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06/07/2023 | FRANCE | N°22/20194

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 06 juillet 2023, 22/20194


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20194 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGY3J



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Novembre 2022 -Président du TC de BOBIGNY - RG n° 2022R00397





APPELANTE



Mme [W] [T], Gérante de la société FRANCE LUXE>


[Adresse 5]

[Localité 7]



Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, assistée de Me Nathalie LE BORGNE subs...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20194 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGY3J

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Novembre 2022 -Président du TC de BOBIGNY - RG n° 2022R00397

APPELANTE

Mme [W] [T], Gérante de la société FRANCE LUXE

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, assistée de Me Nathalie LE BORGNE substituant Me Christophe GERBET, avocat au barreau de PARIS, toque : D775

INTIMÉS

LE MINISTERE PUBLIC - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL, pris en la personne du procureur général

[Adresse 4]

[Localité 6]

Régulièrement signifié, avis rendu le 17.02.2023

S.A.R.L. FRANCE LUXE agissant par son administrateur provisoire, Maître [K] [S]

CENTRE COMMERCIAL [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Juin 2023, en audience publique, Thomas RONDEAU, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société France Luxe a pour objet le commerce de détail de maroquinerie et d'articles de voyage. Elle exploite un magasin dans la galerie commerciale Westfield [Localité 10] 2.

La société France Luxe a pour actionnaire M. [G] et Mme [G].

Jusqu'en juillet 2022, Mme [G] a occupé les fonctions de gérante de la société.

M. [G] et Mme [G] ont été mis en examen du chef d'escroqueries en bande organisée, blanchiment et abus de bien social par la JIRS de Lille. Des saisies pénales ont été pratiquées durant l'information judiciaire.

Par ordonnance du 18 mai 2022, sur le fondement de l'article 706-43 du code de procédure pénale, Me [S] a été désigné mandataire ad litem dans le cadre de la procédure pénale menée devant le tribunal judiciaire de Lille.

Par ordonnance du 23 juin 2022, la JIRS de Lille a rendu un non-lieu concernant les faits d'escroquerie et a renvoyé les époux [G] aux fins de CRPC. L'audience était fixée au 2 septembre 2022 devant le tribunal judiciaire de Lille, celle-ci ne se tenant finalement pas.

Exposant ignorer la requête du parquet et l'ordonnance rendue le 18 mai 2022, Mme [T], nouvelle gérante de la société désignée le 11 juillet 2022, a constitué avocat pour qu'il :

- régularise une constitution de partie civile au nom de la société France Luxe,

- sollicite la condamnation des époux [G] à payer à la société France Luxe la somme de 1.196.626,80 euros, correspondant au préjudice de la société,

- sollicite l'attribution de la saisie pénale de 255.345 euros au titre de l'article 706-164 du code de procédure pénale.

Invoquant le mandat ad litem confié par ordonnance du 18 mai 2022, Me [S] a contesté la recevabilité de la constitution de partie civile de Mme [T] en qualité de gérante de la société France Luxe. La société France luxe s'est opposée aux arguments de Me [S] en rappelant que les dispositions de l'article 706-43 code de procédure pénale étaient uniquement applicables à une société prévenue et non à une société partie civile.

Dans ces circonstances, le parquet de Lille a sollicité du parquet de Bobigny qu'il saisisse le président du tribunal de commerce de Bobigny aux fins de désignation d'un administrateur provisoire.

Par ordonnance sur requête du 25 août 2022, le président du tribunal de commerce de Bobigny a désigné Me [S] comme administrateur provisoire.

Par acte d'huissier en date du 3 octobre 2022, Mme [T] a assigné M. le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny, la société France Luxe prise en la personne de Me [S], administrateur provisoire, aux fins de :

- déclarer recevable et bien fondée Mme [T], née le [Date naissance 2] 1974, à [Localité 8], demeurant [Adresse 5], à [Localité 7] (94), exerçant la profession de gérante de la société France Luxe RCS Bobigny n°395345507 à demander la rétraction de l'ordonnance sur requête du 25 août 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Bobigny ;

- dire et juger que la minute de l'ordonnance est dépourvue de signature, faute d'existence d'un certificat d'authentification de la signature numérique ;

