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07/07/2023 | FRANCE | N°19/08738

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 07 juillet 2023, 19/08738


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 07 Juillet 2023



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08738 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOZN



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Paris RG n° 17/00573





APPELANTE

SAS [6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Cyril GA

ILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : T12 substitué par Me Geoffrey GURY, avocat au barreau de PARIS, toque : T12



INTIMEES

Madame [O] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Manue...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 07 Juillet 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08738 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOZN

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Paris RG n° 17/00573

APPELANTE

SAS [6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Cyril GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : T12 substitué par Me Geoffrey GURY, avocat au barreau de PARIS, toque : T12

INTIMEES

Madame [O] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Manuella METOUDI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1137 substitué par Me Fiona HUTCHISON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0081

CPAM DE [Localité 8]

Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude

Pôle Contentieux Général

[Localité 5]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M Raoul CARBONARO, Président de chambre

M Gilles REVELLES, Conseiller

Mme Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la S.A.S. [6] (la société) d'un jugement rendu le 9 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à [O] [R] (l'assurée) et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il convient de préciser que l'assurée a transmis à la caisse une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre d'une 'dépression réactionnelle liée à des pressions au travail avec sentiment de dévalorisation et d'injustice' constatée par certificat médical initial du 17 juillet 2013 ; qu'au terme d'une instruction diligentée par la caisse, le dossier a fait l'objet d'une transmission pour avis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Île-de-France ; que la caisse a notifié à l'assurée un refus à titre conservatoire le 24 avril 2015 ; que le 28 juillet 2016, le comité a rendu un avis défavorable à la prise en charge de la pathologie ; que le 2 août 2016, la caisse a confirmé son refus de prise en charge ; que le 3 janvier 2017, après avoir saisi le 30 septembre 2016 la commission de recours amiable aux fins de contester ce refus de prise en charge de son affection, l'assurée a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ; que la commission de recours amiable a rendu une décision de rejet le 16 mai 2017.

Le tribunal de grande instance de Paris, auquel le dossier a été transféré, par jugement du 9 juillet 2019, a :

- déclaré recevable et non prescrite l'action en reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée par l'assurée ;

- rejeté la demande en reconnaissance implicite de la maladie professionnelle déclarée par l'assurée ;

Avant dire droit ;

- dit que le dossier de l'assurée sera soumis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 7] aux fins de procéder à l'examen du dossier et de donner son avis motivé sur l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre le travail habituel de l'assurée au sein de la société et l'affection déclarée le 15 octobre 2014 avec une première date de constatation médicale le 17 juillet 2013 ;

- dit qu'il appartient aux parties de transmettre au comité l'ensemble des pièces du dossier ;

- sursis à statuer sur les demandes présentées dans l'attente de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 7] ;

- déclaré la décision opposable la société, employeur ;

- renvoyé l'affaire à une audience ultérieure ;

- réservé toutes autres demandes ainsi que les dépens.

Pour se déterminer ainsi le tribunal a retenu que l'assurée a été informée de l'existence d'un lien possible entre la maladie et son travail habituel par certificat médical initial du 17 juillet 2013 et a souscrit une déclaration de maladie professionnelle le 15 octobre 2014 reçue par la caisse le 4 novembre 2014 ; qu'en conséquence la prescription biennale n'était pas acquise ; qu'après réception de la déclaration de maladie professionnelle et du duplicata du certificat médical initial le 4 novembre 2014, la caisse a, avant l'expiration du délai de trois mois au 5 février 2015, notifié le 30 janvier 2015 à l'assurée le recours à un délai complémentaire de trois mois, expirant au plus tard le 6 mai 2015 ; que la caisse lui a notifié un refus de prise en charge dans l'attente de l'avis du comité par lettre reçue le 28 avril 2015, soit dans les délais d'instruction ; que la saisine d'un deuxième comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles s'imposait dans la mesure où il était saisi d'un différend portant sur le caractère professionnel de la maladie.

La société a interjeté appel le 2 août 2019 du jugement qui lui avait été notifié à une date qui ne ressort pas des pièces du dossier.

Le 27 mars 2023, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Nantes-Pays de la Loire a rendu un avis défavorable à la prise en charge de la pathologie.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 juillet 2019 en ce qu'il a :

* déclaré recevable et non prescrite l'action en reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée par l'assurée ;

* dit que le dossier de l'assurée sera soumis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 7] aux fins de procéder à l'examen du dossier et de donner son avis motivé sur l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre le travail habituel de l'assurée et l'affection déclarée le 15 octobre 2014 avec une première date de constatation médicale le 17 juillet 2013 ;

* dit qu'il appartient aux parties de transmettre au comité l'ensemble des pièces du dossier ;

* sursis à statuer sur les demandes présentées dans l'attente de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 7] ;

* déclaré la décision opposable à son égard ;

* rappelé qu'en application de l'article 282 du code de procédure civile, il appartient au comité désigné d'adresser aux parties, ainsi qu'à leurs conseils et à la présente juridiction, par tout moyen permettant d'en établir la réception, un exemplaire de son avis ;

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 juillet 2019 en ce qu'il a rejeté la demande en reconnaissance implicite de la maladie professionnelle déclarée par l'assurée ;

Et statuant à nouveau :

- constater que la déclaration de maladie professionnelle a été effectuée par l'assurée plus de deux ans après qu'elle a eu connaissance du lien possible entre sa dépression et son activité professionnelle ;

En conséquence,

- juger que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle effectuée par l'assurée est prescrite ;

- confirmer la décision explicite de rejet notifiée par la commission de recours amiable le 29 mai 2017 confirmant la décision prise par la caisse de refuser la reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée par l'assurée.

