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07/03/2024 | FRANCE | N°22/17873

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 07 mars 2024, 22/17873


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 07 MARS 2024

(n° , 17 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17873 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSFT



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juillet 2022 par le Tribunal Judiciaire de EVRY - RG n° 21/00033





APPELANT

Monsieur [W] [G]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 19]

représenté par Me Vincent SENEJEAN

, avocat au barreau de PARIS, toque : B0604







INTIMÉS

EPFIF - ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE

[Adresse 13]

[Localité 20]

représenté par Me Miguel BARATA de l'AARPI B...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 07 MARS 2024

(n° , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17873 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSFT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juillet 2022 par le Tribunal Judiciaire de EVRY - RG n° 21/00033

APPELANT

Monsieur [W] [G]

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 19]

représenté par Me Vincent SENEJEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0604

INTIMÉS

EPFIF - ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE

[Adresse 13]

[Localité 20]

représenté par Me Miguel BARATA de l'AARPI BARATA CHARBONNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1185 substituée à l'audience par Me France CHARBONNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2009

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES

DE L'ESSONNE - SERVICE DU DOMAINE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 21]

représentée par Madame [R] [U], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Valérie GEORGET, Conseillère

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [W] [G] est propriétaire de la parcelle cadastrée section AH N°[Cadastre 11] d'une superficie de 5.380 m², située en zone 1AU du plan local d'urbanisme. La parcelle, en nature de terrain herbeux et entretenu, est située au sein d'une zone pavillonnaire. Elle est libre de toute occupation. La parcelle est presque entièrement clôturée.

Par une demande d'acquisition datée du 1er juillet 2021, M. [W] [G] a informé le Maire de la Commune de [Localité 37] de son intention de vendre la parcelle moyennant le prix de 900 000 euros, conformément aux dispositions des articles L 213-2 et R 213-5 du code de l'urbanisme.

Par décision du 13 octobre 2021, l'Établissement Public Foncier d'Île-de-France (EPFIF) a exercé son droit de préemption en proposant d'acquérir le bien concerné au prix de 400.000 euros.

Cette proposition d'acquisition a été refusée par M. [W] [G] par courrier du 23 octobre 2021.

Par mémoire reçu au greffe le 08 novembre 2021, l'EPFIF a saisi le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire d'Évry en vue de la fixation judiciaire du prix du bien préempté.

Par courrier reçu au greffe le 30 novembre 2021, l'EPFIF a justifié avoir consigné la somme de 60.000 euros, conformément aux dispositions de l'article L.213-4-1 du code de l'urbanisme.

Par un jugement contradictoire du 18 juillet 2022, après transport sur les lieux le 21 mars 2022, le juge de l'expropriation de Bobigny a :

Annexé à la décision le procès-verbal de transport du 21 mars 2022 ;

Fixé la date de référence au 18 avril 2017 ;

Retenu la méthode d'évaluation globale par comparaison ;

Écarté la qualification de terrain à bâtir ;

Reconnu la situation privilégiée de la parcelle préemptée ;

Retenu une valeur unitaire de 90 euros/m² ;

Fixé, en valeur libre, à 484.200 euros le prix d'acquisition par l'EPFIF de la parcelle cadastrée section AH n°[Cadastre 11] d'une superficie de 5.380 m² sise [Adresse 12] à [Localité 37] appartenant à M. [W] [G] ;

Condamné l'EPFIF à payer à M. [W] [G] une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la commune d'[Localité 24] au paiement des dépens de la présente procédure ;

Écarté l'exécution provisoire du jugement ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

L'objet de l'appel de M. [G] du 16 août 2022 est de demander l'annulation ou la réformation du jugement en ce qu'il a :

1° chef de jugement critiqué :

- fixé en valeur libre à 444.200 euros le prix d'acquisition par l'EPFIF de la parcelle cadastrée AH N°[Cadastre 11] d'une superficie de 5380 m² sis [Adresse 12] appartenant à M. [W] [G]

2° chef de jugement critiqué :

- débouté M. [W] [G] de ses demandes plus amples ou contraires visant :

à titre principal, à voir fixer le prix de la parcelle AH [Cadastre 11] à la somme de 968.400 euros ;

à titre subsidiaire, à voir fixer le prix de la parcelle AH [Cadastre 11] à la somme de 807.000 euros.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ déposées au greffe le 14 novembre 2022 par M. [W] [G], notifiées le 14 novembre 2022 (AR intimé le 15 novembre 2022 et AR CG le 15 novembre 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Évry n°21/00033 du 18 juillet 2022 en ce qu'il a :

Fixé en valeur libre à 484.200 euros le prix d'acquisition par l'EPFIF de la parcelle cadastrée section AH n°[Cadastre 11] d'une superficie 5.380 m² sise [Adresse 12] appartenant à M. [W] [G],

Débouté M. [W] [G] de ses demandes plus amples ou contraires visant :

À titre principal, à voir fixer le prix de la parcelle AH n°[Cadastre 11] à la somme de 968.400 euros,

À titre subsidiaire, à voir fixer le prix de la parcelle AH n°[Cadastre 11] à la somme de 807.000 euros ;

Par voie de conséquence, statuant à nouveau,

À titre principal,

Fixer le prix de la parcelle AH n°[Cadastre 11] à la somme de 968.400 euros ;

À titre subsidiaire,

Fixer le prix de la parcelle AH n°[Cadastre 11] à la somme de 618.700 euros ;

En tout état de cause,

Condamner l'EPFIF au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

2/ déposées au greffe le 27 juin 2023 par M. [W] [G], notifiées le 30 juin 2023 (AR intimé le 04 juillet 2023 et AR CG le 05 juillet 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Évry n°21/00033 du 18 juillet 2022 en ce qu'il a :

