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07/03/2024 | FRANCE | N°21/09215

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 07 mars 2024, 21/09215


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 7 MARS 2024



(n° 2024/ , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09215 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CETYU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/04783





APPELANTE



Madame [A] [I] épouse [E]

[Adresse 2]
r>[Adresse 2]

Représentée par Me Pierre-François ROUSSEAU de la AARPI PHI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 26





INTIMEE



S.A.R.L. [X] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 7 MARS 2024

(n° 2024/ , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09215 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CETYU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/04783

APPELANTE

Madame [A] [I] épouse [E]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pierre-François ROUSSEAU de la AARPI PHI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 26

INTIMEE

S.A.R.L. [X] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alexandre EBTEDAEI, avocat au barreau de PARIS, toque : P 10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et de la formation

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat à durée indéterminée du 24 novembre 2005, Mme [A] [I] épouse [E] a été embauchée par la société [X] [V] (la société) à compter du 20 janvier 2006 en qualité de responsable show-room. Par avenant du 27 février 2015, elle a été promue directrice, statut cadre avec une rémunération mensuelle brute de 7 650 euros. À compter de janvier 2017 sa rémunération fixe a été portée à la somme mensuelle de 15 180 euros brut.

Elle a présenté un premier arrêt de travail le 28 novembre 2017 jusqu'au 3 décembre 2017, puis un second à compter du 4 avril 2018, prolongé jusqu'au 21 juin 2018.

Le 20 juin 2018 était signé entre les parties un protocole transactionnel.

Par avenant n° 2 du 20 juin 2018, Mme [E] a été nommée directrice du développement France et s'est vu attribuer outre sa rémunération mensuelle fixe de 15 180 euros brut, des commissions à compter du 1er juillet 2018 sous forme de pourcentage du prix HT de certaines ventes. Le contrat comprenait également une clause de garantie d'emploi d'une durée de trois années.

Estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en référé et au fond, le 3 juin 2019, afin d'obtenir des rappels de commissions et la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Le 11 juin 2019, la société lui notifiait un avertissement.

Elle a présenté des arrêts de travail à compter du 12 juin 2019 jusqu'au 27 septembre 2019. Lors de la visite de reprise qui s'est tenue le 30 septembre 2019, le médecin du travail l'a déclarée inapte en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise. La société a contesté cet avis d'inaptitude devant le conseil de prud'hommes en la forme des référés lequel l'a confirmé par ordonnance du 13 novembre 2019. La société a relevé appel de l'ordonnance. Par arrêt du 19 novembre 2020 la cour d'appel a infirmé l'ordonnance et ordonné une expertise mais la société n'a pas consigné de sorte que la procédure en est restée là.

Par courrier recommandé du 11 décembre 2019, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 décembre 2019 puis s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude par courrier adressé sous la même forme le 9 janvier 2020.

La société employait au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles et applique la convention collective nationale du commerce de détail d'habillement et des articles textiles du 25 novembre 1987.

Par requête du 4 juin 2020 Mme [E] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes en contestation de son licenciement.

Par jugement du 15 octobre 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- annulé l'avertissement du 11 juin 2019,

- fixé la moyenne de salaire à 15 180 euros,

- condamné la société à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

* 1 642,71 euros à titre de rappel de commissions pour la période de juillet 2018 à juin 2019 outre 164,27 euros au titre des congés payés afférents,

* 60 000 euros à titre d'indemnité contractuelle de garantie d'emploi,

* 1 euro de dommages-intérêts résultant de l'annulation de l'avertissement,

* 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [E] de ses autres demandes,

- débouté la société de ses demandes reconventionnelles

Mme [E] a régulièrement relevé appel du jugement le 8 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 juillet 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [E] prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'avertissement et l'infirmer sur le quantum des dommages-intérêts,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [X] [V] de l'ensemble de ses demandes,

- l'infirmer pour le surplus,

- fixer la moyenne des salaires à la somme de 27 190,58 euros brut,

- dire que l'employeur a commis des fautes justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs produisant les effets d'un licenciement nul,

- condamner la société [X] [V] à lui payer la somme de 920 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- subsidiairement, dire que son licenciement pour inaptitude est nul et condamner la société [X] [V] à lui payer la somme de 920 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement nul

- plus subsidiairement, dire que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société [X] [V] à lui payer la somme de 920 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, condamner la société [X] [V] à lui verser les sommes suivantes :

* 3 553,48 euros brut à titre de rappel de commissions pour la période de juillet 2018 à juin 2019 outre 355,35 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 62 680,39 euros brut à titre de rappel de compléments de salaire pour la période du 12 juin au 30 septembre 2019,

* 28 765,23 euros brut à titre de rappel de salaire outre 2 876,52 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 30 000 euros net à titre d'indemnité pour manquement à l'obligation de sécurité,

* 5 000 euros net de dommages-intérêts résultant de l'annulation de l'avertissement,

* 81 571,74 euros brut à titre d'indemnité de préavis outre 8 157,17 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente au préavis

* 273 240 euros net à titre d'indemnité contractuelle de garantie d'emploi,

* 20 000 euros net à titre d'indemnité pour le préjudice résultant des circonstances vexatoires du licenciement,

* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [X] [V] à lui payer les intérêts au taux légal dus sur les condamnations à compter de la demande en justice et ordonner la capitalisation des intérêts

