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06/07/2023 | FRANCE | N°22/20154

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 06 juillet 2023, 22/20154


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20154 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGYWZ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Octobre 2022 -Président du TJ d'evry - RG n° 22/00686





APPELANT



M. [X] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

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Représenté et assisté par Me Emmanuel ESCARD DE ROMANOVSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0140







INTIMÉES



Mme [I] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]



S.C. DP WESTERN, RCS d'Evry sous le n°8...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20154 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGYWZ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Octobre 2022 -Président du TJ d'evry - RG n° 22/00686

APPELANT

M. [X] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté et assisté par Me Emmanuel ESCARD DE ROMANOVSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0140

INTIMÉES

Mme [I] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

S.C. DP WESTERN, RCS d'Evry sous le n°809 234 685, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentées par Me Nicolas GRAFTIEAUX de l'AARPI CANOPY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0007 et assistées par Me Anne Laure SARBADY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0030

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er juin 2023, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société DP Western est une société civile d'exploitation agricole ayant pour gérant Mme [K], associée à parts égales avec son époux M. [E].

En septembre 2017 Mme [K] a déposé une requête en divorce. Une ordonnance de non-conciliation a été rendue par le tribunal judiciaire d'Evry le 13 février 2018, qui attribue la jouissance du domicile conjugal à l'épouse. La procédure est toujours pendante.

La société DP Western a pour activité l'élevage équin et toute activité équestre. Elle est implantée au sein de la propriété appartenant aux époux, [Adresse 4] à [Localité 3] (91).

Par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 avril 2022, demeuré infructueux, M. [E] a demandé à la société DP Western le remboursement de son compte courant d'associé.

Par acte du 5 juillet 2022, M. [E] a assigné en référé Mme [K] et la société DP Western devant le tribunal judiciaire d'Evry à l'effet d'obtenir, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, la condamnation de la société DP Western à lui payer la somme de 188.215,75 euros au titre du remboursement de son compte courant d'associé, ainsi que la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux entiers dépens.

Les défenderesses se sont opposées à la demande, arguant de contestations sérieuses, et ont sollicité à titre subsidiaire un délai de paiement de deux ans, outre la condamnation du demandeur à leur payer à chacune la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance du 7 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en paiement de M. [E] ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné M. [E] à payer à Mme [K] et à la société DP Western la somme de 1.500 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [E] aux entiers dépens.

Par déclaration du 30 novembre 2022, M. [E] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 mai 2023, il demande à la cour de:

- le déclarer recevable et bien fondé en l'intégralité de ses demandes ;

en conséquence,

- condamner à titre provisionnel la société DP Western à lui payer la somme de 188.215,75 euros au titre du remboursement de son compte courant ;

- la condamner à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En substance, M. [E] soutient avoir apporté à la société DP Western la somme de 188.215,78 euros correspondant à l'apport de chevaux et au versement de différentes sommes afin de financer l'activité de la société, comme en attestent les comptes de la société, établis sous le contrôle de sa gérante Mme [K], et des attestations de l'expert comptables de la société. En réponse à la fin de non-recevoir soulevée par l'intimée, il conteste former une demande nouvelle dans le simple fait de préciser que sa demande est faite à titre provisionnel, ce qu'il avait omis d'indiquer en première instance.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 mai 2023, Mme [K] et la société DP Western demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry du 7 octobre 2022 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé ;

- déclarer Mme [K] et la société DP Western bien fondées en leurs demandes, fins et conclusions ;

sur la recevabilité de l'appel formé par M. [E],

- déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. [E] tendant à ce que la société DP Western soit condamnée à payer à M. [E] la somme de 188.215,75 euros au titre du remboursement se son compte courant d'associé ;

si par extraordinaire la cour estimait la demande de M. [E] recevable :

- débouter M. [E] de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;

à titre principal,

- déclarer n'y avoir lieu à référé ;

à titre subsidiaire,

- ordonner que la demande de provision au titre du remboursement d'un compte courant d'associé est contraire à l'intérêt de la société DP Western ;

- débouter en conséquence M. [E] de l'intégralité de ses demandes ;

à titre infiniment subsidiaire,

- accorder à la société DP Western des délais de paiement en application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil ;

en tout état de cause,

- condamner M. [E] à verser à Mme [K] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En substance, l'intimée fait valoir :

- que la demande de provision formée en appel est irrecevable comme étant nouvelle,

- que l'appelant ne sollicite ni une mesure conservatoire ni une mesure de remise en état,

- qu'il ne démontre pas l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite,

- que la créance dont il se prévaut à l'encontre de la société DP Wesetrn est sérieusement contestable, cette créance n'étant pas certaine, exigible et liquide puisque les sommes que M. [E] a fait inscrire sur son compte courant d'associé correspondent à des apports de chevaux qui n'appartiennent pas en réalité à la société, à des dépenses pour des chevaux qui n'appartiennent pas à la société et à des dépenses pour des véhicules dont la société n'est pas propriétaire.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité de la demande

En première instance, M. [E] a sollicité le paiement d'une somme de 188.215,75 euros au titre du remboursement de son compte courant d'associé dans la société DP Western.

