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06/07/2023 | FRANCE | N°22/20385

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 06 juillet 2023, 22/20385


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20385 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZOS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2022 -Président du TJ de Paris / France - RG n° 22/57240





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 5], prise en la personne d

e Madame la Maire de [Localité 5], Mme [M] [G], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20385 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZOS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2022 -Président du TJ de Paris / France - RG n° 22/57240

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 5], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 5], Mme [M] [G], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

INTIMEE

Mme [I] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Joanna GRAUZAM, avocat au barreau de PARIS, toque : C1117, substituée à l'audience par Me Karen SITBON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Mai 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 28 septembre 2022, la Ville de [Localité 5] a fait citer Mme [P] devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 324-1-1 III du code du tourisme et de la délibération du Conseil de Paris des 4, 5 et 6 juillet 2017, concernant un appartement situé [Adresse 1].

Aux termes de son acte introductif d'instance développé à l'audience, la Ville de [Localité 5] sollicitait la condamnation de la défenderesse au paiement d'une amende civile de 5.000 euros, dont le produit lui sera intégralement versé, et au paiement de la somme de 2.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 21 novembre 2022, rendu selon la procédure accélérée au fond, le magistrat du tribunal judiciaire de Paris, a :

- débouté la Ville de [Localité 5] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme ;

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 5] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 05 décembre 2022, la Ville de [Localité 5] a relevé appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 20 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 5] demande à la cour, au visa des articles L. 324-1-1 et suivants et des articles D. 324-1-1 et suivants du code du tourisme, de :

- juger celle-ci, prise en la personne de Mme la maire de [Localité 5], recevable et bien fondée en son appel et en ses conclusions, et l'y en juger bien fondé ;

- infirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 21 novembre 2022 (n°RG 22/57240) par le juge au tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du président du tribunal en ce que le juge a :

débouté celle-ci de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme,

rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné celle-ci aux dépens ;

et statuant de nouveau,

- juger que Mme [P] a enfreint les dispositions de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme et la délibération du Conseil de [Localité 5] des 4, 5 et 6 juillet 2017 en ne procédant pas à l'enregistrement de déclaration préalable auprès de la commune ;

- condamner Mme [P] à payer une amende civile de 5.000 euros et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L. 324-1-1 V du code tourisme ;

et en tout état de cause,

- débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner Mme [P] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de [Localité 5] ;

- condamner Mme [P] aux entiers dépens d'instance et d'appel.

La Ville de [Localité 5] soutient en substance :

- que l'article L.324-1-1 du code du tourisme appliqué ici prévoyait dès l'origine l'enregistrement de tous les meublés (les résidences principales comme les locaux commerciaux) dans les villes où il existe un règlement municipal sur l'usage ;

- qu'il est donc injustifié - et illogique - d'exiger la preuve de l'usage d'habitation pour une obligation qui concerne aussi les locaux commerciaux ;

- que l'intimée n'a pas procédé à l'enregistrement ; que les manquements n'ont pas duré un mois ainsi qu'elle croit pouvoir l'affirmer.

Dans ses conclusions remises le 27 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [P] demande à la cour, au visa de l'article L. 324-1-1 III du code du tourisme, de :

- juger celle-ci bien fondée et recevable en ses demandes, fins, conclusions et prétentions ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 21 novembre 2022 en ce qu'il a :

débouté la Ville de [Localité 5] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article L. 324-1-1 III du code du tourisme,

rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la Ville de [Localité 5] aux entiers dépens ;

et statuant à nouveau,

à titre principal,

- juger que le bien sis [Adresse 1] a fait l'objet d'une déclaration préalable sur le site de la mairie de [Localité 5] ;

- juger qu'elle a effectué toutes les diligences qui lui incombent ;

à titre subsidiaire,

- prononcer une réduction du montant de l'amende à la somme de 250 euros ;

en tout état de cause,

- débouter la Ville de [Localité 5] prise en la personne de Mme la maire de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la Ville de [Localité 5] prise en la personne de Mme la maire à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Ville de [Localité 5] aux entiers dépens.

Mme [P] soutient en substance :

- que, par télédéclaration en date du 11 mai 2021,elle a effectivement déclaré son bien situé [Adresse 1] en tant que meublé de tourisme sous le numéro d'enregistrement n°7511205021484 ;

- que l'infraction invoquée par la demanderesse aura durée uniquement un mois et demi depuis la publication de son annonce avant qu'elle ne régularise sa situation et procède à la déclaration de son bien en meublé de tourisme et la publication du numéro de déclaration au sein de l'annonce relative au bien.

SUR CE LA COUR

L'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose que :

I.-Pour l'application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.

II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986.

III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.

La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

Un téléservice permet d'effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.

Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d'un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.

Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l'enregistrement.

IV.-Dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.

IV bis.-Sur le territoire des communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement prévue au III, une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d'un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.

