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07/07/2023 | FRANCE | N°20/02330

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 07 juillet 2023, 20/02330


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 07 JUILLET 2023



(n° , 7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/02330 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBXK7



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 janvier 2020 par le pôle social du TJ de BOBIGNY RG n° 18/00712





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Loca

lité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIMÉE

SOCIETE [5]

[Adresse 2]

[6]

[Localité 4]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barrea...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 07 JUILLET 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/02330 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBXK7

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 janvier 2020 par le pôle social du TJ de BOBIGNY RG n° 18/00712

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMÉE

SOCIETE [5]

[Adresse 2]

[6]

[Localité 4]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946, substitué par Me Emilie SEILLON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Natacha PINOY, conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Madame Bathilde CHEVALIER, conseillère

Madame Natacha PINOY, conseillère

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) (la caisse) d'un jugement rendu le 30 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l'opposant à la société [5] (la société).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [E] [Z], salariée en qualité d'agent d'exploitation au sein de la société [5], a été victime d'un accident le 4 mars 2014 à 17h, la déclaration d'accident du travail signée le 5 mars 2014 mentionnant « l'agent (AMDE) déclare avoir subi de violentes agressions verbales de la part d'un agent de son service. Lors d'un entretien dans son bureau, au Kube, agent victime d'agression verbale ».

Le certificat médical initial établi le 4 mars 2014 mentionne « traumatisme psychologique suite à agression verbale ».

La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

Le médecin conseil a fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme [Z] au 27 octobre 2016.

La société [5] a saisi la commission de recours amiable aux fins de se voir déclarer inopposables les soins et arrêts de travail prescrits à Mme [Z], puis a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny, sur décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement du 17 avril 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

Avant dire droit,

- ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces ;

- désigné pour y procéder le docteur [J] [K], expert judiciaire inscrit sur la liste des experts de sécurité sociale de la cour d'appel de Paris.

Le rapport d'expertise a été déposé le 26 mai 2019.

Par jugement du 30 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

Vu le jugement du 17 avril 2019 du service du contentieux social du tribunal de grande instance de Bobigny,

Vu le rapport d'expertise du docteur [K] en date du 26 mai 2019 ;

- homologué les conclusions de l'expertise précitée ;

- fixé la date de consolidation de l'état de santé de [E] [Z], en lien avec son accident du travail du 4 mars 2014, au 1er mai 2014 ;

- dit inopposables à la société [5] les arrêts prescrits à [E] [Z], pris en charge par la caisse au titre de son accident du travail, à compter du 20 mars 2014 et les soins prescrits à compter du 2 mai 2014 ;

- dit qu'il appartient à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis de transmettre à la CARSAT compétente les informations utiles à la rectification des taux AT concernés par cet accident du travail ;

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis à rembourser à la société [5] la somme de 800 euros au titre de la provision déjà versée à valoir sur le coût de l'expertise judiciaire ;

- laissé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la charge du coût global de l'expertise judiciaire et l'a condamnée à le payer.

Le jugement lui ayant été notifié le 17 février 2020, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) en a interjeté appel par déclaration au greffe le 12 mars 2020.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) demande à la cour de :

- infirmer le jugement 30 janvier 2020 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- déclarer toutes les conséquences de l'accident du travail du 3 mars 2014 opposables à la société [5] jusqu'à la date de consolidation fixée au 27 octobre 2016 ;

- débouter la société [5] de toutes ses demandes ;

- condamner la société [5] aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise.

