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07/03/2024 | FRANCE | N°21/09839

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 07 mars 2024, 21/09839


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 07 MARS 2024



(n° 2024/ , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09839 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXRS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 20/00284





APPELANTE



Madame [B] [L]

[Adresse 2]

[A

dresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L69, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUA...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 07 MARS 2024

(n° 2024/ , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09839 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXRS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 20/00284

APPELANTE

Madame [B] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L69, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d'ORLEANS

INTIMEE

SARL LOGIA IMMOBILIER

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Cédric BEUTIER, avocat au barreau de NANTES

PARTIE INTERVENANTE

S.A.S.U MSO IMMOBILIER

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Cédric BEUTIER, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [B] [L] a été engagée par la société Logia immobilier, exploitant une agence immobilière à [Adresse 1], par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er mars 2013 en qualité d'assistante commerciale, statut employé, niveau E3, moyennant une rémunération mensuelle fixe de 1 948,50 euros bruts, un treizième mois et une rémunération sur le chiffre d'affaires location hors taxe généré par son intervention directe.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'immobilier du 9 septembre 1988.

A compter du 18 mars 2015 et jusqu'au 14 avril 2016, Mme [L] a été placée en arrêt maladie.

Par avenant du 14 avril 2016, les parties ont convenu que Mme [L] exercerait ses fonctions en mi-temps thérapeutique, ce qui a été le cas jusqu'à la mi-novembre 2016.

A compter du 15 novembre 2016, Mme [L] a de nouveau été placée en arrêt maladie. Par avis du 14 mars 2018, le médecin du travail l'a déclarée apte sur un poste à temps partiel, sans déplacement.

A compter du mois d'avril 2018, Mme [L] a de nouveau été placée en arrêt maladie, lequel a fait l'objet de prolongations successives.

Par lettre du 26 décembre 2018, Mme [L] a fait part à son employeur de ses interrogations sur le chiffre d'affaires, ses jours de congés payés, ses primes d'ancienneté et sur le chiffre d'affaires.

La société Logia immobilier a répondu par courrier du 17 janvier 2019.

Mme [L] a sollicité, par lettre du 21 février suivant, le paiement de ses primes d'ancienneté et sur chiffre d'affaires ainsi que le rétablissement sur son bulletin de paie de 41 jours de congés payés, et a relancé son employeur le 13 mars 2019.

Par courrier du 22 mars 2019, la société Logia immobilier a répondu en s'opposant aux demandes.

Par lettre de son conseil du 24 février 2020, Mme [L] a mis en demeure la société Logia immobilier de lui verser diverses sommes, cette dernière ayant par l'intermédiaire de son conseil contesté lui devoir quelque somme que ce soit par courrier du 2 mars 2020.

Le 9 juin 2020, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes en résiliation judiciaire de son contrat de travail, dommages et intérêts et paiement. Par jugement du 15 octobre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, cette juridiction a débouté Mme [L] de l'intégralité de ses demandes, débouté la société Logia immobilier sous le nom commercial Guy Hoquet de sa demande reconventionnelle et laissé les entiers dépens à la charge de Mme [L].

Par déclaration transmise par voie électronique le 1er décembre 2021, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement dont elle a reçu notification le 5 novembre 2021.

Par acte du 23 février 2022, Mme [L] a assigné en intervention forcée la société MSO immobilier à laquelle la société Logia immobilier a cédé son fonds de commerce.

Par conclusions n°4 transmises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 7 novembre 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [L] demande à la cour de :

- déclarer Mme [L] recevable et bien fondée en son appel, y faire droit ;

- déclarer les sociétés MSO immobilier et Logia immobilier mal fondées en leurs demandes, moyens, fins et prétentions, y compris à titre d'appel incident ;

- rejeter tout appel incident adverse ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes ;

statuant à nouveau

à titre principal

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [L] aux torts exclusifs de la société MSO immobilier nouvel employeur et de la société Logia immobilier ancien employeur ;

- condamner in solidum les sociétés MSO immobilier et Logia immobilier à payer à Mme [L] les sommes suivantes :

* 3 500 euros à titre de prime d'ancienneté,

* 12 000 euros à titre de prime contractuelle,

* 750,31 euros à titre du 13ème mois,

* 750,31 euros à titre de congés payés,

* 6 630 euros de congés payés pendant la période de maladie,

* 4 420 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 442 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 184 euros à titre de 13ème mois,

* 3 867 euros à titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 53 040 euros en net à titre d'indemnité pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

* 26 520 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- condamner in solidum les sociétés MSO immobilier et Logia immobilier à remettre à Mme [L] les décomptes AGEO sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ne prononcerait pas la résiliation judiciaire

- condamner in solidum les sociétés MSO immobilier et Logia immobilier à payer à Mme [L] la prime d'ancienneté et la prime contractuelle de 1% du chiffre d'affaires jusqu'au 16 décembre 2021, date de la cession du fonds de commerce ;

- condamner la société MSO Immobilier nouvel employeur à payer seul à compter du 17 décembre 2021 à Mme [L] la prime d'ancienneté et la prime contractuelle due jusqu'au 'rendu' de l'arrêt ;

en tout état de cause

- condamner in solidum les sociétés MSO immobilier et Logia immobilier à payer à Mme [L] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 24 octobre 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, les sociétés Logia immobilier et MSO immobilier demandent à la cour de :

- déclarer Mme [L] mal fondée en son appel ;

- juger irrecevables les demandes nouvelles de Mme [L] au titre d'un licenciement nul et des congés payés pendant la période de maladie ;

en tout état de cause,

- confirmer le jugement ;

- débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [L] à verser aux sociétés Logia immobilier et MSO immobilier la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2023.

