La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°21/05095

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 juillet 2023, 21/05095


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 06 JUILLET 2023



(n°2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05095 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ6Q



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° F 19/00538



APPELANT



Monsieur [R] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Quitt

erie BEAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1549



INTIMEE



Madame [F] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D10...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 06 JUILLET 2023

(n°2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05095 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ6Q

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° F 19/00538

APPELANT

Monsieur [R] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Quitterie BEAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1549

INTIMEE

Madame [F] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1003

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le vendredi 7 avril 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Madame Manon FONDRIESCHI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [F] [K] a été engagée à compter du 10 novembre 2016 par M. [R] [T] par contrat de travail à durée indéterminée signé le 24 novembre 2016 en qualité d'employée de maison afin d'effectuer différentes tâches ménagères pour une durée de 8 heures hebdomadaires. Son salaire brut horaire était de 20,16 euros, les congés payés étant inclus, soit 15,40 euros net. Elle était réglée par chèque emploi service universel (CESU). Mme [K] a travaillé ainsi de novembre 2016 à juin 2017.

Par la suite, M. [T] a demandé à Mme [K] d'effectuer, à compter du 4 septembre 2018, 8 heures de travail hebdomadaires afin notamment d'aller chercher l'un de ses enfants à la sortie de son école et préparer le dîner. Son salaire horaire net était de 18,70 euros, et son salaire brut mensuel de 721,08 euros brut, congés payés inclus. Mme [K] a travaillé ainsi jusqu'aux vacances scolaires de la Toussaint suivantes, du 19 octobre au 4 novembre 2018.

La convention collective applicable est celle des salariés du particulier employeur.

Début novembre 2018, M. [T] a rompu le contrat de travail.

Contestant notamment son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Melun, lequel, par jugement du 5 mai 2021 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- jugé le licenciement intervenu à1'encontre de Mme [K] abusif,

- condamné M. [T] à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

* 2 163,24 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 721,08 euros au titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

* 390,58 euros nets au titre d'indemnité légale de licenciement,

* l 442,16 euros bruts au titre de son indemnité de préavis incluant les congés payés,

* 9 676,80 euros bruts au titre de rappel de salaires pour la période de mai 2017 à août 2018, congés inclus,

* 288,33 euros bruts au titre de rappel de salaire de 12 heures complémentaires de septembre à octobre 2018, congés payés inclus,

* 104,25 euros nets au titre de l'indemnité frais kilométriques,

* 750 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires et défaut de remise des documents sociaux,

* 200 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire,

* 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'intérêt au taux légal calculé sur les sommes représentant des salaires, à compter de la saisine du conseil, soit le 28 octobre 2019,

- pris acte de ce que M. [T] reconnaît devoir à Mme [K] la somme nette de 1 112 euros nets au titre des salaires des mois de septembre et octobre 2018 incluant les congés payés et l'y a condamné en tant que de besoin,

- ordonné la remise du bulletin de salaire du mois d'octobre 2018, la remise de l'ensemble des documents sociaux, conformément à la décision sous astreinte de 50 euros pour l'ensemble des documents par jour de retard pendant une durée de 30 jours, à compter de la notification de la décision, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur l'intégralité des condamnations, en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté M. [T] de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [T] aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution forcée.

Par déclaration du 8 juin 2021, M. [T] a relevé appel de ce jugement dont il a reçu notification le 21 mai 2023.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2021, M. [T] demande à la cour de :

- juger que le licenciement est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- juger que la demande de rappel de salaire de 9 676,80 euros est en tout état de cause infondée,

- juger que la demande de dommages et intérêts est irrecevable,

en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme [K] les sommes de :

* 2 163,24 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 721,08 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 390,58 euros nets au titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1 442,16 euros bruts au titre de son indemnité de préavis incluant les congés payés,

* 9 676,80 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période de mai 2017 à août 2018, congés inclus,

* 288,43 euros bruts au titre de rappel de salaire de 12 heures complémentaires de septembre à octobre 2018, congés payés inclus,

* 104,25 euros nets au titre de l'indemnité frais kilométriques,

* 750 euros au titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires et défaut de remise des documents sociaux,

* 200 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire,

en conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a pris acte que M. [T] reconnaît devoir à Mme [K] la somme nette de 1 112 euros nets au titre des salaires des mois de septembre et octobre 2018 incluant les congés payés,

- dire que M. [T] n'est redevable que de la somme nette de 1 122 euros à l'égard de Mme [K],

- condamner Mme [K] à payer à M. [T] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'intimée a constitué avocat mais n'a pas conclu.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions de l'appelante susvisées pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, étant rappelé qu'en application de l'article 954 du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2023.