- dire et juger que la requête présentée le 19 août 2022 par le ministère public ne justifie pas d'une dérogation au principe du contradictoire ;

- dire et juger que la mesure sollicitée ne justifiait pas une violation du principe de la contradiction, y compris à la requête du ministère public ;

- dire et juger que l'ordonnance entreprise a statué ultra petita ;

- dire et juger que la nomination de Me [S] avec mandat de représentation générale de la société France Luxe est disproportionnée ;

- dire et juger que la nomination de Me [S] est devenue inutile du fait de la caducité de l'ordonnance de renvoi aux fins de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

- rétracter en totalité l'ordonnance sur requête du 25 août 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Bobigny ;

- ordonner la mention de l'ordonnance à intervenir au registre du commerce et des sociétés ;

- déclarer l'ordonnance à intervenir opposable à la société France Luxe provisoirement prise en la personne de Me [S], administrateur provisoire demeurant [Adresse 3], à [Localité 9] (59) ;

- rétracter partiellement l'ordonnance sur requête du 25 août 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Bobigny et désigner tel administrateur provisoire dans le ressort de la cour de Paris ;

- réserver l'application de l'article 700 code de procédure civile et des dépens.

A l'audience du 8 novembre 2022, le président du tribunal de commerce de Bobigny a indiqué rétracter sur le siège l'ordonnance du 25 août 2022 et décidé d'entendre les parties sur le fond.

Le ministère public a réitéré sa demande de désignation d'un administrateur provisoire.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 18 novembre 2022, le président du tribunal de commerce de Bobigny a :

- désigné Me [K] [S] demeurant [Adresse 3], à [Localité 9] (59), aux fonctions d'administrateur provisoire de la société France Luxe dont le siège social est situé [Localité 10] (93) et ce pour une durée de trois mois qui pourra, en cas de besoin justifié, être prorogée par ordonnance rendue à la demande de l'administrateur ;

- dit que celui-ci aura pour mission de gérer et administrer la société avec les pouvoirs les plus étendus conformément aux statuts et aux dispositions légales et réglementaires en vigueur en remplacement de l'ensemble des organes sociaux de direction et de gestion des sociétés ;

- dit qu'il disposera des pouvoirs que la loi et les décrets en vigueur confèrent au gérant d'une société à responsabilité limitée, et qu'en conséquence il lui reviendra d'effectuer au registre du commerce et des sociétés les publicités afférentes ;

- autorisé l'administrateur provisoire à se faire assister de toute personne de son choix ;

- fixé à la somme de 2.000 euros HT le montant de ses honoraires à titre de provision ;

- dit qu'en cas de difficultés, il nous en sera référé ;

- laissé à chaque partie la charge de ses frais et dépens ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 58,97 euros TTC (dont 9,83 euros de TVA).

Par déclaration du 1er décembre 2022, Mme [T] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 23 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [T] demande à la cour, au visa de l'article 4 du code de procédure civile, de :

- la recevoir en son appel et en ses écritures et la juger bien fondée ;

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 18 novembre 2022 par le Président du tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'elle :

désigne Me [S] demeurant [Adresse 3], à [Localité 9] (59), aux fonctions d'administrateur provisoire de la société France Luxe dont le siège social est situé [Adresse 1] - à [Localité 10] (93) et ce pour une durée de trois mois qui pourra, en cas de besoin justifié, être prorogée par ordonnance rendue à la demande de l'administrateur,

dit que celui-ci aura pour mission de gérer et administrer la société avec les pouvoirs les plus étendus conformément aux statuts et aux dispositions légales et réglementaires, en vigueur en remplacement de l'ensemble des organes sociaux de direction et de gestion des sociétés,

dit qu'il disposera des pouvoirs que la loi et les décrets en vigueur confèrent au gérant d'une société à responsabilité limitée, et qu'en conséquence il lui reviendra d'effectuer au registre du commerce et des sociétés les publicités afférentes,

l'autorise à se faire assister de toute personne de son choix,

fixé à la somme de 2.000 euros HT le montant de ses honoraires à titre de provision,

dit qu'en cas de difficulté, il nous en sera référé,

liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 58,97 euros TTC (dont 9,83 euros de TVA) ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