Au soutien de son appel, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) fait valoir pour l'essentiel que la présomption d'imputabilité s'applique à partir du moment où un arrêt de travail initial est prescrit dans le certificat médical initial, et ce qu'il y ait ou non continuité de symptômes ou de soins ; que si le certificat médical initial établi le jour de l'agression par le service médical de l'aéroport ne prescrit que des soins, l'assurée s'est vu prescrire un arrêt de travail dès le 7 mars 2014, soit 4 jours après les faits ce que l'on peut considérer comme un temps voisin de l'accident ; qu'une reprise du travail a été possible à compter du 19 mars 2014 avec une poursuite de soins jusqu'au 9 mai 2014 ; que néanmoins cette reprise du travail est apparue prématurée puisque l'assurée a été placée de nouveau en arrêt de travail à compter du 2 mai 2014 ; que cet arrêt de travail a été prolongé à deux reprises jusqu'au 11 juillet 2014 et qu'il s'en est suivi une longue période de soins prescrits de façon continue jusqu'au 27 février 2015 ; que l'assuré a été de nouveau placée en arrêt de travail à compter du 13 février 2015, et ce, jusqu'au 5 juin 2015 ; qu'une reprise du travail a ensuite été possible avec une poursuite des soins jusqu'à la date de consolidation fixée par le médecin traitant et validée par le médecin conseil au 27 octobre 2016 ; que les arrêts de travail prescrits à l'assurée ont en outre régulièrement été soumis à l'avis du médecin conseil ; que la présomption d'imputabilité est donc parfaitement établie. Elle explique que pour détruire cette présomption d'imputabilité et obtenir l'inopposabilité à son égard de la prise en charge, l'employeur doit rapporter la preuve que les soins et arrêts de travail dont la prise en charge est contestée ont une cause totalement étrangère à l'accident du travail ou que le salarié présente un état pathologique préexistant auquel les prestations sont exclusivement imputables et que ce n'est pas à la caisse de prouver que les soins et arrêts de travail pris en charge sont exclusivement imputables à l'accident du travail.

Elle soutient que la nature même de la mission confiée à l'expert montre l'inversion de la charge de la preuve opérée par le tribunal celui-ci ayant demandé à l'expert de fixer la durée des arrêts de travail directement et uniquement imputables à l'accident du travail, faisant ainsi fi de la présomption d'imputabilité ; que ses conclusions ne peuvent ainsi en aucun cas permettre de renverser la présomption applicable. Elle relève par ailleurs que le tribunal s'est trompé en demandant à l'expert de fixer la date de la consolidation de l'état de santé de l'assurée alors que celle-ci relève des seules attributions du médecin conseil et que les premiers juges ne pouvaient en aucun cas la modifier. Elle soutient par ailleurs, que le rapport du docteur [K] ne permet en aucun cas d'objectiver un état pathologique antérieur clairement identifié qui serait en lien exclusif avec les soins et arrêts de travail prescrits à l'assurée, celui-ci se contentant d'avancer l'hypothèse d'un état pathologique antérieur qui aurait été aggravé par l'agression verbale dont l'assurée a été victime ; que par ailleurs, un état pathologique révélé ou aggravé par un accident du travail doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle ; qu'ainsi, les conclusions du docteur [K] ne permettent pas de renverser la présomption d'imputabilité et que c'est à tort que le tribunal a entériné le rapport d'expertise et déclaré inopposables à la société [5] les arrêts de travail prescrits à compter du 20 mars 2014 et les soins prescrits à compter du 2 mai 2014.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société [5] demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la caisse primaire mal fondé ;

A titre liminaire,

- constater que le nom de l'assurée est erroné dans le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny,

- rectifier l'erreur matérielle relative au nom de l'assurée, Mme [S] ;

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 30 janvier 2020 en ce qu'il a déclaré inopposables, à l'égard de la société [5], les arrêts de travail prescrits à compter du 20/03/2014 ainsi que les soins prescrits à compter du 02 mai 2014 à Mme [S], et en ce qu'il a mis à la charge de la caisse primaire les frais d'expertise ;

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire

- constater qu'il existe un différend d'ordre médical portant sur l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail indemnisés ;

En conséquence,

- ordonner une expertise médicale judiciaire avant dire droit afin de vérifier l'imputabilité des lésions prises en charge par la caisse primaire d'assurance maladie à l'accident du 4 mars 2014 ;

- ordonner à la caisse primaire d'assurance maladie de transmettre tous les éléments du dossier de Mme [S] en sa possession, dont l'historique des remboursements avant le fait accidentel et jusqu'à la consolidation ;

- nommer tel expert avec pour mission :

prendre connaissance des documents détenus par la caisse concernant les prestations prises en charge au titre du sinistre initial ; déterminer exactement les lésions initiales provoquées par l'accident ; fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec ces lésions ;

dire si l'accident a seulement révélé ou s'il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte ; en tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n'est pas médicalement justifiée au regard de l'évolution du seul état consécutif à l'accident.

fixer la date de consolidation des seules lésions consécutives à l'accident à l'exclusion de tout état indépendant évoluant pour son propre compte.

En tout état de cause,

- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du caractère professionnel des soins et arrêts en cause.

