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06/07/2023 | FRANCE | N°21/05055

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 juillet 2023, 21/05055


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 06 JUILLET 2023



(n°2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05055 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZYC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/00256





APPELANTE



Madame [M] [C]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représent

ée par Me Caroline HATET-SAUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046





INTIMÉE



Association [5] ([5]) ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 06 JUILLET 2023

(n°2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05055 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZYC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/00256

APPELANTE

Madame [M] [C]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

INTIMÉE

Association [5] ([5]) ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0200

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE':

Mme [M] [C] a été embauchée par l'association [5] Ile de France (ci-après l'association [5]) par contrat de travail à durée indéterminée du 1er mars 2017 en qualité de directrice régionale pour une durée de travail à temps complet moyennant une rémunération mensuelle brute de 5 417 euros. Le contrat de travail prévoyait une période d'essai de quatre mois. Par courrier du 8 juin 2017, remis en main prorpe le 9, l'association [5] a mis fin à la période d'essai, notifiant à Mme [C] une fin de contrat au 9 juillet 2017.

Mme [C] a présenté un arrêt maladie à compter du 16 juin 2017 qui s'est prolongé jusqu'au 9 juillet 2017.

Contestant la validité de la rupture de la période d'essai et soutenant avoir été victime d'agissements de harcèlement moral, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil lequel s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Paris. Par jugement du 3 mai 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a :

- condamné l'association [5] Ile de France à verser à Mme [C] les sommes de 416,67 euros à titre de rappel de salaire outre 41,67 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

- rappelé l'exécution provisoire de droit et fixé dans ce cadre la moyenne des salaires à 5 417 euros,

- condamné l'association [5] Ile de France à verser à Mme [C] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [C] du surplus de ses demandes et l'association [5] Ile de France de sa demande reconventionnelle

- condamné l'association [5] aux dépens.

Mme [C] a régulièrement relevé appel du jugement le 7 juin 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant n° 3 transmises par voie électronique le 27 mars 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [C] prie la cour de :

- confirmer le jugement des chefs de condamnations au titre du rappel de salaire pour les 7 et 14 avril 2017 et congés payés afférents,

- infirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions,

statuant à nouveau

- déclarer nulle la rupture du contrat travail du 8 juin 2017,

- rejeter des débats les pièces de l'association 19'2, 33, 37,43,

- condamner l'association [5] Ile de France à lui payer les sommes de':

* 4 333,60 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis pour la période du 16 juin au 9 juillet 2017 outre 433,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

* 65'000 euros de dommages-intérêts pour préjudice harcèlement moral,

* 3 050 euros à titre de remboursement de frais médicaux et paramédicaux,

- débouter l'association [5] Île-de-France de l'ensemble de ses demandes,

- condamner l'association [5] à lui remettre une attestation UNEDIC et un certificat de travail modifiés,

- condamner l'association [5] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée n°3, notifiées par voie électronique le 4 avril 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'association [5] Île-de-France prie la cour de :

- confirmer le jugement des chefs de disposition ayant débouté Mme [C] de ses demandes,

- débouter Mme [C] de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral, remboursement de frais médicaux, rappel de salaire et congés payés afférents pour la période du 16 juin au 9 juillet 2017,

- infirmer le jugement du chef des condamnations prononcées à son encontre au titre du rappel de salaire, congés payés afférents et article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [C] de sa demande de rappel de salaires pour les journées des 7 et 14 avril 2017 outre les congés payés afférents et de sa demande présentée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [C] de sa demande de condamnation présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur ce même fondement,

- condamner Mme [C] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 avril 2023.

MOTIVATION':

Sur la demande aux fins de rejeter des débats les pièces de l'association [5] communiquées sous les numéros du bordereau :19'2, 33, 37, 43 :

La cour rapelle qu'elle apprécie souverainement la valeur probante des pièces qui lui sont soumises et dès lors qu'aucune violation du principe du contradictoire dans la communication des dites pièces n'est alléguée, la cour déboute Mme [C] de sa demande aux fins de voir rejeter ces pièces.

Sur l'exécution du contrat de travail':

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En application de ces articles, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Mme [C] présente les éléments suivants':

- M. [O], délégué général de l'association, s'est immiscé dans ses fonctions entraînant une perte de crédibilité vis-à-vis de son équipe,

- il lui a retiré des mission qui lui avait été attribuées pour les confier à d'autres salariés,

- il lui a donné des injonctions paradoxales,

- il l'a humiliée et dénigrée devant toute l'équipe mais aussi auprès d'un fournisseur,

- il l'a isolée de son équipe.