En appel, il formule la même demande, mais à titre provisionnel.

Pour autant, cette demande est la même qu'en première instance, étant seulement reformulée à titre provisionnel comme cela s'impose en matière de référé, le pouvoir du juge des référés, qui ne peut statuer sur le fond du litige, se limitant à l'octroi de provisions s'agissant des demandes pécuniaires formées devant lui.

Le fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur le fond du référé

M. [E] fonde son action sur l'article 835 du code de procédure civile.

En application de ce texte, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. (premier alinéa). Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. (second alinéa)

En l'espèce, la demande de M.[E] s'analysant en une demande de provision, elle est nécessairement fondée sur le second alinéa de l'article 835, en sorte que sont inopérants les moyens opposés par l'intimée tirés du défaut de caractère conservatoire de la mesure sollicitée et de l'absence de démonstration d'un dommage imminent et d'un trouble manifestement illicite.

Seul est opérant le moyen tiré de l'existence d'une contestation sérieuse, étant rappelé que le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée, qu'une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Si le compte courant d'associé a pour caractéristique essentielle, en l'absence de convention particulière ou statutaire le régissant (non invoquée en l'espèce), d'être remboursable à tout moment, encore faut-il que la créance de restitution qui est invoquée soit certaine, liquide et exigible, ce qu'il appartient au créancier de démontrer, en l'occurrence M. [E].

M. [E] se prévaut essentiellement de la mention sur le grand livre balance de la société gérée par son épouse, au titre de l'exercice du 1er janvier 2021au 31 décembre 2021, de la somme de 188.215,78 euros figurant à son crédit.

Cette écriture comptable est toutefois insuffisante à prouver le caractère certain, liquide et exigible d'un compte courant d'associé de 188.215,78 euros pour M. [E], la qualité de gérante de Mme [K] et son pouvoir subséquent de contrôler les comptes de la société ne suffisant pas non plus à l'établir, alors que cette dernière expose que c'est M. [E] qui a fait inscrire cette somme et surtout, produit un mail daté du 22 novembre 2019 de M. [Y] (directeur du CAERIF, association de gestion et de comptabilité), expert comptable de la société DP Western, adressé au conseil de Mme [K], aux termes duquel il confirme qu'il n'a pas été en mesure de tenir les comptes de la société depuis l'exercice 2017 pour plusieurs raisons: absence de relevé de compte bancaire professionnel au nom de la société, factures partiellement fournies et ne mentionnant pas le nom de la société mais celle des associés, un cheval inscrit au bilan a été vendu par M. [E] mais pas de facture ni de trace de règlement, divorce des associés qui le prive des documents indispensables à la tenue des comptes.

L'écriture comptable dont se prévaut principalement M. [E] ne peut donc être considérée comme ayant été validée par l'expert comptable de la société DP Western.

En outre, M. [E] ne détaille pas la somme de 188.215,78 euros qu'il dit avoir apportée à la société, se bornant à alléguer l'apport de chevaux lui appartenant, sans plus de développements, et à faire état de dépenses réglées par la société, sans davantage les préciser, alors que Mme [K] conteste de manière circonstanciée la propriété de la société sur les chevaux que M. [E] dit avoir apportés à la société et les dépenses y afférentes, contestations auxquelles M. [E] n'apporte pas de réponses précises.

Les écrits de l'expert comptable de la société DP Western, dont M. [E] se prévaut en outre, ne sont pas plus probants du caractère certain de sa créance de compte courant.

Ainsi, dans son courriel du 20 janvier 2023, M. [Y] confirme à M. [E] que cinq chevaux figurent bien en stock à la clôture de l'exercice 2015, soit quatre chevaux achetés par la société au 7 janvier 2015 dont une poulinière pleine qui a donné naissance à un poulain, ce qui signifie que la société est propriétaire de cinq chevaux qu'elle a achetés, non que ces chevaux étaient la propriété de M. [E] qui les a apportés à la société.

Le mail de M. [Y] daté du 9 mai 2023, aux termes duquel le comptable confirme à M. [E] que le montant de son compte courant d'associé au 31 décembre 2021 correspond à la somme mentionnée dans l'assignation en référé de son avocat en juin-juillet 2022, n'apporte aucun élément d'analyse sur le caractère certain de la créance revendiquée par M. [E], M. [Y], sans émettre aucun avis, se bornant à attester de la correspondance entre le montant du compte courant d'associé tel qu'il figure sur les comptes de la société au 31 décembre 2021 et le montant du remboursement sollicité par M. [E] dans son exploit introductif d'instance.

Dans ces conditions, la créance revendiquée par M. [E] au titre de son compte courant d'associé de la société DP Western se heurte à contestation sérieuse, qui fait obstacle à la demande de provision.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé.

Elle sera aussi confirmée sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dont elle a fait une juste appréciation.

Perdant en appel, M. [E] sera condamné aux dépens de cette instance, débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer sur ce fondement à l'intimée la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Rejette la fin de non-recevoir,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne M. [E] aux dépens de l'instance d'appel,

Le déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamne à payer à Mme [K] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/20154
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.20154 ?
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