- ordonner à la société [X] [V] de délivrer des bulletins de paie rectifiés pour la période de juillet à avril 2019 ainsi qu'une attestation pour Pôle emploi conforme au jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société [X] [V],

- condamner la société [X] [V] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 mai 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société [X] [V] prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'avertissement du 11 juin 2019, des chefs des condamnations prononcées à son encontre et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- statuant à nouveau, débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui verser la somme de 60 720 euros de dommages-intérêts pour violation des obligations résultant de la transaction du 20 juin 2018,

- ordonner la restitution intégrale des sommes qu'elle a payées au titre des rappels de commissions et de salaires soit 54 184,67 euros sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à venir,

- à titre subsidiaire, confirmer le montant de l'indemnité contractuelle à la somme de 60 000 euros brut,

- confirmer le montant des dommages-intérêts résultant de l'annulation de l'avertissement du 11 juin 2019 à un euro symbolique,

- à titre infiniment subsidiaire, limiter l'indemnité pour licenciement nul ou alternativement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au montant minimum prévu par l'article L. 1235-3 et L 1235-3-1 du code du travail soit 161 646 euros en cas de licenciement nul et 80 823 euros en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner Mme [E] au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et 10 000 euros sur le même fondement au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2023.

MOTIVATION :

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande et les manquements de l'employeur à ses obligations doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement comme c'est le cas en l'espèce, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et, si tel est le cas, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Mme [E] sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail en reprochant à l'employeur les manquements suivants :

- une rétention illicite de sa rémunération depuis 18 mois,

- des atteintes à sa santé et des agissements de harcèlement moral,

- un avertissement non justifié.

La société conclut au débouté et à la confirmation du jugement de ce chef.

Sur la rétention de la rémunération :

Mme [E] reproche à l'employeur d'avoir :

- procédé à des retenues sur ses commissions,

- refusé de lui verser l'intégralité de son complément de salaire pendant son arrêt maladie,

- refusé de lui verser intégralement son salaire pendant les mois suivants son avis d'inaptitude,

- refusé de lui verser l'indemnité de garantie d'emploi qu'elle devait lui verser en cas de licenciement,

Sur les retenues sur commissions pour la période de juillet 2018 à juin 2019 :

Mme [E] reproche à l'employeur de ne pas lui avoir versé les commissions prévues par l'avenant n° 2 du 20 juin 2018. Elle soutient que la commission doit être calculée sur le prix HT de chaque pièce vendue et qu'aucun frais ne doit en être déduit et effectue dans ses conclusions un décompte des sommes réclamées.

La société conteste tout manquement en faisant valoir qu'elle a versé à la salariée toutes les commissions qui lui étaient dues, celles-ci devant se calculer, conformément aux pratiques de la profession, sur le prix de revient des articles vendus, c'est-à-dire, le prix de vente hors taxes, déduction faite de tous frais, en ce inclus les frais bancaires. Elle indique qu'elle a toujours appliqué cette pratique et que la salariée est de mauvaise foi en soutenant le contraire, cette règle lui ayant été rappelée dans un courrier du 4 avril 2019. Enfin, elle fait valoir que Mme [E] ne peut comparer sa situation à celle d'une tierce personne, chargée d'affaires, la commission de celle-ci étant payée sur le prix de vente HT sur facturation, puisqu'elle n'était pas salariée de la société.

L'avenant n° 2 du contrat de travail prévoit dans son article 3 intitulé rémunération que : " il lui sera versé à compter du 1er juillet 2018, des commissions sous forme de 7,5% du prix HT de chaque pièce HC, Bridal, ou RTW vendue au sein du showroom, ainsi que des ventes HC réalisées par le siège de Beyrouth par suite de l'intervention directe de Mme [E]. Pour être comptabilisée dans le plan de commissionnement, chaque recommandation au profit du siège de Beyrouth doit être signalée à Beyrouth par courriel, en précisant le nom de la cliente, ses coordonnées, les articles vendus ainsi que leur prix de vente. La commission sur chaque vente réalisée aux conditions ci-dessus sera versée au cours du mois suivant le versement de tout ou partie du prix, au prorata de la part du prix versé, et sous forme d'un complément de salaire brut. Aucune commission ne sera due sur un article retourné par le client et qui lui a été remboursé. La commission versée pour un article retourné fera l'objet d'une compensation avec les commissions à percevoir sur le mois suivant. Les parties conviennent que la rémunération fixe et variable, telle que décrite dans le présent article inclut l'ensemble des primes ou indemnités prévues par la convention collective applicable. "

La cour observe qu'aucune mention du contrat ne vient préciser que la commission se calcule sur le prix de revient de l'article vendu, alors qu'il est en revanche bien précisé qu'il s'agit du prix de vente HT comme le soutient la salariée. Par ailleurs, le courrier de la société en date du 4 avril 2019 qui fait état d'une pratique de la profession consistant à calculer la commission sur le prix de revient et non sur le prix de vente, en usage en son sein, postérieur à la signature de l'avenant ne suffit ni à prouver cette pratique, ni cet usage, à défaut d'être corroboré par des éléments objectifs établissant son caractère général fixe et constant ni que Mme [E] en avait eu connaissance antérieurement à la signature de l'avenant.

La cour considère en conséquence que le manquement allégué est établi.

