RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 07 JUILLET 2023
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/07067 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFXI
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de MELUN RG n° 18/00839
APPELANTE
CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Madame [O] [E] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉE
Madame [G] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparante en personne
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Natacha PINOY, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre
Madame Bathilde CHEVALIER, conseillère
Madame Natacha PINOY, conseillère
Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (la caisse) d'un jugement rendu le 17 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Melun dans un litige l'opposant à Mme [G] [U] (l'assurée).
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [G] [U] a sollicité le 3 janvier 2018, la liquidation de sa retraite personnelle dans son intégralité auprès de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV) à compter du 1er mai 2018.
Le 8 janvier 2019, Mme [G] [U] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Melun d'une demande de dommages et intérêts à l'encontre de la caisse nationale d'assurance vieillesse.
Par jugement du 17 mai 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Melun a :
- condamné la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés à payer à Mme [G] [U] la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement lui ayant été notifié le 19 juin 2019, la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés en a interjeté appel par courrier du 5 juillet 2019.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) demande à la cour de :
- déclarer l'appel de la caisse bien fondé ;
- infirmer la décision rendue par le tribunal de grande instance de Melun en date du 17 mai 2019, en ce qu'il a condamné la caisse au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de dommages et intérêts.
Et statuant à nouveau,
- constater que les trois conditions cumulatives indispensables à l'engagement de la responsabilité ne sont pas remplies ;
- dire qu'il n'y a pas lieu à réparation.
Au soutien de son appel, la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés fait valoir pour l'essentiel qu'il n'y a pas dans le litige de faute imputable à la caisse. Elle explique que les délais d'instruction de sa demande ont été rallongés par la procédure de vérification de la situation de Mme [U] du fait de l'absence de déclaration par l'assurée de son changement de situation professionnelle et qu'ainsi, les délais de traitement reprochés ne sont que la résultante des manquements de l'assurée sociale. Elle soutient que l'assurée ne saurait donc être indemnisée d'un préjudice dont elle est à l'origine et dont elle ne rapporte pas la preuve. Elle précise que Mme [U] a perçu, suivant notification du 27 février 2019, la liquidation de sa pension de vieillesse à taux plein à effet du 1er mai 2018 et qu'elle a perçu à ce titre un rappel d'un montant de 9.130,57 euros correspondant à ses droits courant du 1er mai 2018 au 31 janvier 2019, déduction faite du prélèvement à la source. Elle soutient que les premiers juges ne sont pas allés au bout de leur raisonnement et ont privé leur décision de base légale en allouant à l'assurée une réparation alors même que les trois conditions cumulatives indispensables prévues par l'article 1240 du code civil n'étaient pas réunies.
Par demande écrite soutenue oralement à l'audience, Mme [G] [U] demande à la cour de condamner la CNAV à lui verser une somme de 8.230 euros en réparation de ses préjudices subis.
Elle fait valoir pour l'essentiel que la CNAV est fautive en raison des délais d'instruction anormalement longs appliqués sur sa retraite progressive et sur sa retraite pleine, mais également du fait de l'absence de réponse à ses courriers et du fait du refus de sa proposition de remboursement. Elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute et qu'elle a eu un préjudice fiscal direct lié aux délais d'instruction de sa retraite progressive et de sa retraite pleine, malgré de multiples relances qu'elle avait faites restées sans réponse, délais qui l'ont placée dans une situation financière difficile et ont généré une incidence sur la fiscalisation de ses revenus. Elle relève qu'elle a également eu un préjudice moral, cette situation l'ayant rendue malade. Elle soutient que le lien entre les fautes que sont les retards de paiement et le refus injustifié de la caisse d'accéder à sa demande d'imputer la dette de retraite progressive sur les sommes que lui devait la CNAV sont à l'origine de ses préjudices subis.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux demandes et conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du lundi 15 mai 2023, et soutenues oralement par les parties.
SUR CE :
- Sur la demande de dommage et intérêts :
Mme [U] demande que la caisse nationale d'assurance vieillesse soit condamnée à lui verser la somme de 8.230 euros à titre de dommages et intérêts du fait des préjudices liés aux délais anormalement longs de liquidation de sa retraite, l'ayant placée dans un situation financière difficile.
Aux termes de l'article 1240 du code civil « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Aux termes de l'article L. 351-16 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au moment des faits, « Le service de la fraction de pension est remplacé par le service de la pension complète, à la demande de l'assuré, lorsque celui-ci cesse totalement son activité et qu'il en remplit les conditions d'attribution. Il est suspendu lorsque l'assuré reprend une activité à temps complet.
Le service d'une fraction d'une pension ne peut pas être à nouveau demandé après la cessation de l'activité à temps partiel lorsque l'assuré a demandé le service de sa pension complète ou la reprise d'une activité à temps complet.
La pension complète est liquidée compte tenu du montant de la pension initiale et de la durée d'assurance accomplie depuis son entrée en jouissance, dans des conditions fixées par décret ».
En l'espèce, il est établi que le 3 janvier 2018, Mme [U] a adressé à la CNAV le formulaire de demande de retraite progressive le 15 décembre 2015, déclarant alors une activité à temps partiel de 28 heures hebdomadaires, et a adressé ensuite à la caisse le formulaire de demande de pension de vieillesse à taux plein à compter du 1er mai 2018.