A l'audience, la magistrate chargée du rapport a soulevé :

- l'éventuelle irrecevabilité des demandes nouvelles de l'appelante de nullité du licenciement et au titre des congés payés pendant la période de maladie sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile ;

- l'absence de reprise au dispositif des conclusions des sociétés de la fin de non-recevoir tirée de la prescription du harcèlement moral et ses conséquences au regard de l'article 954 du code de procédure civile ;

en laissant un délai de 15 jours aux parties pour présenter leurs observations sur ce point par note en délibéré.

Seul le conseil de Mme [L] a adressé une note en réponse le 21 novembre 2023, qui porte exclusivement sur la question de la recevabilité de la demande de nullité du licenciement ne figurant pas dans les premières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour observe à titre préalable que bien qu'ayant interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire à hauteur de 283 euros, Mme [L] ne réclame pas cette somme de sorte que le jugement est confirmé de ce chef et que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a débouté la société Logia immobilier de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral

Mme [L] prétend avoir été victime de faits de harcèlement moral commis par l'employeur en la personne de M. [S], directeur d'agence. Elle se fonde sur plusieurs attestations établissant selon elle les paroles blessantes, agressives, vexatoires tenues à son encontre et le fait qu'elle avait été mise à la disposition de ce dernier pour lui servir de chauffeur lorsque son permis de conduire lui avait été retiré. Elle réclame des dommages et intérêts à hauteur de 26 520 euros.

Les sociétés répliquent que les faits allégués au soutien du harcèlement moral sont prescrits car datant d'avant 2015. Elles contestent tout harcèlement, notant que Mme [L] n'en a jamais fait état avant sa saisine du conseil, que les attestations produites ne sont pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile, que l'une émane d'un salarié licencié pour faute grave et que l'appelante ne produit aucun élément médical.

En application de l'article 954, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En l'espèce, aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande relative au harcèlement moral ne figure au dispositif des écritures des sociétés, étant souligné par ailleurs que le conseil de prud'hommes n'a pas lui-même statué sur cette fin de non-recevoir, ayant débouté Mme [L] de sa demande au motif que le harcèlement moral n'était pas caractérisé. La cour n'a donc pas à statuer sur la prescription seulement évoquée dans le corps des écritures des sociétés.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code dans sa version antérieure à celle issue de la loi du 8 août 2016 s'agissant du harcèlement moral allégué antérieur au 8 août 2016, dispose que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le même article dispose en son alinéa premier, dans sa version issue de la loi du 8 août 2016, que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Il appartient ainsi au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au cas présent, Mme [L] invoque :

- la première attestation de M. [E] : la cour note que contrairement à ce que prescrit l'article 202 du code de procédure civile, elle n'est pas écrite de la main de son auteur puisque dactylographiée, qu'elle relate des faits pour partie étrangers au litige, des considérations générales sur l'état de Mme [L] ainsi que des propos rapportés par cette dernière et que si M. [E] dit avoir entendu une fois des paroles désobligeantes à l'égard de Mme [L], son attestation n'est pas suffisamment circonstanciée faute d'indiquer la date ou l'époque où elles ont été tenues ainsi que tout élément permettant d'identifier son auteur ;

- l'attestation de M. [I] : les sociétés justifient que celui-ci a été licencié pour faute grave par la société Logia immobilier de sorte que l'attestation ne présente pas les garanties de sincérité requises ;

- l'attestation de Mme [J] : elle n'est pas circonstanciée concernant le ton et la nature des propos tenus par l'employeur à l'égard de Mme [L] ;

- l'attestation de Mme [W] : il ne résulte pas de l'attestation que Mme [W], qui a connu Mme [L] en 2002 dans un autre cadre professionnel et dit être restée en contact avec elle, a été personnellement témoin de faits commis par l'employeur de Mme [L] ;

- l'attestation de M. [R] : cette attestation, dactylographiée, n'est pas circonstanciée, faute de préciser la date ou l'époque des propos tenus à l'égard de Mme [L], qui ne sont pas non plus cités ;

- l'attestation de Mme [V] : elle n'est pas probante, faute de préciser comment cette personne a pu entendre les propos tenus au téléphone par une interlocutrice de Mme [L] et de décrire dans le détail le contenu des échanges téléphoniques avec Mme [U] qu'elle évoque ;

- l'attestation de Mme [G] [L] : cette attestation n'est pas probante en ce qu'elle émane de la soeur de l'appelante et ne fait que relater les dires de cette dernière au sujet de son employeur ;