Sur le non-paiement du complément de salaire pour la période courant de juin à septembre 2019 :

Mme [E] reproche à l'employeur de ne pas avoir pris en compte la part variable de sa rémunération pour le calcul de son indemnité complémentaire de salaire prévue par l'article 13 du chapitre II de la convention collective, alors qu'aurait dû être prise en compte la rémunération brute qu'elle aurait perçue si elle avait continué à travailler.

La société conteste le manquement allégué en faisant valoir que compte tenu de l'absence de ventes par cette dernière, les commissions ne sont pas dues, le contrat de travail précisant bien qu'elles n'étaient versées que pour les ventes réalisées par la salariée elle-même. Par ailleurs, elle soutient qu'elle n'était pas tenue au versement d'une indemnité complémentaire dans la mesure où la salariée ne s'est pas présentée à la contre visite médicale organisée le 7 août 2019, bien qu'elle ait signé l'avis de réception de la convocation.

La cour relève que l'employeur justifie en versant l'avis chronoposte que la convocation de Mme [E] à la contre visite médicale a bien été réceptionnée par elle le 6 août 2019 ainsi que cela ressort de la preuve de livraison communiquée portant mention de cette réception. Cependant, son absence à la contre visite ne peut perpettre à l'employeur de s'exonérer du paiement du complément de salaire dès lors que la contre visite doit être organisée à domicile alors qu'il ressort du compte rendu d'absence communiqué que Mme [E] avait été convoquée au cabinet médical.

L'article 13 du chapître II de la convention collective prévoit que " lorsqu'il perçoit des indemnités journalières au titre de la sécurité sociale, et, éventuellement de tout autre régime obligatoire dans l'entreprise, le personnel d'encadrement bénéficie, à partir du 4ème jour, d'une indemnité complémentaire (tous éléments de salaire compris) calculée de façon qu'il reçoive :

['] après 10 ans dans l'entreprise :

2 mois et demi à 100%,

1 mois et demi à 75%.

['] La rémunération à prendre en considération est la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler et correspond à l'horaire pratiqué pendant l'absence de l'intéressé dans l'établissement ou partie d'établissement. "

Il résulte du contrat de travail que la rémunération de la salariée est composée " outre sa rémunération mensuelle fixe de commissions sous forme de 7,5% du prix HT de chaque pièce HC vendue au sein du shoxroom, ainsi que les ventes HC réalisées par le siège de Beyrouth par suite de l'intervention directe de Mme [E] "

En conséquence de ce qui précède, dès lors que le paiement des commissions était contractuellement inclus dans la rémunération de Mme [E], en constituait la part variable et que la convention collective inclut dans le paiement de l'indemnité complémentaire tous les éléments de salaire et la rémunération brute que le salarié aurait perçus s'il avait continué à travailler sans exclure d'aucune façon la part variable de la rémunération, la cour considère que l'employeur a manqué à son obligation conventionnelle de garantie de salaire en ne payant pas à la salariée l'indemnité complémentaire sur une assiette prenant en compte la part variable de sa rémunération. Le manquement allégué est donc établi.

Sur le non versement du salaire pour la période de novembre 2019 à janvier 2020 :

Mme [E] reproche à l'employeur de n'avoir pas repris le paiement de son salaire intégral dans le délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude en n'incluant pas dans ses versements la part variable de sa rémunération.

L'employeur conteste tout manquement en faisant valoir que les commissions n'étaient pas dues puisque Mme [E] ne travaillait pas durant cette période et que les commissions sur vente étaient conditionnées à son travail effectif.

L'article L. 1226-4 du code du travail prévoit que " Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.'

La cour rappelle que lorsque le salaire se compose d'une partie fixe et d'une partie variable, le salaire correspondant à l'emploi occupé avant la suspension du contrat de travail prend en compte l'ensemble des éléments constituant la rémunération. Dés lors que le contrat de travail prévoyait comme il a été rappelé ci-dessus qu'au titre de sa rémunération outre son salaire mensuel brut, Mme [E] percevait des commissions sur les ventes effectuées, le maintien de salaire ne peut être calculé sur la seule partie fixe de la rémunération.

Le manquement est donc là encore établi.

Sur le non respect de la clause de garantie d'emploi :

Mme [E] reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté la clause de garantie d'emploi qui prévoyait, en cas de rupture du contrat de travail, le versement d'une indemnité, dès lors que cette clause ne joue qu'en cas de licenciement, c'est-à-dire postérieurement à la rupture du contrat de travail de sorte que la violation alléguée n'est pas de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Sur les atteintes à la santé et le harcèlement moral :

Mme [E] fait valoir qu'elle a fait l'objet de plusieurs arrêts maladie, tous liés à ses conditions de travail, aux pressions qu'elle subissait en raison de la désorganisation ambiante de la société et au harcèlement dont elle était victime, que la société n'a jamais répondu à ses alertes sur les pressions qu'elle subissait, sa surcharge de travail et le manque de considération, que tous les médecins qui l'ont examinée en 2019 ont rendu des avis circonstanciés et concordants sur sa souffrance professionnelle.