En réplique, la société [5] fait valoir pour l'essentiel qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré inopposable à son égard la prise en charge des arrêts de travail prescrits à Mme [S] à compter du 20 mars 2014 ainsi que les soins prescrits à compter du 2 mai 2014, et mis à la charge de la caisse primaire les frais d'expertise ; que préalablement à l'expertise du docteur [K], le médecin-conseil de la société, le docteur [U], relevait déjà dans une note technique qu'au vu des circonstances et de la chronologie des constats médicaux, la suspicion de l'existence d'un état antérieur était forte ; que les conclusions du docteur [U] sont claires et non équivoques; que le docteur [K] désigné par le tribunal a conclu au terme de son rapport d'expertise que l'ensemble des arrêts et soins prescrits ne sont pas en lien direct, certain et exclusif avec l'altercation verbale du 4 mars 2014. Elle relève que le praticien conseil émet un avis favorable à la consolidation avec séquelles non indemnisables, ce qui sous-entend qu'il existe un état antérieur au fait accidentel du 4 mars 2014 ; qu'il est probable qu'il existe un état antérieur aggravé transitoirement par le fait accidentel du 4 mars 2014 sur le lieu de travail ; Puis, qu' à la consolidation, la pathologie antérieure évolue pour son propre compte. Par ailleurs, elle invoque que l'aggravation est en lien avec des facteurs extérieurs aux conditions de travail et objective un état indépendant de l'accident du travail et des conditions du travail.

Elle soutient que la caisse primaire est mal venue de critiquer le rapport d'expertise alors qu'elle n'a pas jugé utile de se rendre à l'expertise à laquelle elle était pourtant convoquée ; qu'elle ne saurait reprocher à l'expert de ne pas pouvoir affirmer de manière péremptoire l'existence d'un état antérieur alors que le service médical pourtant sollicité par l'expert n'a fourni aucun élément médical pertinent ; que la caisse primaire ne produit aucun nouvel élément médical en appel et se contente de réitérer les mêmes critiques qu'en première instance contre un rapport particulièrement motivé. Elle précise qu'il convient de confirmer le jugement du 30 janvier 2020 en ce qu'il a condamné la caisse au remboursement des frais d'expertise avancés par la société.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du lundi 15 mai 2023, et soutenues oralement par les parties.

SUR CE :

- Sur l'opposabilité des arrêts et soins :

Il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir que les soins et arrêts contestés sont totalement étrangers au travail, peu important le caractère continu ou non des soins ou symptômes qui n'est pas de nature à remettre en cause les conditions de la présomption d'imputabilité des arrêts et des soins à l'accident du travail. (civ.2e., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-17.626, arrêt PBI ; civ.2e., 18 février 2021, pourvoi n° 19-21.94 ; dans le même sens civ.2e., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655)

Il convient de relever que si le certificat médical initial n'est pas assorti d'un arrêt de travail le jour de son établissement, celui-ci prescrivant d'abord des soins, la présomption s'applique néanmoins s'il existe une continuité de symptômes et de soins.

En l'espèce, l'assurée, agent d'exploitation au sein de la société [5], a déclaré un accident du travail le 4 mars 2014, constaté par un certificat médical initial le 4 mars 2014 qui mentionne la lésion suivante « traumatisme psychologique suite à agression verbale » et prescrit dans un premier temps des soins jusqu'au 7 mars 2014 (pièce n°2 de la CPAM), les certificats médicaux suivants prescrivant un arrêt de travail à compter du 7 mars 2017 jusqu'au 14 avril 2014 inclus (pièces n°4 et n°5 de la CPAM), puis un arrêt de travail du 9 mai 2014 jusqu'au 11 juillet 2014 inclus (pièces n°7, n°8 et n°9 de la CPAM), des soins du 11 juillet 2014 jusqu'au 27 février 2015 (pièces n°10, 11, 12, 13, , 14, 15, 16 de la CPAM), puis un arrêt de travail jusqu'au 5 juin 2015 inclus (pièces n°17, 18, 19 et 20 de la CPAM), puis des soins du 5 juin 2015 au 27 octobre 2016, cette dernière date étant celle mentionnée sur le certificat médical final et correspondant à la date de consolidation (pièces n°21, 22, 23, 24 et 25 de la CPAM).

Ainsi, il résulte des éléments du dossier que les différents certificats médicaux joints aux débats qui visent toujours la même pathologie en lien avec l'accident survenu le 4 mars 2014 pour un stress psychologique, démontrent une continuité de symptômes et de soins dans la prise en charge de l'assurée.