Au fil de ses écritures, elle fait également état de reproches injustifiées, de propos vexatoires et désobligeants et enfin, elle produit des éléments médicaux sur la dégradation de son état de santé.

S'agissant de l'immixtion dans ses fonctions :

Mme [C] explique que le 31 mars 2017, alors qu'elle était en charge de la mission de formation des enseignants, M. [O] a autorisé, sans l'en informer, l'un des salariés de l'équipe à s'occuper de cette mission en communiquant directement avec [5] France. Elle verse aux débats le mail de M. [O] du 27 avril 2017 contenant une présentation des rôles et missions du délégué général (lui-même) et de la directrice régionale (elle-même) indiquant qu'elle « anime et coordonne la mise en 'uvre et le suivi des programmes réalisés sur son territoire : accompagnement des programmes, visites dans les établissements, accompagnement et formation des enseignants, animation du réseau des parrains). Elle se réfère également à un mail de M. [O] du 27 février 2017 dans lequel il lui indiquait : « il y a un sujet urgent qu'il faut que tu prennes à bras-le-corps c'est la formation des enseignants à nos programmes ». Elle fait valoir qu'elle a appris par hasard qu'elle n'était plus en charge de la formation des professeurs en recevant en copie le mail du 31 mars 2017. Elle verse aux débats un échange de mails avec M. [O] dans lequel elle lui demande si elle n'était pas censée s'occupée de la nouvelle formation des profs et si les choses ont changé et dans lequel il lui répond «'oui mais je t'en ai parlé'». Pièce cinq

Mme [C] fait également valoir que les 7 et 11 avril 2017, M. [O] s'est immiscé dans ses fonctions entraînant une perte de crédibilité pour elle vis-à-vis de son équipe. Elle explique que le 7 avril 2017, toute l'équipe a décidé de télétravailler y compris les stagiaires et les alternants, qu'elle a réagi en demandant pourquoi il n'y avait personne au bureau et pourquoi elle n'était pas informée de cette situation alors que la veille, elle avait indiqué qu'elle-même serait en télétravail le lendemain et que personne n'a jugé bon de l'informer que tout le monde ferait la même chose. Elle se réfère à un échange de mails avec son équipe le 7 avril 2017 dans lequel elle s'étonne que personne ne soit présent au bureau ce jour-là et par lequel un membre de l'équipe, M. [L] lui répond en substance que chacun était occupé et qu'on ne pouvait décemment laisser les stagiaires et alternants seuls au bureau et qu'il faudrait faire le point avec [R] et le reste de l'équipe pour la question du télétravail. Elle indique qu'un rendez vous était convenu entre M. [O], [X] [J] et elle-même le 11 avril à 10h30 mais que finalement M. [O] décidera à la dernière minute de tenir le rendez-vous, seul, avec les salariés ce qui entraînait une perte de crédibilité pour elle qui n'était pas informée et ne connaissait pas la position du délégué général.

S'agissant des propos vexatoires et désobligeants :

Mme [C] communique un mail de M. [O] du 2 avril 2017 dans lequel il lui écrit : « A toi d'être suffisamment efficace et perspicace pour que la formation proposée par la fédération réponde aux attentes des professeurs ! Pas la peine d'en faire un fromage' » mais aussi « quant à [P] cela devient une obsession on n'en reparlera à la rentrée mais il est hors de question de le virer en plein troisième trimestre. Je pense que l'on fait suffisamment d'heures pour ne pas avoir à se coltiner les siennes en sus !'». Mme [C] soutient que ces échanges démontrent la virulence des crises de colère de M. [O], ses soudains changements d'humeur et la violence de ses propos qui plus est, mensongers qu'il choisit d'employer afin de déstabiliser son interlocuteur, en l'occurrence elle-même. La cour considère cependant que le contenu du mail ne fait ressortir ni propos vexatoire, ni prorpos désobligeants ou virulents à l'égard de Mme [C] mis caractérisent plutôt une lassitude envers un collaborateur de l'entreprise.