- l'attestation de Mme [C] : elle n'est pas non plus probante, ne faisant que relater l'état de Mme [L], sans que Mme [C] ait été directement témoin de faits commis par son employeur ;

- l'attestation de Mme [D] : elle encourt les mêmes critiques, Mme [D] étant la coiffeuse de Mme [L], son attestation étant au surplus dactylographiée ;

- l'attestation de Mme [F] : il ne résulte pas de l'attestation que Mme [F] a été personnellement témoin des faits qu'elle relate, outre que l'attestation n'est pas circonstanciée ;

- l'attestation de Mme [K] : elle n'est pas circonstanciée concernant l'altercation évoquée ;

- l'attestation de Mme [A] : cette dernière n'a pas été personnellement témoin des faits qu'elle relate, reproduisant les dires de Mme [L] ;

- l'attestation de Mme [T] : cette attestation, dactylographiée, encourt les mêmes critiques que la précédente, Mme [T] étant une amie de Mme [L] ;

- l'attestation de Mme [P] : cette attestation ne rapporte pas non plus, s'agissant de l'attitude imputable à l'employeur, des faits dont Mme [P] a été personnellement témoin ;

- l'attestation de Mme [Z] : cette attestation, dactylographiée, qui émane d'une amie de Mme [L] n'évoque pas non plus de faits imputables à son employeur dont Mme [Z] a été personnellement témoin ;

- l'avis d'arrêt de travail du 31 juillet 2023 prescrivant à Mme [L] une prolongation de l'arrêt jusqu'au 31 octobre suivant.

Les attestations ne sont pas probantes des faits allégués par Mme [L]. Cette dernière ne présente donc pas de faits matériellement établis qui pris dans leur ensemble laissent supposer ou permettent de présumer des agissements de harcèlement moral de sorte qu'elle est déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le rappel au titre de la prime d'ancienneté

Mme [L] se plaint que son employeur a cessé de lui payer la prime d'ancienneté prévue par la convention collective en janvier 2018. Elle soutient que son congé maladie ne justifie pas ce non-paiement, notant qu'elle l'a perçue pendant 14 mois alors qu'elle était en arrêt maladie. Elle invoque qu'il s'est créé un usage justifié dès lors que la prime d'ancienneté ne correspond pas à un travail effectivement fourni. Elle prétend que le versement de certaines primes n'est pas soumis à la présence effective du salarié et qu'il en est ainsi de la prime d'ancienneté généralement instaurée pour récompenser la fidélité des salariés. Elle réclame à ce titre la somme de 3 500 euros.

Les sociétés répliquent qu'en dehors de la période pendant laquelle il a droit au maintien du salaire, il est de principe que l'inexécution de son travail par le salarié dont le contrat est suspendu par suite d'une maladie fait disparaître l'obligation pour l'employeur de le rémunérer et que l'erreur n'est pas créatrice de droit. Elles allèguent qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne prévoit le maintien du versement de la prime d'ancienneté pendant l'absence pour maladie et qu'au contraire, il résulte des articles 36 et 37.3.1 de la convention collective qu'il n'y a pas maintien de la prime d'ancienneté en cas d'absence dès lors que le salaire n'est pas lui-même maintenu.

En cas de suspension du contrat de travail, il convient de se référer aux conditions d'attribution de la prime en cause pour déterminer si le bénéfice de la prime est ou non lié à la présence effective du salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, ainsi qu'en conviennent les parties, la prime d'ancienneté est prévue par la convention collective nationale de l'immobilier. L'article 36 de ladite convention énonce que pour tenir compte de l'expérience acquise dans l'entreprise, le salaire global brut mensuel contractuel est majoré d'une certaine somme tous les 3 ans, au 1er janvier suivant la date d'anniversaire, et que le décompte de l'ancienneté pour déterminer le versement de la prime d'ancienneté se fait à compter de la dernière période de 3 ans calculée depuis la date de l'embauche, le premier versement intervenant le 1er janvier suivant le terme de cette période. L'article 37.3.1. prévoit que le salaire global brut mensuel correspond au salaire réel perçu par le salarié et convenu entre les parties.

Il ne résulte pas de ces dispositions que la prime d'ancienneté, destinée à tenir compte de l'expérience et déterminée en fonction de l'ancienneté calculée sur les années de présence, soit conditionnée à la présence effective du salarié et puisse être supprimée pendant ses absences pour maladie.

En conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'usage, Mme [L] est fondée à soutenir que son absence pour maladie ne justifie pas le non-versement de la prime. Les sociétés ne prouvent pas avoir payé depuis janvier 2018 ladite prime qui s'élevait jusqu'en décembre 2017 à 25 euros par mois selon les bulletins de paie. Compte tenu de la date d'embauche de Mme [L] et des versions successivement en vigueur de l'article 36 précité déterminant le montant à appliquer, Mme [L] est en droit de réclamer à ce titre la somme de 3 435 euros arrêtée au mois d'octobre 2023, le jugement qui l'a déboutée de ce chef étant infirmé.