Fixé en valeur libre à 484.200 euros le prix d'acquisition par l'EPFIF de la parcelle cadastrée section AH n°[Cadastre 11] d'une superficie 5.380 m² sise [Adresse 12] appartenant à M. [W] [G],

Débouté M. [W] [G] de ses demandes plus amples ou contraires visant :

À titre principal, à voir fixer le prix de la parcelle AH n°[Cadastre 11] à la somme de 968.400 euros,

À titre subsidiaire, à voir fixer le prix de la parcelle AH n°[Cadastre 11] à la somme de 807.000 euros ;

Débouter l'EPFIF de son appel incident visant à voir fixer le prix d'aliénation de la parcelle AH n°[Cadastre 11] à 400.000 euros comme de ses conclusions formées au titre de l'article 700 et des dépens ;

Débouter le commissaire du gouvernement de ses conclusions visant à voir confirmer le jugement de première instance ;

Par voie de conséquence, statuant à nouveau,

À titre principal,

Fixer le prix de la parcelle AH n°[Cadastre 11] à la somme de 968.400 euros ;

À titre subsidiaire,

Fixer le prix de la parcelle AH n°[Cadastre 11] à la somme de 618.700 euros ;

En tout état de cause,

Condamner l'EPFIF au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

3/ déposées au greffe le 17 février 2023 par l'EPFIF, intimé, formant appel incident, notifiées le 04 avril 2023 (AR appelant le 07 avril 2023 et AR CG le 07 avril 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

Fixé la date de référence au 18 avril 2017, et retenu le zonage 1AU,

Écarté l'exécution provisoire ;

Infirmer le jugement pour le surplus :

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixer le prix d'aliénation du terrain sis [Adresse 12] à [Localité 37], parcelle cadastrée section AH n°[Cadastre 11] d'une superficie de 5.380 m², propriété de M. [W] [G], comme suit :

Méthode d'évaluation retenue : globale,

Superficie totale terrain : 5.380 m²,

Zone : 1AU,

Situation en OAP,

Situation : libre,

Valeur retenue : 74 euros/m²,

Soit : 5.380 m² × 74 euros/m² = 400.000 euros (VA)

Rejeter les demandes de M. [W] [G] ;

Condamner M. [W] [G] à payer à l'EPFIF une indemnité de procédure de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [W] [G] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Miguel Barata, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

4/ adressées au greffe le 13 février 2023 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 03 avril 2023 (AR appelant le 06 avril 2023, AR intimé le 05 avril 2023), aux termes desquelles il demande à la cour de :

Confirmer le jugement de première instance et fixer le prix de la préemption de la parcelle cadastrée AH n°[Cadastre 11] sise [Adresse 12] à [Localité 37] à la somme de 484.200 euros.

5/ adressées au greffe le 15 février 2023 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 12 avril 2023 (AR appelant le 14 avril 2023, AR intimé le 13 avril 2023), aux termes desquelles il demande à la cour de :

Confirmer le jugement de première instance et fixer le prix de la préemption de la parcelle cadastrée AH n°[Cadastre 11] sise [Adresse 12] à [Localité 37] à la somme de 484.200 euros.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

M. [W] [G] fait valoir dans un premier jeu de conclusions que :

Concernant la situation du bien préempté, la parcelle cadastrée section AH n°[Cadastre 11], sise [Adresse 12] à [Localité 37], d'une superficie de 5.380 m², est de forme rectangulaire. Elle est fortement urbanisée et soumise à une forte pression foncière. Elle est en nature de terrain, libre de toute occupation et bénéfice de l'ensemble des réseaux. D'après le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 36] approuvé le 18 avril 2017, le bien préempté est situé en zone 1AU et « les constructions à usage d'habitation y sont autorisées à condition que 100% des logements crées soient affectés à du logement locatif social ». L'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) adoptée par la commune pour le secteur de la [Adresse 32] (Pièce 3A) ne nécessite pas la réalisation d'une opération d'ensemble. Au cours des dernières années, M. [W] [G] a été plusieurs fois approché par des promoteurs qui lui ont proposé une acquisition pour des montants allant de 900.000 euros à 1.100.000 euros.

Concernant la date de référence et le classement au plan local d'urbanisme, le premier juge a parfaitement retenu la date du 18 avril 2017. La zone 1AU est immédiatement constructible et bénéficie de réseaux de capacité suffisante. L'opération d'aménagement « peut ne porter que sur une partie seulement des terrains de la zone concernée » (CE n°426961).

Concernant l'infirmation du jugement en ce qui concerne la qualification de terrain à bâtir, l'article L.322-3 du code de l'expropriation pose plusieurs conditions. La constructibilité de la parcelle AH n°[Cadastre 11] et l'absence de nécessité d'une opération d'aménagement d'ensemble découle notamment de l'article 1AU2 du plan local d'urbanisme (Pièce 2A). La viabilité de la parcelle AH n°[Cadastre 11], son classement en zone 1AU nécessite que les réseaux « ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone » d'après l'article R.151-20 du code de l'urbanisme. Au surplus, la parcelle est située au c'ur d'une zone pavillonnaire déjà construite. Le chemin de Maillefer est desservi par le réseau d'eau potable et par le réseau d'assainissement (Pièce 7A). Enfin, la présence du réseau d'électricité est évidente au regard des constructions existantes dans le secteur et de l'éclairage public, tels que constatés par le procès-verbal de transport. Ainsi, la parcelle préemptée bénéficie de tous les réseaux nécessaires à une opération de construction. La qualification de terrain à bâtir doit donc être retenue.

