Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 07 MARS 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 21/22431 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4GU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2021 - Tribunal de Commerce de Meaux - RG n° 2020011027
APPELANTE
S.A.S. LUTECE agissant poursuites diligences en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en sa qualité audit siège
Immatriculée au RCS de Meaux sous le numéro 433 891 249
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Caroline Hatet-Sauval de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de Paris, toque : L0046
INTIMEE
S.A.S. RENOVAL Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité audit siège
Immatriculée au RCS de Angers sous le numéro 328 051 057
[Adresse 4]
[Localité 2]
Réprésentée par Me Nadia Bouzidi-Fabre, avocat au barreau de Paris, toque : B0515
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine Soudry, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5
Madame Christine Soudry, conseillère
Madame Marylin Ranoux-Julien, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Maxime Martinez
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Nathalie Renard, présidente de la chambre5-5 et par Maxime Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
La société Rénoval conçoit et fabrique des produits de menuiserie métalliques ou plastiques.
La société Lutèce est spécialisée dans la construction de bâtiments industriels sur mesure, notamment de type modulaire en bois et en métal.
En 2019, la société Lutèce a passé plusieurs commandes de menuiseries à la société Rénoval :
- Le 12 mars 2019 concernant un chantier à [Localité 7],
- Le 18 avril 2019 concernant un chantier à [Localité 5],
- Le 18 juin 2019 concernant un chantier à [Localité 8],
- Le 16 juillet 2019 concernant un chantier aux Mureaux.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 décembre 2019, la société Rénoval a mis la société Lutèce en demeure de lui payer une somme de 61.515,89 euros.
Par courriel du même jour, la société Lutèce a contesté cette créance, faisant valoir un retard dans l'exécution des commandes ainsi que des malfaçons dont la reprise n'aurait pas été assurée.
Le 29 janvier 2020, la société Rénoval a présenté une requête en injonction de payer devant le président du tribunal de commerce de Meaux tendant à obtenir de la société Lutèce le paiement des sommes de 61.515,89 euros en principal, de 55,72 euros au titre des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2019 et de 40 euros au titre des frais accessoires.
Par ordonnance du 30 janvier 2020, le président du tribunal de commerce de Meaux a enjoint à la société Lutèce de payer à la société Rénoval la somme de 61.515,89 euros en principal, outre les intérêts au taux légal, ainsi que les dépens, rejetant le surplus des demandes.
L'ordonnance d'injonction de payer a été signifiée par acte du 24 février 2020 remis à personne morale.
Le 20 mai 2020, le greffe a apposé la formule exécutoire sur l'ordonnance d'injonction de payer et l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire a été signifiée à la société Lutèce le 7 septembre 2020.
La société Lutèce a formé opposition le 1er octobre 2020.
Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal de commerce de Meaux a :
- dit la société Lutèce irrecevable en son opposition,
- dit que l'ordonnance d'injonction de payer n°2020IP000073- 2020000514 rendue par le président du tribunal de commerce de Meaux en date du 30 janvier 2020 devenue exécutoire le 20 mai 2020 produira ses pleins effets,
- Renvoyé la société Rénoval à mieux se pourvoir concernant ses demandes complémentaires au titre de la clause pénale et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- Condamné la société Lutèce à payer à la société à payer à la société Rénoval la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article 514 nouveau du code de procédure civile, le présent jugement est exécutoire de droit.
