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07/07/2023 | FRANCE | N°20/00817

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 07 juillet 2023, 20/00817


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 07 JUILLET 2023



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/00817 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKY6



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 janvier 2020 par le pôle social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/02306





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'OISE

[Adresse 1]

[Localité 3]

repré

sentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIMÉE

SOCIETE [5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 07 JUILLET 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/00817 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKY6

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 janvier 2020 par le pôle social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/02306

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'OISE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMÉE

SOCIETE [5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946, substitué par Me Emilie SEILLON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Natacha PINOY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Madame Bathilde CHEVALIER, conseillère

Madame Natacha PINOY, conseillère

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (60) (la caisse) d'un jugement rendu le 8 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l'opposant à la société [5] (la société).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [Z] [F], hôtesse de l'air au sein de la société [5], a été victime d'un accident le 6 décembre 2018, la déclaration d'accident du travail mentionnant « La salariée déclare « chute de sa hauteur. Heure d'accident non précisé » ».

Le certificat médical initial établi le même jour par le docteur [R] du centre de soins de l'aéroport [6] mentionne « chute ' traumatisme épaule gauche avec limitation mobilité et douleur face post épaule et tête humérale ».

Le 1er février 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] a informé la société [5] de la réception d'un certificat médical de nouvelle lésion le 25 janvier 2019 et de l'ouverture d'une instruction.

Par courrier du 11 février 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise a précisé à la société [5] qu'elle prenait en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

Par courrier du 9 avril 2019, la société [5] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester l'opposabilité de la décision de prise en charge de la caisse, puis, sur rejet implicite de la commission, la société a saisi le tribunal judiciaire de Bobigny.

Par jugement du 8 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- déclaré recevable le recours de la société [5] ;

- déclaré le recours bien fondé ;

- dit inopposable à la société [5] la décision du 11 février 2019 de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise de l'accident déclaré le 6 décembre 2018 par [Z] [F] ;

- dit inopposable à la société [5] l'ensemble des arrêts et soins prescrits postérieurement au titre de cet accident dont la nouvelle lésion du 25 janvier 2019 ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise aux dépens de l'instance.

Le jugement lui ayant été notifié le 20 janvier 2020, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise en a interjeté appel par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 janvier 2020.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (60) demande à la cour de :

- débouter la société [5] de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident survenu à Mme [Z] [F] le 6 décembre 2018 ;

- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- débouter la société [5] de sa demande d'inopposabilité des soins et arrêts de travail prescrits postérieurement au certificat médical initial ;

- débouter la société [5] de son éventuelle demande d'expertise médicale judicaire;

- débouter la société [5] de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la lésion nouvelle ;

- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Au soutien de son appel, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (60) fait valoir pour l'essentiel que la circonstance du fait accidentel est parfaitement cohérente avec les fonctions et horaires de l'assurée ; que l'employeur a été informé immédiatement de la survenance du fait accidentel ; que l'assurée s'est rendue immédiatement au service médical d'Aéroport de [Localité 7] qui a constaté des douleurs à l'épaule et au membre supérieur gauche ; qu'il est faux d'affirmer que l'assurée aurait poursuivi son activité professionnelle alors qu'elle aurait été blessée ; que ce sont les agents de sécurité qui ont prévenu les services d'[5] le même jour à 19h30 et que les services de secours ont également été prévenus et ont conduit Mme [F] au centre médical d'urgence où elle est arrivée à 20h ; que lors de son instruction, la caisse de l'Oise a recueilli le témoignage de Mme [C] [U], collègue de Mme [F] ; que les lésions décrites par l'assurée sont corroborées par le certificat médical initial établi le jour même de la survenance des faits.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société [5] demande à la cour de :

- recevoir la société [5] en ses demandes, les disant bien fondées ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de ses demandes.