Concernant, en tout état de cause, le caractère particulièrement privilégié de la parcelle, tel que défini par la Cour de cassation (92-70.331 ; 19-20.431), découle :

de son insertion dans une zone pavillonnaire et donc déjà construite,

de sa desserte par une voie goudronnée supportant l'ensemble des réseaux nécessaires à sa viabilité,

de son classement dans un secteur devant recevoir à court terme une opération de construction de 13 à 15 logements,

d'une façade de plus de 45 mètres sur la [Adresse 34],

de sa forme rectangulaire avec une pente légère, adaptée à tout projet de construction,

d'un environnement de qualité : Le terrain est situé en bordure de plaine agricole, à quelques minutes du centre-ville et accolé à des pavillons de bonne qualité architecturale, de type R+C ou R+l+C,

de divers équipements publics (écoles) et sportifs (stade, aires de jeux, etc),

d'un centre équestre implanté à quelques dizaines de mètres de la parcelle,

d'un accès aisé à des axes routiers majeurs (N6, N104).

Pour ces différents motifs, le premier juge a parfaitement retenu le caractère privilégié de la parcelle préemptée. Le prix retenu ne pouvait donc que s'approcher, en tout état de cause, de celui d'une parcelle à bâtir située à proximité.

Concernant l'infirmation du jugement en ce qui concerne le prix de la parcelle AH n°[Cadastre 11], les termes de comparaison n°1, n°3, n°4 et n°5 de l'EPFIF, écartés par le premier juge, sont critiqués. En revanche, le terme de comparaison n°2 peut parfaitement être retenu. Les termes de comparaison du commissaire du gouvernement en première instance étaient trop éloignés de la commune de [Localité 36] pour être pertinents. L'abattement proposé en raison de l'obligation de construction de logements sociaux n'est pas justifié au regard des larges possibilités de construction. Par exemple, la parcelle cadastrée AA n°[Cadastre 6] située au sein de l'OAP a été vendue en tant que terrain à bâtir au prix de 163 euros/m², alors même qu'elle est éloignée du réseau d'assainissement. Le premier juge a donc justement écarté cette demande d'abattement. S'agissant des termes de comparaison produits par M. [W] [G], la parcelle préemptée doit être évaluée de manière globale et par comparaison en tant que terrain nu, libre de toute occupation. À titre principal, dès lors que la parcelle préemptée doit recevoir la qualification de terrain à bâtir, l'application de l'article L.322-4 du code de l'expropriation aboutit à retenir quatre termes de comparaison, dont la moyenne des valeurs unitaires s'élève à 179,69 euros/m². À titre subsidiaire, si la qualification de terrain à bâtir devait être écartée, le prix des parcelles vendues en zone AU dans les communes proches de [Localité 36] est malgré tout supérieur à celui retenu par le premier juge. La moyenne des quatre termes de comparaison correspondant à des mutations de biens situés à [Localité 29] s'établit à 115,50 euros/m². Le premier juge a retenu sans explications le prix de 90 euros/m², la prise en compte du prix moyen proposé par le commissaire du gouvernement aboutissant à une valeur médiane de 102 euros/m².

Concernant le prix demandé, à titre principal, la valeur unitaire est de 180 euros/m² si la qualification de terrain à bâtir est retenue, soit 968.400 euros (5.380 m² × 180 euros/m²). À titre subsidiaire, la valeur unitaire est de 115 euros/m² si la qualification de terrain à bâtir n'est pas retenue, soit 618.700 euros (5.380 m² × 180 euros/m²).

Concernant les frais irrépétibles, ajoutant à la décision de première instance, il sera demandé à la cour, en tout état de cause, de condamner l'EPFIF à verser à M. [W] [G] la somme de 3.000 euros au titre des frais exposés en appel.

M. [W] [G] fait valoir dans un second jeu de conclusions que :

Concernant l'infirmation du jugement en ce qui concerne la qualification de terrain à bâtir, la parcelle AH n°[Cadastre 11] d'une surface d'un demi-hectare peut accueillir au minimum une douzaine de logements. Sur ce point, l'EPFIF cite l'article 1AU3 du règlement du plan local d'urbanisme, qui ne porte pas sur la réalisation d'une ou plusieurs opérations d'aménagement d'ensemble, mais uniquement sur les conditions de desserte des parcelles. L'EPFIF occulte l'article 1AU2 du règlement qui est parfaitement clair sur la possibilité d'aménager le secteur par une ou plusieurs opérations d'aménagement. Contrairement à ce que soutient l'EPFIF, M. [W] [G] n'a jamais reconnu que l'urbanisation future de sa parcelle ne pouvait se faire que dans le cadre d'une opération d'aménagement d'ensemble, la vente de sa parcelle n'ayant pu se réaliser qu'en raison d'un litige successoral et du droit de préemption de la commune. De même, l'EPFIF soutient, à tort, que les accès à la parcelle AH n°[Cadastre 11] seraient insuffisants pour assurer sa constructibilité au regard de l'article 1AU3 du plan local d'urbanisme, car il faudrait prétendument une voie publique d'une largeur de 8m. En effet, cette largeur minimale ne concerne que l'accès au terrain et non pas l'ensemble de la voie publique, et ne s'applique qu'aux voiries nouvelles et non pas aux voiries déjà existantes. En tout état de cause, si l'argument de l'EPFIF devait être retenu, il conviendra de constater que les voies d'une telle largeur sont extrêmement rares sur le territoire de la commune de [Localité 36], de sorte qu'aucun logement collectif n'aurait pu y être construit. La cour ne pourra qu'infirmer le jugement en ce qu'il retient que l'aménagement de la parcelle AH n°[Cadastre 11] devait faire l'objet d'une opération portant sur l'ensemble du secteur de la [Adresse 32]. La capacité suffisante du réseau d'eau n'est pas contestée par l'EPFIF ou par le commissaire du gouvernement. S'agissant du réseau d'assainissement, le syndicat mixte pour l'Assainissement et la Gestion des Eaux du bassin versant Yerres-Seine (SYAGE) indique que le réseau est suffisant et en périphérie immédiate de la parcelle (Pièce 16A). Par ailleurs, la parcelle cadastrée AA n°[Cadastre 6], a été vendue sous la qualification de terrain à bâtir alors même qu'elle n'est pas plus proche du réseau d'assainissement que la parcelle cadastrée AH n°[Cadastre 11].