Par déclaration du 20 décembre 2021, la société Lutèce a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- dit la société Lutèce irrecevable en son opposition ;
- dit que l'ordonnance d'injonction produira ses pleins effets ;
- débouté par conséquent la société Lutèce de ses demandes tendant à condamner la société Rénoval au paiement d'une indemnité à concurrence de la somme de 70.891 euros, compenser à due concurrence le solde du marché revenant à la société Rénoval à hauteur de 61.515,89 euros avec l'indemnité en réparation du préjudice revenant à la société Lutèce pour un montant de 70.891 euros, condamner la société Rénoval à lui payer l'excédent, soit la somme de 9.375,11 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- condamné la société Lutèce à payer à la société Rénoval la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, rappelé que le jugement est exécutoire de droit et plus généralement de tous chefs portant grief à la société Lutèce.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2023, la société Lutèce demande, au visa de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 378, 654, 655, 656, 658, 1412, 1413, 1414, 1422 du code de procédure civile, de l'article 2 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire, des articles 1347 et suivants du code civil, de :
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Déclarer et juger nulle et de nul effet la signification du 24 février 2020 effectuée à la requête de la société Rénoval à la société Lutèce par ministère de Me [G] [F], huissier, membre de la société CDJ Meaux, aucun acte n'ayant été délivré à la société Lutèce le 24 février 2020, et l'huissier n'ayant pas pu rencontrer au siège social de la société Lutèce "Madame [B] [N]" laquelle n'a jamais été employée de l'entreprise, et n'a donc pas pu se déclarer habilitée à recevoir un acte pour Lutèce, et aucune autre personne n'ayant été rencontrée ledit jour, ce que confirme l'envoi de la lettre de l'article 658 du code de procédure civile, la nullité de l'acte étant encore encourue, faute de préciser expressément que l'opposition est à former auprès du greffe du tribunal de commerce de Meaux, en indiquant son adresse, et faute d'indiquer de manière affirmative l'exécution de la formalités prévue par l'article 1413 du code de procédure civile, tous éléments qui font grief,
Subsidiairement, compte-tenu de la procédure de plainte pour faux introduite par la société Lutèce contre l'acte du 24 février 2020,
- Surseoir à statuer sur l'appel relevé par la société Lutèce à l'encontre du jugement entrepris dans l'attente des suites de sa plainte pour faux,
À titre encore plus subsidiaire, si la cour estimait la signification critiquée régulière et rejetait l'exception de nullité, les moyens de faux étant également rejetés,
- Juger qu'au 20 mai 2020, le délai de la société Lutèce pour former opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 30 janvier 2020 n'était pas expiré, en sorte que le tribunal ne pouvait pas apposer la formule exécutoire sur une ordonnance non définitive,
- Annuler de ce chef le jugement du tribunal de commerce de Meaux,
- Comme conséquence de la nullité de l'acte de signification, dire et juger recevable l'opposition formulée par la société Lutèce à l'encontre de l'injonction de payer du 30 janvier 2020,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé conférer force exécutoire à l'ordonnance du 30 janvier 2020, assortie d'une formule exécutoire le 20 mai 2020,
Statuant à nouveau,
- Débouter la société Rénoval de sa demande en paiement de la somme de 61.515,89 euros en règlement des factures par elle établies à l'adresse de la société Lutèce concernant les marchés de [Localité 8], [Localité 7] [Localité 5] et [Localité 9], outre les intérêts de retard sollicités dans les conclusions du 20 juin 2022,
- Débouter la société Rénoval de sa demande en paiement de la somme de 12.303,18 euros au titre de la clause pénale contractuelle,
- Débouter la société Rénoval au titre de sa demande de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
- Condamner la société Rénoval à payer à la société Lutèce la somme de 70.890 euros en réparation des préjudices liés au retard de livraison, défauts d'exécution, inexécution des marchés de [Localité 8], [Localité 7] [Localité 5] et [Localité 9],
Subsidiairement,
- Ordonner la compensation entre les obligations réciproques des parties au titre des marchés en litige,
En tout état de cause,
-Infirmer le jugement du 9 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Lutèce à payer à la société Rénoval une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens incluant les frais de greffe liquidés à 140,67 euros,
Statuant à nouveau, la débouter,
- Débouter la société Rénoval de sa demande en paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Rénoval à payer à la société Lutèce une indemnité de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par l'appelante,
- Débouter la société Rénoval de sa demande en paiement des dépens,
- Laisser à la charge de la société Rénoval, les dépens en lien avec la procédure d'injonction de payer,
-Condamner la société Rénoval à payer à la société Lutèce les dépens d'appel, conformément aux articles 695 et suivants du code de procédure civile,
-Dire que les avocats aux offres de droit pourront recouvrer ceux des dépens dont ils ont fait l'avance dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2023, la société Rénoval demande, au visa des articles 654, 1416 et suivants du code de procédure civile, des articles 1103,1104, 1153 du code civil et des articles L.441-10 et D.441-5 du code de commerce, de :
- Débouter la société Lutèce de toutes demandes, fins et conclusions ;
- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- Le réformant au titre des frais irrépétibles de première instance et y ajoutant,
- Condamner la société Lutèce à payer à la société Rénoval la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce inclus notamment les frais relatifs à la procédure en injonction de payer.