En réplique, la société [5] fait valoir pour l'essentiel que si Mme [Z] [F] a déclaré avoir chuté de sa hauteur le 6 décembre 2018 sur le parking en arrivant sur son lieu de travail, elle n'a apporté aucune précision quant aux circonstances dans lesquelles cette chute serait survenue ; que personne n'a assisté à la survenance d'un fait accidentel, ni n'a constaté que l'assurée souffrait d'une quelconque gêne le 6 décembre 2018 préalablement à son accident déclaré ; qu'il n'y aucun lien entre la lésion prise en charge et le mécanisme accidentel décrit par l'assurée ; qu'il n'existe aucun élément objectif permettant d'établir la matérialité du fait accidentel déclaré et qu'il ne peut être exclu que l'accident se soit produit en réalité en tout autre lieu et avant la prise de poste de la salariée. Elle relève que la décision de la caisse ne repose que sur les affirmations de la salariée, en dehors de tout élément lui permettant de considérer comme établie la survenance d'un fait accidentel au temps eu lieu du travail. Elle soutient que la caisse n'a pas démontré, ni la réalité de la survenance d'un fait accidentel au temps et au lieu travail, ni le lien de causalité direct et certain entre la lésion constatée et le soi-disant fait accidentel.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du lundi 15 mai 2023, et soutenues oralement par les parties.

A l'audience du 15 mai 2023, la société [5] précise que seule la matérialité de l'accident du travail est contestée en cause d'appel.

SUR CE :

- Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail au titre de la législation professionnelle :

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail.

Il appartient à la caisse subrogée dans les droits de la victime, dans ses rapports avec l'employeur, de rapporter la preuve de la survenance d'une lésion en conséquence d'un événement survenu au temps et au lieu du travail. S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes, sans que l'existence de la présomption du caractère professionnel de l'accident résulte des seules allégations de la victime.

Le salarié, ou la caisse en contentieux d'inopposabilité, doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel, il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments.

En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celle-ci est présumée imputable au travail, sauf pour celui qui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail.

L'absence de réserves portées par l'employeur sur la déclaration d'accident du travail ne vaut pas reconnaissance tacite de sa part du caractère professionnel de l'accident et ne le prive pas de la possibilité de le contester par la suite.

En l'espèce il résulte des éléments du dossier qu'une déclaration d'accident du travail survenu le 6 décembre 2018 relevé dans le formulaire comme « connu » par l'employeur le 6 décembre 2018 à 23h01, a été signée par celui-ci le 7 décembre 2018. Cette déclaration concerne Mme [Z] [F], hôtesse de l'air au sein de la société [5]. Le formulaire de déclaration mentionne « chute de sa hauteur ». Le « siège des lésions » précise « bras gauche / épaule gauche ». La « nature des lésions » mentionne « douleur ».

Le certificat médical initial établi le jour de l'accident, soit le 6 décembre 2018 par le docteur [E] [R] au centre de soins de l'aéroport fait état de « chute ' traumatisme épaule gauche avec limitation mobilité et douleur face post épaule et tête humérale » et prescrit à l'assurée un premier arrêt de travail jusqu'au 10 décembre 2018.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, par courrier du 11 février 2019, a précisé à la société [5], qu'elle reconnaissait le caractère professionnel de l'accident de Mme [Z] [F].

Il résulte des éléments du dossier que la déclaration mentionne que l'accident serait survenu à Mme [Z] [F] le 6 décembre 2018, étant observé que ses horaires de travail ce jour-là s'organisaient de 19h30 à 23h55. Cet accident a généré une « douleur» dont il est résulté une lésion corporelle ayant comme siège le « bras gauche / épaule gauche », médicalement constatée dans le certificat médical initial le 6 décembre 2018, soit le même jour.