Concernant l'infirmation du jugement en ce qui concerne le prix de la parcelle AH n°[Cadastre 11], les arguments de l'EPFIF pour justifier de retenir les termes de comparaison n°3 et n°5 ne convainquent pas. L'EPFIF ne reprend pas le terme de comparaison n°4 en appel. En appel, le commissaire du gouvernement produit des termes de comparaison très différents. Les termes de comparaison sont critiqués. Seuls les termes de comparaison correspondant à des mutations de biens situés à [Localité 29] sont pertinents, comme l'admet le commissaire du gouvernement. S'agissant des termes de comparaison de M. [W] [G], la seule mutation en zone 1AU sur la commune de [Localité 36] concerne une parcelle enclavée, et est donc incomparable avec la parcelle préemptée. Le dernier terme de comparaison produit concerne un terrain destiné à la construction de logements sociaux (Pièce 15A). Un cinquième terme de comparaison d'une valeur unitaire de 183 euros/m² peut être retenu (Pièce 27A). Les termes de comparaison produits à titre subsidiaires sont repris par le commissaire du gouvernement qui en confirme la validité. Une valeur de 115 euros/m² devra donc être retenue compte tenu de la situation particulièrement privilégiée de la passerelle.

L'EPFIF rétorque que :

Concernant la description et la consistance du bien, la parcelle préemptée cadastrée AH n°[Cadastre 11] est d'une superficie de 5.380 m². De belle configuration rectangulaire, il s'agit d'un terrain plat, non viabilisé mais avec les réseaux accessibles devant la parcelle, et localisé dans un secteur pavillonnaire. La capacité actuelle des réseaux est insuffisante pour la réalisation d'un projet d'ensemble sur ce terrain comme le contraint le plan local d'urbanisme applicable.

Concernant la date de référence et la situation d'urbanisme, les parties sont convenues de fixer la date de référence au 18 avril 2017. À cette date, le bien est situé en zone 1AU du plan local d'urbanisme. L'aménagement des parcelles situées dans cette zone n'est envisagé que dans le cadre d'opérations d'aménagement d'ensemble garantissant une qualité urbaine et paysagère optimale, dans le respect des orientations définies dans l'OAP du secteur « [Adresse 32] ».

Concernant la qualification du bien, en application de l'article L.322-3 du code de l'expropriation, la parcelle préemptée ne peut pas recevoir la qualification de terrain à bâtir. En effet, il ressort de l'article 1AU-3 du plan local d'urbanisme que, pour être constructible, le terrain doit disposer d'accès d'une largeur supérieure à 8 m afin de desservir plus de cinq logements. L'OAP liste justement les aménagements de voirie à effectuer (Pièce 3A). Le terrain n'est donc pas constructible en l'état. En outre, la parcelle n'est pas desservie par le réseau d'assainissement (Pièce 7A ; Pièce 5I). La qualification de terrain à bâtir ne peut donc qu'être écartée, au profit de la qualification de terrain nu.

Concernant l'évaluation du bien, l'EPFIF produit quatre mutations, parmi lesquelles il se prévaut de deux termes de comparaison, à savoir les termes de comparaison n°3 et n°4. La moyenne s'établit 48,52 euros/m². Par ailleurs, les juridictions de l'expropriation ont toujours considéré que l'existence d'une obligation de mixité sociale constituait un facteur de moins-value (CA Bordeaux 12/03746). Il est donc important de ne retenir que des termes de comparaison situés en zone 1AU, avec une contrainte très forte de réalisation de logements sociaux. Une valeur unitaire de 74 euros/m² doit donc être retenue.

Concernant le rejet des prétentions de M. [W] [G], tous les termes de comparaison doivent être écartés. Les références situées à [Localité 36] ne peuvent qu'être écartées car elles sont soit trop anciennes, soit portent sur des terrains à bâtir situés en zone U, soit portent sur des terrains pourvus de permis de construire purgés de recours. Les références situées sur la commune de [Localité 29] doivent être écartées, car elles sont situées sur une commune distante de plus de 13 km et leur seul zonage en zone 1AU ne saurait suffire à les retenir sans constater d'autres similitudes.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant l'origine du propriété, M. [W] [G] a reçu la pleine propriété d'un ensemble de parcelles sises à [Localité 36], dont la parcelle AH n°[Cadastre 11], au terme d'une donation consentie par ses parents le 15 avril 1988.

Concernant la description physique et la consistance du bien préempté, celui-ci est situé dans un quartier pavillonnaire. La parcelle a une contenance de 5.380 m², est de configuration rectangulaire et dispose d'un accès direct en façade sur rue d'environ 47 m. Il s'agit d'un terrain plat en nature de terre.

Concernant la situation locative, le terrain est libre d'occupation.

Concernant la date de référence, les parties retiennent la date du 18 avril 2017. En application de l'article L.213-4 du code de l'urbanisme, la date de référence à retenir est le 18 avril 2017, la délibération du 28 mars 2019 intervenue à la suite d'un contentieux administratif n'a pas modifié l'article 1AU tel qu'il existait à la date du 18 avril 2017.

Concernant la situation au regard de la réglementation d'urbanisme, à la date de référence le bien est classé en zone 1AU, zone à urbaniser à vocation dominante d'habitat. Elle englobe des secteurs dont l'urbanisation future présente un intérêt compte-tenu de leur potentiel de création de logement qu'il convient de protéger contre une urbanisation anarchique. Aussi, leur aménagement n'est envisagé que dans le cadre d'opérations d'aménagement d'ensemble garantissant une qualité urbaine et paysagère optimale, dans le respect des orientations définies dans l'OAP du secteur dit « [Adresse 32] » destiné à un programme de logements 100% social.