A titre subsidiaire, en cas de réformation sur la question de la recevabilité de l'opposition formée par la société Lutèce :
- Condamner la société Lutèce à payer à la société Rénoval les sommes suivantes :
* 61 515,89 euros TTC au titre des factures demeurées impayées à ce jour ;
* outre les intérêts de retard fixés à 10 points de pourcentage en sus du taux de refinancement de la BCE, ceci à compter de la date d'échéance de chaque facture demeurée impayée et jusqu'au complet paiement de la dette ;
* 12.303,18 euros au titre de la clause pénale contractuelle ;
* 160 euros (4 x 40 euros) au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue aux articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce ;
- Condamner la société Lutèce à payer à la société Rénoval la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce inclus notamment les frais relatifs à la procédure en injonction de payer.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 décembre 2023.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la nullité de l'acte de signification du 24 février 2020
La société Lutèce invoque la nullité de l'acte de signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 24 février 2020 et soutient que le délai d'opposition n'a ainsi pas commencé à courir. Elle se prévaut de la fausseté des mentions portées à l'acte du 24 février 2020. Elle conteste à la fois l'existence même de la signification et la remise à personne de l'acte. Elle affirme ainsi qu'aucun acte d'huissier ne lui a été signifié le 24 février 2020 et qu'aucun acte d'huissier n'a été remis à sa secrétaire, Mme [B] [N]. Elle relève que l'acte de signification litigieux mentionne qu'il a été remis à Mme [B] [N] alors qu'elle n'emploie aucune personne ayant ce patronyme. Elle fait encore valoir que sa secrétaire Mme [N] a attesté n'avoir rencontré aucun huissier le 24 février 2020. Elle souligne que l'acte litigieux fait référence à l'article 658 du code de procédure civile qui implique l'absence de remise à personne de l'acte. Elle affirme ensuite que l'acte de signification du 24 février 2020 est entaché de nullité dès lors que la juridiction devant laquelle il devait être fait opposition n'est pas mentionnée ni son adresse. Elle critique enfin l'acte litigieux dès lors qu'il ne porte pas spécifiquement la mention selon laquelle l'huissier a délivré oralement l'information prévue à l'article 1413 du code de procédure civile.
La société Rénoval soulève l'irrecevabilité de l'opposition. Elle fait valoir que l'ordonnance d'injonction de payer a été signifiée à personne le 24 février 2020 et que les mentions par lesquelles l'huissier relate ce qu'il a accompli ou constaté font foi jusqu'à inscription de faux. Elle observe qu'aucune procédure d'inscription de faux n'a été introduite devant la juridiction compétente. Elle relève que le fait que l'acte comporte une erreur matérielle quant au patronyme de la personne à laquelle il a été remis n'emporte aucun grief. Elle ajoute que la référence à l'article 658 du code de procédure est prescrite pour les personnes morales à l'alinéa 2 dudit article. Elle souligne que l'acte porte bien mention de la délivrance orale de l'information prescrite par l'article 1414 du code de procédure civile. Enfin elle affirme que la juridiction devant laquelle devait être formée l'opposition est bien indiquée et qu'aucune disposition n'impose d'en mentionner l'adresse.
L'article 654 du code de procédure civile dispose que :
"La signification doit être faite à personne.
La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet."
En l'espèce, il est produit aux débats un acte de signification de requête et d'ordonnance portant injonction de payer établi le 24 février 2020 par Me [G] [F], huissier de justice au sein de la SELARL CDJ Meaux. Il est mentionné que la signification porte sur une ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Meaux le 30 janvier 2020 enjoignant à la société Lutèce de payer notamment la somme de 61.515,89 euros en principal. Il est indiqué que l'acte a été remis à personne morale suivant les modalités ci-après : "Je me suis transporté à l'adresse ci-dessus, et là étant, la copie du présent a été remise à Mme [N] [B], secrétaire ainsi déclaré(e), qui a affirmé être habilité(e) à recevoir copie de l'acte, et confirmé que le domicile ou siège social du destinataire était toujours à cette adresse. La lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile a été adressée ce jour ou le premier jour ouvrable suivant la date du présent, au domicile du destinataire ci-dessus, avec copie de l'acte. Le cachet de l'huissier est apposé sur l'enveloppe."