- rétracter l'ordonnance sur requête du 25 août 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Bobigny ;

- juger n'y avoir lieu à désigner un administrateur provisoire de la société France Luxe ;

à titre subsidiaire,

dans l'hypothèse où la cour maintiendrait Me [S],

- infirmer l'ordonnance du chef de la mission impartie ;

- juger que Me [S] sera maintenu en qualité de mandataire ad hoc de la société France Luxe et aura pour mission de représenter en justice la société France Luxe aux fins de pourvoir à la défense de ses intérêts et notamment à l'indemnisation de son préjudice ;

en tout état de cause,

- ordonner la mention de l'arrêt à intervenir au registre du commerce et des sociétés ;

- débouter le ministère public de l'intégralité de sa demande de confirmation de l'ordonnance du 18 novembre 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il désigne Me [S] aux fonctions d'administrateur provisoire pour une durée de trois mois prorogeable, avec pour mission de gérer et administrer la société avec les pouvoirs les plus étendus conformément aux statuts et aux dispositions légales et réglementaires, en vigueur en remplacement de l'ensemble des organes sociaux de direction et de gestion des sociétés ;

- débouter la société France Luxe de sa demande visant à ordonner que les honoraires de l'administrateur provisoire soient pris en charge par l'appelante ou mis à sa charge ;

- juger que les honoraires de l'administrateur provisoire seront pris en charge par la société France Luxe ou mis à sa charge ;

- condamner la société France Luxe à payer à Mme [T] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société France Luxe de sa demande de condamnation au paiement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

- juger que les dépens resteront à la charge de la société France Luxe.

Mme [T] fait en substance valoir :

- que le président du tribunal de commerce a statué ultra petita, l'objet de la demande du ministère public étant la désignation d'un administrateur provisoire aux fins uniquement de représenter en justice la société France Luxe ; qu'un mandat spécial était sollicité mais qu'un mandat général a été ordonné ;

- que la mesure demandée est dépourvue d'intérêt et caduque, Mme [T] ayant pris toute disposition utile pour l'audience d'homologation de la CRPC du 2 septembre 2022, l'audience ne se tenant finalement pas ;

- que l'ordonnance ne justifie pas de la paralysie du fonctionnement de la société et du péril menaçant gravement les intérêts sociaux ;

- que le tribunal correctionnel de Bobigny, par jugement antérieur du 24 septembre 2021, a certes condamné Mme [G], pour gestion en soustraction frauduleuse à l'établissement de l'impôt en dissimulation de sommes et omission d'écritures dans un document comptable et fraude fiscale, mais s'est limité à une peine avec sursis, sans peine complémentaire d'interdiction de gérer et sans solidarité fiscale ;

- qu'en outre, la décision de fixer la rémunération de Mme [G] à la somme de 200.000 euros HT annuel, n'est pas une décision de gestion contestable et ne met pas en péril les intérêts de la société.

Dans ses conclusions remises le 28 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société France Luxe demande à la cour de :

- donner acte à la société France luxe, agissant par son administrateur provisoire, Me [K] [S], associé de la société Ajilink [S] ' Cabooter ' De Chanaud de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour de céans sur le mérite de l'appel de Mme [T] ;

en tout état de cause,

- ordonner que les honoraires de l'administrateur provisoire de la société France luxe seront pris en charge par l'appelante ou mis à sa charge ;

- condamner Mme [T] à porter et payer à la concluante la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [T] aux entiers dépens ;

- dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par la société Lexavoué Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société France Luxe fait en substance valoir :

- qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel ;

- qu'en tout état de cause, au regard des conclusions d'appel de Mme [T] et compte tenu des différentes diligences accomplies par l'administrateur provisoire depuis l'ordonnance frappée d'appel, il est demandé à la cour d'ordonner que les honoraires dudit administrateur provisoire soient pris en charge par l'appelante ou mis à sa charge.

Dans ses conclusions remises le 17 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, le procureur général près la cour d'appel de Paris demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise.

