont a bénéficié la partie demanderesse en les rapportant à leur auteur et en précisant l'évolution de l'état de santé ;

8) réunir tous les éléments permettant de déterminer si les actes et traitements pratiqués étaient pleinement justifiés et si les soins ont été consciencieux, attentifs et dispensés selon les règles de l'art et les données acquises de la science médicale à l'époque des faits ; dans la négative, analyser de façon détaillée et motivée la nature des manquements relevés, leurs auteurs, ainsi que leurs conséquences au regard de l'état initial du plaignant comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;

- En cas d'infection, préciser :

* S'il s'agit d'une infection nosocomiale,

Si toutes les précautions ont été prises en ce qui concerne les mesures d'hygiène prescrites par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales, dans la négative dire quelle norme n'a pas été appliquée,

Si les moyens en personnel et matériel mis en 'uvre aux moments du(es) acte(s) mis en cause correspondaient aux obligations prescrites en matière de sécurité,

Si le diagnostic et le traitement de cette infection ont été conduits conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale à l'époque où ils ont été dispensés.

Faire la part entre l'infection stricto sensu et les conséquences du retard de diagnostic et de traitement.

Dire, si le dommage subi par Mme [W] résulte d'un accident médical non fautif, et préciser en quoi les conséquences ont été anormales au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;

Apprécier en ce cas la probabilité que le dommage se réalise au cours ou au décours de l'acte médical, au regard des conditions d'accomplissement de celui-ci et préciser notamment le taux de risque inhérent à l'acte réalisé ;

II - sur le préjudice :

9) à partir des déclarations de la partie demanderesse, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, relater les circonstances de l'accident, décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la partie demanderesse, les conditions de reprise de l'autonomie et lorsqu'elle a eu recours à une aide temporaire (humaine ou matérielle), en précisant la nature et la durée ;

10) décrire tous les soins médicaux et paramédicaux mis en 'uvre jusqu'à la consolidation, en précisant leur imputabilité, leur nature, leur durée et en indiquant les dates d'hospitalisation avec les durées exactes d'hospitalisation et pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins ;

11) recueillir les doléances de la partie demanderesse et, au besoin, de ses proches ; l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences sur la vie quotidienne ; décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales liées à l'accident s'étendant de la date de celui-ci à la date de consolidation ;

12) décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions et leurs séquelles ;

13) abstraction faite de l'état antérieur et de l'évolution naturelle de l'affection et du/des traitements qu'elle rendait nécessaires, en ne s'attachant qu'aux conséquences directes et certaines des manquements relevés, analyser, à l'issue de cet examen, dans un exposé précis et synthétique :

la réalité des lésions initiales ;

la réalité de l'état séquellaire ;

l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales, en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur ;

14) (pertes de gains professionnels actuels) : indiquer les périodes pendant lesquelles la partie demanderesse a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle ; en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ; préciser la durée des arrêts de travail retenue par l'organisme social au vu des justificatifs produits et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait dommageable ;

15) (déficit fonctionnel temporaire) : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;

16) (consolidation) : fixer la date de consolidation et, en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la partie demanderesse ; préciser, lorsque cela est possible, les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision ;

17) (souffrances endurées) : décrire les souffrances physiques, psychiques et morales endurées avant la consolidation du fait dommageable ; les évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés ;

18) (déficit fonctionnel permanent) : indiquer si, après consolidation, la partie demanderesse a subi un déficit fonctionnel permanent consistant en une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, psycho-sensorielles ou intellectuelles, auxquelles s'ajoutent les éventuels phénomènes douloureux, répercutions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituelles et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours ; en évaluer l'importance et au besoin en chiffrer le taux ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences ;

19) (assistance par tierce personne) : indiquer, le cas échéant, si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour effectuer des démarches et, plus généralement, pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer (qualification professionnelle) et sa durée quotidienne, ainsi que les conditions dans lesquelles ces besoins sont actuellement satisfaits) ;

20) (dépenses de santé futures) : décrire les soins futurs et les aides techniques compensatoires au handicap de la partie demanderesse (prothèse, appareil spécifique, véhicule) en précisant la fréquence de leur renouvellement ; indiquer leur caractère occasionnel ou viager, la nature, la qualité, ainsi que la durée prévisible ;

21) (frais de logement et/ou de véhicule adapté) : donner son avis sur d'éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la partie demanderesse d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap ;

22) (perte de gains professionnels futurs) : indiquer notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne l'obligation pour la partie demanderesse de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité professionnelle ;

23) (incidence professionnelle) : indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne d'autres répercutions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, " dévalorisation " sur le marché du travail, etc) ;

24) (dommage esthétique) : donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du dommage esthétique imputable à l'accident, indépendamment d'une éventuelle atteinte physiologique déjà prise en compte au titre de l'AIPP et en précisant s'il est temporaire avant consolidation et/ou définitif ; l'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés ;

25) (préjudice sexuel) : dire en émettant un avis motivé si les séquelles sont susceptibles d'être à l'origine d'un retentissement sur la vie sexuelle de la partie demanderesse, en discutant son imputabilité ;

26) (préjudice d'agrément) : donner un avis médical sur les difficultés éventuelles de se livrer, pour la partie demanderesse, à des activités spécifiques sportives ou de loisirs effectivement pratiquées antérieurement et dire s'il existe ou existera un préjudice direct, certain et définitif ;

27) relater toutes les constatations ou observations ne rentrant pas dans le cadre des rubriques mentionnées ci-dessus, que l'expert jugera nécessaires pour l'exacte appréciation des préjudices subis par la partie demanderesse et en tirer toutes les conclusions médico-légales ;

28) les conclusions du rapport d'expertise devront, même en l'absence de consolidation acquise, devront comporter un récapitulatif des différents postes de préjudices conformément à la nouvelle nomenclature proposée ;

Dit que l'expert a la faculté de s'adjoindre tous spécialistes utiles de son choix, notamment un neurologue, à charge de joindre leur avis à son rapport,

Dit que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels ils devront répondre dans leur rapport définitif ;

Dit que l'expert devra déposer le rapport de leurs opérations au greffe du tribunal judiciaire de Paris dans un délai de cinq mois à compter du jour où ils auront été avisés de la réalisation de la consignation, sauf prorogation de délai expressément accordé par le juge chargé du contrôle ;

Subordonne l'exécution de l'expertise à la consignation par Mme [W] à la régie d'avances et recettes du greffe du tribunal judiciaire de Bobigny d'une avance de 4.500 euros pour le 20 avril 2024 au plus tard ;

Rappelle qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque en vertu de l'article 271 du code de procédure civile ;

Désigne le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Bobigny pour surveiller les opérations d'expertise, par application de l'article 964-2 du code de procédure civile ;

Dit qu'en cas d'empêchement, retard ou refus de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête par le juge chargé du contrôle de l'expertise du tribunal judiciaire de Bobigny ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déclare le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance-maladie de la Corse du Sud ;

Condamne Mme [W] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/12145
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;23.12145 ?
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