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07/07/2023 | FRANCE | N°21/00853

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 07 juillet 2023, 21/00853


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 07 JUILLET 2023



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/00853 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDAWL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 décembre 2020 par le pôle socialdu TJ de BOBIGNY RG n° 20/00744





APPELANT

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

r

eprésentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIMÉE

SOCIETE AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 07 JUILLET 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/00853 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDAWL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 décembre 2020 par le pôle socialdu TJ de BOBIGNY RG n° 20/00744

APPELANT

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMÉE

SOCIETE AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946, substitué par Me Emilie SEILLON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Natacha PINOY, conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Madame Bathilde CHEVALIER, conseillère

Madame Natacha PINOY, conseillère

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] (la caisse) d'un jugement rendu le 14 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l'opposant à la société Air France (la société).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [Y] [Z], technicien aéronautique au sein de la société Air France, a déclaré une maladie professionnelle le 25 juin 2019, la déclaration mentionnant que celui-ci était atteint d'une « protusion discale paramédiane droite sur L4-L5, refoulant légèrement l'émergence de la racine L5 droite. Discopathie congestive en L5-S1 avec une protusion discale postero-médiane, venant au contact de racine S1 ».

Le certificat médical initial établi le 24 juin 2019 mentionne « épisode de sciatique depuis un mois avec protrusion discale L5S1 ».

A l'issue de la procédure d'instruction, la caisse a conclu que la maladie déclarée par l'assuré était d'origine professionnelle et par courrier du 28 octobre 2019, elle en a informé la société Air France.

La société Air France a alors saisi la commission de recours amiable en contestation de cette décision, puis a saisi le tribunal judiciaire de Bobigny sur décision implicite de rejet de la commission.

Par jugement du 14 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- dit que la décision de prise en charge du 28 octobre 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] de la maladie professionnelle du 12 juin 2019 de M. [Y] [Z] est inopposable à la société Air France ;

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Le jugement lui ayant été notifié le 24 décembre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] en a interjeté appel par courrier du 8 janvier 2021.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- dire opposable à la société Air France la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, par la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3], de la maladie du 12 juin 2019 déclarée par M. [Z] le 25 juin 2019 ;

- débouter la société Air France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Air France aux dépens.

Au soutien de son appel, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] fait valoir pour l'essentiel qu'en l'absence d'élément de nature à remettre en cause les constatations du médecin conseil, il convient de retenir que les conditions médicales réglementaires du tableau sont remplies, la réalisation d'une IRM préalable, nécessaire pour constater la latéralisation de la hernie, ayant permis de contrôler I'existence de l'atteinte radiculaire de topographie concordante exigée par le tableau ; qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que les conditions médicales réglementaires du tableau 98 étaient remplies. Elle soutient également que l'assuré, qui exerce ses fonctions de technicien aéronautique depuis 1984, a déclaré porter des charges lourdes en effectuant notamment le remplacement de moteurs ou d'autres pièces et utiliser des outillages lourds pour exercer ses tâches ; qu'il a déclaré faire une utilisation régulière d'outillages à la main d'un poids supérieur à 3kg, tels que "torque mètre, clef avec rallonge, masses, outillage de levage etc..." et utiliser des engins de manutention dont la masse du chargement est supérieure à 300 kg, telle qu'une "grue de levage (capots reverses moteur) ; que les éléments apportés par le salarié et par l'employeur ont ainsi permis à la caisse de considérer que l'assuré effectuait bien des travaux visés par le tableau 98 des maladies professionnelles ; qu'il convient de déclarer la décision de prise en charge notifiée le 14 mars 2018 opposable à la société Air France.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société Air France demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes, les disant bien fondées ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de ses demandes.

En réplique, la société Air France fait valoir pour l'essentiel que pour accorder à M. [Z] le bénéfice de la législation sur le risque professionnel, la caisse primaire d'assurance maladie aurait dû rapporter la preuve que le poste de l'intéressé impliquait des travaux susceptibles de provoquer la maladie visée par le tableau 98 des maladies professionnelles ; que le tableau 98 des maladies professionnelles énumère une liste limitative de travaux susceptibles de provoquer la maladie et précise que sont concernés les « travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués » dans des activités précises et que l'assuré n'exerce pas une activité énumérée au tableau 98 ; qu'il est technicien aéronautique au sein de la société et assure à ce titre la maintenance et l'entretien des avions ; que cette activité n'est absolument pas visée au tableau 98 des maladies professionnelles ; que le salarié répare des avions de ligne destinés à transporter des passagers et non des marchandises ; que la caisse primaire d'assurance maladie ne rapporte donc pas la preuve que le poste de technicien de maintenance occupé par le salarié et ses conditions d'exécution l'ont conduit à exécuter les travaux limitativement énumérés au tableau no 98 des maladies professionnelles ; que M. [Z] ne manutentionne pas de manière habituelle des charges lourdes et que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du lundi 15 mai 2023, et soutenues oralement par les parties.

SUR CE :

Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, « Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ». 

Dès lors, pour qu'une maladie survenue à l'occasion ou du fait du travail bénéficie de la présomption de maladie professionnelle, elle doit répondre aux conditions cumulatives suivantes :

- la maladie doit être répertoriée dans un des tableaux de maladies professionnelles,

- le travail accompli par le malade doit correspondre à un travail figurant dans la liste des travaux susceptibles de provoquer l'une des affections dudit tableau,

- la durée d'exposition doit correspondre à celle mentionnée audit tableau,

- la prise en charge doit être sollicitée dans un délai déterminé au tableau après l'exposition aux risques.