Concernant la qualification de la parcelle, il convient d'appliquer l'article L.322-3 du code de l'expropriation qui pose deux conditions cumulatives à la qualification de terrain à bâtir : le terrain doit être situé « dans un secteur désigné comme constructible » par le document d'urbanisme applicable et être desservi de manière effective par une voie d'accès et par des réseaux suffisants. En l'occurrence, la parcelle est située dans une zone 1AU constructible dans le cadre d'un ou de plusieurs aménagements d'ensemble. Une opération d'ensemble peut ne porter que sur une partie seulement des terrains de la zone concernée, sauf si le plan local d'urbanisme en dispose autrement ou si les conditions d'aménagement et d'équipement impliquent nécessairement que l'opération porte sur la totalité des terrains de la zone concernée (CE n°426961). En l'espèce, la formulation du rapport de présentation du plan local d'urbanisme laisse à penser qu'une opération d'aménagement encadrée par une OAP sur la commune ne pourra être réalisée qu'une fois la maîtrise foncière de l'ensemble des parcelles assurée. Dès lors, il semble que la condition première liée à la constructibilité de la parcelle ne soit pas réalisée et ne permette pas la qualification de terrain à bâtir.

Concernant la situation privilégiée, elle peut résulter de plusieurs éléments (19-20.431 ; 94-70.252 ; 11-23.952). La proximité de l'urbanisation et des réseaux étant inhérent à une zone à urbaniser comme celle dans laquelle se situe la parcelle à évaluer, cette proximité ne saurait conférer au bien une situation privilégiée : les prix unitaires des terrains situés en zone AU se situent entre les prix unitaires de terrains agricoles ou naturels et ceux de terrains à bâtir.

Concernant le prix unitaire, la promesse de vente (non suivie de la signature d'un acte) du 16 juin 2020 produite par M. [W] [G] pour un prix de 1.100.000 euros ne peut pas être considérée comme un terme de comparaison. Les termes de comparaison produits par M. [W] [G] correspondant à des cessions de biens situés à [Localité 36] ne sont pas comparables. Les quatre autres termes de comparaison produits par M. [W] [G] correspondant à des cessions du même jour de biens situés à [Localité 29], soumis à OAP en zone 1AU, sont comparables.

Concernant la méthode d'évaluation, il sera appliqué la méthode d'évaluation par comparaison. La zone 1AU est une zone à urbaniser à court terme dotée d'équipements de dimension suffisante en périphérie immédiate. La zone 2AU est une zone à urbaniser après modification du plan local d'urbanisme non dotée d'équipements de dimension suffisante en périphérie immédiate. La parcelle préemptée sera donc valorisée au regard du zonage 1AU et en comparaison de terrains situés dans le périmètre d'une opération d'aménagement d'ensemble et présentant les mêmes caractéristiques. 33 termes de comparaison sont produits dont les prix unitaires oscillent entre 30 euros/m² et 88,83 euros/m². Les mutations du 15 mai 2020 citées par M. [W] [G] sur la commune de [Localité 29] sont également pertinentes. D'autres cessions sont produites à titre de recoupement. Compte tenu de la densité de logements permise par le plan local d'urbanisme, de l'environnement privilégié de la parcelle préempté et de l'obligation de construire uniquement des logements sociaux, il convient de retenir la valeur haute de 88,83 euros/m², arrondie à 90 euros/m², soit 484.200 euros.

Le second jeu de conclusions du commissaire du gouvernement est identique au précédent.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R 311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017 - article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l'appel étant du 16 août 2022, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de M. [G] du 14 novembre 2022, de l'EPFIF du 17 février 2023 et du commissaire du gouvernement du 13 février 2023 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions de M. [G] du 27 juin 2023 sont de pure réplique à celles de l'EPFIF , appelant incident et à celles du commissaire du gouvernement, ne formulent pas de demandes nouvelles, sont donc recevables au-delà des délais initiaux.

Les pièces nouvelles N°25à N°29 de M. [G] dans ses conclusions du 27 juin 2023sont de pure réponse à l'EPFIF et au commissaire du gouvernement et sont donc recevables.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'il juge nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 211-5 du code de l'urbanisme, tout propriétaire d'un bien soumis au droit de préemption peut proposer au titulaire de ce droit l'acquisition de ce bien, en indiquant le prix qu'il en demande. Le titulaire doit se prononcer dans un délai de 2 mois à compter de ladite proposition dont copie doit être transmise par le maire au directeur départemental des finances publiques.

À défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation selon les règles mentionnées à l'article L 213-4.

En cas d'acquisition, l'article 213-14 est applicable.

Aux termes de l'article L 213-4 du code de l'urbanisme, à défaut d'accord amiable le prix d'acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment l'indemnité de remploi.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L' appel de M. [G] porte sur le prix d'acquisition de sa parcelle, en contestant le rejet de sa demande de retenir la qualification de terrain à batir.

L'appel incident de l'EPFIF concerne le montant du prix d'acquisition.

S'agissant de la date de référence, les parties s'accordent toutes à la situer comme en première instance en application des articles L 213-6 et L 213-4 du code de l'urbanisme au 18 avril 2017, date de la délibération du conseil municipal de [Localité 37] ayant approuvé le PLU.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

S'agissant des données d'urbanisme, à cette date de référence la parcelle se situe en zone 1AU.

Dans le PLU de la commune de [Localité 37], la zone 1AU se définit comme suit : 'la zone 1AU englobe les secteurs dont l'urbanisation future présente un intérêt compte tenu de leur potentiel de création de logement qu'il convient de protéger contre une urbanisation anarchique. Aussi, leur aménagement n'est envisagé que dans le cadre d'opérations d'amnégement d'ensemble garantissant une qualité urbaine et paysagère optimale, dans le respect des orientations définies dans le document ' Orientations d'aménagement et de programmation'.