La société fait valoir que :

- au regard de l'arrêt de travail de prolongation établi le 12 avril 2010, des constatations du médecin du travail en mai 2010, de la fiche d'inaptitude du 14 juin 2010, du certificat médical du 10 mars 2011 indiquant que ''son état de santé s'est aggravé début 2009, date à laquelle l'assurée a été soumise à de violentes pressions au travail'', du certificat médical de son psychiatre 17 mars 2011, des écritures de l'assurée aux termes desquelles les agissements répétés de harcèlement moral de son employeur sont la cause de son arrêt maladie du 18 juin 2009, il en résulte que l'assurée était informée depuis plus de deux ans d'un lien possible entre sa dépression et son activité professionnelle lors de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle en octobre 2014 ;

- L'assurée ne peut se prévaloir comme point de départ de la fin de versement des indemnités journalières le 30 mars 2014 puisqu'elle a continué de percevoir des indemnités journalières au-delà de la durée maximale de trois ans alors qu'il n'est plus son employeur depuis son licenciement le 28 juillet 2010 et que cette période d'indemnisation du 1er janvier au 30 mars 2014 est postérieure au terme du délai de prescription biennale.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, l'assurée demande à la cour de :

- dire l'employeur recevable mais mal fondé en son appel et demandes ;

- la dire recevable et bien fondée en ses fins et conclusions ;

- confirmer le jugement avant dire droit en ce qu'il a dit et jugé non prescrite sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ;

En conséquence de quoi,

Et statuant à nouveau,

- rejeter la prescription soulevée par l'employeur ;

- débouter l'employeur de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner l'employeur à régler la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'assurée réplique en substance que :

- en matière de maladie professionnelle, le point de départ de la prescription se situe notamment, soit à la date du certificat médical informant la victime du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle, c'est-à-dire le certificat médical initial, soit à la date de cessation de paiement des indemnités journalières, étant retenu le point de départ le plus favorable à la victime ;

- le certificat médical fait état d'une première constatation au 17 juillet 2013 et la cessation du paiement de ses indemnités journalières a eu lieu le 30 mars 2014 ;

- sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle aurait été reçue par la caisse le 19 novembre 2014, bien qu'elle conteste cette date et estime qu'elle l'a remise en mains propres à l'organisme le 17 juillet 2013, de sorte que sa demande en reconnaissance de maladie professionnelle n'est pas prescrite.

Par les observations orales de son avocat à l'audience, la caisse demande l'infirmation du jugement.

La caisse réplique en substance que :

- sur le fondement des articles L.461-1 et L.431-2 du code de la sécurité sociale, en matière de maladie professionnelle il n'y a qu'un seul point de départ, c'est le jour où l'assuré est informé du lien entre sa maladie et son activité professionnelle par le certificat médical ; que la cessation de versement des indemnités journalières n'intervient qu'en matière de faute inexcusable et non au stade où la maladie n'est pas encore reconnue ;

- le certificat médical du 17 mars 2011 constitue le point de départ du délai de prescription biennale puisqu'il s'agit de la date à laquelle l'assurée a eu connaissance du lien entre sa maladie et son activité professionnelle ; que l'assurée avait jusqu'au 17 mars 2013 pour effectuer sa demande en reconnaissance de maladie professionnelle, or la déclaration de maladie professionnelle a été régularisée le 5 mars 2014 ; que sa déclaration de maladie professionnelle intervenue tardivement est donc prescrite.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l'audience par leur conseil et visées par le greffe pour un exposé complet des moyens et arguments développés et soutenus à l'audience.

SUR CE :

Il résulte des articles L. 461-1 et L. 431-2 du code de la sécurité sociale que l'action en reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie peut être engagée dans le délai de deux ans qui suit la date à laquelle la victime ou ses ayants droit ont été informés par un certificat médical du lien possible entre la maladie et l'activité professionnelle.

En l'espèce, l'assurée a déclaré le 15 octobre 2014 une maladie professionnelle. Elle joint un certificat médical initial du 17 juillet 2013 mentionnant une ''dépression réactionnelle liée à des pressions au travail avec sentiment de dévalorisation et d'injustice'' et une date de première constatation médicale au 18 juin 2009.

Or, il ressort des pièces produites au débat que le certificat médical du 17 mars 2011 établi à la demande de l'assurée par son psychiatre, le docteur [V], indique que ''ce sont ses problèmes professionnels qui l'ont conduite à mon cabinet. Il existe donc un lien entre ses souffrances en milieu professionnel et sa demande de soin médico-psychologique''.

Si les autres éléments produits (certificat médical initial, certificat médical de son médecin traitant, certificat médical de son psychiatre) justifient d'une date de première constatation médicale de la maladie le 18 juin 2009, seul le certificat médical du 17 mars 2011 rapporte la preuve de l'information donnée à l'assurée du lien entre sa maladie et son travail au sein de la société.

Ainsi, le certificat médical établi par le psychiatre établissant de manière certaine un lien entre l'affection de l'assurée et son activité professionnelle est daté du 17 mars 2011, de sorte que la prescription biennale était acquise lors de la demande en reconnaissance de la maladie professionnelle de l'assurée le 19 novembre 2014.

Dans ces conditions, la demande de l'assurée était irrecevable.

Le jugement entrepris sera donc infirmé.

Succombant en ses prétentions, l'assurée sera condamnée aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré ;

DÉCLARE irrecevable l'action en reconnaissance de maladie professionnelle introduite par [O] [R] pour cause de prescription ;

DÉBOUTE [O] [R] de ses demandes ;

CONDAMNE [O] [R] aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/08738
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;19.08738 ?
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