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06/07/2023 | FRANCE | N°21/05087

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 juillet 2023, 21/05087


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 06 JUILLET 2023



(n° 2023/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05087 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ5W



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 20/00087





APPELANTE



Madame [H] [UY] épouse [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

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Représentée par Me Jean-Gilles BARBAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0906



INTIMÉE



S.A. CLINIQUE DE L'YVETTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au b...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 06 JUILLET 2023

(n° 2023/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05087 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ5W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 20/00087

APPELANTE

Madame [H] [UY] épouse [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Gilles BARBAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0906

INTIMÉE

S.A. CLINIQUE DE L'YVETTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 avril 2023 à 9h00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE':

Par contrat à durée indéterminée du 1er mars 1983, Mme [H] [UY] épouse [B] (Mme [UY]) a été engagée en qualité de cadre supérieur gestionnaire par la société Clinique de l'Yvette. Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle occupait l'emploi de responsable maternité, statut cadre supérieur et percevait une rémunération mensuelle brute de 4 501,10 euros pour une durée de travail à temps partiel. Son contrat de travail prévoyait une indemnité de fin de contrat équivalant à 12 mois de salaire sauf en cas de faute lourde.

A la suite du signalement d'une salariée, Mme [T], le 14 août 2019 dénonçant le comportement de Mme [UY] à son égard, cette dernière a été dispensée d'activité par courrier remis en main propre le 18 septembre 2019. L'employeur a diligenté une enquête interne menée par des membres du CSE, la responsable des ressources humaines et le directeur dont le rapport du 13 décembre 2019 a conclu à l'existence d'agissements de harcèlement moral imputables à Mme [UY].

Elle a présenté des arrêts de travail à compter du 19 novembre 2019 jusqu'au 31 décembre 2020 que la CPAM a refusé de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 20 décembre 2019 lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 janvier 2020 puis s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier recommandé du 8 janvier 2020.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de l'hospitalisation à but lucratif et la société employait au moins 11 salariés lors de la rupture du contrat de travail.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [UY] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau le 5 février 2020 afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser des indemnités au titre de la rupture du contrat de travail. Par jugement du 28 mai 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Longjumeau, section encadrement, a :

- dit que le licenciement repose sur une faute grave,

- condamné la société Clinique de l'Yvette à verser à Mme [UY] une somme de 82 705,75 euros au titre de l'indemnité contractuelle de fin de contrat et la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [UY] du surplus de ses demandes et la société Clinique de l'Yvette de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de la société Clinique de l'Yvette.

Mme [UY] a régulièrement relevé appel du jugement le 8 juin 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [UY] prie la cour de :

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fait droit au principe du paiement de l'indemnité contractuelle et du chef de la condamnation de la société Clinique de l'Yvette au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Clinique de l'Yvette à lui verser les sommes suivantes :

* 2 395,23 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 239,52 euros au titre des congés payés afférents,

* 28'742,76 euros brut à titre d'indemnité de préavis outre 2 874,27 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 95'809,92 euros net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 114'971,04 euros net à titre d'indemnité contractuelle de fin de contrat,

* 20'000 euros net de dommages-intérêts pour procédure brusque et vexatoire,

* 20'000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 5000 euros net sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Clinique de l'Yvette à lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un certificat de travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la décision à intervenir,

- condamner la société Clinique de l'Yvette aux dépens en ce compris ceux liés à l'exécution de la décision à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 février 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Clinique de l'Yvette prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une faute grave et débouté Mme [UY] de ses demandes de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et congés payés afférents, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages-intérêts pour procédure brusque et vexatoire, dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- l'infirmer du chef des condamnations prononcées à son encontre et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau :

- débouter Mme [UY] de sa demande au titre de l'indemnité contractuelle de fin de contrat,

- condamner Mme [UY] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre de la première instance ainsi qu'aux dépens,

A titre subsidiaire, en cas de condamnation,

- la condamner à payer :

* une somme purement symbolique à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat travail,

* une somme maximale de 27'568,52 euros à titre d'indemnité contractuelle de fin de contrat ou à titre infiniment subsidiaire 82'705,56 euros,

* une somme maximale de 28'742,76 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 874,28 euros à titre d'incidence congés payés,

* une somme maximale de 71'856,90 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* une somme maximale de 14'371,38 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* une somme purement symbolique à titre de dommages-intérêts pour procédure brusque et vexatoire,

En tout état de cause :

condamner Mme [UY] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 mars 2023.

MOTIVATION':

Sur l'indemnité contractuelle de départ':

L'article 5 de l'avenant du 21 mars 2007 au contrat de travail de Mme [UY] prévoit que : « en cas de rupture du contrat de travail par licenciement du fait de l'employeur, sauf cas de faute lourde, une indemnité équivalente à 12 mois de salaire annuel temps plein sera versée, celle-ci étant en sus des indemnités conventionnelles ».

Mme [UY] réclame la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 114'971,04 euros à titre d'indemnité contractuelle sur la base d'un salaire brut moyen mensuel de 9 580,92 euros pour un temps plein.

La société Clinique de l'Yvette conclut au débouté et subsidiairement au plafonnement de l'indemnité en raison de son caractère manifestement excessif, la clause devant s'analyser comme une clause pénale.

L'article 1231'5 du code du travail prévoit que : « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré aux créanciers, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. ».

Il en résulte que l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif.