Par message transmis par voie électronique du 21 juin 2023, la cour a invité les parties à transmettre leurs observations sur :

- le moyen tiré de l'application au litige de l'article L.1235-3 du code du travail et des indemnités minimale et maximale en résultant compte tenu de l'ancienneté de la salariée et de l'effectif de l'employeur ;

- le moyen tiré de ce qu'en application de l'article L.1235-2 du code du travail, une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement de licenciement n'est due que si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

Le 26 juin 2023, le conseil de M. [T] a transmis une note dans les délais prescrits au contraire de celui de Mme [K] qui n'en a adressé aucune.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour observe préalablement qu'elle dispose pour toutes pièces de celles versées aux débats par l'appelant, lesquelles se résument au bulletin de salaire de septembre 2018 et au jugement attaqué, et que si celui-ci se réfère dans ses écritures aux pièces adverses, il s'agit des pièces produites par Mme [K] en première instance qu'il ne communique pas lui-même et qui ne le sont pas par cette dernière, celle-ci n'ayant pas conclu, de sorte que lesdites pièces ne sont pas soumises à la cour.

Sur l'irrecevabilité soulevée par M. [T]

M. [T] demande dans le dispositif de ses écritures de juger la demande de dommages et intérêts irrecevable mais sans préciser la prétention indemnitaire qu'il vise et sans développer un quelconque moyen au soutien de sa demande. En conséquence, elle sera rejetée.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le rappel de salaire de mai 2017 à août 2018

Le conseil de prud'hommes a retenu que l'employeur ne prouvait pas la fin du contrat de travail en juin 2017, ni la conclusion d'un nouveau contrat en septembre 2018. Il a relevé l'absence de tout élément produit relatif à une démission, un licenciement, une rupture et de tout document de fin de contrat. Il a conclu que le contrat de travail de Mme [K] a été suspendu et non rémunéré sans raison par l'employeur de fin juin 2017 à début septembre 2018 et a accordé à la salariée la somme de 9 676,80 euros, congés inclus, à titre de rappel de salaire pour la période de mai 2017 à août 2018.

M. [T] conclut à l'infirmation de ce chef au motif que même si les documents officiels n'ont pas été établis, Mme [K] ne saurait sans mauvaise foi prétendre que le contrat du 24 novembre 2016 n'a pas été rompu d'un commun accord fin juin 2017 dès lors qu'elle n'a plus travaillé dans les faits pour lui à partir de cette époque, qu'aucune fiche de salaire ne lui a été délivrée et qu'elle ne s'est pas plainte d'un défaut de paiement du salaire et est même retournée travailler à son domicile début septembre 2018 en signant un nouveau contrat de travail.

Il appartient à M. [T] qui invoque que le contrat de travail conclu le 24 novembre 2016 a été rompu d'un commun accord à la fin du mois de juin 2017 d'en rapporter la preuve. Or, il ne produit aucun élément en ce sens. La circonstance que Mme [K] n'ait pas réclamé le paiement des salaires, ni n'ait reçu de bulletins de paie pendant plusieurs mois est insuffisante à établir cette preuve et le prétendu second contrat de travail qui aurait été signé par les parties le 4 septembre 2018 selon M. [T] n'est pas versé aux débats. Ainsi, il n'est pas prouvé que le contrat de travail du 24 novembre 2016 a été rompu fin juin 2017. Le conseil de prud'hommes a par ailleurs justement retenu qu'il n'est pas justifié d'une cause de suspension du contrat de travail de fin juin 2017 à septembre 2018, M. [T] n'en invoquant d'ailleurs aucune.