La parcelle se situe en OAP dit secteur [Adresse 32] (n°12), secteur à développer à vocation dominante d'habitat, correspondant à un habitat locatif social.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'une parcelle de terrain nu.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès-verbal de transport.

S'agissant de la date à laquelle le bien doit être estimé, il s'agit de celle de la première instance, soit le 18 juillet 2022.

- Sur la méthode et les surfaces

La méthode par comparaison et la superficie de la parcelle de 5380 m² retenues par le premier juge ne sont pas contestées.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

- Sur la situation locative

La fixation en valeur libre retenue par le premier juge n'est pas contestée.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

- Sur la qualification du bien

- sur la qualification de terrain à batir

Le premier juge a écarté la qualification de terrain à bâtir demandé par M. [G] sur le fondement de l'article L 322-3 du code de l'expropriation en indiquant que :

- il est établi que la parcelle cadastrée AH [Cadastre 11] se situe en zone 1 AU du PLU de la commune de [Localité 36] ;

- la parcelle se situe ainsi dans une zone dont l'aménagement n'est envisagé que dans le cadre d'une opération d'aménagement d'ensemble dans le respect des orientations d'aménagement et de programmation (OPAP) secteur [Adresse 33] ;

- il n'a pas été établi que la capacité des réseaux situés à proximité immédiate était adaptée au regard de l'ensemble de la zone, condition exigée pour la qualification de terrain à bâtir ainsi qu'il en ressort des dispositions de l'article L 322-3 du code de l'expropriation.

M. [G] demande l'infirmation et de retenir la qualification de terrain à bâtir en application de l'article L 322-3 du code de l'expropriation.

Il invoque la constructibilité de la parcelle et l'absence de la nécessité d'une opération d'ensemble, puisque la zone 1AU de [Localité 36] est un secteur immédiatement urbanisable, sans qu'il soit nécessaire de réaliser une opération de construction unique, plusieurs opérations étant envisageables.

Il fait ensuité état de la viabilité de la parcelle.

L'EPFIF demande la confirmation du jugement, le terrain n'étant pas constructible en l'état dans la mesure où son aménagement ne peut être réalisé que dans le cadre d'une opération d'aménagement d'ensemble portant sur l'ensemble du périmètre de l'OAP n°12 ; elle ajoute qu'il résulte du PLU que pour être constructible au sens du 2° de l'article 1AU-3 PLU ( pièce n°4), le terrain de M. [G] doit disposer d'accès permettant de satisfaire aux exigences de sécurité, de circulation des personnes, de la défense contre les incendies et aux besoins des constructions et installations envisagées, et avoir une largeur minimum de 8 mètres, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; il ajoute qu'en outre, la parcelle n'est pas effectivement desservie par l'ensemble des réseaux et que la capacité des réseaux environnants est insuffisante pour desservir l'ensemble de cette zone à aménager.

Le commissaire du gouvernement demande également la confirmation en indiquant que l'OAT n°12 ne peut se réaliser que dans le cadre d'une opération globale et non partielle, qu'en l'espèce la maîtrise foncière d'une seule parcelle ne saurait autoriser une opération d'aménagement partielle et que la première condition de l'article L 322-3 du code de l'expropriation n'est pas réalisée, à savoir la constructibilité de la parcelle.

Aux termes de l'article L322-3 du code de l'expropriation, la qualification de terrain à bâtir, est réservée aux terrains qui un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L1 ou dans le cas prévu à l'article L122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, sont quelle que soit leur utilisation, à la fois :

1° situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune ;

2° effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure ou les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme , un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone.

Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa , ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif , conformément à l'article L322-2.

En outre, l'article L322-4 dispose que l'évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l'article L 322-3, la capacité des équipements mentionnés à cet article, des servitudes affectant l'utilisation des sols et notamment des servitudes d'utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf sur si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

De plus, les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa, ne répondent pas aux conditions de l'article L322-3 du code de l'expropriation sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l'article L322-2.

Il en résulte que les conditions cumulatives exigées pour qu'une parcelle soit qualifiée de terrain à bâtir sont, d'une part, une constructibilité juridique attachée aux documents d'urbanisme opposable et, d'autre part, une constructibilité matérielle caractérisée par la desserte effective par l'ensemble des voies et réseaux (d'accès, réseau électrique, potable, réseau d'assainissement).

En l'espèce, le règlement de la zone 1AU prévoit que le secteur de la [Adresse 32] est immédiatement constructible dans le cadre d'une ou plusieurs opérations d'ensemble : 'les constructions à usage d'habitation sont autorisées à condition que 100% des logements crées soient effectivement affectés à du logement locatif social (au titre de l'article L 151-15 du code de l'urbanisme).

Les constructions sont autorisées dans le cadre d'une ou de plusieurs opérations d'aménagement d'ensemble par secteur soumis au respect d'OAP identifié sur le plan de zonage et sous réserve du respect des dispositions définies dans le document' d'Orientation d'Aménagement et de Programmation' du présent PLU (pièce n°2) ;

M. [G] invoque en conséquence un arrêt du Conseil d'état (CE, 28 septembre 2020, req N°426961) précisant qu'une opération de construction en zone AU peut ne porter que sur une partie d'une telle zone :

'Il résulte des dispositions de l'article R 123-6 du code de l'urbanisme, citées au point 3, que le plan local d'urbanisme peut prévoir que les autorisations de construction au sein d'une zone à urbaniser seront délivrées, dans les conditions qu'il précise, lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble. Une telle opération peut ne porter que sur une partie seulement des terrains de la zone concernée, sauf si le règlement du plan local d'urbanisme en dispose autrement ou si les conditions d'aménagement et d'équipement définies par ce règlement et par les orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme impliquent nécessairement que l'opération porte sur la totalité des terrains de la zone concernée'.