Cette autorisation est délivrée au regard des objectifs de protection de l'environnement urbain et d'équilibre entre emploi, habitat, commerces et services, par le maire de la commune dans laquelle est situé le local.

Lorsque la demande porte sur des locaux soumis à autorisation préalable au titre d'un changement de destination relevant du code de l'urbanisme, l'autorisation prévue au premier alinéa tient lieu de l'autorisation précitée dès lors que les conditions prévues par le code de l'urbanisme sont respectées.

Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent IV bis.

V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV bis est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 25.000 euros.

Ces amendes sont prononcées par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur demande de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme. Le produit de l'amende est versé à la commune. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le meublé de tourisme.

En l'espèce, la Ville de [Localité 5] fait valoir que Mme [P] n'aurait pas respecté les dispositions de l'article L. 324-1-1 III du code de tourisme, prévoyant une obligation de déclaration préalable pour toute location de meublé de tourisme.

Le premier juge a estimé lui que l'application de cette disposition suppose que le local soit initialement affecté à usage d'habitation, ce que la Ville de [Localité 5] n'aurait pas démontré dans la présente procédure.

Il sera observé à cet égard :

- que, par délibérations des 3, 4 et 5 juillet 2017, le conseil de [Localité 5] a entendu mettre en oeuvre le dispositif de déclaration préalable, en insérant dans le règlement municipal un nouvel article 7bis ;

- que l'article 7bis prévoit notamment que toute location pour de courtes durées d'un local meublé en faveur d'une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, situé ou non dans la résidence principale du loueur, doit faire l'objet d'une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès des services compétents de la Ville de [Localité 5], en application des dispositions de l'article L.324-1-1 du code du tourisme ; que cette déclaration préalable mentionnera les informations requises nécessaires à l'enregistrement du local meublé concerné par la ville et sera effectuée par téléservice ; que celle-ci donnera lieu à la délivrance d'un numéro d'enregistrement ;

- que, comme l'indique la Ville de [Localité 5], l'article L. 324-1-1 III, applicable sur le territoire de la commune au regard de la délibération du conseil de Paris, ne distingue pas selon la nature du local en cause, puisqu'il est fait référence à une déclaration préalable auprès de la commune pour toute location d'un meublé de tourisme ;

- que, certes, comme l'a observé le premier juge, la loi du 27 décembre 2019 a ajouté au texte un nouvel article L. 324-1-1 IV bis du code du tourisme ;

- que, cependant, contrairement à ce qu'indique la décision entreprise, cette modification n'avait pas pour objet de combler un vide juridique relatif à la déclaration préalable des locaux à usage commercial, puisque l'article L. 324-1-1 IV bis du code du tourisme est relatif à la possibilité de mettre en place une autorisation pour la location d'un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme, cette disposition ne venant donc pas modifier le régime de la déclaration de l'article L. 324-1-1 III ;

- que c'est à juste titre que la Ville de [Localité 5] observe donc que l'obligation de déclaration, mise en place à Paris, concerne tous les locaux, quelque soit leur usage antérieur, de sorte qu'il importe peu d'établir que le local de Mme [P] était à usage d'habitation ;

- que Mme [P], propriétaire, apparaît bien avoir loué le logement pour de courtes durées à une clientèle de passage sur le site Airbnb, ainsi qu'il résulte du constat d'infraction versé aux débats (pièce 1), l'annonce ne comportant pas de numéro d'enregistrement de déclaration préalable ;

- que le premier commentaire date d'août 2019, Mme [P] ayant fait une déclaration d'enregistrement le 11 mai 2021, la régularisation apparaissant ainsi plus tardive que celle revendiquée par l'appelante, qui fait état à tort que la situation litigieuse n'aurait duré qu'un mois et demi ;

- qu'il faut toutefois quand même prendre en compte la circonstance qu'au moment de la délivrance de l'assignation devant le premier juge, le 28 septembre 2022, la situation avait déjà été régularisée depuis de nombreux mois par Mme [P] ;

- que si l'amende doit présenter un caractère dissuasif, eu égard au caractère d'intérêt général de la réglementation qui vise à permettre une mise en oeuvre efficace des règles applicables à la location de courte durée à [Localité 5], ce dans un contexte de pénurie locative, il faut aussi prendre en compte les éléments relatifs à la situation personnelle de Mme [P] ;

- que celle-ci, conseillère clientèle, a un revenu mensuel de 3.416,67 euros, avec des charges de crédit mensuelles de 1.741,12 euros (pièces 6, 9 à 11) ;

- qu'il sera fait une juste appréciation de la situation en fixant le montant de l'amende civile à la somme de 1.500 euros à la charge de l'intimée, ce par infirmation de la décision entreprise.

L'intimée devra indemniser l'appelante pour les frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [I] [L] à payer une amende civile de 1.500 euros en application des dispositions des articles L. 324-1-1 III et V du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 5] ;

Condamne Mme [I] [L] à verser à la Ville de [Localité 5] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [I] [L] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/20385
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.20385 ?
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