En l'absence de rupture ou de cause de suspension du contrat de travail, aucune retenue sur salaire ne peut être effectuée si l'inexécution du travail est imputable à l'employeur et non au salarié resté à sa disposition. Il incombe à l'employeur de prouver qu'il a fourni du travail au salarié mais que celui-ci ne l'a pas exécuté ou ne s'est pas tenu à sa disposition. Cette preuve n'étant pas non plus rapportée en l'espèce et la somme allouée à la salariée n'étant pas critiquée en son montant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [T] à payer la somme susvisée.

Sur le rappel de salaire au titre de 12 heures complémentaires de septembre à octobre 2018 et l'indemnité frais kilométriques

Le conseil de prud'hommes a relevé que Mme [K] a réclamé le paiement de ces heures, en les détaillant, ainsi que le règlement de ses frais kilométriques dans sa lettre recommandée du 4 décembre 2018 et que M. [T] n'a jamais contesté ces demandes. Retenant que la salariée n'a jamais reçu de paiement à ce titre, il a condamné M. [T] à payer à Mme [K] les sommes de 288,43 euros au titre du rappel de salaire pour les 12 heures complémentaires de septembre à octobre 2018, congés payés inclus, et de 104,25 euros au titre de l'indemnité frais kilométriques.

M. [T] s'étonne de ces demandes faites à l'occasion de la procédure judiciaire alors que Mme [K] savait en acceptant sa nouvelle fonction qu'elle devrait utiliser sa voiture et le temps qu'elle mettrait pour faire le trajet entre l'école et le domicile de son employeur. Il prétend que c'est dans ce cadre que son salaire horaire net a été fixé à 18,70 euros dans le second contrat au lieu de 15,40 euros dans le premier. Il note l'absence de toute indemnité kilométrique prévue dans les contrats.

- sur les heures complémentaires :

L'employé à domicile est défini par l'article L.7221-1 du code du travail comme le salarié employé par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager.

Les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux employés de maison.

En application de l'article 15 de la convention collective applicable, tout salarié dont la durée normale de travail calculée sur une base hebdomadaire, ou en moyenne sur une période d'emploi pouvant aller jusqu'à 1 an, est inférieure à 40 heures hebdomadaires, est un "travailleur à temps partiel".

Le régime de preuve relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail s'applique en revanche aux employés de maison.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au cas d'espèce, Mme [K] a été embauchée pour 8 heures de travail hebdomadaires. M. [T] ne critique pas les énonciations du jugement selon lesquelles Mme [K] a réclamé 12 heures complémentaires pour septembre et octobre 2018 en détaillant celles-ci dans sa lettre recommandée du 4 décembre 2018. Il s'en déduit que la salariée a présenté des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées afin de permettre à l'employeur d'y répondre.

Celui-ci ne conteste pas l'existence d'un temps complémentaire de travail lié aux trajets entre l'école de sa fille et son domicile où Mme [K] la ramenait. En tout cas, il ne produit aucun élément de nature à contredire l'existence des 12 heures complémentaires accomplies par Mme [K] au titre de ces trajets.

Dès lors, les premiers juges ont à juste titre retenu ce nombre d'heures.

M. [T] argue uniquement qu'il a été tenu compte de ce temps de trajet par la fixation d'un salaire horaire supérieur à celui précédemment appliqué. Toutefois, la seule circonstance que le salaire horaire de Mme [K] ait été légèrement augmenté à partir de septembre 2018 ne justifie pas d'un accord en ce sens et M. [T] ne prouve pas s'être acquitté du paiement de la rémunération due à sa salariée pour les heures complémentaires. La somme allouée à ce titre n'étant pas critiquée en son montant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [T] à payer 288,43 euros à Mme [K].

- sur les frais kilométriques :

Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans pouvoir être imputés sur sa rémunération. Toutefois, les parties peuvent convenir que le salarié conservera à sa charge ces frais moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire à condition qu'elle ne soit manifestement pas disproportionnée par rapport aux frais réels et que la rémunération du salarié reste chaque mois au moins égale au SMIC ou au salaire minimum conventionnel.