La société conclut au débouté en faisant valoir d'une part que les faits et pîèces antérieurs à la transaction, donc jusqu'à juin 2018, ne peuvent être pris en compte, celle-ci ayant mis fin au litige. Elle soutient que la salariée n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle a subi des agissements de harcèlement moral et qu'elle est incapable d'établir un lien entre sa pathologie et ses conditions de travail. Elle conteste que la salariée ait subi des pressions, surcharge de travail ou manque de considération, alors qu'elle a fait preuve d'une extrême bienveillance à son égard en acceptant ses exigences démesurées.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent suppposer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

Comme le fait valoir à bon droit la société, ne peuvent être pris en compte au titre du harcèlement moral ou de la violation de l'obligation de sécurité allégués par Mme [E] que les faits postérieurs au 20 juin 2018, les faits antérieurs, éteints par l'effet de la transaction, ne pouvant valablement être invoqués.

Mme [E] présente les éléments de faits suivants :

Elle soutient en premier lieu qu'elle a été diffamée par Mme [P] mais à cet égard la cour relève que les trois SMS du 31 octobre dont la date n'est pas plus précisément justifiée dont elle communique des captures d'écran et auxquels elle se réfère dans ses écritures n'établissent en rien une quelconque diffamation, se contentant de reproduire la doléance de Mme [E] selon laquelle Mme [P] fait tous les jours exprès de la provoquer et de l'humilier. Les fait ne sont pas matériellement établis.

En second lieu, Mme [E] fait état de ce que Mme [P], la directrice administrative et financière, lui était hostile et était, selon elle, dirigée et pilotée par M. [Y] ( le directeur général groupe selon les écritures de la société) qui l'utilisait pour la contrecarrer et la harceler à distance. Elle s'appuie sur son e-mail du 29 août 2018 par lequel elle avertissait la société en la personne de M. [X] [V] de ses diverses difficultés, dues, selon elle, à l'interventionnisme permanent de M. [Y], l'empiètement de Mme [P] sur ses prérogatives, accusant celle-ci de propager des insinuations devant le personnel à son encontre et créant un climat social très difficile. Elle s'appuie également sur le mail en réponse de l'employeur, en date du 31 août 2018, récapitulant le rôle de chacune. Elle invoque également son propre mail à Mme [P] en date du 14 septembre 2018 par lequel, elle déplore que cette dernière ait contrôlé le stock en commettant des erreurs et le mail du 3 octobre 2018 des vendeuses de la boutique, [R] et [H], déplorant l'attitude irrespectueuse de Mme [P] à leur égard ainsi que le mail du 4 octobre 2018 par lequel elle s'interroge sur les intentions de Mme [P]. Enfin, elle soutient avoir été humiliée devant les autres salariés par Mme [P] le 31 octobre 2018, ce dont elle a informé immédiatement [X] [V] s' appuyant sur des messages WhatsApp du 31 octobre 2018 émanant d'elle-même qui n'étant pas corroborrés par des éléments objectifs ne permettent pas d'établir l'humilation alléguée. La cour considère ainsi que les écrits de Mme [E] qui ne retracent que sa propre vision ne suffisent pas à établir que la mésentente ainsi illustrée entre elle et Mme [P] était due en réalité à la manipulation secrète de M. [Y] et il en est de même s'agissant du mail des deux vendeuses qui ne concernent que l'attitude de Mme [P] à leur égard et ne rapportent aucun fait dont aurait été victime Mme [E]. La cour considère en conséquence que les faits ne sont pas matériellement établis.

En troisième lieu, Mme [E] se plaint d'être mise à l'écart, de ne plus être informée du thème des collections ou de l'organisation des événements liés aux défilés, se référant dans ses écritures à un e-mail du 14 décembre 2018 qu'elle a adressé à Mme [J] par lequel elle s'indigne de n'être pas mise au courant.

Elle invoque également le fait qu'elle a été privée d'une partie de sa rémunération dès le mois de juillet 2018 se référant au retranchements des frais bancaires du montant des commissions, faits que la cour a estimé établis comme il a été vu ci-dessus.

Elle invoque encore le départ précipité et inexpliqué de Mme [P] en novembre / décembre 2018 et le fait qu'elle a été obligée en conséquence de reprendre les attributions de cette dernière alors qu'elle en avait été déchargée depuis le mois de juillet. Ainsi, la société lui a-t-elle demandé de traiter la documentation comptable, de remplir les fichiers nécessaires et les envoyer chaque semaine au siège et de gérer l'installation des archives ainsi que cela ressort des e-mails du 21 novembre 2018 des 30 et 7 décembre 2018.

Elle soutient que M. [Y] continuait à gérer de fait la filiale française au mépris des engagements du protocole ainsi que cela ressort, selon elle, du mail du 7 décembre 2018 adressé par ce dernier à Mme [T]. La cour relève toutefois que les mails du 7 décembre 2018 évoqués par Mme [E] dans ses écritures s'ils font apparaître en copie le nom de M. [Y] ne suffisent pas à établir qu'il dirigeait de fait la filiale française, les points évoqués dans ces messages ne concernant que des détails pratiques d'accès au show room et non la gestion d'une société. Elle soutient que dans une conférence téléphonique du 30 janvier 2019 avec elle, M. [X] [V] et son frère avaient confirmé que M. [Y] dirigeait de facto l'entité française et ils prétendaient être prêts à lui trouver un remplaçant pouvant travailler en bonne intelligence avec elle. Cependant, aucune pièce n'est produite ni évoquée de nature à confirmer la réalité de cette conversation. Par ailleurs, aucun élément du protocole n'interdit à M. [Y] d'exercer ses missions en France dès lors que le fait que les parties conviennent que Mme [E] soit rattachée administrativement au gérant de la société qui ne sera pas M. [Y] n'implique pas que ce dernier qui est le directeur général groupe de la société d'après les déclarations non contestées par l'employeur n'intervienne plus en aucune manière dans la société dont Mme [E] n'est que la directrice du développement France mais signifie simplement qu'elle ne lui est pas rattachée.