Sur le rappel au titre de la prime de 1% sur le chiffre d'affaires

Mme [L] se plaint que son employeur a cessé de lui payer la prime sur le chiffre d'affaires en novembre 2018. Elle soutient que son congé maladie ne justifie pas ce non-paiement, notant qu'elle l'a perçue pendant 2 ans alors qu'elle était en arrêt maladie. Elle invoque qu'il s'est créé un usage justifié dès lors que cette prime s'explique par sa notoriété dans le milieu de l'immobilier. Elle prétend aussi que la convention collective applicable prévoit en son article 24 un maintien du salaire en cas d'arrêt maladie dans des conditions plus favorables que celles du code du travail. Elle réclame à ce titre la somme de 12 000 euros.

Les sociétés répliquent qu'en dehors de la période pendant laquelle il a droit au maintien du salaire, il est de principe que l'inexécution de son travail par le salarié dont le contrat est suspendu par suite d'une maladie fait disparaître l'obligation pour l'employeur de le rémunérer et que l'erreur n'est pas créatrice de droit. Elles allèguent qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne prévoit le maintien du versement de la prime de 1% sur le chiffre d'affaires pendant l'absence pour maladie et que ce commissionnement a pour objet de récompenser l'activité effective de la salariée.

Constitue un usage la pratique constante, générale et fixe, ces conditions étant cumulatives.

Au cas présent, les caractères de constance et de généralité ne sont pas établis dès lors que la prime en cause a cessé d'être versée à Mme [L] en novembre 2018 alors qu'avant comme après, elle était en arrêt maladie et qu'il n'est pas justifié, ni même invoqué que l'avantage allégué ait été accordé à l'ensemble des salariés ou à une catégorie déterminée d'entre eux. Le moyen tiré de l'usage invoqué par Mme [L] au soutien de sa demande n'est donc pas fondé.

L'article 24.2 de la convention collective applicable prévoit un maintien de la rémunération du salarié malade en cas d'indisponibilité dûment justifiée et sous réserve de prise en charge par la sécurité sociale, à hauteur de 90% du salaire brut mensuel défini à l'article 37.3.1 pendant 90 jours après 3 ans de présence dans l'entreprise et 110 jours après 8 ans de présence.

En l'espèce, Mme [L], qui a été engagée à compter du 1er mars 2013 et qui est en arrêt maladie depuis le 4 avril 2018 comme elle l'indique, ne prouve pas remplir les conditions de maintien de la rémunération pour la période concernée commençant en novembre 2018 au regard notamment de la durée de sa présence dans l'entreprise ainsi que de la durée de son arrêt de travail. En conséquence, le moyen tiré du maintien de la rémunération ne saurait en tout état de cause justifier sa demande.

Ainsi que rappelé ci-dessus, en cas de suspension du contrat de travail, il convient de se référer aux conditions d'attribution de la prime en cause pour déterminer si le bénéfice de la prime est ou non lié à la présence effective du salarié dans l'entreprise.

Il résulte des explications des parties et des pièces versées aux débats que la prime de 1% sur le chiffre d'affaires, non prévue par le contrat de travail, a été payée par la société Logia immobilier à Mme [L] à compter du mois de février 2014. Cette dernière prétend que le versement de cette prime se justifie par sa notoriété et sa très bonne image dans le milieu de l'immobilier mais ne produit aucun élément étayant ses allégations alors que selon les sociétés, la prime lui a été versée pour tenir compte de l'incidence du chiffre d'affaires transaction réalisé par l'agence sur ses fonctions d'assistance commerciale, notamment sur ses tâches relatives au suivi des dossiers de vente auprès des notaires en découlant, ce qui est d'ailleurs indiqué dans la lettre de la société Logia immobilier en réponse au courrier de la salariée du 26 décembre 2018. Le bénéfice de la prime est ainsi lié à la présence effective de la salariée dans l'entreprise.

Il s'ensuit que Mme [L] doit être déboutée de sa demande en paiement au titre de la prime de 1% sur le chiffre d'affaires, le jugement étant de ce chef confirmé.

Sur le rappel au titre du treizième mois

Devant la cour, Mme [L] réclame la somme de 750,31 euros au titre du treizième mois sans s'expliquer sur cette demande.

L'article 37.3.2. de la convention collective applicable précise que le salaire global brut annuel contractuel correspond à treize fois le salaire global brut mensuel contractuel, étant rappelé que l'article 36 de ladite convention prévoit que pour tenir compte de l'expérience acquise dans l'entreprise, le salaire global brut mensuel contractuel est majoré d'une certaine somme.

Il s'ensuit que le rappel octroyé par la cour au titre de la prime d'ancienneté est sans effet au regard du treizième mois.

Par ailleurs, Mme [L] a été déboutée de sa demande en paiement relative à la prime de 1% sur le chiffre d'affaires de sorte qu'en tout état de cause, il n'existe pas non plus d'incidence à ce titre sur le treizième mois.

Mme [L] doit donc être aussi déboutée de sa demande portant sur la somme de 750,31 euros.