En l'occurrence, M. [T] admet que Mme [K] utilisait sa propre voiture pour aller chercher sa fille à l'école. L'existence de frais supportés par la salariée pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur n'est donc pas contestable. En outre la seule circonstance que le salaire horaire de Mme [K] ait été légèrement augmenté à partir de septembre 2018 ne justifie pas d'un accord en vue d'une indemnisation forfaitaire de ces frais et M. [T] ne prouve pas s'être acquitté du remboursement des frais dû à Mme [K]. La somme allouée à ce titre par les premiers juges n'étant pas critiquée en son montant, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [T] à payer 104,25 euros à Mme [K].

Sur le rappel de salaires au titre des mois de septembre et octobre 2018

Bien qu'ayant formé appel de la disposition du jugement relative à ce rappel de salaire, M. [T] ne développe pas de moyen à cet égard et conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a pris acte qu'il reconnaissait devoir à ce titre la somme nette de 1 112 euros nets. Le jugement sera de ce chef confirmé et en ce qu'il a condamné en tant que de besoin M. [T] au paiement de ladite somme.

Sur le licenciement

Sur le bien-fondé du licenciement

Le conseil de prud'hommes a relevé que Mme [K] a été licenciée pour faute grave au motif qu'elle ne s'était pas présentée à son travail pendant les vacances de la Toussaint, au moyen d'un SMS adressé à l'intéressée le 5 novembre 2018, alors que M. [T] a indiqué dans un précédent SMS envoyé à Mme [K] qu'elle était en vacances de sorte qu'il était informé de celles-ci. Il en a déduit que la salariée avait été licenciée sans cause réelle et sérieuse.

M. [T] fait valoir qu'un nouveau contrat de travail, dont il n'a pas gardé copie, a été signé le 4 septembre 2018 ajoutant aux fonctions d'employée de maison de Mme [K] des fonctions familiales consistant à s'occuper de sa fille handicapée. Or il soutient que sans le prévenir, Mme [K] est partie en vacances du 20 octobre au 5 novembre 2018, qu'il s'est inquiété de son état de santé comme le démontrent ses SMS et que sans réponse de sa part, il a été contraint de mettre un terme au contrat de travail, s'agissant d'une faute grave.

L'article L.7221-2 du code du travail dispose :

Sont seules applicables au salarié défini à l'article L. 7221-1 (l'employé à domicile) les dispositions relatives :

1. Au harcèlement moral, prévues aux articles L.1152-1 et suivants, au harcèlement sexuel, prévues aux articles L.1153-1 et suivants ainsi qu'à l'exercice en justice par les organisations syndicales des actions qui naissent du harcèlement en application de l'article L. 1154-2 ;

2. A la journée du 1er mai, prévues par les articles L. 3133-4 à L. 3133-6 ;

3. Aux congés payés, prévues aux articles L.3141-1 à L.3141-31, sous réserve d'adaptation par décret par décret en Conseil d'État ;

4. Aux congés pour événements familiaux, prévues à la sous-section 1 de la section I du chapitre II du titre IV du livre 1er de la troisième partie ;

5. A la surveillance médicale définie au titre II du livre VI de la quatrième partie.

La rupture du contrat de travail d'un employé à domicile est régie par la convention collective des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 alors en vigueur, dont l'article 12 dispose :

Le contrat de travail peut être rompu par l'employeur pour tout motif constituant une cause réelle et sérieuse.

La rupture consécutive au décès de l'employeur fait l'objet de l'article 13.

1. Procédure de licenciement :

Le particulier employeur n'étant pas une entreprise et le lieu de travail étant son domicile privé, les règles de procédure spécifiques au licenciement économique et celles relatives à l'assistance du salarié par un conseiller lors de l'entretien préalable ne sont pas applicables.

En conséquence, l'employeur, quel que soit le motif du licenciement, à l'exception du décès de l'employeur, est tenu d'observer la procédure suivante :

- convocation à un entretien préalable par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Cette convocation indique l'objet de l'entretien (éventuel licenciement) :

- entretien avec le salarié : l'employeur indique le ou les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié ;

- notification de licenciement : s'il décide de licencier le salarié, l'employeur doit notifier à l'intéressé le licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

M. [T] ne développe pas de moyen contre les énonciations du jugement ayant retenu qu'il a licencié Mme [K] par SMS du 5 novembre 2018 pour faute grave au motif de son absence pendant les vacances de la Toussaint, les conditions de ce licenciement étant dès lors retenues comme constantes.