Mme [E] soutient qu'en février 2019, elle continuait à occuper les fonctions de DAF ainsi que cela ressort, selon elle, des échanges de mails entre elle et M. [V] des 5 et 6 mars 2019 dont la cour observe qu'ils ont pour objet le renouvellement du contrat de téléphonie.

Elle indique avoir découvert l'arrivée d'un nouveau directeur dans un mail du 11 avril 2019 adressé à l'ensemble des salariés alors qu'elle aurait, selon elle, dû être associée au processus de recrutement et par ailleurs, elle fait état de ce qu'elle a été écartée de la présentation des interactions de cette nouvelle recrue avec les autres directeurs du groupe alors qu'en qualité de chargée du développement de la marque à [Localité 4], elle n'aurait pas dû l'être. Elle s'appuie sur le mail de Mme [T] du 11 avril 2019, informant les salariés de ce recrutement. De la même façon, elle indique avoir appris fortuitement l'arrivée d'un nouveau DAF en avril 2019.

Elle invoque également la modification unilatérale de ses fonctions en s'appuyant sur un message du 23 avril 2019 de [O] [V] lui imposant un nouveau supérieur hiérarchique en la personne de M. [M] alors que son contrat précisait que son unique interlocuteur était M. [V]. Elle soutient qu'elle a été dépouillée de l'organisation du défilé de juin 2019 ans en se fondant sur des échanges de mails avec Mme [K] [S] en date du 27 mai 2019 faisant apparaître qu'à la suite d'une décision de M. [V], les cartons d'invitation des clients français seraient effectués à Beyrouth et que Mme [E] s'est plainte de ne pas avoir été consultée.

Enfin elle invoque le fait que pendant son arrêt de travail du mois de juin 2019 l'employeur l'a fait convoquer à une contre-visite médicale, produisant la convocation du médecin contrôleur à cette fin.

Les éléments que la cour a considéré comme établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer des agissement de harcèlement moral et il appartient à l'employeur de démontrer qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

S'agissant de la mise à l'écart de la salariée, l'employeur soutient qu'elle ne peut se prévaloir de ne pas avoir été invitée à une soirée privée organisée par un ami intime de M. [V], sans toutefois démontrer qu'il s'agissait d'une soirée privée et non d'une soirée organisée dans le cadre professionnel après son défilé alors que Mme [E] était chargée de l'organisation du défilé selon le mail de M. [V] du 31 août 2018.

S'agissant de la modification unilatérale de ses fonctions, l'employeur fait valoir que Mme [E] n'appartenait pas au comité de direction de la société au sein duquel les décisions de recrutement étaient prises de sorte qu'elle n'avait pas à être consultée. Par ailleurs, il conteste que Mme [E] n'ait pas été mentionnée dans le courriel de présentation du nouveau directeur puisqu'il est écrit que celui-ci se coordonnera avec '[Localité 4] show-room' ce ce qui la visait directement puisqu'elle était seule à gérer le développement du show-room parisien. Il conteste qu'elle ait dû reprendre la charge de la direction administrative et financière de la société soulignant que les mails auxquels elle se référe ne concernent que la transmission d'informations et non pas la prise de décision relative à la téléphonie. Enfin, s'agissant de la création de niveaux hiérarchiques intermédiaires, la cour observe que le contrat de travail mentionne que pour toute question d'ordre administratif et juridique, ressources humaines ou financières, Mme [E] devra travailler en concertation avec le directeur financier et agir selon les instructions du gérant de la société. Dès lors que l'embauche de M. [M] ne s'est pas accompagnée d'une diminution de sa rémunération ou d'une perte de son périmètre d'activité, Mme [E] ne peut valablement invoquer une modification unilatérale de son contrat de travail alors que l'organisation décidée par l'employeur relève de son pouvoir de direction et que la surcharge ponctuelle d'activité par la prise en charge de certaines des fonctions de Mme [P] n'a été que provisoire pour pallier le départ de celle-ci.

S'agissant de l'organisation d'une visite médicale de contrôle, celle-ci ressort du pouvoir patronal dont le simple exercice ne caractérise pas en soi un abus de sorte que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers au harcèlement moral.

En revanche, la cour a retenu le non paiement de l'intégralité des commissions comme il a été vu ci-dessus.

En définitive, la cour considère que l'employeur ne justifie ni des raisons objectives étrangères à tout agissement de harcèlement moral pour lesquelles Mme [E] a été écartée d'une soirée post défilé, ni des raisons pour lesquelles sa rémunération variable ne lui a pas versée en totalité de sorte qu'elle retient que Mme [E] a été victime de harcèlement moral.