Il ressort des éléments de la procédure que la demande de Mme [U] pour la liquidation de sa retraite dans son intégralité, acquise à compter du 1er mai 2018, n'a pu aboutir qu'à compter du courrier de la caisse nationale d'assurance vieillesse notifiant à l'assurée le bénéfice de l'attribution de sa retraite personnelle en date du 27 février 2019.
Mme [U] justifie par des pièces produites aux débats, avoir adressé à la CNAV plusieurs courriers, en date du 18 décembre 2015 (formulaire de demande de retraite progressive), du 6 février 2017 (information à la caisse d'un passage à temps partiel de 50%), du 2 janvier 2018 (formulaire de demande de retraite personnelle), du 30 juillet 2018 (courrier de demande d'information sur l'instruction de sa demande de retraite complète), du 18 septembre 2018 et du 25 octobre 2018 (rappel des dates de courriers adressés pour sa demande de retraite personnelle), du 16 décembre 2018 et du 6 janvier 2019 relatifs aux délais d'instruction de son dossier de liquidation de sa retraite à taux plein.
La CNAV a, de son côté, écrit à Mme [U] le 25 mai 2016 pour lui notifier l'attribution de sa retraite progressive à compter du 1er mai 2016, informant l'assurée de son devoir d'information de la caisse de toute modification de ressources. Elle lui a également adressé un courrier le 27 janvier 2018 (pour lui faire part de la modification du montant de sa retraite progressive compte tenu du changement de durée du travail de l'assurée), le 22 mai 2018 (pour solliciter la copie de l'attestation de Pôle Emploi), le 11 septembre 2018 (pour notifier à l'assurée un trop perçu de 4.920 euros au titre de la retraite progressive que Mme [U] a dû régler) et du 4 février 2019 lui notifiant le montant de sa retraite personnelle due depuis le 1er mai 2018.
Ainsi, il résulte de la procédure que de nombreux échanges ont eu lieu entre l'assurée et la caisse sur la question de la retraite progressive et sur celle de la retraite personnelle de Mme [U], étant observé que Mme [U] était informée de la nécessité d'informer la caisse de tout changement de situation.
Il ressort également des pièces du dossier que Mme [U] n'avait pas informé en temps utile la caisse nationale d'assurance vieillesse d'un changement de sa situation lié au fait qu'elle percevait des allocations de chômage depuis le 16 novembre 2017, l'assurée n'en ayant informé la caisse que le 1er septembre 2018, par la production de l'attestation d'ouverture de droits de l'allocation de l'Aide au Retour à l'Emploi datée du 27 novembre 2017. La retraite progressive a donc été supprimée par la caisse à effet du 1er septembre 2017. Ce n'est en effet, que par un courrier du 19 septembre 2018, versé aux débats, que Mme [U] a informé la caisse qu'elle avait cessé toute activité professionnelle au 30 octobre 2017, et qu'elle avait été indemnisée par le Pôle Emploi au titre des allocations chômage à partir du 16 novembre 2017.
La connaissance de ces éléments de situation étant nécessaire à la liquidation définitive de la retraite de l'assurée, ce n'est donc qu'à l'issue des vérifications de la situation de Mme [U] que la caisse a pu commencer l'instruction de la demande de pension de vieillesse entière, les changements de situation opérés ayant généré de fait un réajustement des montants de retraite à verser et, par conséquence, un délai d'instruction de son dossier plus long.
Au visa de l'article L. 351-16 du code de la sécurité sociale, l'assurée était tenue de déclarer tout changement intervenant dans sa situation professionnelle, ce qu'elle a fait mais tardivement. Ainsi, les délais de traitement de ses dossiers de retraite, reprochés à la caisse, ne peuvent être imputables à la caisse.
Il ressort par ailleurs des éléments du dossier que le 4 février 2019, l'attribution de sa retraite personnelle entière était notifiée à Mme [U] et un rappel de 9.130.57 euros correspondant à la période du 1er mai 2018 au 31 janvier 2019 lui était versé. Ainsi, la caisse a procédé à la liquidation de la pension vieillesse entière de l'assurée le 4 février 2019 soit moins de cinq mois après la connaissance de l'ensemble de la carrière de Mme [U].
En outre, l'assurée ne justifie pas d'un préjudice qui serait lié à une incidence fiscale subie à la hausse du fait d'un décalage dans le temps dans le versement de ses droits à la retraite, ni même du préjudice moral invoqué.
Ainsi, il n'est pas établi que la CNAV ait commis une faute dans la gestion des dossiers de retraite de Mme [U] qui lui ait occasionné les préjudices allégués.
En conséquence, par voie d'infirmation du jugement entrepris, Mme [U] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
- Sur les dépens
Mme [G] [U] succombant en appel, devra supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DECLARE l'appel de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés recevable;
INFIRME le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Melun du 17 mai 2019 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
DEBOUTE Mme [G] [U] de ses demandes ;
CONDAMNE Mme [G] [U] aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière La présidente