Or, en l'espèce, la cour relève que'l'indemnité contractuelle de licenciement était initialement fixée par l'avenant du 1er avril 2005 à 24 mois de salaire brut, à temps plein, et que les parties ont convenu de la diminuer pour la ramener à 12 mois, deux ans plus tard, toujours sur la base d'un temps plein, en sus de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, laquelle est plafonnée à quinze mois dès que le cadre atteint 15 ans d'ancienneté.

La société Clinique de l'Yvette qui a négocié à deux reprises cette clause ne justifie pas de son caractère manifestement excessif étant rappelé que la salariée bénéficie d'une ancienneté de 37 ans dans l'entreprise de sorte que la cour considère qu'elle doit s'appliquer dans l'intégralité de ses prévisions.

Les parties s'opposent sur le montant de l'indemnité, Mme [UY] soutenant que l'assiette de caclul est l'équivalent de son salaire à temps plein en ce inclus les différents compléments de salaire et avantages conventionnels tandis que l'employeur soutient que seul le mois de salaire beut de base doit servir d'assiette.

La cour considérant que le salaire s'entend en ce compris le complément conventionnale et les diverses primes liées à l'activité versées par l'employeur à défaut d'avoir été expressement exclus, condamne en conséquence la société Clinique de l'Yvette à verser à ce titre à Mme [UY] la somme de 114'971,04 euros au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le bien fondé du licenciement':

Aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, Mme [UY] a été licenciée pour les motifs suivants :

« ['] Le 14 août dernier, Mme [T], salariée de notre clinique relevant du service de maternité a sollicité un entretien avec la direction, en présence d'un représentant du personnel. À cette occasion, Mme [T] a indiqué que vous adopteriez à son endroit un comportement qu'elle qualifie et harcelant, particulièrement depuis le mois de janvier 2019. Mme [T] a en effet rapporté les attitudes suivantes qu'elle vous imputait :

- convocations intempestives dans son bureau pour lui faire des reproches injustifiés

- refus de la planifier la nuit alors que Mme [T] travail de nuit depuis le mois de janvier 2019, en la menaçant de la repasser de jours si elle n'est pas assez malléable

- propos réducteurs tenus à son encontre telle que : manque de maturité, ou réponses agressives telles que « tu n'as pas ton mot à dire »

- modification de planning au dernier moment sans explication

- refus systématique de ses demandes de récupération ou de congés payés

- appels sur son téléphone personnel lorsqu'elle est en repos

- appels sur son téléphone professionnel lors de ses gardes pour lui formuler des reproches.

En outre, Mme [T] a indiqué qu'à l'issue de son arrêt de travail du mois de juillet 2019, elle était terrorisée de reprendre son poste et redoutait de subir des représailles de votre part. Elle a également rapporté que depuis son retour de maladie, vous lui auriez systématiquement refusé ses demandes de récupération allant jusqu'à ne pas la faire apparaître sur le planning de septembre 2019. Mme [T] a également rapporté que lorsqu'elle vous a demandé un repos au motif qu'elle avait travaillé le jour de Noël en 2018 et le premier de l'an en 2019, vous lui avez répliqué qu'elle travaillerait le 31 décembre 2019, puisque vous n'aviez trouvé personne pour effectuer cette vacation. Mme [T] a conclu l'entretien en indiquant être en proie à des angoisses à l'idée de vous voir.

Au regard de la gravité des faits rapportés ['] nous avons décidé de saisir le comité social et économique de notre clinique, afin qu'une enquête totale et objective soit diligentée [']. Ainsi, une commission d'enquête a été constituée par notre comité social et économique, à l'issue d'une réunion extraordinaire le 18 septembre 2019. L'objet de cette commission était d'entendre Mme [T] ainsi que divers salariés vous côtoyant toutes deux dans vos quotidiens de travail, afin de confirmer ou infirmer la description dressée par cette dernière. Par la suite, il a été prévu que cette commission d'enquête vous entende à votre tour pour que vous puissiez être en mesure de répondre aux accusations portées contre vous, le cas échéant, faire valoir vos explications et communiquer l'identité de collègues de travail que vous souhaitiez voir entendus. Ainsi, au cours des mois de septembre et octobre 2019, la commission d'enquête à entendu, outre Mme [T] plus d'une dizaine de salariés. Certains des salariés auditionnés ont confirmé avoir été témoins des griefs rapportés par Mme [T] qui vous sont imputés.

Ainsi, Mme [N] était présente lorsque vous avez reproché de façon méprisante son manque de maturité à Mme [T], ou encore lorsque vous lui avez indiqué que tout le monde se plaignait d'elle et qu'elle ne souriait plus.

Dans le même sens, Mme [W] a confirmé avoir pu constater directement que vous teniez des propos réducteurs, dévalorisants à l'encontre de Mme [T] ; outre des modifications de plannings au dernier moment, ou encore des appels sur son téléphone personnel afin de lui faire des reproches. Ainsi, Mme [W] estimait également que vous meniez des pressions confinant à l'acharnement à l'endroit de Mme [T].

Mme [R] a elle aussi confirmé avoir été témoin de ce que vous avez imposé à Mme [T] ses jours de récupération (en août et septembre 2019) alors que celle-ci aurait dû avoir le choix entre les poser ou se les faire rémunérer. Elle confirmait également que lorsque Mme [T] a demandé à « étaler » ses jours de récupération en octobre, novembre décembre, vous avez refusé sans motif apparent. Mme [R] a également été témoin de multiples appels que vous avez passés, visant à demander à Mme [T] de descendre dans votre bureau ou pour lui faire des reproches. Selon l'analyse de Mme [R], vous avez profité de la jeunesse et de la fragilité de Mme [T] pour adopter une attitude irrespectueuse que vous n'auriez pas eue si cela avait été une personne moins fragile.