Sur les atteintes à la santé :

Mme [E] fait valoir qu'elle a fait l'objet de plusieurs arrêts maladie, tous liés à ses conditions de travail, aux pressions qu'elle subissait en raison de la désorganisation ambiante de la société et du harcèlement dont elle était la victime. Elle précise que dans un certificat du 13 décembre 2018, établi par le chef du service de pathologie professionnelle et de l'environnement de l'hôpital [3] adressé à son médecin traitant, ce praticien a certifié qu'elle présentait un tableau anxio-dépressif réactionnel récent décrit en relation avec une situation professionnelle dégradée. Elle souligne qu'elle a mis en demeure la société dans un e-mail du 20 décembre 2018 de lui dire les mesures prises pour remédier à sa situation, relayé par un courrier recommandé de son avocat en date du 12 mars 2019. Enfin, elle ajoute que tous les médecins qui l'ont examinée durant l'année 2019 ont constaté la réalité de sa pathologie professionnelle et du syndrome anxio-dépressif réactionnel lié à ce qu'elle vivait à son travail.

Elle verse également aux débats l'avis d'inaptitude du 30 septembre 2019 avec la mention que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, rendu par le médecin du travail ainsi que le courrier du médecin du travail adressé à la société confirmant dans un mail du 21 octobre 2019 que la salariée est " totalement incapable de reprendre son travail' et indiquant être très surpris de la contestation faite par la société, à laquelle celle-ci n'a finalement pas donné suite, comme il a été dit ci-dessus.

La cour rappelle que l'employeur tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité. Ne méconnait pas son obligation, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail

L'employeur est resté taisant sur les mesures mises en place pour assurer la protection de la santé de la sécurité de sa salariée. Les atteintes à la santé alléguées sont ainsi caractérisées.

Sur l'avertissement :

Mme [E] fait valoir qu'elle s'est vu notifier un avertissement le 11 juin 2019 dont elle sollicite l'annulation dès lors que :

- la société ne dispose pas d'un règlement intérieur permettant la notification d'une telle sanction,

- les faits ne sont pas datés et sont donc prescrits,

- aucun élément n'est produit justifiant les fautes évoquées dans le courrier,

- l'avertissement n'est que la réplique à la saisine du conseil de prud'hommes qu'elle venait d'effectuer.

De son côté, la société conclut au débouté en faisant valoir qu'un avertissement n'a pas besoin d'être prévu par le règlement intérieur, que les faits sanctionnés correspondent à des comportements constants et continus et qu'elle n'a été avisée de l'instance prudhomale diligentée par Mme [E] que trois jours après la notification de l'avertissement.

Aux termes du courrier de notification du 11 juin 2019 l'employeur reproche à Mme [E] :

- de ne pas préparer ses rapports d'activités hebdomadaires et de se contenter d'adresser au siège de Beyrouth uniquement des bons de commande et des factures

- de n'avoir toujours pas préparé, en juin, ses outils d'analyse financière dont le budget annuel et l'analyse des ventes pour l'année 2019,

- de n'avoir pas respecté ses engagements de collaborer avec les autres cadres du groupe afin de développer des synergies et de continuer à adopter une attitude de défiance, ne faisant preuve d'aucune volonté de partage de l'information et de développement commun,

- d'avoir une présence au sein de la boutique parisienne de plus en plus épisodique, ce qui a nécessairement un impact sur son niveau de performance en sa qualité de directrice du développement,

- d'avoir adopté depuis quelque temps un ton de plus en plus agressif, revendicatif et accusateur dans les missives qu'elle adresse à sa hiérarchie ce qui n'est pas tolérable dans des échanges à caractère professionnel,

- d'essayer depuis plus de deux ans de créer de multiples problèmes systématiquement à la veille d'un défilé dans le but d'obtenir des concessions et avantages personnels toujours plus importants.

La cour relève qu'une sanction disciplinaire doit être prévue par le règlement intérieur et qu'à défaut de justifier de l'existence de celui-ci ou de ce qu'elle n'était pas obligée d'en élaborer un la société ne pouvait valablement notifier un avertissement à la salariée. En outre, la cour relève l'imprécision des motifs de l'avertissement comme 'adopter une attitude de défiance' l'absence de volonté de partage de l'information et de développement commun', 'essayer de créer de multiples problèmes' qui ne lui permet pas d'apprécier le bien fondé de la sanction. Enfin, l'employeur ne produit aucun élément de nature à justifier le fondement des griefs qu'il forme à l'encontre de la salariée. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a annulé l'avertissement du 11 juin 2019.

En définivive, sur les manquements allégués par Mme [E] à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, la cour a retenu que les commissions de ne lui avaient pas été payées dans leur intégralité, que le paiement du salaire n'avait pas été repris dans son intégralité dans le mois suivant l'avis d'inaptitude, que Mme [E] avait été victime de harcèlement moral et du non respect de l'obligation de sécurité par l'employeur et enfin, a prononcé l'annulation de l'avertissement notifié le 13 juin 2019.

Ces manquements sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et la cour prononce donc la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Sur les effets de la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Mme [E] demande à la cour de dire que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul dés lors qu'elle est notamment fondée sur un harcèlement moral.

La cour ayant retenu que Mme [E] avait été victime d'agissements de harcèlement moral fait droit à la demande présentée et dit que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul à la date du licenciement soit le 9 janvier 2020.