Mme [C] fait également état d'un mail de M. [O] du 10 juin 2017 dans lequel il lui écrit : « cela est quand même très étonnant qu'après trois mois et demi de présence, un titre de DR, le salaire le plus élevé de tout [5] inclut le national, une réunion avec ma salaire sur le budget, la mise à disposition d'un PC qui fonctionne parfaitement ne soit pas capable de trouver ces deux informations sur l'intranet dans les deux répertoires qui sont clairement nommés banque et budget » et ce, alors que, justement, le budget n'était pas sur intranet puisqu'il ne l'a été qu'à compter du 19 juin 2017 ainsi que cela ressort du mail de [A] [Z] du 19 juin 2017.

Mme [C] fait encore état d'un entretien téléphonique avec M. [O] qui l'a insultée et lui a dit qu'elle était folle et qu'elle devait aller se faire soigner en versant aux débats l'attestation de Mme [I] [N] qui explique qu'après une discussion téléphonique, Mme [C] a appelé son mari afin d'avoir des conseils et qu'elle l'a retrouvée elle-même en état de choc ce qui ne suffit pas à établir la matérialité des insultes alléguées.

S'agissant des injonctions paradoxales :

Mme [C] soutient que le 27 mars 2017, M. [O] déclarait vouloir licencier un membre de l'équipe, [P] [U] pour l'accuser par la suite le 2 avril 2017 de vouloir le licencier. Elle s'appuie sur un mail du 27 mars 2017 émanant de M. [O] pièce 44 dans lequel il écrit : « je viens de regarder ses mails' et voici son agenda de février. Clairement il nous boulchitte'». Elle fait valoir que ces réactions « bipolaires' sont particulièrement déstabilisantes pour elle, amenée à collaborer étroitement avec M. [O]. La cour relève cependant qu' il ne ressort pas du mail de M. [O] précité du 27 mars 2017 que celui-ci voulait licencier M. [U] de sorte que l'injonction paradoxale alléguée n'est pas matériellement établie.

Par ailleurs, Mme [C] revient sur le l'échange de mails des 31 mars et samedi 1er avril 2019 dans lequel M. [O] lui dit : « on fait quand même un peu ce qu'on veut » à propos de la formation mais la cour considère là encore ces éléments insuffisants pour établir matériellement les injonctions paradoxales alléguées.

S'agissant des actes d'humiliation :

Mme [C] fait valoir que M. [O] s'est acharné à la décrédibiliser devant toute l'équipe en dépit du fait qu'elle en était la supérieure hiérarchique et qu'ainsi le 13 avril 2017, il a convoqué tous les collaborateurs [5] IDF ainsi qu'elle-même et le président de l'association M. [T] sans prendre le soin de l'en informer au préalable. Elle s'appuie sur un mail de M. [O] du 13 avril 2017 dans lequel il prie tous les destinataires, dont elle-même, de se présenter au bureau à 14 heures. Elle indique que lorsque le président de l'association lui a demandé une explication sur le sujet de la convocation de l'après-midi elle n'a pu lui répondre puisqu'elle n'en était pas informée. Mme [C] fait encore valoir que M. [O] mettait toute l'équipe en copie du moindre mail qu'il lui adressait. Elle s'appuie sur un mail de sa part du 26 avril 2017 par lequel elle lui demande pourquoi il met toute l'équipe en copie pour un message qui n'est destiné qu'à elle, ce qui ne suffit pas à établir la matérialité des faits. Elle fait encore valoir que dans un mail du 27 avril 2017 M. [O] a affirmé qu'il était son supérieur hiérarchique alors qu'il était clair, à sa prise de poste, qu'elle ne devait dépendre que du président. Enfin, elle fait valoir que le 29 mai 2017, M. [O] a annoncé à toute l'équipe la rupture du contrat de travail sans même la lui notifier au préalable et communique le mail en question adressé le 29 mai à 10h53, rédigé devant elle alors qu'elle était abasourdie et sidérée par l'annonce verbale qui lui en avait été faite et que la rupture ne lui sera notifiée que le 9 juin 2017 par remise en main propre.

S'agissant du dénigrement auprès d'un fournisseur':

Mme [C] fait valoir que le 2 mai 2017, M. [O] a adressé un mail à un fournisseur critiquant l'équipe et elle-même et cela, volontairement. Elle fait valoir que lors d'une rencontre le 3 mai 2017, il n'a cessé de lui faire des reproches alors que la réunion avait pour but d'envoyer des signaux clairs à l'équipe sur les rôles et champs d'action respectifs. La cour relève cependant que le contenu de la conversation entre Mme [C] et M. [O] n'est pas établi par des éléments objectifs.