Sur les rappels au titre des congés payés

- sur le rappel de congés payés à hauteur de 750,31 euros :

Dans le dispositif de ses conclusions, Mme [L] réclame la somme de 750,31 euros à titre de congés payés sans s'expliquer sur cette demande dans le corps de ses écritures, étant précisé qu'en première instance, Mme [L] sollicitait la somme de 402 euros à titre de congés payés afférents à la prime sur chiffre d'affaires de 4 029,13 euros qui était par ailleurs réclamée et que la demande de 750,31 euros à titre de congés payés figure dès son premier jeu de conclusions du 17 février 2022.

Mme [L] a été déboutée de sa demande à titre de congés payés afférents à la prime sur le chiffre d'affaires par le conseil de prud'hommes sans que cette dernière ne développe un quelconque moyen au soutien de sa demande d'infirmation de ce chef. En tout état de cause, elle est déboutée par le présent arrêt de sa demande relative à la prime de 1% sur le chiffre d'affaires, si bien qu'elle ne peut prétendre à une indemnité des congés payés afférents à ces titres.

Mme [L] a aussi été déboutée de sa demande au titre du treizième mois de sorte qu'en toute hypothèse, elle ne peut non plus prétendre à une indemnité des congés payés afférents.

En revanche, un rappel au titre de la prime d'ancienneté lui a été accordé.

La rémunération à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de congés payés est la rémunération totale du salarié, incluant les primes et indemnités versées en complément du salaire si elles sont versées en contrepartie ou à l'occasion du travail, ce qui inclut les primes d'ancienneté.

La prime d'ancienneté est prise en compte dans l'assiette du salaire pour le calcul de l'indemnité de congés payés sauf si elle est versée pour l'année entière, période de congés payés incluse.

En l'espèce, la prime d'ancienneté qui est accordée à Mme [L] par la présente décision couvre tous les mois des années concernées. En conséquence, elle ne peut entrer dans le calcul de l'indemnité de congés payés.

Mme [L] est déboutée de sa demande portant sur la somme de 750,31 euros à titre de congés payés.

- sur le rappel de congés payés pendant la période de maladie à hauteur de 6 630 euros :

Mme [L] réclame la somme de 6 630 euros à titre de congés payés pendant la période de maladie. Elle fait valoir qu'afin de se mettre en conformité avec le droit de l'Union européenne, la Cour de cassation a rendu le 13 septembre 2023 plusieurs arrêts permettant l'acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel. Elle s'estime fondée à solliciter une indemnité de congés payés correspondant à trois années d'absence pour maladie.

Les sociétés soulèvent l'irrecevabilité de la demande au visa des articles 908 et 954 du code de procédure civile au motif qu'elle a été présentée pour la première fois dans des conclusions notifiées le 13 octobre 2023, au delà du délai prescrit à l'article 908. A l'audience, a été soulevée d'office l'éventuelle irrecevabilité de la demande au titre des congés payés pendant la période de maladie sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile, un délai de 15 jours ayant été laissé aux parties pour présenter leurs observations. Aucune note en délibéré n'a été transmise sur ce point.

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile :

A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Ce texte institue un principe de concentration temporelle des prétentions dans les conclusions remises au greffe et notifiées dans les délais ci-dessus cités, soit dans le délai prévu à l'article 908 pour l'appelant principal, et des exceptions à ce principe, dans l'hypothèse notamment où il s'agit de faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, Mme [L] justifie sa demande par plusieurs arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, en particulier l'arrêt rendu dans le pourvoi n° 22-17.340 qui énonce :

5. Aux termes de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés.

6. En application de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son état de santé.

7. Aux termes de l'article L. 3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.

8. Le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l'Union (CJUE 6 novembre 2018, Stadt Wuppertal c/ Bauer, C-569/16 et Willmeroth c/ Broßonn, C- 570/16, point 80).

9. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat (CJUE Schultz-Hoff, 20 janvier 2009, C-350/06, point 41 ; CJUE 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, point 20).

10. La Cour de Justice de l'Union européenne juge qu'il incombe à la juridiction nationale de vérifier, en prenant en considération l'ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit permettant de garantir la pleine effectivité de l'article 7 de la directive 2003/88/CE et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (CJUE, 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10).

11. Par arrêt du 6 novembre 2018 (Stadt Wuppertal c/ Bauer, C-569/16 et Willmeroth c/ Broßonn, C- 570/16), la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé qu'en cas d'impossibilité d'interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l'article 7 de la directive 2003/88/CE et l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée. La Cour de Justice de l'Union européenne précise que cette obligation s'impose à la juridiction nationale en vertu de l'article 7 de la directive 2003/88/CE et de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux lorsque le litige oppose un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité d'autorité publique et en vertu de la seconde de ces dispositions lorsque le litige oppose le bénéficiaire à un employeur ayant la qualité de particulier.

12. La Cour de cassation a jugé que la directive 2003/88/CE ne pouvant permettre, dans un litige entre des particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire, un salarié ne peut, au regard de l'article L. 3141-3 du code du travail, prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés au titre d'une période de suspension du contrat de travail ne relevant pas de l'article L. 3141-5 du code du travail (Soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, Bull. V, n° 73).