Sur les demandes financières :

Au titre de l'exécution du contrat de travail :

Sur le rappel de commissions :

Eu égard à la solution du litige, la cour considérant que l'employeur n'avait pas à déduitre les frais du montant des commissions dues à Mme [E] condamne la société à lui verser la somme de 3 553,48 euros brut à titre de rappel de commissions pour la période courant de juillet 2018 à juin 2019 outre 355,34 euros au titre des congés payés afférents étant observé que la société ne critique pas utilement les ventes et le chiffre d'affaires allégués. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le rappel de compléments de salaire pour la période du 12 juin au 30 septembre 2019 :

Mme [E] réclame à ce titre la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 62 680,39 euros brut, en incluant la part variable de sa rémunération et en reprochant à l'employeur de ne pas en avoir tenu compte dans l'assiette de calcul du complément de salaire qu'elle devit lui verser pendant son arrêt maladie. Eu égard à la solution du litige la cour fait droit à sa demande et condamne la société à lui verser une somme de 62 680,39 euros brut à ce titre

Sur le rappel de salaire pour la période de novembre 2019 à janvier 2020

La cour rappelle qu'en application de l'article L. 1226-4 du code du travail, lorsqu'à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas l'essentiel l'employeur lui verse dès l'expiration de ce délai le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail. Comme le soutient à juste titre Mme [E] le salaire correspondant à l'emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail et au paiement duquel l'employeur est tenu en application de l'article L. 1226-4 du code du travail comprend l'ensemble des éléments constituant la rémunération du salarié. Mme [E] ayant déjà perçu une somme de 35 264,20 euros calculée sur la base de la partie fixe de sa rémunération, la cour fait droit à la demande présentée par la salariée et condamne la société à lui verser la somme de 28 765,23 euros brut à titre de rappel de salaire outre 2 876,52 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité contractuelle pour non-respect de la garantie d'emploi :

L'article 4 du contrat de travail intitulé garantie d'emploi prévoit que " en cas de licenciement de Mme [E] au cours des trois prochaines années à compter de la signature des présentes, pour tout autre motif que ceux énumérés ci-après, ZM s'engage à verser à Mme [E] une indemnité contractuelle de rupture correspondant au salaire mensuel contractuel fixe, multiplié par le nombre de mois de travail restant jusqu'à la fin de la période de garantie d'emploi (" indemnité contractuelle ").

En outre :

si la rupture est notifiée au cours des 12 premiers mois suivant la signature des présentes : les indemnités légales conventionnelles de licenciement seront incluses dans l'indemnité contractuelle,

si la rupturée est notifiée au-delà du 12e mois suivant la signature des présentes : l'indemnité contractuelle viendra s'ajouter aux indemnités légales ou conventionnelles de licenciement.

Les parties conviennent d'un commun accord qu'un licenciement motivé par l'un des motifs ci-après exclut le versement de l'indemnité contractuelle :

(i) faute grave ou faute lourde [']

(ii) licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison de la réduction de 15 % (ou plus) du chiffre d'affaires du show-room au cours de deux semestres successifs ['] ".

En application de cet article, Mme [E] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 273 240 euros net à titre d'indemnité contractuelle de garantie d'emploi. Elle fait valoir que l'avenant a été signé le 20 juin 2018, que la clause trouvait donc application jusqu'au 20 juin 2021 de sorte qu'ayant été licenciée le 9 janvier 2020, elle sollicite le paiement de la somme réclamée sur la base de son salaire fixe mensuel de 15 180 euros.

La société s'oppose à la demande en faisant valoir que :

- la clause de garantie d'emploi ne saurait couvrir un cas de licenciement objectif,

- l'indemnité contractuelle a été consentie à Mme [E] dans le cadre de la transaction contenant des obligations et concessions réciproques par chacune des parties qu'elle n'a respectées en aucune manière d'autant qu'en ayant communiqué la transaction aux débats et en se référant à des griefs et des faits couverts par celle-ci, elle viole sciemment son obligation de confidentialité,

- la clause de garantie d'emploi à un caractère manifestement excessif.

En premier lieu, la cour constate au vu du contrat que contrairement à ce que soutient la société, les seuls cas d'exclusion de l'application de la clause de garantie d'emploi convenue entre les parties sont le licenciement pour faute grave ou lourde ce qui n'est pas le cas en l'espèce et le licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison d'une diminution du chiffre d'affaires ce qui n'est pas davantage le cas. Il en résulte que les parties n'ont pas entendu exclure de l'application de la clause le cas du licenciement pour inaptitude et aucune mention en ce sens ne figure au contrat. La clause doit donc recevoir application.

En second lieu, la cour observe que la clause de garantie d'emploi est insérée dans le contrat de travail et non pas dans la transaction de sorte que la société ne peut valablement se prévaloir d'une violation de la transaction pour s'exonérer de ses propres obligations contractuelles et ce d'autant qu'elle se prévaut elle-même des clauses de la transaction pour s'opposer aux demandes formées par Mme [E] dans le cadre de la présente procédure.

Enfin, la société ne peut valablement se prévaloir du caractère manifestement excessif de la clause sans produire aucun élément de nature à permettre à la cour de l'apprécier, alors que la clause est limitée dans le temps, ne se calcule pas sur la totalité de la rémunération de la salariée mais seulement sur la partie fixe de celle-ci, qu'il n'est pas fait état des usages en la matière dans le domaine d'activité de la société et que malgré son montant élevé l'indemnité n'est pas excessive au regard de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, du travail qu'elle y a accompli et des circonstances de la rupture.