Le procureur général près la cour d'appel de Paris fait en substance valoir :

- que la requête du ministère public de première instance portait bien sur la désignation d'un mandataire assurant la gestion de la société, même si les missions afférentes au contentieux pénal en cours étaient explicitement précisées ;

- que les époux [G] ne peuvent plus assurer la direction de la société au regard de la procédure pénale en cours, Mme [G] ayant été condamnée pour fraude fiscale dans une procédure distincte ;

- que la nouvelle gérante, Mme [T], ne dispose d'aucun intérêt financier ni salarié dans la société, les conditions de nomination faisant apparaître un risque de conflit d'intérêts entre les prévenus à la procédure pénale et la dirigeante actuelle ;

- que le péril imminent est caractérisé par l'absence de direction saine, les risques de conflits d'intérêts et de renouvellement des abus de biens sociaux ;

- que la demande n'est pas caduque, la procédure pénale étant toujours en cours et l'allocation de dommages et intérêts n'ayant pas encore été prononcée.

SUR CE LA COUR

En application de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

L'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite visé s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

La désignation judiciaire d'un administrateur provisoire, dès lors qu'elle porte atteinte aux droits fondamentaux des sociétés, est une mesure exceptionnelle qui suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.

En l'espèce, il sera relevé :

- que, s'agissant de la désignation d'un administrateur provisoire avec un mandat général de gestion, la jurisprudence exige, comme rappelé ci-avant, la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent ;

- que, pourtant, ainsi que le relève Mme [T], sans être démentie sur ce point, la société France Luxe fonctionne normalement à ce jour, apparaît bénéficiaire et remplit ses obligations fiscales et sociales ;

- que l'administrateur provisoire désigné précise lui-même que l'activité est rentable, que la trésorerie disponible est supérieure à 400.000 euros et que la dette fiscale est réglée mensuellement (redressement initial de 911.000 euros, somme restant à payer de 463.000 euros) ;

- que, s'il est fait état par l'administrateur provisoire qu'un contrat de prestations a été conclu le 29 juillet 2022 entre la société France Luxe et l'entreprise individuelle [C] [G] représentant un coût important (200.000 euros par an), Mme [T] réplique à juste titre que cette prestation ne porte aucune atteinte à la santé financière de l'entreprise et qu'elle est en outre réglée par l'administrateur provisoire ;

- que le possible conflit d'intérêts entre Mme [T] et les époux [G], en raison de sa désignation par ceux-ci ou encore du contrat de prestations susvisé, n'établit en tout cas pas non plus que la société serait dans l'impossibilité de fonctionner ;

- que l'existence d'une procédure pénale, reposant sur les fautes éventuellement commmises par les époux [G] durant la période 2012-2016, est enfin elle aussi insuffisante pour caractériser un péril actuel et imminent relatif à la société France Luxe ; qu'importe également peu la circonstance que Mme [G] ait été condamnée en 2021 pour fraude fiscale ;

- que les conditions pour la désignation d'un administrateur provisoire, avec un mandat général, ne sont ainsi pas remplies ;

- que, même s'agissant d'une mission qui serait limitée à un mandat spécial pour représenter la société France Luxe dans le cadre de la procédure pénale, il n'est pas non plus établi que Mme [T] ne serait pas en capacité d'assurer la défense des intérêts de la société, nonobstant ses liens avec les époux [G] ;

- qu'en effet, Mme [T] avait pris l'initiative de mandater un avocat pour représenter la société en tant que partie civile ;

- qu'elle a notamment sollicité la condamnation des époux [G] à verser à la société la somme de 1.196.626,80 euros au titre du préjudice subi, décision conforme à l'intérêt social de la société France Luxe ;

- que, dès lors, la nécessité de désigner un mandataire spécial pour gérer les intérêts de la société France Luxe, partie civile, dans le cadre de la procédure pénale, n'est pas caractérisée.

Dans ces conditions, par infirmation de la décision entreprise, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur la demande.

Les honoraires à verser à l'administrateur provisoire seront à régler par la société France Luxe, bénéficiaire des prestations réalisées, aucune circonstance ne justifiant qu'ils puissent être mis à la charge de Mme [T], appelante.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens étant laissés à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Dit que les honoraires de l'administrateur provisoire seront à la charge de la société France Luxe ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens seront à la charge du Trésor public.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/20194
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.20194 ?
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