13. S'agissant d'un salarié, dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, les dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail, qui subordonnent le droit à congé payé à l'exécution d'un travail effectif, ne permettent pas une interprétation conforme au droit de l'Union.

14. Dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale.

15. Il convient en conséquence d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail.

Cet arrêt qui constitue un revirement caractérise un fait survenu ou révélé après les premières conclusions de Mme [L]. Il ouvre la possibilité, contrairement à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, aux salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d'une maladie non professionnelle, ce qui est précisément le cas de Mme [L], de prétendre à l'acquisition de droits à congés payés durant cette période de suspension alors que cette dernière réclamait déjà en première instance et dans ses premières conclusions un rappel de congés payés à d'autres titres. En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande présentée pour la première fois dans les conclusions n°2 de Mme [L] du 13 octobre 2023 au regard de ses conclusions remises et notifiées dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile.

Il est constant au vu des explications des parties et des pièces versées aux débats que Mme [L] est en arrêt pour maladie non professionnelle depuis le printemps 2018. Elle est fondée à prétendre qu'elle a continué à acquérir des droits à congés payés durant les trois années qui ont précédé ses conclusions dès lors que selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, la directive 2003/88/CE précitée n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période, que s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat et que doit être écartée partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle.

Mme [L] dont le salaire de base s'élève à 1 948,50 euros et qui a déjà été déboutée de sa demande de rappel de congés payés sur la prime sur chiffre d'affaires et sur la prime d'ancienneté est fondée à réclamer la somme de 5 845,50 euros à titre de rappel de congés payés pendant la période de maladie.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail et ses conséquences financières

Sur l'irrecevabilité de la demande relative au licenciement nul

Les sociétés soulèvent l'irrecevabilité de la demande au visa des articles 908 et 954 du code de procédure civile au motif qu'elle a été présentée pour la première fois dans des conclusions notifiées le 13 octobre 2023, au delà du délai prescrit à l'article 908. A l'audience, a été soulevée d'office l'éventuelle irrecevabilité de la demande au titre du licenciement nul sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile, un délai de 15 jours ayant été laissé aux parties pour présenter leurs observations.

Par note du 20 novembre 2023, Mme [L] répond que la demande de nullité du licenciement tend aux mêmes fins que la demande initiale au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et que dès les premières conclusions, le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur a été demandé, le fait qu'elle prenne la forme d'un licenciement nul ne constituant pas une prétention nouvelle sur le fond au sens de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions remises le 17 février 2022, dans le délai de l'article 908 précité, Mme [L] a demandé à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur et de lui allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Puis, aux termes de ses conclusions n°2 transmises le 13 octobre 2023, elle a maintenu sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire et réclamé la somme de '53 040 euros en net à titre d'indemnité pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse'.

Les demandes au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse puis d'un licenciement nul visent à l'indemnisation des conséquences d'un licenciement considéré comme injustifié et tendent à la même fin au sens de l'article 565 du code de procédure civile. Cependant cette règle est indifférente au regard de l'article 910-4 ci-dessus rappelé, étant souligné que la demande d'indemnité pour licenciement nul apparue dans les conclusions de Mme [L] du 13 octobre 2023 est une prétention sur le fond. Cette prétention n'est pas destinée à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. La demande d'indemnité pour licenciement nul doit donc être déclarée irrecevable.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour apprécier la gravité des manquements reprochés à l'employeur, le juge prend en compte l'ensemble des événements survenus jusqu'à l'audience ou jusqu'à la rupture du contrat de travail si celle-ci est antérieure.

En l'espèce, Mme [L] invoque les manquements suivants pour justifier sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail :

- les agissements de harcèlement moral subis par elle ;

- le manquement de l'employeur à son obligation de son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels ;

- le manquement de l'employeur à ses obligations en termes de paiement de salaire.

Les sociétés contestent l'existence de manquements justifiant la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

- sur le harcèlement moral :

Il résulte des énonciations précédentes que le harcèlement moral n'est pas établi.

- sur le manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques :

Mme [L] soutient que bien qu'au courant de la situation de harcèlement subie par elle de la part de son supérieur hiérarchique, l'employeur n'est pas intervenu, l'appelante faisant valoir que l'employeur informé des faits de harcèlement est tenu de diligenter une enquête interne.

Les sociétés contestent tout manquement à ce titre, soulignant que lors des visites de reprise, notamment celle du 20 mars 2018, Mme [L] a été déclarée apte à la reprise de son poste à temps partiel et qu'elle n'a évoqué un harcèlement moral qu'après le refus de son employeur d'accéder à ses demandes financières, lors de sa saisine du conseil.