D'autres salariés ont indiqué ne pas avoir été surpris par la dénonciation de Mme [T] et des propos ou attitudes qui vous ont été prêtés.

Ainsi, Mme [X] a indiqué que le même type de comportement avait pu être adopté par vous à l'encontre de son équipe, suscitant par là même un sentiment de mépris et de dévalorisation professionnelle sans qu'une réelle justification ne soit avancée par vous.

Dans le cadre des auditions diligentées par la commission d'enquête, plusieurs salariés se sont confiés et ont fait part de comportements anormaux à leur encontre, que certains n'ont pas hésité à qualifier de harcèlement moral. Ils vous ont clairement identifiée comme étant l'auteure de ces faits et comportements.

Ainsi, Mme [N] a confirmé avoir été victime d'agissements similaires à ceux dénoncés par Mme [T], lors de son embauche et qu'elle avait la sensation que vous saviez à qui vous en prendre au sein de l'équipe.

Mme [D] a indiqué venir travailler avec « une boule au ventre » et a confié avoir été victime du même type d'agissements de votre part que ceux décrits par Mme [T].

Il en est de même pour Mesdames [V] et [XE].

Mme [Z] a dénoncé un climat de travail très tendu, en raison de la peur que vous suscitez dans le service et avoir été elle aussi victime du même type d'agissements de votre part.

Beaucoup des salariés auditionnés ont expliqué à la commission d'enquête n'avoir pas dénoncé ces agissements par peur des représailles de votre part.

Ainsi par exemple, Mme [DU] a elle aussi fait part de son angoisse lorsqu'elle vient travailler au service de la maternité de notre clinique et se sentir soulagée depuis que vous n'y êtes plus. Elle a également confirmé avoir été témoin de pressions exercées par vous.

Mme [L], quant à elle, a indiqué que vous lui feriez des remarques désobligeantes sur son travail et celui de son équipe tout en instaurant une forme de pression en leur rappelant disposer de nombreux CV, en sous-entendant donc qu'elle est facilement remplaçable. Elle confirme également que vous entreteniez un climat de stress.

Par la suite, la commission d'enquête vous a convoquée par courrier du 8 novembre 2019 à une audition fixée au 21 novembre 2019 afin que vous soyez en mesure de faire valoir vos explications. Bien que vous n'ayez pas été en mesure de vous rendre à cette audition, vous avez transmis vos explications et contestations écrites le 20 novembre 2019, ainsi que vos pièces justificatives. Dans le cadre de ce courrier, vous avez contesté la présentation des faits et décrit par les différents salariés auditionnés. Vous avez également précisé que c'était Mme [WB], sage-femme de notre clinique qui vous avait signalé la diminution de la qualité du travail de Mme [T], et qui s'inquiétait pour elle.

La commission d'enquête a alors convoqué Mme [WB] à une seconde audition le 4 décembre 2019. Mme [WB] a alors réfuté totalement vos propos est confirmé ne s'est jamais plainte de la qualité du travail de Mme [T] et a confirmé, au contraire, le professionnalisme de cette dernière.

Aux termes de cette enquête, la commission d'enquête a conclu à l'existence de faits de harcèlement moral à votre initiative, à l'encontre de Mme [T].

Le comité social et économique, réuni le 19 décembre 2019 a pris la même conclusion en estimant que : « à la lecture du rapport de la commission d'enquête présentée ce jour en CSE extraordinaire, l'ensemble des membres présents valide la conclusion dudit rapport et qualifie la situation décrite par Mme [T] [J] comme des faits de harcèlement moral dont l'auteur est Mme [B] [O], responsable hiérarchique de Mme [T] [J]. »

Ainsi, à l'issue de l'enquête contradictoire diligentée de concert avec le comité social et économique, il ressort indubitablement des éléments collationnés que votre comportement est caractéristique d'un harcèlement moral et a minima d'un comportement anormal vis-à-vis de vos collègues de travail attentatoire à leur santé mentale et au respect qu'ils sont en droit d'attendre de leur hiérarchie.

En effet, les salariés auditionnés par la commission d'enquête ont soit confirmé les dénonciations de Mme [T] soit, avoué avoir également été victime d'agissements confinant au harcèlement moral et entravant leur bien-être au travail. Pire encore, certains salariés ont confirmé n'avoir jamais osé dénoncer avoir eux-mêmes été victime d'agissements similaires de votre part, par peur des représailles.

En conclusion, seule cette enquête a permis de faire toute la lumière sur la situation et la façon dont vous traitez vos collègues du service maternité, et plus particulièrement les sage-femmes et les auxiliaires de puériculture. Vous comprendrez donc qu'à la découverte de ces faits, de leur ampleur et de leur gravité, nous ne puissions pas demeurer inactifs.