Or, le commissaire du gouvernement produit le rapport de présentation du PLU de la commune de [Localité 37] approuvé le 18 avril 2017, qui précise :

JUSTIFICATION DES CHOIX RETENUS POUR ÉTABLIR LES ORIENTATIONS D'AMENAGEMENT ET DE PROGRAMMATION.

Le document des orientations d'aménagement et de programmation, élaboré en cohérence avec le PADD, permet à la commune de préciser les conditions d'aménagement sur des secteurs spécifiques.

Objectifs et enjeux

Les opérations encadrées par les OAP se feront quand les conditions d'achat des terrains auront été réunies et notamment lors de la vente volontaire des terrains identifiés au sein des secteurs soumis à Orientation d'Aménagement et de Programmation.

L'OAP du secteur de [Localité 25] comprend plusieurs parcelles dont celle de M. [G], les autres parcelles étant des parcelles privées ; une opération d'amenagement encadrée par une OAP ne peut donc se réaliser qu'une fois la maîtrise foncière de l'ensemble des parcelles assuré ; l'OAP n°12 ne peut se réaliser que dans le cadre d'une opération globale et non partielle ; en l'espèce, la maîtrise foncière d'une seule parcelle ne peut autoriser une opération d'aménagement partielle.

Si une opération ne peut porter que sur une partie seulement des terrains des zones concernées, le Conseil d'Etat dans l'arrêt précité a indiqué sauf, comme en l'espèce, si les conditions d'aménagement et d'équipement définies par le PLU et par les orientations d'aménagement et de programmation du PLU, impliquent nécessairement que l'opération porte sur la totalité des terrains de la zone concernée.

En conséquence, la première condition de l'article L322-3 du code de la construction n'est pas réalisée, à savoir sa situation dans une zone constructible.

Il convient donc de confirmer le jugement qui a exactement exclu la qualification de terrain à bâtir pour la parcelle AH [Cadastre 11] de M. [G].

- Sur la qualification de situation privilégiée

Le premier juge au regard de la configuration de la parcelle, de son environnement géographique immédiat, de son insertion dans une zone pavillonnaire déjà existante, de la proximité immédiate des réseaux a retenu la qualification de situation privilégiée.

M. [G] demande à titre subsidiaire de retenir cette qualification de situation privilégiée.

L'EPFIF n'a pas conclu sur ce point.

Le commissaire du gouvernement demande l'infirmation en indiquant que la proximité de l'urbanisation et des réseaux étant inhérent à une zone à urbaniser, cette proximité ne saurait conférer à la parcelle une situation privilégiée, les prix au m² des terrains situés en zone AU se situant entre le prix au m² de terrains agricoles ou naturels et ceux de terrains à bâtir.

En l'espèce, la parcelle AH [Cadastre 11] se situe sur la commune de [Localité 36] qualifiée par le commissaire du gouvernement dans son évaluation de commune 'assez huppée' située au nord du département de l'Essonne dans un environnement privilégié.

La parcelle est de configuration rectangulaire, disposant d'une large façade sur la [Adresse 34] et est insérée dans une zone pavillonnaire avec la proximité immédiate et limitrophe de plusieurs maisons d'habitations.

Les réseaux sont à proximité immédiate.

La parcelle se situe en bordure de terres agricoles et à proximité géographique du centre de la commune de [Localité 37] et à coté d'un centre équestre.

En conséquence, au regard de la configuration de la parcelle, de son environnement géographique immédiat, de son insertion dans une zone déjà existante, de la proximité immédiate des réseaux, il convient de confirmer le jugement qui a exactement retenu la qualification de situation privilégiée de la parcelle AH [Cadastre 11].

Cette parcelle a donc une valeur supérieure à celle de terrains agricoles ou zone inconstructible.

- Sur la fixation du prix

Après examen des termes proposée par les parties, le premier juge a retenu une valeur unitaire de 90 euros/m².

Il convient d'examiner les références des parties :

1° Les références de M. [G]

Il demande de retenir à partir de la qualification de terrain à batir qui a été écartée par la cour de retenir une valeur unitaire de 180 euros/m² et à titre subsidiaire, si la cour ne retient pas la qualification de terrain à batir, de fixer une valeur unitaire de 115 euros/m².

Il propose donc tout d'abord des références de terrains à bâtir :

- 20/10/2020 : [Localité 36], AH [Cadastre 16], terre (taillis), zone UBa, 100'000 euros, 202,02 euros/m² (pièce numéro 12)

'12 janvier 2017 : [Localité 36], B[Cadastre 17], 1000 m², terrain à bâtir, zone UBa, 130'000 euros, 130 euros/m² (pièce numéro 11)

'23 août 2018 : commune de [Localité 36], AE [Cadastre 7]/AE [Cadastre 8], 800 m², jardins/potager, zone UBa, 179.000 euros, 223,75 euros/m²

'19 décembre 2018 : [Localité 36],AA [Cadastre 6],2 , 816 m², terrain à bâtir, zone UA, 460'000 euros, 163 euros/m²

'23 décembre 2022 : [Localité 36],AH [Cadastre 14],2, 948 m², terrain à bâtir, zone UBa, 540'000 euros, 183 euros/m².

Ces termes ne sont pas comparables s'agissant de terrain à bâtir, puisque la cour a écarté la qualification de terrain à bâtir pour la parcelle de M. [G] ; ils seront donc écartés.

M. [G] propose ensuite à titre subsidiaire des références en zone AU à proximité de la commune avec les références de publication ( pièces numéro 17 et 20 à 23) :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

Prix en euros

Prix en euros/m²

Zonage

T1

43965

[Localité 29]

C [Cadastre 22] à

C [Cadastre 23]

4119

451990

110

1AU

T2

43965

[Localité 29]

C [Cadastre 1] à C [Cadastre 2]

1098

116490

106

1AU

T3

43965

[Localité 29]

C [Cadastre 3] à C [Cadastre 4]

2131

237490

111

1AU

T4

43965

[Localité 29]

1063

143700

135

1AU

M. [G] indique que ces références sont reprises par le commissaire du gouvernement, que la distance entre [Localité 28] et [Localité 37] est de seulement 12 km et qu'en raison de la pression foncière, une valeur de 115 euros/m² doit être retenue.

Le commissaire du gouvernement en première instance a uniquement indiqué qu'il n'existe pas de termes de références sur la commune de [Localité 37] et il a propose un seul terme de la [Adresse 38] à [Localité 31] de 88, 83 m², repris ci-après par le commissaire du gouvernement en appel.

Le commissaire du gouvernement indique que ces quatre ventes font partie de la zone de '[Localité 30]' soumise à une OAP, que l'aménagement de cette zone se fera via une opération d'aménagement d'ensemble portant sur le périmètre de l'OAP, soit 8408 m² et 15 logements ; que les quatre ventes ont lieu le même jour au profit d'une société PMLV, marchand de biens immobiliers ; que les deux communes sont à environ 12 km l'une de l'autre, [Localité 29] étant par ailleurs située dans le département de Seine et Marne.

Il retient ces termes.

Les parties ne proposent aucun terme comparable dans la commune de [Localité 37] et il convient donc d'élargir le champ géographique des termes de comparaison.

Ces termes sont comparables en zonage et en consistance et concernent comme l'indique le commissaire du gouvernement des commune comparables en terme de population ( 2300 habitants pour [Localité 37] et 2520 pour [Localité 29]) ; ils seront donc retenus.

Cependant, le commissaire du gouvernement souligne que ces termes sont situés dans un zonage 1AU constructible dans le cadre d'une opération d'aménagement d'ensemble mais moins favorable en terme d'emprise au sol ( limité à 50%) que le zonage 1AU de la commune de [Localité 37] qui ne le réglemente pas ; que l'OAP ' [Adresse 32]' permet ainsi une densité de construction comprise entre 25 et 30 logements (sociaux) par hectare alors que l'AOP ' [Localité 30]' où se situent les parcelles à [Localité 29] prévoit 18 logements par hectare ; que toutefois, l'OAP ' [Adresse 32]' à laquelle est soumise le bien à évaluer prévoit que 100% des logements doivent être des logements sociaux, constituant ainsi une contrainte dans l'utilisation du terrain.

Le commissaire du gouvernement cite à titre de recoupement une autre cession : vente du 28 janvier 2021 avec les références de publication à [Localité 27] de 5083 m², zone 1AU, soumise à OAP 'libération', avec 35 logements à l'hectare, soit 28 logements, 102,30 euros/m² ; la densité de logement autorisés est similaire à celle de l'OPAP ' [Adresse 32]' de [Localité 37] prévoyant une densité de logements comprise entre 25 et 30 logements par hectare.

les termes retenus correspondent donc à une valeur haute.

2° Les références de l'EPFIF

Il demande de retenir une valeur unitaire de 74 euros/m².

Il invoque les termes suivants( sauf I1 et I 2) avec les références de publication :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Superficie

Prix en euros

Prix en euros/m²

Zonage

I1

43816

[Adresse 34] à [Localité 37]

B n°[Cadastre 18]

3716 m²

36200

9, 74

A

I2

44185

[Adresse 35]

[Localité 37]

AH n°[Cadastre 16]

465

100000

202, 02

Uba

Il ne s'agit pas d'un terme de comparaison

I3

43839

[Localité 25]

C [Cadastre 9] et C [Cadastre 10]

99000

37, 04

1aUh

terrain en nature de vergers au [Adresse 26]

I1: L'EPFIF indique qu'il a conscience que la zonage A n'est pas comparable

Ce terme sera donc écarté.

I2 : L'EPFIF indique qu'il ne s'agit pas d'un terme de comparaison.

I3 : Ce terme concerne une autre commune et concerne des parcelles qui suite à une modification du PLU du 6 février 2021 se situent en zone N soit une zone moins porteuse que la parcelle à évaluer ; ce terme non comparable sera donc écarté.

3° Les références du commissaire du gouvernement

Il demande la confirmation de la valeur unitaire de 90 euros/m².

Il invoque neuf séries de références annexées à l'arrêt et retient les termes du 15 mai 2020 cités par M. [G].

Il propose de retenir la valeur haute de 88,83 m² de la [Adresse 38].

Il convient de retenir uniquement les termes les plus comparables à savoir les cessions dans la [Adresse 38] pour la valeur haute de 88,83 euros/m².

Les termes retenus de M. [G] correspondent à une moyenne de :

110+106+111+135=462/4= 115,5 euros/m².

Le terme le plus haut retenu du commissaire du gouvernement est de 88,83 euros/m².

La moyenne des termes est donc de:

110+106+111+135+88,83=110,16 euros/m².

Cependant, il convient de tenir compte du fait comme l'indique le commissaire du gouvernement que l'OAP [Adresse 32] à laquelle est soumis le bien évalué contraint à la construction de logements 100 % sociales contrairement aux OAP des termes de [Localité 29] et d'[Localité 31], ce qui justifie un prix au m² inférieur.

En tenant compte de cet élément de moins-value, le jugement sera donc confirmé qui a exactement retenu une valeur unitaire de 90 euros/m² inférieure à la moyenne des termes retenus et fixé l'indemnité principale à la somme de :

90 euros/m² X 5380 m²=484 200 euros en valeur libre.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné l'EPFIF à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter M. [G] et l'EPFIF de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance.

M. [G] perdant le procès sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Statuant dans la limite des appels ;

Confirme le jugement entrepris ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute M. [W] [G] et l'EPFIF de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [W] [G] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 22/17873
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.17873 ?
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