L'article L. L. 4121-1 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2017 dispose :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du même code énonce dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016 :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des textes susvisés, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

En l'espèce, les attestations précitées n'établissent pas que Mme [L] a alerté son employeur sur des agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime. Il n'est pas établi non plus que les arrêts maladie prescrits à Mme [L] ont alerté l'employeur sur le sujet, étant constant que celle-ci a été atteinte d'un cancer qui a justifié des arrêts de longue durée. La lettre de Mme [L] du 26 décembre 2018 destinée à la société Logia immobilier ne fait état que d'interrogations concernant son compteur de congés payés et les éléments de sa rémunération et sa lettre du 21 février 2019 ne contient que des réclamations sur ces points. De même le courrier qu'elle a de nouveau adressé le 13 mars 2019 à la société Logia immobilier s'analyse uniquement en une mise en demeure de lui payer diverses sommes et de lui communiquer divers éléments. La lettre de son conseil du 24 février 2020 porte exclusivement mise en demeure de lui payer quatre sommes. En définitive, ce n'est que dans sa requête introductive devant le conseil de prud'hommes reçue le 9 juin 2020 visant notamment au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail que Mme [L] a invoqué faire l'objet de manoeuvres de harcèlement, mettant en cause le comportement du directeur, M. [S], caractérisé par des remarques vexatoires devant la clientèle et la mise en cause de la qualité de son travail.

Les sociétés ne justifient, ni même n'invoquent avoir pris une quelconque mesure à la suite de cette dénonciation de harcèlement moral dont l'employeur a eu connaissance lors de sa convocation devant le conseil de prud'hommes, en particulier avoir diligenté une enquête sur les agissements invoqués par la salariée. Un manquement à l'obligation de sécurité est avéré.

- sur les manquements en matière de paiement de salaire :

Mme [L] se plaint :

* du non-paiement de la prime d'ancienneté depuis janvier 2018 et du non-paiement de la prime sur chiffre d'affaires depuis novembre 2018 :

Il résulte des énonciations précédentes que l'employeur a manqué à son obligation de payer la prime d'ancienneté depuis janvier 2018 mais qu'en revanche, le manquement allégué concernant la prime de 1% sur le chiffre d'affaires n'est pas fondé.

* du non-paiement d'une partie du salaire en avril 2018 :

Mme [L] fait valoir qu'en avril 2018, elle n'a été payée que pour 11 heures alors qu'elle a travaillé 22 heures si bien que l'employeur l'a privée injustement de 283 euros, outre le fait que l'employeur lui a demandé de rester à domicile en mars 2018.

Les sociétés rétorquent que Mme [L] n'apporte aucune explication ni justification sur ce point et qu'en dépit du temps partiel thérapeutique prescrit par le médecin du travail le 20 mars 2018, elle ne s'est jamais présentée à son poste de travail, les sociétés relevant en outre qu'aucune demande en paiement de la somme précitée ne figure au dispositif des conclusions de la salariée.

L'absence de demande de rappel de salaire à hauteur de 283 euros dans le dispositif des écritures de Mme [L] ne dispense pas la cour d'examiner ce manquement allégué au soutien de la demande de résiliation judiciaire.

Il convient de rappeler que par avis du 20 mars 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [L] 'apte sur un poste à temps partiel maximum 11 H/semaine'.

Au soutien de ce manquement, Mme [L] s'appuie sur un courriel de son employeur du mardi 20 mars 2018, en réponse à un courriel de sa part, par lequel celui-ci lui a demandé de rester chez elle jusqu'à la fin de la semaine dans la mesure où l'avenant à son contrat de travail n'avait pu être établi et lui a indiqué que les heures de travail prévues par la médecine du travail lui seraient payées. Elle invoque aussi un nouveau courriel de sa part du 8 avril suivant dans lequel elle s'est plainte auprès de son employeur, à la réception de bulletin de salaire de mars 2018, de n'avoir été rémunérée que pour 11 heures travaillées.

Il ne résulte pas de ces éléments que Mme [L] a été privée d'une partie de son salaire du mois d'avril 2018, étant observé que celle-ci indique par ailleurs qu'elle a été en arrêt de travail à partir du mercredi 4 avril 2018 et qu'elle ne peut donc avoir travaillé 22 heures en avril 2018, les 1er et 2 avril 2018 étant respectivement le dimanche et le lundi de Pâques. Ce manquement n'est pas avéré.

En définitive, sont établis un manquement à l'obligation de sécurité et celui résultant du non-paiement de la prime d'ancienneté. Ces manquements qui perdurent depuis de nombreux mois sont graves et justifient la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.

En conséquence, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de dire que celle-ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant de ce chef infirmé.

Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail

- sur l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice des congés payés afférents et le treizième mois afférent :

Sur la base d'un salaire moyen de 2 210 euros, Mme [L] réclame la somme de 4 420 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 442 euros à titre de congés payés afférents et celle de 184 euros à titre de treizième mois.

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ainsi que 32 de la convention collective applicable, Mme [L] a droit à un préavis de deux mois. L'incapacité de cette dernière à exécuter le préavis n'est pas établie, ni alléguée alors que cette inexécution est liée à la faute de l'employeur qui est à l'origine de la résiliation judiciaire du contrat de travail. L'indemnité compensatrice de préavis due à Mme [L] correspond au montant des salaires et avantages que la salariée aurait perçus si elle avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, soit la somme de 4 420 euros, outre celle de 442 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents et celle de 184 euros au titre de la prime de treizième mois à laquelle elle aurait eu droit si elle avait travaillé durant le préavis. La décision des premiers juges est infirmée à ce titre.