S'agissements de la rétrogradation':

Mme [H] [Y] fait valoir que le 29 mai 2017 M. [O] lui a retiré toutes ses fonctions et notamment toute autorité hiérarchique sur les salariés sans justification pendant le mois qui lui restait à effectuer après la rupture et en a informé l'équipe avant même de lui avoir notifié cette modification, versant aux débats le mail de celui-ci qui informe les équipes en ce sens.

S'agissant des reproches injustifiés':

Mme [C] fait valoir que M. [O] lui a reproché de façon injustifiée, dans un mail du 10 juin 2017 qu'elle communique, son absence le 7 avril 2017 alors qu'elle était en télétravail et qu'elle a justifié de son emploi du temps ce jour-là puisqu'elle était en conférence téléphonique. Elle fait également valoir qu'il lui reproche une absence le 14 avril alors qu'elle était également en télétravail et qu'il le savait puisque la veille, 13 avril, il lui envoyait un mail qu'elle verse aux débats, lui souhaitant bon séjour en Bretagne. La cour observe toutefois que ces éléments sont insuffisants pour caractériser le reproche allégué s'agissant d'une simple réflexion par mail et non d'une sanction notifiéeversée dans le dossier de la salariée.

S'agissant de son isolement':

Mme [C] explique qu'à partir du 11 avril M. [O] a organisé des réunions d'équipe hors de sa présence sans explication s'agissant d'une réunion du 11 avril 2017. Elle précise qu'à partir du 29 mai 2017 elle n'avait plus de place dans le bureau collectif ainsi que cela ressort de son propre mail du 6 juin 2017 à tel point qu'elle était réduite à travailler dans le couloir ou dans la cuisine, qu'on ne la conviait pas davantage à déjeuner, ses amis s'arrangeant, devant sa détresse, pour déjeuner avec elle afin de ne pas la laisser seule ainsi qu'ils en attestent.

S'agissant de la dégradation de son état de santé,

Mme [C] indique qu'elle a présenté des arrêts de travail à compter du 16 juin 2017. Elle verse aux débats des ordonnances prescrivant des médicaments, des attestations de sa psychothérapeute et de ses amis faisant part de la dégradation de son état de santé.

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Les éléments que la cour a retenus comme étant matériellement établis, pris dans leur ensemble laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l'employeur de prouver qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

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Sur l'immixtion de M. [O] dans les fonctions de Mme [E],

L'association [5] fait valoir que si Mme [H] [Y] a été mise en copie du mail portant sur la formation, cela prouve qu'elle était directement concernée par le sujet, qu'après qu'elle a interrogé M. [O], celui-ci lui a répondu qu'il n'y avait rien de changé et qu'elle devait travailler avec la commission programme et formation qui allait fusionner, que les programmes de formation font partie des prérogatives de la fédération et qu'il appartenait à Mme [H] [Y] de travailler en lien avec la fédération et ses équipes pour animer et coordonner la mise en 'uvre et le suivi des programmes réalisés sur son territoire. Dès lors, l'employeur démontre que M. [O] ne s'est pas immiscé dans ses fonctions et qu'aucune des prérogatives de Mme [C] ne lui a été retirée.

S'agissant de la réunion du 11 avril 2017, l'employeur indique qu'il s'agissait en réalité d'une réunion programmée par M. [O] destinée aux entrepreneurs du BNI en vue de présenter le projet du salon des mini entreprises à venir, qu'elle a participé à cette réunion puis qu'elle l'a quittée lorsqu'elle a estimé que sa présence n'était plus nécessaire et après avoir demandé à M. [O] par le message sur lequel elle s'appuie s'il estimait que sa présence n'était plus nécessaire. La cour considère ces éléments suffisants pour établir que les faits allégués sont en réalité justifiés par des éléments objectifs étrangers au harcèlement moral et qu'aucune réunion sur le télétravail ne s'est tenue en l'absence de la salariée.