En conséquence, la présomption d'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts doit s'appliquer jusqu'à la date de consolidation de l'état de Mme [S], soit jusqu'au 27 octobre 2016.

Le tribunal a mandaté un expert le docteur [K] qui a conclu au terme de son rapport d'expertise que l'ensemble des arrêts et soins prescrits n'est pas en lien direct, certain et exclusif avec l'altercation verbale du 4 mars 2014 celui-ci relevant « Madame [S] bénéficie d'un suivi exclusivement par le médecin généraliste traitant. L'état de stress post-traumatique n'est détaillé que le 24 10 2014 par le médecin généraliste, soit plus de 7 mois après les faits accidentels ('). Le médecin généraliste ne juge pas utile de prescrire un arrêt de travail dans le cadre de l'accident du travail ('). Il n'y a pas d'aggravation pouvant nécessiter un arrêt de travail. Il s'agit donc d'une stabilité (...) ».

La société [5] se prévaut de son côté du rapport de son médecin conseil, le docteur [U], qu'elle a mandaté et qui, dans son rapport médical en date du 11 février 2019 indique notamment « (') Le libellé de stress post-traumatique » a été successivement retranscrit sur l'ensemble des certificats de prolongation, sans information clinique descriptive permettant de définir la situation psychique de la personne, sans référence à une quelconque thérapeutique médicamenteuse ou psychothérapeutique, sans notification de la nécessité de l'orienter auprès d'une consultation psychiatrique, voire de l'hospitaliser. On ne peut donc établir la continuité des soins et des symptômes relatifs à la lésion imputable (').

L'aggravation tardive d'un état de stress post-traumatique, tel qu'il est évoqué par les certificats de prolongation, prête également à questionnement. En effet, un événement unique, n'apparaît pas susceptible d'engendrer une détérioration de la situation psychique à distance et il est dès lors possible d'évoquer la participation de facteurs exogènes environnementaux sans lien avec l'accident du travail ('). En conséquence, il apparait licite de contester l'origine professionnelle des prolongations d'arrêt de travail à compter du 20/03/2014, date correspondant à mon sens la consolidation de l'accident du travail, en l'absence de continuité avérée et documentée des soins, symptômes et arrêts de travail directement et certainement imputable à l'accident du travail ».

Il convient de relever que les affirmations mentionnées dans la note médicale du docteur [U] et l'expertise du docteur [K] n'établissent nullement que la longueur des soins de l'assurée est la conséquence d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte ou d'une cause totalement étrangère à l'accident du travail de l'assurée survenu le 4 mars 2014. Ils n'établissent pas non plus en quoi l'ensemble des arrêts et soins prescrits n'est pas en lien direct, certain et exclusif avec l'altercation verbale du 4 mars 2014.

Ces avis médicaux, fondés principalement sur des considérations générales, face à la cohérence des pièces produites par la caisse qui sont suffisantes pour trancher le litige soumis à la cour, sont insuffisants en l'espèce à renverser la présomption d'imputabilité qui s'attache à la lésion initiale, à ses suites et à ses éventuelles complications ultérieures.

De la même façon, les écritures et productions de la société sont également insuffisantes en l'espèce à caractériser un différend d'ordre médical, de simples doutes fondés sur la longueur de l'arrêt de travail ou sur la tardiveté de la date de consolidation ne pouvant suffire à remettre en cause le bien-fondé de la décision de la caisse.

Ainsi, il convient de débouter l'employeur de ses demandes tant d'inopposabilité de la prise en charge des soins et arrêts, que d'expertise médicale.

En conséquence, par voie d'infirmation du jugement déféré, il sera fait droit à la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) sollicitant de voir déclarer opposable à l'employeur l'intégralité des arrêts de travail et soins prescrits au titre de l'accident de l'assurée.

- Sur les dépens :

La société [5], succombant en appel, devra en supporter les dépens, y compris les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DECLARE l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (93) recevable;

INFIRME le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny du 30 janvier 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant a nouveau,

DIT que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis de prise en charge de l'ensemble des arrêts et soins au titre de l'accident de Mme [E] [S] jusqu'à la date de consolidation fixée au 27 octobre 2016 est opposable à la société [5] ;

DEBOUTE la société [5] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/02330
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;20.02330 ?
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