- sur l'indemnité de licenciement :

L'article 33 de la convention collective applicable dispose :

Pour les salariés ayant acquis 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur et conformément aux dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail, il est prévu une indemnité de licenciement, fixée à l'article R. 1234-2 du code du travail, qui ne peut être inférieure à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les 10 premières années, puis 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté à partir de la 11e année.

Mme [L] est dès lors en droit de prétendre à la somme de 3 867 euros qu'elle réclame, le jugement étant infirmé sur ce point.

- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Mme [L] demande à la cour d'écarter le barème prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail, en ce qu'il est contraire à l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT ainsi qu'à l'article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 et en ce qu'il n'a pas été revu depuis sa mise en place.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par le même article.

Selon l'article L. 1235-3-1 du même code, l'article 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues à son deuxième alinéa. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Enfin, selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Aux termes de l'article 24 de la Charte sociale européenne, en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s'engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.

L'annexe de la Charte sociale européenne précise qu'il est entendu que l'indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales.

La Charte réclame des Etats qu'ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu'elle leur fixe. En outre, le contrôle du respect de cette charte est confié au seul Comité européen des droits sociaux dont la saisine n'a pas de caractère juridictionnel et dont les décisions n'ont pas de caractère contraignant en droit français.

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Il résulte dès lors de ce qui précède que l'article 24 de la Charte sociale européenne n'a pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers de sorte que sa violation ne peut pas être valablement invoquée par Mme [L].

La cour relève que l'article 4 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) n'a pas trait à l'indemnisation du préjudice résultant d'un licenciement mais à sa justification et que le salarié n'est pas privé de la possibilité d'en contester judiciairement le motif.

Aux termes de l'article 10 de cette convention, si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Comme le soutient à juste titre Mme [L], ces stipulations sont d'effet direct en droit interne dès lors qu'elles créent des droits entre particuliers, qu'elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire.

Le terme 'adéquat' signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Il résulte des dispositions du code du travail précitées, que le salarié dont le licenciement est injustifié bénéficie d'une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et que le barème n'est pas applicable lorsque le licenciement du salarié est nul ce qui permet raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi. En outre, le juge applique d'office les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail. Ainsi, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré et les trois articles du code du travail précités sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Mme [L] ne précise pas l'origine exacte de l'obligation de révision du barème à laquelle elle se réfère. Si lors de sa 344ème session, le conseil d'administration de l'OIT a adopté le rapport du comité d'experts chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution par la France de la convention n°158, lequel comité a invité le gouvernement à examiner à intervalles réguliers, en concertation avec les partenaires sociaux, les modalités du dispositif d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-3, de façon à assurer que les paramètres d'indemnisation prévus par le barème permettent, dans tous les cas, une réparation adéquate du préjudice subi pour licenciement abusif, il ne s'agit pas d'une décision s'imposant au juge français. Et si le conseil d'administration de l'OIT a lui-même demandé au gouvernement de tenir compte de cette observation, le défaut d'examen allégué, à le supposer établi, est insuffisant pour justifier la non- application de l'article L. 1235-3 précité.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter ces dispositions qui sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention de l'OIT et il appartient à la cour d'apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par cet article, étant précisé que Mme [L] a acquis une ancienneté de 11 ans au moment de la rupture de son contrat de travail.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [L], de son âge (née en 1964), de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 7 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé en ce sens.

Ainsi que Mme [L] le demande, les sociétés Logia immobilier et MSO immobilier, qui ne contestent pas la cession du fonds de commerce intervenue entre elles et ne produisent pas cet acte, seront in solidum condamnées à lui payer les sommes allouées par le présent arrêt.

Sur la production des décomptes AGEO sous astreinte

Mme [L], qui a été déboutée de cette demande en première instance, ne développe aucun moyen au soutien de celle-ci. En conséquence, le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Logia immobilier et MSO immobilier qui succombent pour l'essentiel sont condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés étant déboutées de leur propre demande fondée sur cette disposition.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [L] de ses demandes au titre du salaire d'avril 2018, de la prime sur chiffre d'affaires, des congés payés afférents et de remise des décomptes AGEO ;

L'infirme en ses autres dispositions déférées à la cour ;

Statuant à nouveau et ajoutant :

Rejette la fin de non-recevoir soulevée en ce qui concerne la demande de congés payés sur la période de maladie ;

Déclare irrecevable la demande d'indemnité pour licenciement nul ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs de l'employeur ;

Condamne in solidum les sociétés Logia immobilier et MSO immobilier à payer à Mme [L] les sommes de :

- 3 435 euros à titre de rappel sur la prime d'ancienneté ;

- 5 845,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 4 420 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 442 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;

- 184 euros au titre de la prime de treizième mois afférente ;

- 3 867 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 7 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne in solidum les sociétés Logia immobilier et MSO immobilier aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09839
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;21.09839 ?
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