Sur les propos vexatoires ou désobligeants':

S'agissant du budget, l'employeur fait valoir que M. [O] a été abasourdi de constater que Mme [K] n'utilisait pas les données accessibles dans les répertoires nommés banque et budget et que si M. [Z] a écrit qu'il 'remettait' le budget dans le répertoire, c'est qu'il l'avait déjà mis une première fois. S'agissant du mail du 2 avril 2017 dans lequel M. [O] demande à la salariée de ne pas 'faire un fromage' à propos d'une situation dont la cour a jugé qu'elle ne caractérisait par une immixtion de celui-ci dans ses fonctions, l'employeur fait valoir que M. [O] était en congé et lassé d'être dérangé. Les faits sont ainsi justifiés par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement.

Sur les actes d'humiliation :

L'employeur fait valoir que contrairement à ce qu'elle prétend, Mme [C] avait été informée par M. [O] de l'objet de la réunion du 13 avril puisse que dans un SMS du 11 il lui avait indiqué avoir trouvé une solution pour « nous aider à surmonter la problématique interne ! Je viens de dîner avec [B] [S] qui peut nous aider ! », la salariée le remerciant de cette initiative par un SMS qu'elle communique dans lequel elle écrit : « [R], merci d'avoir pris l'initiative de nous faire aider par [B] ».

S'agissant du pouvoir hiérarchique de M. [O], l'employeur fait valoir que contrairement à ce qu'elle affirme, Mme [H] [Y] était bien placée sous l'autorité hiérarchique de M. [O] et produit le PV de l'association du 23 février 2017 indiquant que la montée en compétence de Mme [H] [Y] se fera de mars à juin 2017 avec l'accompagnement du délégué général et que « pour l'année 2017, la directrice régionale sera placée sous l'autorité du délégué général', ce qui correspond à la présentation de la direction régionale telle qu'elle a pu être faite à Mme [C] par M. [O] lors du recrutement de celle-ci ainsi que cela ressort de son message du 27 février 2017 et s'explique par une volonté de tuilage légitime et ressortant du pouvoir de direction de l'employeur.

S'agissant de la rupture de la période d'essai portée à la connaissance de l'équipe avant la notification écrite, l'employeur explique que le mail, ainsi que cela ressort de sa rédaction, a été écrit avec Mme [C], après qu'elle a été informée oralement de ce que la période d'essai serait rompue de sorte qu'aucunevolonté d'humiliation n'est ainsi caractérisée puisque la salariée avait été informée et qu'il s'agissait en réalité d'assurer la continuité des missions de chacun pendant le délai de prévenance.

La cour considère ces éléments suffisants pour établir que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral.

S'agissant du dénigrement auprès d'un fournisseur :

Outre qu'il indique que le mail avait été adressé par erreur au fournisseur et qu'il s'en est excusé aussitôt auprès de ce dernier, l'employeur fait valoir à juste titre que le nom de Mme [C] n'est pas indiqué et que ses reproches ne la concernaient pas directement.

S'agissant de la rétrogradation :

L'employeur fait valoir que le changement des fonctions de Mme [C] a été établi en accord avec elle, à la demande de celle-ci, sans cependant en justifier, aucun élément n'étant produit à ce titre permettant de caractériser l'accord express de la salariée sur la modification de son contrat de travail.

Sur l'isolement de la salariée,

L'employeur fait valoir que le bureau collectif était exigu et conçu pour accueillir six personnes, que Mme [C] n'a jamais disposé d'un bureau et qu'elle, comme tout autre salarié, avait tout loisir, si un problème d'occupation se posait, d'aller travailler dans l'espace de co working. Enfin, s'agissant des déjeuners, l'employeur fait valoir que Mme [H] [Y] était bien libre de déjeuner avec qui elle le désirait et qu'aucun élément objectif d'exclusion n'est communiqué La cour considère que ces éléments suffisent à établir que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral.

Enfin, la cour observe que les pièces médicales adressées par la salariée ne suffisent pas à établir que la dégradation de l'état de santé de Mme [C] est en lien avec sa situation professionnelle en l'absence de la moindre constatation du médecin du travail à ce titre.