En revanche, M. [T] soutient que contrairement à ce que le jugement indique, il n'avait pas connaissance lors de l'absence de Mme [K] qu'elle était en congé, raison pour laquelle il s'est inquiété de son état de santé par des SMS. Mais ces messages ne sont pas versés aux débats devant la cour et M. [T] ne produit aucun élément de nature à prouver que Mme [K] était en absence injustifiée alors que le conseil de prud'hommes a retenu qu'il était préalablement informé des vacances de cette dernière, au vu d'un SMS antérieur.

Par suite, la réalité de la faute imputée à Mme [K] n'est pas prouvée et le jugement sera confirmé en ce qu'il a conclu à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et à son caractère abusif.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif

Le conseil de prud'hommes a alloué à Mme [K] la somme de 2 163,24 euros représentant trois mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

M. [T] fait valoir que cette demande est sans objet en l'absence de rupture abusive. A titre subsidiaire, il invoque l'absence de justificatif démontrant le préjudice subi par Mme [K]. Dans sa note en délibéré, il observe que si la cour devait déclarer que le licenciement est survenu pour une cause non réelle et sérieuse, l'indemnité due ne pourrait excéder un mois de salaire brut, Mme [K] n'ayant travaillé que deux mois pour lui, et qu'il conviendrait de réduire cette indemnité au minimum compte tenu de ce temps de travail très court.

S'agissant d'une salariée licenciée par un particulier alors qu'elle comptait une année d'ancienneté complète, Mme [K], qui a été embauchée à compter du 10 novembre 2016 et licenciée le 5 novembre 2018, a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre 0,5 mois et 2 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'ancienneté de Mme [K], de son âge (née en 1974) et de l'absence de justificatif permettant de déterminer si elle a retrouvé ou non un emploi à la place de celui dont elle a été privée, il lui sera alloué la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur les dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement

Au visa de l'article L. 1235-2 du code du travail et considérant que Mme [K] avait été licenciée sans le respect de la moindre procédure, le conseil de prud'hommes a condamné M. [T] à payer à Mme [K] une indemnité égale à un mois de salaire, soit 721,08 euros brut.

Au soutien de sa demande d'infirmation, M. [T] ne conteste pas ne pas avoir respecté la procédure de licenciement mais fait valoir qu'il souhaitait avoir un entretien avec Mme [K] afin qu'elle lui explique son comportement et qu'il puisse lui remettre les documents sociaux, ce qu'elle a refusé.

Dans sa note en délibéré, M. [T] fait valoir qu'il convient d'appliquer l'article L.1235-2 alinéa 5 du code du travail.

M. [T] n'a pas respecté la procédure de licenciement telle que prévue à l'article 12 de la convention collective ci-dessus rappelée, faute notamment de preuve de toute convocation à un entretien préalable au licenciement. Il importe peu à cet égard que Mme [K] se soit refusée à un tel entretien, ce qui au demeurant n'est pas justifié, et il appartenait à M. [T] de convoquer sa salariée selon les formes prévues. Mais il résulte de l'article L. 1235-2 du code du travail que l'indemnisation pour irrégularité de la procédure n'est due que si le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Aussi le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué à Mme [K] une indemnité pour non-respect de la procédure et cette dernière sera déboutée de sa demande.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Le conseil de prud'hommes a accordé de ce chef à Mme [K] la somme de 390,58 euros.

M. [T] soutient que l'indemnité légale de licenciement n'est pas due en présence d'une faute grave.

En l'absence de faute grave, Mme [K] a droit à une indemnité de licenciement au moins égale à l'indemnité minimale légale, la liste des textes mentionnés à l'article L. 7221-2 du même code n'étant pas limitative. M. [T] ne critiquant pas le montant de l'indemnité de licenciement accordé par les premiers juges qui apparaît exact, le jugement sera de ce chef confirmé.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Le conseil de prud'hommes a condamné M. [T] à payer à Mme [K] la somme de 1 442,16 euros, congés payés inclus, au titre du préavis.