Le service médical de l'aéroport de [6] mentionne dans sa note de « recueil d'informations » que l'assurée est passée à son service « le 6 décembre 2018 à 20h », soit dans l'heure de l'accident et est en cohérence avec les déclarations de l'assurée qui commençait ses horaires de travail à 19h30 ce jour-là comme mentionné sur le formulaire de déclaration d'accident et qui a précisé dans le questionnaire assuré, à la question relative à l'heure de l'accident, « environ 19h15 » ajoutant « Je partais en vol pour une rotation de deux jours ».

Par ailleurs, les lésions reportées sur le certificat médical initial à savoir une « chute ' traumatisme épaule gauche avec limitation mobilité et douleur face post épaule et tête humérale» sont parfaitement en adéquation avec le mécanisme accidentel décrit dans la déclaration d'accident du travail, soit une chute de sa hauteur.

Ainsi, la version de l'accident décrite par Mme [F], et connue de l'employeur le jour même des faits est cohérente, au regard de l'activité exercée et des horaires de l'assurée, quant au fait générateur conduisant à la lésion initiale et est corroborée par le certificat médical initial établi le jour même de l'accident, qui s'est déroulé en début de soirée du 6 décembre 2018.

L'employeur a été informé immédiatement de la survenance du fait accidentel, tel que cela résulte de la déclaration d'accident de travail et du questionnaire complété par l'employeur. Par ailleurs, l'assurée s'est rendue immédiatement au service médical de l'aéroport qui a constaté des douleurs à l'épaule et au membre supérieur gauche, cette circonstance caractérise la survenance d'un fait soudain aux temps et lieu de travail et donc l'existence d'un accident du travail.

Par ailleurs, il résulte des éléments du dossier qu'une attestation établie le 24 décembre 2018 par Mme [C] [U], collègue de travail de l'assurée corrobore le déroulement des faits relatés par l'assurée, celle-ci mentionnant « Le 06.12.2018 à 19h30, je vois [Z] [F] allongée au sol devant les ascenseurs du parking de la cité PN à [5] à [6] entourée des agents de sécurité. Ayant glissée, elle s'est blessée. Elle ressent une douleur forte à l'épaule et au bras gauche et une douleur aux genoux. [Z] [F], hôtesse de l'Air, partait en vol 2 jours Si elle n'a pas assisté en direct à la chute de Mme [F], cette personne l'a vue au sol entourée des agents de sécurité, la description faite par Mme [U] étant également en adéquation avec la chute alléguée par l'assurée ce jour-là.

Ainsi, au regard de ces éléments objectifs, la caisse établit, dans ses rapports avec l'employeur, la matérialité de l'accident aux temps et lieu de travail dont a été victime Mme [Z] [F] le 6 décembre 2018, de sorte que la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer.

La présomption d'imputabilité ne peut être renversée que si la preuve est apportée que le travail n'a eu aucune incidence sur la survenance de l'accident, preuve qui n'est pas rapportée par la société [5].

L'employeur n'apporte pas plus la preuve de l'existence d'un état pathologique antérieur de la salariée, de nature à exclure le rôle causal du travail dans l'accident, celui-ci n'ayant toujours procédé que par voie d'affirmations.

Ainsi, aucun fait nouveau n'est de nature à remettre en cause la matérialité de l'accident au temps et au lieu de travail, et donc la décision prise par la caisse.

En conséquence, par voie d'infirmation du jugement déféré, la décision de reconnaissance par la caisse du caractère professionnel de l'accident survenu le 6 décembre 2018 à Mme [Z] [F] sera déclaré opposable à la société [5] ainsi que l'ensemble des arrêts et soins y afférents.

- Sur les dépens

La société [5], succombant en appel, devra supporter les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR ,

DECLARE l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise recevable ;

INFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny du 8 janvier 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant a nouveau,

DIT que la décision du 11 février 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l'accident déclaré le 6 décembre 2018 par Mme [Z] [F] est opposable à la société [5] et que l'ensemble des arrêts et soins prescrits postérieurement au titre de cet accident sont également opposables à la société [5] ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/00817
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;20.00817 ?
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