D'une part, il ressort des éléments mentionnés ci-avant que vous avez instauré une forme de management par la terreur et la dévalorisation de l'action professionnelle de certains de vos collègues, conduisant certain d'entre eux à faire part de leur angoisse perpétuelle à l'idée de travailler à vos côtés. D'autre part, force est de constater que vous avez instauré un climat de méfiance et de pression au sein du service maternité. La gravité de votre comportement nous conduit donc à procéder à votre licenciement pour faute grave, tant celui-ci est éloigné de ce que nous pouvons attendre d'un cadre qui se doit d'être exemplaire et d'instaurer un climat de confiance, de respect avec ses collaborateurs. Or, il n'est pas concevable que notre clinique laisse perdurer une telle situation de la part de son responsable du service maternité dont le rôle est d'orchestrer ce service. Nous ne pouvons pas davantage tolérer la manière dont Mme [T] et ses collègues de travail ont pu être traitées.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans notre clinique s'avère impossible. Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement. ['] »

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

Pour soutenir que le licenciement est justement fondé sur une faute grave, la société Clinique de l'Yvette verse aux les pièces suivantes dont la cour relève que':

- l'attestation de Mme [Y] [I], membre du CSE mentionne qu'elle a été sollicitée le 13 août 2019 par Mme [T] qui lui a relaté des faits qui l'ont inquiétée, et a manifesté un état de stress important (pleurs et tremblements) et précise qu'elle a immédiatement sollicité le directeur de l'établissement pour obtenir un rendez-vous, lequel a été fixé le lendemain à midi,

- l'attestation de Mme [M] [S], secrétaire médicale, confirme qu'elle a assisté Mme [T] en sa qualité de déléguée syndicale lors de l'entretien du 14 août 2019 avec le directeur de l'établissement. Un mail de Mme [S], adressé à M. [P] le directeur de l'établissement résume les propos tenus par Mme [T] lors de cet entretien dans des termes repris dans la lettre de licenciement,

- le procès-verbal de la réunion extraordinaire du CSE du 18 septembre 2019 fait ressortir que « les membres du CSE indiquent que les faits relatés par Mme [T] sont des faits coutumiers de Mme [B] depuis des années. Les salariés victimes ne parlent pas de peur de représailles de la part de Mme [B] [O] ou de son époux M. [B] [G], praticien gynécologue de l'établissement. » et que d'un commun accord entre la direction et les membres du CSE, le projet d'ouverture d'une enquête ayant été approuvé à l'unanimité, il est établi une commission d'enquête composée de deux membres du CSE d'un membre de la CSST pour les IRP de M. [P] [K], directeur de l'établissement, et Mme [A] [E] qui est responsable des ressources humaines, une secrétaire membre du CSE assistant aux entretiens pour prise de notes et mise en forme des entretiens et que l'ouverture d'une enquête a été approuvée à l'unanimité des membres du CSE,

- les comptes-rendus d'audition signés par les salariés et deux ou trois membres de la commission font apparaître que':

* d'après Mme [W], Mme [T] subissait une « pression de fou » de la part de Mme [UY] qui s'est acharnée sur elle notamment en janvier et avril 2019 et la «'titillait'». Mais la cour relève que aucun exemple concret n'est décrit pour caractériser de façon précise les agissements évoqués.

* d'après Mme [N], Mme [UY] a effectivement évoqué le manque de maturité de Mme [T] ; elle a toutefois précisé le contexte dans lequel ces propos ont été tenus, s'agissant de sa demande de passage du poste de polyvalente au poste de nuit libéré par Mme [C]'; à cet égard, la cour relève que Mme [T] était âgée de 22 ans, comme cela ressort d'autres auditions (Mme [WB]) et qu'aucun élément concret ne vient caractériser le mépris dont il est fait état dans la lettre de licenciement. Par ailleurs, Mme [N] dit que Mme [UY] «'sait à qui s'en prendre, c'est du harcèlement moral'» mais aucun élément concret précis n'est évoqué à l'appui de cette affirmation généralisant l'attitude de la salariée,

* d'après Mme [X], le résumé qui lui a été fait des déclarations de Mme [T] ne l'étonne pas car dit elle selon le compte rendu 'c'est ce que Mme [UY] fait à tout le monde', toutefois la cour observe que cette affirmation n'est pas étayée par des éléments précis, et que cette salariée se contente d'indiquer que les affirmations sont « plausibles » sans expliciter ce à quoi, elle a, elle-même, assisté et si elle se dit « très affectée par les agissements de Mme [B] » ces agissements ne sont pas objectivés en dehors d'une affirmation concernant le fait que Mme [UY] lui aurait dit qu'elle n'était pas prioritaire pour Noël 'car ses enfants sont grands, alors qu'en réalité ils ont 8 et 11 ans'. Enfin, Mme [UY] est décrite comme irrespectueuse, peu encourageante et n'exprimant pas de retour positif. Toutefois là encore, la cour observe que peu d'éléments concrets sont communiqués ou explicités et que les propos rapportés ne sont pas datés ni inscrits dans un contexte précis,

* d'après Mme [L], qui indique ne pas apprécier Mme [UY], celle-ci était très autoritaire au début de la relation contractuelle et lui faisait comprendre sa situation de subordination. Elle considère que Mme [UY] n'est pas arrangeante sur les plannings avec les auxiliaires de puériculture et que Mme [T] a dénoncé des faits coutumiers de celle-ci, qui faisait comprendre aux auxiliaires de puériculture qu'elles sont moins qualifiées et remplaçables. Mme [L] précise que Mme [UY] la faisait descendre dans son bureau pour remonter des papiers à sa place tels que des notes de services ou des plannings en moyenne une fois par semaine et qu' elle entretient ainsi le stress en les sommant de descendre intempestivement dans son bureau pièces,

* d'après Mme [R], sage-femme, celle-ci a été témoin du fait que Mme [UY] imposait ses jours de récupération à Mme [T] notamment pour celles imposées après ses congés de septembre alors qu'à elle-même, elle avait proposé soit de poser ses récupérations soit de les faire payer ce qui n'avaient pas été proposé à Mme [T]. Elle indique avoir été témoin des appels de Mme [UY] sur le téléphone de travail pendant les gardes pour demander à [J] de descendre dans son bureau ou formuler ses reproches sansexpliquer comment elle les a entendus ni rapporter les prorpos qu'elle aurait entendus,