La cour considère en conséquence que la clause de garantie d'emploi doit trouver sa pleine et entière application et condamne en conséquence la société [X] [V] à verser à Mme [E] la somme de 273 340 euros à ce titre, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité :

Mme [E] réclame la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 30 000 euros net à titre d'indemnité en réparation de son préjudice. La société conclut au débouté. La cour ayant retenu que l'employeur n'avait pas respecté l'obligation de sécurité à sa charge, qu'il en était résulté un préjudice pour la salariée condamne la société à lui verser la somme de 5 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts résultant de l'annulation de l'avertissement :

Mme [E] sollicite l'infirmation du jugement qui a condamné la société à lui verser une somme de un euro de dommages-intérêts en réparation de son préjudice en faisant valoir que cette notification injuste a contribué à la dégradation de son état de santé et l'a conduite à être immédiatement arrêtée par son médecin. La cour condamne en conséquence la société à lui verser la somme de 150 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé sur ce chef de demande.

Sur les demandes financières au titre de la rupture du contrat de travail :

Sur l'indemnité compensatrice de préavis , Mme [E] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 81 571,74 euros à ce titre outre une indemnité de congés payés sur préavis.

La société conclut au débouté en faisant valoir que Mme [E], inapte, n'était pas en mesure d'exécuter son préavis.

La cour rappelle qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, les indemnités de rupture sont dues de sorte qu'il est fait droit à la demande présentée par Mme [E] à hauteur de la somme de 81 571,74 euros, le préavis étant conventionnellement fixé à trois mois en application de l'article 9 du chapitre II relatif au personnel d'encadrement. La société est également condamnée à lui verser la somme de 8 157,17 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté Mme [E] de ce chef de demande.

Sur l'indemnité pour licenciement nul :

Mme [E] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 920 000 euros au titre de la nullité du licenciement. La cour rappelle qu'en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, les dispositions de l'article L 1235-3 ne sont pas applicables lorsque la nullité du licenciement est consécutive à des faits de harcèlement moral et que l'indemnité ne peut être inférieure à six mois de salaire brut. Eu égard à l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, (embauche en janvier 2006), au montant de sa rémunération, aux circonstances de la rupture, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure au licenciement, la cour condamne la société à lui verser une somme de 161 646 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement vexatoire :

Mme [E] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 20 000 euros net à ce titre en faisant valoir que ce sont les agissements fautifs de la société qui ont conduit à la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, qu'elle n'a pu retrouver ses collègues une dernière fois ayant été arrêtée brutalement à compter du 12 juin 2019. Le caractère vexatoire allégué n'étant pas établi, la cour déboute Mme [E] de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef.

Sur l'application d'office de l'article L. 1235-4 du code du travail :

La cour fait d'office application de l'article L. 1235-4 du code du travail et la société doit rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement perçues par Mme [E] depuis le licenciement jusqu'à ce jour dans la limite de trois mois.

Sur les demandes reconventionnelles présentées par la société [X] Morad :

La société sollicite la condamnation de Mme [E] à lui verser une somme de 60 720 euros de dommages-intérêts pour violation des obligations résultant de la transaction du 20 juin 2018. Elle reproche à cette dernière d'avoir communiqué la transaction dans le cadre de la présente procédure mais la cour relève que la faute commise n'est pas caractérisée dès lors que la société elle-même se prévaut de la transaction pour faire écarter partie des faits invoqués par la salariée et qu'elle ne justifie pas du préjudice allégué. La demande est donc rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté la société de ce chef de demande.

En second lieu, la société sollicite la restitution intégrale des sommes payées au titre des rappels de commissions et de salaire soit 54 4184,67 euros en faisant valoir que ces condamnations sont mal fondées mais eu égard à la solution du litige, la cour la déboute de sa demande le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

La capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

La société [X] [V] doit délivrer à Mme [E] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pour pôle emploi conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte cette dernière demande est rejetée.

La société [X] [V], partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et doit indemniser Mme [E], en sus de la condamnation prononcée par les premiers juges sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 000 euros, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a annulé l'avertissement du 11 juin 2019, débouté Mme [A] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et du chef de la condamnation prononcée à l'encontre de la société [X] [V] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement nul au 9 janvier 2020,

Condamne la société [X] [V] à payer à Mme [A] [E] la somme les sommes de :

161 646 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

3 553,48 euros brutsà titre de rappel de commissions pour la période de juillet 2018 à juin 2019, outre 355,34 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

62 680,39 euros brut à titre de rappel de compléments de salaire pour la période du 12 juin au 30 septembre 2019,

28 765,23 euros brut à titre de rappel de salaire outre 2 876,52 euros bruts au titre des congés payés afférents pour la période du 30 octobre 2019 au 9 janvier 2020,

5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour manquement à l'obligation de sécurité,

150 euros de dommages-intérêts au titre de l'annulation de l'avetissement,

81 571,74 euros brut à titre d'indemnité de préavis outre 8 157,17 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

273 240 euros à titre d'indemnité contractuelle de garantie d'emploi,

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et que ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

Ordonne à la société [X] [V] de délivrer un bulletin de paie récapitulatif et une attestation pour pôle emploi conformes au jugement à intervenir,

Ordonne à la société [X] [V] de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement perçues par Mme [A] [E] depuis le licenciement jusqu'à ce jour dans la limite de trois mois,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société [X] [V] aux dépens et à verser à Mme [A] [E] une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/09215
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;21.09215 ?
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