Finalement, la cour considère que l'employeur échoue à démontrer que le changement des attributions de Mme [C] après l'annonce de la rupture de la période d'essai est justifié par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral. Cependant, ce fait à lui seul n'est pas susceptible de caractériser des agissements répétés de harcèlement moral de sorte que celui-ci n'est pas établi et que la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [C] à ce titre est rejetée.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Sur le rappel de salaire au titre des journées des 7 et 14 avril 2017 :

Mme [H] [Y] fait valoir que sa rémunération lui a été retirée au titre de ces deux jours de travail sur le mois de juin 2017 alors qu'elle était en télétravail. L'employeur conclut au débouté en faisant valoir que Mme [C] n'établit pas qu'elle était en télétravail ces deux journées alors que son agenda fait apparaître qu'elle était chez son notaire et qu'elle ne justifie pas qu'il s'agissait d'une conférence. Par ailleurs, selon lui, pour la journée du 14 avril les quelques mails qu'elle envoie ne suffisent pas à établir le travail effectué.

La cour rappelle que c'est à l'employeur d'établir que la salariée était en absence injustifiée ce à quoi il échoue de sorte d'autant qu'il résulte des documents produits que la salariée a effectué une activité de travail dans la journée pour le 14 avril et que pour la journée du 7 avril elle avait signalé qu'elle était en télétravail la veille et que son agenda mentionnait une activité dont elle soutient sans que l'employeur ne la contredise qu'il s'agissait d'une conférence.

La cour confirme donc le jugement en ce qu'il a condamné l'association [5] à payer à Mme [C] un rappel de salaire de 416,67 euros au titre de ces deux journées outre 41,67 euros au titre des congés payés afférents

Sur la demande de rappel de préavis pour la période du 16 juin au 9 juillet 2017 :

Mme [C] demande à la cour de condamner l'association [5] à lui verser à ce titre une somme de 4 333,60 euros outre 433,36 euros au titre des congés payés afférents. Elle fait valoir que la rupture de la période d'essai ne lui ayant été notifiée que le 9 juin 2017, le délai de prévenance d'un mois courait jusqu'au 9 juillet et qu'elle aurait dû percevoir ses salaires jusqu'à cette date, peu important qu'elle ait été arrêtée pour maladie d'autant que l'arrêt de travail était la conséquence du harcèlement moral subi.

La cour n'a pas retenu que le harcèlement moral était caractérisé de sorte que Mme [C] ne peut valablement imputer son arrêt de travail aux agissements de harcèlement moral de l'employeur. S'il est établi qu'à partir du 16 juin 2017 et jusqu'au 12 juillet 2017, Mme [H] [Y] était en arrêt de travail, il en découle qu'elle a perçu des indemnités journalières et elle ne justifie ni n'allègue une carence de l'employeur pour la reconnaissance de ses droits par la Sécurité sociale à ce titre. Par ailleurs comme le fait justement observer l'association [5], Mme [C] ne justifie pas d'une ancienneté suffisante pour prétendre au maintien du salaire prévu par l'article L. 1226-1 du code du travail lorsque le salarié a une ancienneté d'un an à défaut de dispositions conventionelles plus favorables qui seraient applicables. Elle est donc déboutée de sa demande et le jugement est confirmé de ce chef.

Sur le remboursement des frais médicaux :

Mme [C] fait valoir que le harcèlement moral qu'elle a subi l'a contrainte à être assistée successivement par deux psychologues dont elle demande le remboursement des honoraires. La cour n'ayant pas retenu le harcèlement moral allégué la déboute de sa demande.

Sur la rupture de la période d'essai':

Sur la nullité de la rupture de la période d'essai':

Mme [H] [Y] demande à la cour de prononcer la nullité de la rupture de la période d'essai en raison du harcèlement moral subi mais la cour n'ayant pas retenu que la salariée avait été victime d'agissements de harcèlement moral, elle est déboutée de sa demande de nullité de la rupture de la période d'essai. Le jugement est confirmé de ce chef et en ce qu'il l'a déboutée de la demande d'indemnité qu'elle présentait en conséquence.

Sur les autres demandes':

Eu égard à la solution du litige, l'association [5] doit remettre à Mme [C] un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision et une attestation pour Pôle emploi conforme à la présente décision.

L'association [5], partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme [C] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 000 euros en cause d'appel en sus de la somme déjà allouée par les premiers juges dont la décision est confirmée à ce titre, en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les pièces 19'2, 33, 37, 43 du bordereau de communication de l'association [5] Ile de France,

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Ordonne la remise d'un bulletin de paie récapitulatif et d'une attestation pour Pôle emploi rectifiée conforme à la présente décision,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'association [5] Ile de France,

Condamne l'association [5] Ile de France aux dépens et à verser à Mme [M] [C] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/05055
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.05055 ?
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