* selon Mme [D], auxiliaire de puériculture, Mme [UY] l'appelle de façon récurrente dans son bureau pour des tâches annexes ne relevant pas de ses missions. Elle se souvient avoir vécu des faits similaires à ceux que Mme [T] a décrits, et précise que Mme [UY] l'a menacée une fois de lui imposer ses récupérations parce qu'elle refusait de quitter la clinique plus tôt un dimanche ce qui aurait eu pour conséquence de ne pas la faire bénéficier de la prime de dimanche, qu'elle lui avait dit que le travail passait avant la famille, qu'elle ne faisait jamais de compliments et de retour positif et qu'elle ne se gênait pas pour faire des reproches aux gens devant la totalité du service. La cour relève là encore que les faits et propos ne sont pas circonstanciés,

* selon Mme [V], auxiliaire de puériculture, elle aussi a subi une partie des faits décrits par Mme [T] mais elle était considérée par Mme [UY] comme « malléable » selon les termes de cette dernière. Ainsi, elle était concernée par les appels sur le téléphone professionnel lors de ses gardes de façon intempestive, insistante et répétée, parfois pour des tâches incombant à Mme [UY] telles qu'appeler des collègues pour pallier une absence et chercher une remplaçante. Elle indique s'être vu opposer des refus de demandes de congés payés pour finalement les voir accepter. La cour relève toutefois à cet égard que non seulement Mme [V] a pu bénéficier des congés qu'elle sollicitait mais qu'en plus le problème qui justifiait le refus de Mme [UY] était selon les propres affirmations de Mme [V], le mariage de Mme [W] entraînant un chevauchement de deux jours de sorte que la recherche d'un remplaçant de Mme [W] est justifiée .

* d'après Mme [T], auxiliaire de puériculture, qui confirme la teneur de ses déclarations telles que retracées dans le compte rendu d'entretien, les propos : « tu n'as pas ton mot à dire » concernaient sa demande d'avenant au contrat de travail suite à son passage de nuit de sorte qu'elle se sentait soumise à une menace constante. Elle précise que lorsqu'elle refusait un changement de planning à la dernière minute, Mme [UY] lui disait : « tu m'as dit être intéressée, mais non » faisant ainsi, selon elle, référence à la possibilité de la repasser en poste de jour puisqu'aucun avenant n'avait été signé. Elle explique encore que le 28 janvier 2019, alors qu'elle n'était pas planifiée, deux jours avant, Mme [UY] lui a envoyé un mail pour l'informer d'une formation à cette date en lui expliquant 'tu n'as pas le choix j'ai modifié le planning'. Elle explique que Mme [UY] est très autoritaire, à peine polie au téléphone, et se montre insistante pour obtenir ce qu'elle veut, poursuivant en quelque sorte la salariée jusqu'en salle d'accouchement pour parvenir à ses fins. Là encore la cour observe que ces faits ne sont pas circonstanciés ni datés.

De son côté, Mme [UY] dans un courrier adressé le 20 novembre 2019 aux membres de la commission d'enquête a réfuté les déclarations de ses collaboratrices, affirmant que':

- Mme [WB] lui avait fait part en juin 2019 de ce que la qualité du travail de Mme [T] avait baissé, qu'elle avait interrogé celle-ci qui lui avait expliqué ne pas se trouver à son aise dans le service depuis qu'elle avait « raconté sa vie à ses collègues » et que pour les récupérations, elle lui avait accordé toutes les dates qu'elle demandait et que seul le 31 décembre 2019 tombant dans son roulement de travail est resté en attente dès lors qu'elle ne pouvait s'engager vis-à-vis d'elle en août pour cette date car il était trop tôt. Elle a contesté avoir tenu les propos que lui prête Mme [T] sur le travail de nuit,

- si elle modifie les plannings c'est en fonction des demandes des salariées pour leurs récupérations ou des arrêts de travail notifiés la veille ou le jour même,

- s'agissant des demandes de congés payés, elle fait valoir que Mme [T] ne respecte pas le protocole qui spécifie que le départ des salariés doit se faire à tour de rôle et qu'elle ne se concerte pas avec sa collègue Mme [F] auxiliaire puéricultrice de nuit en salle de travail et n'a rien inscrit en 2018 sur la feuille prévisionnelle des congés payés,

- elle n'a jamais appelé Mme [T] sur son téléphone professionnel lors de ses gardes pour lui faire des reproches,

- si Mme [T] a été arrêtée pour maladie 18 jours au cours du mois de juillet 2019 et qu'elle se sentait terrorisée de reprendre son poste ce n'était pas à cause d'elle car elle-même était en arrêt maladie jusqu'au 8 juillet 2019 et elle est ensuite partie en congé du 18 au 29 juillet et ne lui a rien demandé,

- si elle demande à certaines des collaboratrices de monter certains documents dans le service celles-ci lui demandent également de descendre ou monter des documents en salle de travail lorsqu'elle se trouve dans les étages,

- l'entretien et la désinfection du matériel du bloc obstétrical font partie des tâches des auxiliaire puéricultrices et qu'il lui appartient de veiller à ce que le nettoyage soit fait correctement,

- elle n'a pas employé un ton accusateur et culpabilisant ou exprimé un mépris quelconque vis-à-vis de son équipe lui demandant, simplement mais souvent, de respecter l'ordre et l'hygiène.