Il est observé que le médecin conseil de la Caisse n'étant pas tenu des termes du certificat médical initial peut, après analyse de pièces médicales extrinsèques, qualifier la pathologie et considérer qu'elle correspond à celle visée par le tableau des maladies professionnelles qu'il instruit.

En l'espèce, M. [Z] a déclaré le 25 juin 2019 une maladie professionnelle, pour une 'protusion discale paramédiane droite sur L4-L5, refoulant légèrement l'émergence de la racine L5 droite. Discopathie congestive en L5-S1 avec une protusion discale postero-médiane, venant au contact de racine S1», constaté par certificat médical du 24 juin 2019 qui mentionne « épisode de sciatique depuis un mois avec protrusion discale L5S1 ».

La maladie déclarée par l'assuré a été prise en charge par la caisse au titre du tableau 98 des maladies professionnelles.

Le tableau n°98 des maladies professionnelles, relatif aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes, désigne comme maladie « Sciatique par hernie discale L4-L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante. Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante ».

Ce tableau indique :

Désignation des maladies

Sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5'S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante.

Délai de prise en charge

6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans)

Liste limitative des travaux susceptibles

de provoquer ces maladies

Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués :

- dans le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ; dans le ramassage d'ordures ménagères et de déchets industriels ; dans le déménagement, les garde-meubles ;

- dans les abattoirs et les entreprises d'équarrissage ;

- dans le chargement et le déchargement en cours de fabrication, dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers ;

- dans le cadre des soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ;

- dans le cadre du brancardage et du transport des malades ;

- dans les travaux funéraires.

Il appartient donc à la caisse qui prend en charge cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels en invoquant le bénéfice de la présomption d'imputabilité de la maladie au travail, de rapporter la preuve que les conditions de prise en charge prévues par ce tableau sont réunies.

A défaut, sa décision doit être déclarée inopposable à l'employeur.

Dans le litige, en cause d'appel, la société Air France soutient que la preuve de l'exposition aux risques n'est pas rapportée, relevant qu'il appartenait à la caisse de rapporter la preuve que le poste du salarié impliquait des travaux susceptibles de provoquer la maladie visée par le tableau n° 98 et qu'en l'espèce ce n'est pas le cas, celui-ci n'étant pas concerné par la liste limitative prévue par le tableau.

Le tableau 98 dans sa rubrique sur la « Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies » mentionne « Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués : - dans le fret (') aérien ».

Il convient donc, dans la liste limitative prévue par le tableau, de caractériser si le salarié, dans le cadre de son activité professionnelle, fait des travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes et si la situation concernée se situe dans le cas de « fret aérien ».

L'activité de fret aérien concerne le transport d'un ensemble de marchandises par avion.

En l'espèce, M. [Z] exerce la profession de technicien aéronautique et il résulte de la fiche d'emploi type produite aux débats que son activité consiste à « réaliser des actions de maintenance préventives et curatives sur avion, des actions de réglages, de recherches de pannes, d'essais ».

La société, dans le cadre de l'instruction de la caisse, avait adressé un courrier à celle-ci le 22 octobre 2019 mentionnant « (') Mr [Z] [Y] n'est pas concerné par les travaux réalisés de façon habituelle tels que décrits dans la liste limitative du tableau RG 97 ni RG 98. Nous avons relevé dans son activité : La conduite de Plateforme élévatrice comme tous les mécaniciens et techniciens avion, une à deux fois par semaine en moyenne ; Le port de charge occasionnel comme tous les mécaniciens et techniciens avion avec des outillages spécifiques prévus dans la plupart des cas pour les pièces supérieures à 10 ou 15 Kg il n'y a aucune répétition régulière ni très fréquente de port de charge lourde en entretien avion. Le travail de mécanicien ou technicien avion n'est pas répétitif, ni à la chaine ».

Dans le questionnaire renseigné le 9 septembre 2019, le salarié précise qu'il est « technicien aéronautique » et fait « l'entretien et la maintenance des avions de ligne ». La description de son activité est concordante avec la fiche emploi-type.

Si le salarié utilise dans le cadre de son activité des outils d'un poids parfois important et doit transporter et parfois manipuler des pièces de rechange lourdes comme des roues ou le démontage de panneaux, comme relevé dans son questionnaire, ce port de charges reste ponctuel et non habituel, étant par ailleurs observé que le salarié est un technicien et non un manutentionnaire.

Par ailleurs, dans le questionnaire du 9 septembre 2019, le salarié relève « effectuer son activité pour les avions de ligne », qui sont destinés à transporter des passagers et non des avions de fret, destinés à transporter des marchandises, or le tableau 98 concerne le fret aérien.

Ainsi, la caisse échoue à démontrer que le salarié était bien exposé aux risques visés par la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer les maladies du tableau 98, le salarié ne manutentionnant pas manuellement de manière habituelle des charges lourdes pour du fret aérien.

En conséquence, la présomption d'imputabilité était inapplicable et la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [Y] [Z] doit être déclarée inopposable à la société Air France.

Le jugement entrepris sera confirmé.

- Sur les dépens

La caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3], succombant en appel, devra en supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DECLARE l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] recevable;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 14 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 3] aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 21/00853
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;21.00853 ?
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