Il sera rappelé qu'en vertu de l'article 1371 du code civil, l'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté.
En l'espèce, il sera relevé que la société Lutèce n'a engagé aucune procédure d'inscription de faux devant une juridiction civile en application des articles 303 et suivants du code de procédure civile. Par ailleurs, si la société Lutèce verse aux débats un procès-verbal du 6 mai 2022 établi par un officier de police judiciaire de la compagnie de gendarmerie départementale de [Localité 6] consignant la plainte pénale de son dirigeant à l'encontre de l'huissier de justice et de la société Rénoval, il sera observé que le dirigeant ne qualifie pas de faux l'acte de signification et se contente d'indiquer : "Nous n'avons pas reçu en mains propres la signification de la requête et d'ordonnance d'injonction de payer à la demande de l'huissier de justice. Nous n'avons même jamais reçu la signification de requête et d'ordonnance d'injonction de payer. Par conséquent, nous souhaitons déposer plainte contre l'huissier de justice et la société Rénoval. Madame [N] [B], secrétaire de la société ici présente, peut témoigner qu'elle n'a pas reçu la signification de requête et d'ordonnance portant injonction de payer en date du 24 février 2020." En outre, la société Lutece ne justifie pas de l'engagement de poursuites pénales à la suite de cette plainte de sorte que les dispositions de l'article 312 du code de procédure civile, imposant qu'il soit sursis au jugement civil jusqu'à ce qu'il ait été statué au pénal, ne s'appliquent pas.
Il en résulte que les mentions portées dans l'acte authentique dressé par Me [F] font foi et qu'aucune nullité ne peut être encourue de ce chef. Le fait qu'il soit mentionné que l'acte a été remis à Mme [B] [N], se déclarant secrétaire de la société Lutèce et habilitée à recevoir copie de l'acte, ne saurait entraîner la nullité de l'acte dès lors que la personne à laquelle l'acte a été remis est parfaitement identifiable comme étant Mme [B] [N], secrétaire de la société Lutèce.
Il sera rappelé que l'article 658 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit qu'en cas de signification faite à une personne morale, l'huissier avise l'intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage et contenant en outre une copie de l'acte de signification.
La société Lutèce ne peut donc se prévaloir de la mention à l'acte de l'observation des formalités prescrites à l'article 658 du code de procédure civile pour soutenir que l'acte a été délivré à domicile.
En conséquence, l'acte a bien été délivré à personne et non pas à domicile.
Par ailleurs, l'article 1413 du code de procédure civile prévoit que :
"A peine de nullité, l'acte de signification de l'ordonnance portant injonction de payer contient, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, sommation d'avoir :
- soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l'ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé ;
- soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et de l'ensemble du litige.
Sous la même sanction, l'acte de signification :
- indique le délai dans lequel l'opposition doit être formée, le tribunal devant lequel elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite ;
- avertit le débiteur qu'il peut prendre connaissance au greffe des documents produits par le créancier et qu'à défaut d'opposition dans le délai indiqué il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit de payer les sommes réclamées. "
L'article 1414 du même code indique que : "Si la signification est faite à la personne du débiteur et à moins qu'elle ne soit effectuée par voie électronique, l'huissier de justice doit porter verbalement à la connaissance du débiteur les indications mentionnées à l'article 1413 ; l'accomplissement de cette formalité est mentionné dans l'acte de signification."
En l'espèce, contrairement à ce que soutient la société Lutèce, l'acte de signification mentionne bien le tribunal devant lequel doit être formée l'opposition puisqu'il est précisé que : "L'opposition doit être formée au greffe de la juridiction qui a rendu l'ordonnance présentement signifiée" et que l'ordonnance a été rendue par le président du tribunal de commerce de Meaux. Ces mentions portent ainsi clairement l'indication que l'opposition doit être formée au greffe du tribunal de commerce de Meaux. Il sera en outre relevé que le texte n'impose pas d'indiquer l'adresse de la juridiction. Ainsi aucune nullité de l'acte de signification ne peut être prononcée pour ces motifs.