Dans ses écritures, Mme [UY] explique qu'elle est l'épouse du docteur [G] [B], membre fondateur de la maternité de l'Yvette, qu'en août 2016, la clinique de l'Yvette a été rachetée par le groupe allemand Aviva santé, que l'ensemble des actionnaires de la clinique a cédé ses actions au groupe à l'exception de son mari. Elle indique qu' une nouvelle directrice a été placée à la tête de la clinique de l'Yvette en novembre 2016 en la personne de Mme [U], que les conditions de travail se sont dégradées depuis le changement d'actionnariat à tel point qu'une résolution pour déclencher une enquête pour risques graves a été votée par le CHSCT le 5 avril 2018 et que le cabinet indépendant Cateis y a procédé, en cours d'expertise, une infirmière s'étant d'ailleurs suicidée à son domicile le 29 septembre 2018. Elle fait valoir qu'il ressort du rapport déposé en avril 2019 que la mise en place du modèle allemand Aviva au sein de la clinique a impliqué une réorganisation totale du modèle organisationnel sans prise en compte ni de l'existant ni des besoins structurels réels, le tout dans une absence totale de conduite du changement. Elle soutient avoir été prise pour cible par la direction de la clinique qui souhaitait la voir quitter son poste et soutient qu'il ressort du rapport Cateis versé aux débats qu'aucun dysfonctionnement n'a été relevé dans le service maternité et ni aucun reproche formulé à son encontre à moins de quatre mois de sa mise à l'écart.

La cour observe à cet égard que l'historique du service maternité dans le rapport Cateis décrit celui-ci comme « encore isolé et particulièrement protégé par l'ancien actionnaire de la maternité toujours en poste » dont le positionnement « semble rassurer les équipes de par sa protection et le maintien d'un esprit familial ». (page 42) mais que la présence de deux cadres ( dont Mme [UY] à temps partiel) engendre des tensions entre elles et un malaise du personnel ayant « la pression de devoir se positionner pour l'une de ces deux cadres. »

Par ailleurs, Mme [UY] conteste l'impartialité de l'enquête du CSE et des auditions en faisant valoir que celles-ci ont été menées par l'employeur sans la présence des deux déléguées du personnel qui étaient occupées à leur poste de travail mais à cet égard, la cour observe que les comptes-rendus ont été signés par les représentantes du personnel, la direction et par les salariés. Toutefois, la cour observe qu'il ressort des compte -rendus qu'il était lu à la salariée entendue les allégations de Mme [T] telles que retracées par Mme [S] et plus tard dans la lettre de licencement et qu'elles étaient interrogées à partir de ces déclarations plutôt que spontanément à partir de leurs propre déclarations, ce qui induit nécessairement une orientation de l'entretien.

Enfin Mme [UY] fait valoir qu'en 37 ans d'activité, elle n'a jamais eu le moindre reproche sur son travail ou son mode de management, qu'elle a toujours pris soin d'allier les impératifs du service avec la vie privée du personnel soignant, qu'elle a toujours été bienveillante à l'égard des équipes et qu'aucune d'entre elles ne s'est plaint lors de l'audit mené par le cabinet Cateis quelques mois aupraravant. Elle verse aux débats diverses attestations de salariés et d'anciennes salariées ayant travaillé au sein de la clinique, sage-femmes, médecins, comptables, pharmacienne biologiste) en sa faveur.

S'agissant du grief constitué par les convocations intempestives dans son bureau pour lui faire des reproches, Mme [UY] rappelle qu'elle travaillait la journée à mi-temps alors que Mme [T] travaillait la nuit, ce dont la cour relève qu'il s'agit d'un élément constant, de sorte qu'elles ne se croisaient que rarement.

S'agissant des récupérations, elle fait valoir que lorsque Mme [T] a posé ses jours de récupération jusqu'à la fin de l'année par demande écrite des 3 et 9 août 2020, toutes ses dates ont été acceptées sauf le 31 décembre, date délicate pour laquelle il était trop tôt pour chercher une remplaçante.

Sur le refus de la planifier la nuit, elle rappelle que Mme [T] travaillait la nuit, qu'elle ne pouvait la déplacer sans son accord en horaire de jour et explique, avec raison, qu'il ne rentrait pas dans ses compétences de rédiger l'avenant du contrat de travail, cette fonction étant dévolue au service des ressources humaines de sorte que le ressenti de Mme [T] sur la pérennité de sa situation ne lui était pas imputable.

Sur les propos relatifs au manque de maturité de Mme [T], la cour a déjà relevé qu'il ressort de l'audition d'une salariée que le contexte dans lequel ils ont été prononcés leur ôte tout caractère méprisant.

S'agissant des modifications de planning au dernier moment, cour observe que la gestion d'un service maternité fonctionnant 24 heures sur 24 avec des impératifs humains parfois imprévisibles rend inévitables de telles modifications souvent dans l'urgence et la cour observe que les SMS échangés à ces occasions révèlent des échanges rapides et centrés sur l'utile mais neutres.

S'agissant du paiement des heures supplémentaires, il ressort des demandes de paiement présentées par les salariés communiquées qu'elles étaient acceptées par M. [P] lui-même et non par Mme [UY] laquelle transmettait les demandes de sorte qu'auun dysfonctionnement à cet égard ne lui est imputable.

S'agissant du refus systématique des demandes de récupération ou de congés payés, Mme [UY] fait valoir qu'un protocole existe au sein de la société et en justifie en produisant la note de service du 28 mars 2019 établie par M. [P], qu'elle n'a fait que l'appliquer demandant au personnel de se concerter pour ne pas prendre le risque de laisser seulement du personnel remplaçant en fonction. Elle fait valoir que Mme [T] ne respectait pas ce protocole, donnait ses dates en retard et qu'elle ne se concertait pas avec sa collègue, n'ayant rien inscrit avant fin mars sur sa feuille 2018 ainsi que cela ressort de de la note congés d'été 2018, annotée, qu'elle verse aux débats laquelle ne fait apparaître les mentions de Mme [T] que pour l'année 2019. Elle soutient qu'elle a posé ses demandes tardivement, sans les dater, postérieurement à Mme [F] qui demandait la même semaine, et explique qu'elle a cherché à la remplacer, ce à quoi elle a réussi pour un week-end, ce que lui procurait plusieurs jours d'affilée comme cela ressort du planning qu'elle verse au débat et l'avait à l'époque satisfaite.

Pour les appels sur téléphone personnel lorsqu'elle est en repos, Mme [UY] fait valoir que Mme [T] lui avait demandé de l'appeler car elle souhaitait faire des heures supplémentaires de sorte que ses SMS n'avaient d'autre but que de répondre à cette demande.

S'agissant enfin des appels sur le téléphone professionnel, Mme [UY] réfute les accusations en faisant valoir qu'aucun reproche n'a été formé à l'encontre de cette salariée qu'elle n'a appelée qu'une fois pendant ses heures de travail pour lui rappeler de prendre ses jours de récupération.

Dans ces conditions, au vu de l'imprécision des propos et comportements rapportés par les salariées dans des conditions qu'elle ne considère pas comme impartiales, considérant que le rapport Cateis quelques mois avant l'enquête du CSE ne s'était fait l'écho d'aucun manquement de Mme [UY] dans son service et relevait au contraire les difficultés d'organisation dues à la coexistence de deux tendances au sein de la maternité mettant les salariés en porte à faux et estimant que veiller au fonctionnement, dans des conditions d'hygiène rigoureuses, d'une maternité entraîne nécessairement des modifications du planning du personnel dans l'urgence en fonction des besoins impératifs de l'activité, la cour considère que les éléments produits par la société Clinique de l'Yvette sont insuffisants pour caractériser à l'encontre de Mme [UY] des fautes de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise ni même à caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse et le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Sur le rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire :

Mme [UY] fait valoir qu'elle a été mise à pied à titre conservatoire entre le 20 décembre 2019 et le 8 janvier 2020 et sollicite la condamnation de la société Clinique de l'Yvette à lui verser la somme de 2 395,23 euros à ce titre outre 239,52 euros au titre des congés payés afférents à titre de rappel de salaire.

La société Clinique de l'Yvette s'oppose à la demande en faisant valoir que la salariée était en arrêt maladie pendant cette période et qu'elle a bénéficié du maintien de salaire à ce titre sans aucune retenue ainsi que cela ressort des bulletins de paie de novembre 2019 décembre 2019 et janvier 2020.

La cour constate au vu des bulletins de salaire dont les mentions ne sont pas critiquées par la salariée qu'aucune retenue n'a été effectuée au titre de la mise à pied conservatoire. La demande de rappel de salaire est donc rejetée, Mme [UY] ayant perçu son salaire pendant la période concernée.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Mme [UY] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 28'742,76 euros à ce titre, le délai congé étant de six mois outre 2 874,27 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis. La société Clinique de l'Yvette conteste la demande en faisant valoir que la faute grave n'est pas caractérisée - mais la cour a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse - et en contestant l'assiette de calcul de la salariée. La cour observe toutefois que contrairement à ce que soutient la société Clinique de l'Yvette, les deux parties sont d'accord pour fixer l'assiette de calcul de l'indemnité compensatrice de préavis à 4 790,46 euros de sorte que le délai congé étant de six mois en application de l'article 45 de la convention collective, la société Clinique de l'Yvette est condamnée à payer à Mme [UY] la somme réclamée de 28'742,76 euros outre 2 874,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté Mme [UY] de ce chef de demande.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

Mme [UY] réclame la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 112'096,75 euros net en application de l'article 47 de la convention collective qui prévoit pour les cadres justifiant comme elle de cinq ans d'ancienneté et plus une indemnité de :

- un demi mois de salaire par année d'ancienneté dans la fonction de cadre jusqu'à cinq ans,

- un mois de salaire pour chacune des années suivantes dans la fonction de cadre

- calculée au prorata en cas d'année incomplète,

- dans la limite maximum de l'équivalent de 12 mois de traitement porté à 15 mois pour les cadres ayant plus de 15 ans d'ancienneté.

Elle fait valoir qu'au moment de son licenciement elle justifiait de 37 années d'ancienneté dont 20 ans à temps plein et 17 ans à temps partiel et que les calculs doivent être effectués sur la base d'un salaire de référence de 4 790,46 euros pour un temps partiel soit 9 580,92 euros pour un temps plein.

La société Clinique de l'Yvette s'oppose à la demande en faisant valoir que le licenciement pour faute grave est fondé, ce que la cour n'a pas retenu, et subsidiairement, elle fait valoir que la demande de Mme [UY] ne tient pas compte du plafond de 15 mois de salaire pour les cadres ayant plus de 15 ans d'ancienneté.

Compte tenu de l'existence du plafonnement à 15 mois de salaire pour les cadres ayant comme Mme [UY] une ancienneté de 15 ans, la cour condamne la société Clinique de l'Yvette à lui verser une somme de 71'856,90 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l'article L. 1235'3 du code du travail, Mme [UY] qui bénéficie d'une ancienneté de plus de 30 ans doit être indemnisée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur d'une somme comprise entre 3 et 20 mois de salaire brut.

Elle réclame une indemnisation de 95'809,20 euros net en faisant valoir qu'elle a finalement été contrainte de faire liquider ses droits à la retraite de manière anticipée au 1er janvier 2021, qu'elle aurait souhaité travailler au sein de l'établissement plusieurs années encore et qu'elle a subi un préjudice moral très important étant de surcroît sous traitement médicamenteux lourd. Eu égard au montant de son salaire brut (4 790,43 euros) aux circonstances du licenciement et à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure à la rupture, la cour condamne la société Clinique de l'Yvette à lui verser la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour procédure vexatoire':

Mme [UY] fait valoir qu'elle a été traitée d'une manière indigne et traumatisante dans le but de l'humilier et qu'ainsi elle a été mise à l'écart et et laissée dans l'indifférence la plus totale pendant un mois et demi dans l'ignorance des griefs justifiant cette mise à l'écart et convoqué devant la commission sans avoir accès au contenu précis des entretiens, sans retour sur les explications et pièces qu'elle a fournies avant d'être mise à pied à titre conservatoire et licenciée pour faute grave. Elle ajoute qu'ayant été arrêtée par son médecin, elle a effectué une déclaration d'accident du travail et soutient que de ce fait, elle a subi un préjudice très important en raison de l'attitude irrespectueuse, destructrice et dangereuse pour sa santé mentalede l'employeur. Elle sollicite en conséquence une somme de 20'000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

La cour considère cependant que la dispense d'activité de la salariée était justifiée par les déclarations de Mme [T] et l'expression de sa propre souffrance de sorte que la mise à l'écart de la salariée, responsable de la maternité, pendant le temps de l'enquête était justifiée par les impératifs liés au respect de l'obligation de sécurité de l'employeur vis-à-vis des subordonnés de Mme [UY]. S'agissant de la manière dont l'enquête a été menée par les membres du CSE et la direction, dès lors que Mme [UY] a eu l'opportunité de s'exprimer puisqu'elle a été convoquée et qu'elle a fait parvenir un courrier pour s'expliquer sur les déclarations des salariés, la cour considère que l'employeur n'a n'a commis aucun manquement à son égard sur le respect du prinicpe du contradictoire. La cour considère en conséquence que le caractère brutal et vexatoire du licenciement n'est pas établi de sorte que la demande de dommages-intérêts est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [UY] de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Mme [UY] soutient qu'elle a fait l'objet de pressions inacceptables de son employeur ayant été contrainte pour la période de juin 2018 à janvier 2019 de saisir le conseil de prud'hommes de Longjumeau en référé pour obtenir le paiement des sommes dues au titre de son plan retraite, que pour la période d'avril à juin 2019 elle a contesté la suppression des modalités dérogatoires de prise de congés prévues dans son contrat de travail et enfin pour la période de juillet à septembre 2019 elle a contesté les modifications de paiement de l'astreinte administrative les modalité été intégrée à son salaire fixe de base brute. Elle sollicite une somme de 20'000 euros en réparation de son préjudice.

La société Clinique de l'Yvette conclut au débouté en faisant valoir que Mme [UY] ne démontre ni l'existence ni le quantum du préjudice qu'elle allègue de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande ou indemnisée à titre symbolique.

Mme [UY] se contente de verser aux débats l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Longjumeau statuant en référé prenant acte du désistement d'instance et d'action de la salariée et le courrier de son avocat indiquant que Mme [UY] avait été réglée de l'intégralité des sommes, objets de la saisine. Cependant, elle ne produit aucun élément aux débats sur le contenu de cette saisine et les demandes qu'elle formait, ni sur le caractère déloyal du comportement de l'employeur ni sur l'existence d'un préjudice distinct de celui qui a été réparé par l'allocation des sommes réclamées. La demande de dommages-intérêts est donc rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté Mme [UY] de ce chef de demande.

Sur l'application d'office de l'article L. 1235-4 du code du travail :

Eu égard à la solution du litige, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il est fait d'office application de l'article L. 1235'4 du code du travail et la société Clinique de l'Yvette doit rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement perçues par Mme [UY] depuis son licenciement jusqu'à ce jour, à hauteur de six mois.

Sur les autres demandes :

La société Clinique de l'Yvette est condamnée à remettre à Mme [UY] un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte. La demande en ce sens est rejetée.

La société Clinique de l'Yvette, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme [UY], en sus de la somme allouée par les premiers juges, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande étant rejetée.

PAR CES MOTIFS':

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Infirme le jugement sauf sur le quantum de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté Mme [H] [UY] épouse [B] de ses demandes de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et congés payés afférents, dommages-intérêts pour procédure brusque et vexatoire, dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Clinique de l'Yvette à verser à Mme [H] [UY] épouse [B] les sommes de :

- 28'742,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 874,27 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 71'856,90 euros euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 50'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 114'971,04 euros à titre d'indemnité contractuelle de fin de contrat,

Condamne la société Clinique de l'Yvette à remettre à Mme [H] [UY] épouse [B] un certificat de travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,

Condamne la société Clinique de l'Yvette à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [H] [UY] épouse [B] depuis son licenciement jusqu'à ce jour dans la limite de six mois,

Déboute Mme [H] [UY] épouse [B] du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 au profit de la société Clinique de l'Yvette,

Condamne la société clinique de l'Yvette aux dépens et à verser à Mme [H] [UY] épouse [B] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/05087
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.05087 ?
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