M. [T] fait valoir à nouveau que Mme [K] ne s'est pas présentée à son travail sans le prévenir.

En l'absence de faute grave, Mme [K] a droit à une indemnité compensatrice de préavis outre l'indemnité compensatrice des congés payés afférents. M. [T] ne critiquant pas le montant accordé à ce titre qui apparaît exact, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire

Le conseil de prud'hommes a estimé que le mode opératoire du licenciement, par SMS, caractérisait une rupture brutale et vexatoire, justifiant une indemnisation à hauteur de 200 euros.

M. [T] conclut à l'infirmation de ce chef au motif qu'il a téléphoné à Mme [K] sans qu'elle ne lui réponde et a sollicité l'organisation d'un rendez-vous, en vain.

Les allégations de M. [T] concernant les appels téléphoniques à Mme [K] et sa demande d'organisation d'un rendez-vous ne sont étayées par aucune preuve. C'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont estimé que le licenciement notifié par SMS caractérisait une rupture brutale et vexatoire. Ils ont justement apprécié le préjudice subi par Mme [K] à ce titre en lui allouant des dommages et intérêts à hauteur de 200 euros, le jugement étant confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires et de remise des documents sociaux

Le conseil de prud'hommes a retenu que Mme [K] n'a pas été payée de l'intégralité de ses salaires et que M. [T] n'apportait pas la preuve de la remise des documents de fin de contrat, Mme [K] ne les ayant pas reçus. Il lui a accordé à ce titre une indemnité de 750 euros.

M. [T] conclut à l'infirmation du jugement aux motifs que le contrat de travail a été rompu en raison de la faute grave de Mme [K] qui ne s'est pas présentée à son travail, qu'elle a toujours refusé de le rencontrer malgré ses nombreuses demandes visant à lui remettre son solde de tout compte ainsi qu'à lui payer les salaires dus, qu'il a effectué l'ensemble des démarches notamment sur son compte CESU et que Mme [K] ne lui a jamais réclamé ces documents avant la procédure en cours.

A l'expiration du contrat, l'employeur doit remettre au salarié un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, indépendamment du motif du licenciement. En l'espèce, M. [T] ne justifie pas d'une telle remise ni avoir tenu ces documents à la disposition de Mme [K], aucune preuve n'étant apportée en ce sens. L'employeur doit aussi payer chaque mois le salaire dû par tout moyen alors qu'il résulte de ce qui précède que M. [T] n'a pas réglé le salaire dont il était redevable pendant plusieurs mois. M. [T] a ainsi commis deux fautes et ne conteste pas l'existence d'un préjudice en découlant. En toute hypothèse, celui-ci est avéré. La salariée privée de ses documents de fin de contrat n'a pu faire valoir son expérience professionnelle acquise auprès de M. [T], ni de droits auprès de Pôle emploi. Compte tenu du caractère alimentaire du salaire et de la durée pendant laquelle il n'a pas rempli ses obligations, il en est résulté un préjudice distinct de celui du retard mis au paiement. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué de ce chef la somme de 750 euros, ce montant n'étant pas en lui-même critiqué.

Sur les intérêts au taux légal

Le conseil de prud'hommes a ordonné l'intérêt au taux légal sur les sommes représentant des salaires à compter du 28 octobre 2019, date de la saisine du conseil.

M. [T] conclut à la réformation du jugement de ce chef au motif du caractère infondé des demandes de rappel de salaires.

Il a été jugé que les demandes de rappels de salaires sont fondées. En l'absence de toute autre critique, le jugement sera confirmé sur les intérêts au taux légal.

Sur la remise du bulletin de salaire d'octobre 2018 et des documents sous astreinte

Les premiers juges ont ordonné la remise de ces documents sous astreinte de 50 euros pendant 30 jours à compter de la notification du jugement.

M. [T] prétend avoir communiqué à Mme [K] ces documents mais comme indiqué ci-dessus, il ne justifie pas de leur remise à la salariée ni avoir tenu ces documents à sa disposition. En outre, aucune demande d'infirmation ne figure à ce titre dans le dispositif des écritures de l'appelant. Le jugement sera de ce chef confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance. M. [T] sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif et non-respect de la procédure de licenciement ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :

CONDAMNE M. [T] à payer à Mme [K] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTE Mme [K] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

DÉBOUTE M. [T] de sa demande d'irrecevabilité et de celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [T] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/05095
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.05095 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award