Enfin l'acte de signification du 24 février 2020 précise que : "Si le présent acte vous a été signifié à personne, les indications mentionnées à l'article 1413 du code de procédure civile vous ont été verbalement rappelées." Cette mention atteste suffisamment de la délivrance par l'huissier de l'information orale. Ainsi l'acte litigieux ne peut être critiqué de ce chef.
En conséquence, la demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte de signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 30 janvier 2020 dressé le 24 février 2020 sera rejetée.
Sur la demande de sursis à statuer
La société Lutece demande qu'il soit sursis à statuer dans l'attente des suites données à sa plainte pénale pour faux.
La société Rénoval répond que le dépôt de plainte ne constitue pas un motif de sursis à statuer.
L'article 312 du code de procédure civile dispose que : "Si des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs ou complices du faux, il est sursis au jugement civil jusqu'à ce qu'il ait été statué au pénal, à moins que le principal puisse être jugé sans tenir compte de la pièce arguée de faux ou qu'il y ait eu, sur le faux, renonciation ou transaction."
Ainsi qu'il a été ci-dessus jugé, la société Lutece ne justifie pas de l'engagement de poursuites pénales à la suite de cette plainte de sorte que les dispositions de l'article 312 du code de procédure civile imposant qu'il soit sursis au jugement civil jusqu'à ce qu'il ait été statué au pénal ne s'appliquent pas.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer.
Sur la recevabilité de l'opposition
En application de l'article 1416 du code de procédure civile, l'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance.
Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.
En l'espèce, la signification de l'ordonnance d'injonction de payer ayant été faite à personne le 24 février 2020, la société Lutèce devait former opposition dans le mois de cette signification, soit jusqu'au 24 mars 2020.
Toutefois l'article 1 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période a prévu que : "Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus." et l'article 2 de cette ordonnance a indiqué que : "Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois."
Le délai pour faire opposition expirant entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, la société Lutèce avait jusqu'au 24 juillet 2020 pour faire opposition en application des dispositions précitées. Or il est constant qu'elle a formé opposition le 1er octobre 2020, soit après l'expiration du délai imparti. L'opposition est donc irrecevable et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la date à laquelle la formule exécutoire pouvait être apposée
La société Lutèce demande l'annulation et à défaut la réformation du jugement pour avoir considéré que l'ordonnance portant injonction de payer du 30 janvier 2020 était devenue exécutoire le 20 mai 2020.
La société Rénoval fait valoir que quand bien même la formule exécutoire aurait été apposée prématurément sur l'ordonnance du 30 janvier 2020, cela n'aurait aucune incidence sur le cours du délai d'opposition.
L'article 1422 du code de procédure civile dispose que :
"En l'absence d'opposition dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance portant injonction de payer, quelles que soient les modalités de la signification, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l'apposition sur l'ordonnance de la formule exécutoire. Le désistement du débiteur obéit aux règles prévues aux articles 400 à 405.
L'ordonnance produit tous les effets d'un jugement contradictoire. Elle n'est pas susceptible d'appel même si elle accorde des délais de paiement."
En l'espèce, il ressort de ce qui précède que la formule exécutoire ne pouvait pas être apposée le 20 mai 2020 par le greffe du tribunal de commerce de Meaux dès lors que l'ordonnance était encore susceptible d'opposition jusqu'au 24 juillet 2020. Le jugement entrepris sera rectifié sur ce point sans que ce grief puisse être cause de nullité. Par ailleurs, ainsi que le soutient la société Rénoval, cette erreur n'a aucune incidence sur l'ouverture du droit à opposition de la société Lutèce.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Lutèce succombe à l'instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société Lutèce sera condamnée aux dépens d'appel. Concernant les dépens relatifs à la procédure d'injonction de payer, il est indiqué dans l'ordonnance d'injonction de payer qu'ils sont à la charge de la société Lutèce. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point. La société Lutèce sera condamnée à payer à la société Rénoval une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande sur ce point sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Rejette la demande de nullité de l'acte de signification du 24 février 2020 dressé sur la requête de la société Rénoval à la SAS Lutèce par ministère de Me [G] [F], huissier, membre de la société CDJ Meaux ;
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente des suites données à la plainte pénale de la société Lutèce ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a indiqué que l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Meaux était devenue exécutoire le 20 mai 2020 ;
Y ajoutant,
Condamne la société Lutèce à payer à la société Rénoval une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de la société Lutèce au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la société Lutèce aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE