La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°21/04357

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 06 juillet 2023, 21/04357


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 06 JUILLET 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04357 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHNM



Décision déférée à la Cour : jugement du 27 octobre 2020 - tribunal judiciaire de Paris

RG n° 19/01363





APPELANTS



Madame [D] [K] épouse [B] agissant tant en son nom personn

el qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [A] [B] décédé le [Date décès 2] 2016

[Adresse 7]

[Localité 13]

Née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 17] (IRAN)

Représentée pa...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 06 JUILLET 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04357 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHNM

Décision déférée à la Cour : jugement du 27 octobre 2020 - tribunal judiciaire de Paris

RG n° 19/01363

APPELANTS

Madame [D] [K] épouse [B] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [A] [B] décédé le [Date décès 2] 2016

[Adresse 7]

[Localité 13]

Née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 17] (IRAN)

Représentée par Me Sylvie DOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1073

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/049180 du 12/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Monsieur [W] [B] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [A] [B] décédé le [Date décès 2] 2016

[Adresse 7]

[Localité 13]

Né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 15]

Représenté par Me Sylvie DOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1073

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/049629 du 12/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

Monsieur [E] [S]

[Adresse 9]

[Localité 11]

n'a pas constitué avocat

S.A. AXA FRANCE

[Adresse 6]

[Localité 12]

Représentée par Me Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1216

Assistée par Me Aurélie VIMONT, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DÔME

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentée par Me Sylvain NIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2032

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 28 novembre 2011 à [Localité 15], [A] [B], piéton, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué une motocyclette pilotée par M. [E] [S] et assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).

Par ordonnance en date du 19 décembre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Docteur [G] et condamné in solidum M. [S] et la société Axa à payer à [A] [B] la somme de 50 000 euros à titre de provision pour le compte de qui il appartiendra.

Le Docteur [G], qui s'est adjoint le concours d'un spécialiste en neuropsychologie en la personne de Mme [L] a établi son rapport définitif le 4 novembre 2017.

[A] [B] est décédé le [Date décès 2] 2016, avant qu'il ne puisse être examiné par le médecin orthopédiste dont l'expert principal avait sollicité l'avis.

Parallèlement, la société Axa a assigné M. [S] pour voir constater la résiliation de la police d'assurance pour non-paiement des primes.

Par jugement du 24 octobre 2017, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 26 février 2019, le tribunal de grande instance de Paris a constaté que la police d'assurance souscrite par M. [S] auprès de la société Axa avait régulièrement résiliée à la date du 1er juillet 2011 mais débouté la société Axa de sa demande tendant à voir déclarer opposable aux parties l'exception de non-garantie tirée de la résiliation de la police.

Par actes d'huissier en date des 9 novembre 2018, 3 janvier 2019 et 15 janvier 2019, Mme [D] [K], veuve de [A] [B] et leur fils, M. [W] [B] (les consorts [B]), ont assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la société Axa, M. [S], la caisse du régime social des indépendants d'Auvergne (le RSI) et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices subis par [A] [B] et celle de leurs préjudices personnels.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme (la CPAM) venant aux droits du RSI et de la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 27 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- reçu l'intervention volontaire de la CPAM,

- dit que le droit à indemnisation de [A] [B] des suites de l'accident de la circulation survenu le 28 novembre 2011 est entier,

- fixé le préjudice de [A] [B] à la somme de 322 411,84 euros se décomposant comme suit:

- dépenses de santé actuelles : 173 300,59 euros dont 170 087,81 euros de créance de l'organisme social et 3 212,78 euros aux ayants-droit,

- frais divers : 800 euros,

- assistance par tierce personne : 73 440 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 21 581,25 euros,

- souffrances endurées : 35 000 euros,

- préjudice esthétique temporaire : 8 000 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 9 240 euros,

- préjudice esthétique permanent : 350 euros,

- préjudice sexuel : 700 euros,

- rejeté les demandes au titre du préjudice professionnel et de l'incidence professionnelle et au titre du préjudice d'agrément,

- condamné M. [S] et la société Axa in solidum à payer à la CPAM la somme de 170 087,81 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019,

- condamné M. [S] et la société Axa in solidum à payer à M. [W] [B] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice d'affection,

- rejeté la demande de Mme [D] [K] au titre de son préjudice d'affection,

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- condamné « la société Axa in solidum » à payer aux consorts [B], en leur qualité d'ayants droit de [A] [B], la somme de 152 324,03 euros, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné M. [S] et la société Axa in solidum à payer aux consorts [B], en leur qualité d'ayants droit de [A] [B] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre effectuée le 2 mai 2019, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 28 juillet 2012 et jusqu'au 2 mai 2019,

- condamné M. [S] et la société Axa in solidum à payer à la CPAM la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- déclaré le présent jugement commun à la CPAM venant aux droits et obligations du RSI et de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants,

- condamné in solidum M. [S] et la société Axa aux dépens qui comprendront les frais d'expertise,

- condamné in solidum M. [S] et la société Axa à payer à Maître [V] [P] la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

- condamné in solidum M. [S] et la société Axa à payer à la CPAM la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné M. [S] à garantir la société Axa des indemnités allouées aux ayants droit de [A] [B],

- dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 5 mars 2021, les consorts [B] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- fixé le préjudice de [A] [B] :

* à 73 440 euros au titre de la tierce personne,

* à 21 581,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* à 35 000 euros au titre des souffrances endurées,

* à 8 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

* à 9 240 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 350 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

* 750 euros au titre du préjudice sexuel,

- rejeté les demandes au titre du préjudice professionnel et de l'incidence professionnelle et au titre du préjudice d'agrément,

- condamné M. [S] et la société Axa in solidum à payer à M. [W] [B] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice d'affection,

- rejeté la demande de Mme [D] [K] au titre de son préjudice d'affection,

- condamné « la société Axa in solidum » à payer aux consorts [B], en leur qualité d'ayants droit de [A] [B], la somme de 152 324,03 euros, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné in solidum M. [S] et la société Axa à payer à Maître [V] [P] la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions des consorts [B], notifiées le 10 juin 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985,

Vu l'article 724 du code civil,

Vu les articles L. 211-19 alinéa 2, L. 211-20 et R.421-5 du code des assurances,

- déclarer l'appel des consorts [B] recevable et bien fondé,

- dire que l'implication du véhicule motocyclette immatriculée AQ 729 BG conduit par M. [S] et assuré auprès de la société Axa sous le numéro de contrat 4878346704/P dans l'accident de la voie publique dont a été victime [A] [B] le 28 novembre 2011 est établie,

- dire que les consorts [B] bénéficient, en leur qualité d'ayants droit de [A] [B], de l'action successorale leur permettant de bénéficier du droit à l'indemnisation du préjudice corporel de ce dernier du jour de l'accident jusqu'au jour de son décès,

- confirmer le jugement rendu le 27 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a fixé les dépenses de santé à la somme de 3 212,78 euros et les frais divers à la somme de 800 euros,

- infirmer le jugement rendu le 27 octobre 2020 du tribunal judiciaire de Paris en ses autres dispositions,

En conséquence,

- voir fixer les chefs de préjudices de [A] [B] comme suit :

¿ préjudices patrimoniaux

* dépenses de santé actuelles :

- créance du RSI : 170 087,81 euros

- frais médicaux, pharmaceutiques et paramédicaux restés à charge : 3 212,78 euros,

* frais divers : 800 euros,

* assistance par tierce personne : 85 374 euros,

* préjudice professionnel et incidence professionnelle : 30 000 euros

sous total préjudices patrimoniaux : 119 386,78 euros,

¿ préjudices extra-patrimoniaux

préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

* déficit fonctionnel temporaire : 22 056,30 euros,

* souffrances endurées : 50 000 euros,

* préjudice esthétique temporaire : 15 000 euros,

préjudices extra-patrimoniaux permanents :

A titre principal,

* déficit fonctionnel permanent : 138 000 euros,

* préjudice esthétique permanent : 8 000 euros,

* préjudice d'agrément : 25 000 euros,

* préjudice sexuel : 15 000 euros,

sous total préjudices extra-patrimoniaux : 273 056,30 euros,

Total : 392 443, 08 euros

provisions à déduire : 65 000 euros,

Total : 327 443,08 euros,

A titre subsidiaire,

* déficit fonctionnel permanent : 14 835 euros,

* préjudice esthétique permanent : 860 euros,

* préjudice d'agrément : 2 687,50 euros,

* préjudice sexuel : 1 612,50 euros,

sous-total préjudices extra-patrimonaiux : 107 051,30 euros,

Total : 226 438,08 euros,

provisions à déduire : 65 000 euros,

Total : 159 438,08 euros,

A titre plus subsidiaire,

* déficit fonctionnel permanent : 12 241,57 euros,

* préjudice esthétique permanent : 709,65 euros,

* préjudice d'agrément : 2 217,68 euros,

* préjudice sexuel : 1 330,60 euros,

sous-total préjudices extra-patrimoniaux : 103 555,80 euros,

Total : 222 942,58 euros,

provisions à déduire : 65 000 euros,

Total : 157 942,58 euros,

- dire que M. [S] et son assureur, la société Axa sont tenus de réparer intégralement le préjudice subi par [A] [B],

- dire que M. [W] [B] et Mme [D] [K] épouse [B] sont en droit d'obtenir réparation de leur préjudice moral par ricochet,

En conséquence,

A titre principal,

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa aux consorts [B], en réparation du préjudice corporel de [A] [B], la somme de 327 443,08 euros en deniers ou quittance, soit la somme de 163 721,54 euros chacun,

A titre subsidiaire,

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa à payer aux consorts [B], en réparation du préjudice corporel de [A] [B], la somme de 159 438,08 euros en deniers ou quittance, soit la somme de 79 719,04 euros chacun,

A titre subsidiaire,

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa à payer aux consorts [B], en réparation du préjudice corporel de [A] [B], la somme de 157 842,58 euros en deniers ou quittance, soit la somme de 78 971,29 euros chacun,

En tout état de cause,

- dire que les sommes allouées par la cour porteront intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 28 juillet 2012 jusqu'à l'arrêt à intervenir devenu définitif,

- dire qu'au-delà, la condamnation portera intérêts au taux légal jusqu'au complet paiement des indemnités,

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa à payer à M. [W] [B] la somme de 35 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa à payer à Mme [K] la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 27 octobre 2020 et jusqu'au complet paiement des indemnités,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM venant aux droits et obligations du RSI et de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants,

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa à payer à Maître [V] [P] la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ,

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa à payer à Maître [V] [P] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions de la société Axa, notifiées le 30 août 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles L.113-3, R.113-1 et R.421-5 et R.421-15 du code des assurances,

Vu la loi du 5 juillet 1985,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions hormis concernant les intérêts majorés,

Statuant à nouveau sur ce point,

- rejeter la demande d'intérêts majorés formulée à l'encontre de la société Axa, le FGAO étant en charge de la procédure d'offre selon l'article L 211-22 du code des assurances,

- subsidiairement, limiter les intérêts majorés :

- à la période du 28 juillet 2012 au 6 août 2012 (date de la première offre provisionnelle versée par le FGAO pour le compte de qui il appartiendra), l'assiette des intérêts correspondant au montant de la provision soit 15 000 euros,

- à la période du 4 avril 2018 à la date de notification des conclusions valant offre officielle d'indemnisation du 2 mai 2019, l'assiette des intérêts correspondant au montant de ladite offre, créance des organismes sociaux incluse, provisions non déduites,

- rejeter toutes les demandes plus amples ou contraires des autres parties.

Vu les conclusions de la CPAM, notifiées le 6 janvier 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu la loi n° 2017-1836 de financement de la sécurité sociale pour 2018,

Vu les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

Vu les dispositions de l'article R.613-70 du code de la sécurité sociale,

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985,

Vu l'article 1343-2 du code civil,

Vu la décision du 1er janvier 2020 du Directeur Général de la caisse nationale d'assurance maladie (la CNAM),

Vu l'arrêté 15 décembre 2022 relatif au montant de l'indemnité forfaitaire,

Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- condamné in solidum M. [S] et la société Axa à payer à la CPAM la somme de 170 087, 81 euros en remboursement des prestations en nature constitutives de dépenses de santé actuelles prises en charge, avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice soit le 11 février 2019,

- dit que les intérêts échus pour une année entière à compter de la décision produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016,

- fixé le poste dépenses de santé actuelles à la somme de 173 300, 59 euros,

- condamné in solidum M. [S] et la société Axa aux entiers dépens de première instance dont distraction au profit de Maître Sylvain Niel en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement dont appel pour le reste et :

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa à payer à la CPAM :

- la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

- la somme de 1 500 euros pour les frais irrépétibles de première instance,

De plus fort,

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa à payer à la CPAM la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel,

- condamner in solidum M. [S] et la société Axa aux entiers dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de Maître Sylvain Niel en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [S], auquel la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier du 20 avril 2021 délivré suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Par l'effet des appels principal et incidents, la cour n'est pas saisie des dispositions par lesquelles le tribunal a dit que le droit à indemnisation de [A] [B] des suites de l'accident de la circulation survenu le 28 novembre 2011 était entier, fixé à une certaine somme les postes du préjudice corporel de [A] [B] liés aux dépenses de santé actuelles et aux frais divers, condamné M. [S] et la société Axa in solidum à payer à la CPAM la somme de 170 087,81 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019 et capitalisation dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil, et condamné M. [S] à garantir la société Axa des indemnités allouées aux ayants droit de [A] [B].

La cour ne peut ainsi confirmer des dispositions dont elle n'est pas saisie et qui sont devenues définitives.

Sur les postes du préjudice corporel de [A] [B] discutés devant la cour

Il ressort de l'acte de notoriété établi le 20 décembre 2016 par Maître [H] [R], notaire, que [A] [B], décédé le [Date décès 2] 2016, a laissé pour lui succéder, son épouse dont il était séparé de corps, Mme [D] [K], et son fils, M. [W] [B].

L'expert, le Docteur [G], indique dans son rapport d'expertise final en date du 24 septembre 2017, révisé le 4 novembre 2017 pour répondre au dire de l'avocat de la société Axa, que [A] [B] a présenté, à la suite de l'accident du 28 novembre 2011, un traumatisme crânien avec coma d'emblée, des hématomes sous-duraux, des fractures multiples (fracture de la voûte du crâne temporal gauche, des parois du sinus, du rocher gauche, de l'arcade zygomatique gauche, de la base de l'odontoïde, de la branche ischio-pubienne gauche, des piliers antérieurs des cotyles, du tiers supérieur des fémurs droit et gauche), un pneumothorax minime, une contusion pulmonaire et un épanchement pleural de faible abondance.

Il relève que [A] [B], après son retour à domicile, s'est fracturé l'épaule gauche à la suite d'un malaise survenu le 8 octobre 2012 ; le lien de causalité entre cette chute et l'accident n'est pas contesté, étant observé que le professeur [Z], chef du département de médecine physique et de réadaptation de l'hôpital de la [16] l'a qualifiée de complication.

Mme [L], psychologue, dont le Docteur [G] s'est adjoint le concours, a constaté que [A] [B] présentait à la suite de l'accident un syndrome frontal cognitif (trouble dysexécutif non global, troubles amnésiques de récupération verbale, troubles de l'attention et de la concentration, difficultés de programmation visuo-constructive, éléments persévératifs, duplication, lenteur idéomotrice, difficultés d'accès lexical) ainsi que des troubles du comportement avec désinhibition, impulsivité dans les réponses, distractibilité, logorrhée, idées fixes et persévératives.

Le Docteur [G], a retenu l'existence, en sus des séquelles neuro-cognitives et comportementales ci-dessus décrites, de séquelles orthopédiques, de conséquences fonctionnelles liées aux douleurs et d'un retentissement psychique.

Il a conclu son rapport dans les termes suivants :

- déficit fonctionnel temporaire total du 28 novembre 2011 au 14 mai 2012,

- déficit fonctionnel temporaire au taux de 70% du 15 mai 2012 jusqu'à la consolidation,

- déficit fonctionnel permanent : 60%

- souffrances endurées : 5,5/7

- préjudice esthétique temporaire : 6/7 pendant le déficit fonctionnel temporaire total, puis 4/7 pendant un an, puis 3/7 jusqu'à la consolidation,

- préjudice esthétique permanent : 2,5/7

- consolidation :

* le 28 novembre 2014, à trois ans de l'accident,

* ou le 10 mars 2016, veille du décès si l'hospitalisation en CMPR est en lien avec une aggravation clinique ou situationnelle,

* ou le jour du décès si celui-ci est en lien avec l'accident.

- préjudice d'agrément pour les activités sportives et de loisirs antérieures et toutes activités générées par les troubles cognitifs

- préjudice professionnel : « activité de conseil non éteinte mais incapacité à mener seul des activités productives et incapacité à initier de nouveaux contrats du fait des troubles cognitifs et exécutifs. L'anosognosie semble ne pas permettre à M. [B] de prendre la décision d'un arrêt définitif de toute activité. Les séquelles cognitivo-comportementales le rendent inapte de façon absolue et définitive à l'exercice de toute activité professionnelle générant gains et profit »,

- préjudice sexuel : perte de libido et érections

- aides humaines :

* 2 heures par jour pour « aide ponctuelle quotidienne pour contrôle entretien de la maison, du linge, courses, alimentation variée, aide aux démarches et à la gestion des affaires »

* 3 heures par jour pour « aide à l'organisation d'activités occupationnelles, incitation et contrôle du bon déroulement des activités entreprises, aide aux déplacements»

- aménagement du véhicule : réserve quant à la reprise de la conduite automobile,

- aménagement du domicile : remplacement du gaz par plaques à induction, installation système d'alarme pour obtenir de l'aide,

- soins futurs : suivi médecine physique et réadaptation (MPR) tous les six mois, kinésithérapeute et orthophonie jusqu'à la consolidation.

Ce rapport constitue, sous les précisions qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel de [A] [B], à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 4] 1947, de la date de consolidation, de son décès survenu le [Date décès 2] 2016, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Si l'expert a proposé trois dates possibles de consolidation, ci-dessus rappelées, les consorts [B] admettent que l'hospitalisation de [A] [B] au centre de médecine physique et de réadaptation de [Localité 14] (CMPR) n'est pas liée à une aggravation clinique ou situationnelle imputable à l'accident et que son décès, le [Date décès 2] 2016, d'un arrêt cardio-respiratoire à la suite d'une fausse route alimentaire est sans lien avec celui-ci.

La cour retiendra ainsi, conformément à l'accord des parties sur ce point, une date de consolidation au 28 novembre 2014, à trois ans de l'accident.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Assistance temporaire par une tierce personne

Les consorts [B] sollicitent au titre de ce poste de préjudice, une indemnité d'un montant de 85 375 euros pour la période du 14 mai 2012, date du retour à domicile de [A] [B], jusqu'au 19 novembre 2014, date de son admission au CMPR de [Localité 14].

Cette indemnité est calculée sur la base d'un besoin d'assistance de 5 heures par jour, retenu par l'expert, et d'un taux horaire de 24 euros pour les heures d'aide active et de 15 euros pour les aides incitationnelles, occupationnelles et aux déplacements.

La société Axa conclut à la confirmation du jugement qui a évalué les besoins d'assistance de la victime entre le 14 mai 2012 et le 19 novembre 2014 à la somme de 73 440 euros sur la base d'un taux horaire unique de 16 euros.

Elle soutient qu'il n'y a pas lieu d'opérer une distinction tarifaire entre aide active et aide passive, alors que l'incitation correspond à une aide active et non à une simple surveillance.

Elle fait observer qu'aucune facture relative à l'intervention d'une association prestataire n'est produite et que les frais liés aux prestations réalisées par le SSIAD (service de soins infirmiers à domicile) ont, au vu des pièces produites, été pris en charge à 100 % par la sécurité sociale.

Elle estime que le taux horaire retenu par le tribunal est justifié et que si l'indemnisation du poste lié à la tierce personne ne peut pas être exclue en cas d'assistance familiale, rien n'interdit de tenir compte de cette circonstance ainsi que des éventuels avantages fiscaux, lors de la fixation de l'indemnité, alors que ce poste de préjudice doit être fixé in concreto.

Sur ce, l'expert a retenu un besoin d'assistance de 5 heures par jour, dont 2 heures pour l'aide à l'entretien du logement, la réalisation des courses, la préparation de repas équilibrés et la gestion administrative et de 3 heures pour l'organisation et l'incitation à des activités occupationnelles et l'aide aux déplacements.

Il convient d'entériner cette évaluation, étant observé que si [A] [B] a bénéficié d'une aide à la toilette du lundi au vendredi dispensée par le service de soins infirmiers de l'UMC social dont le coût était intégralement pris en charge par la sécurité sociale (pièces n° 45 et 46), cette aide spécialisée prescrite par le médecin traitant de la victime vient s'ajouter aux besoins en aide humaine retenus par l'expert pour l'entretien du logement, la préparation des repas, la réalisation des courses, l'aide à la gestion administrative, l'organisation des activités occupationnelles et l'aide aux déplacements.

En application du principe de la réparation intégrale, le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance familiale ni subordonné à la production de justifications des dépenses effectives.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire unique de 20 euros.

L'indemnité de tierce personne temporaire entre le 14 mai 2012, date du retour à domicile de [A] [B], et le 19 novembre 2014, date de son admission au CMPR de [Localité 14], s'établit ainsi à la somme de 91 900 euros (919 jours x 5 heures x 20 euros), ramenée à celle de 85 374 euros pour rester dans les limites de la demande.

Le jugement sera infirmé.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Incidence professionnelle

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut également le préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Les consorts [B] réclament une indemnité de 30 000 euros au titre de ce poste de préjudice dont ils rappellent qu'il concerne, notamment, les victimes qui ne peuvent plus travailler et ne sont plus en capacité de s'épanouir professionnellement et perdent ainsi une partie de leur identité sociale.

Ils exposent qu'avant l'accident, [A] [B] était ingénieur conseil en écologie et rédigeait des articles pour différentes revues scientifiques, qu'il avait un projet de développement d'une unité de fabrication d'un isolant écologique avec la société Energies Posit'if.

Ils font valoir qu'à la suite de l'accident, [A] [B], en raison de ses troubles neuro-cognitifs, n'a pu soumettre de nouveaux articles à la publication ni poursuivre son activité libérale d'ingénieur conseil.

Ils soulignent que s'agissant d'une activité libérale, il aurait pu, sans la survenance du fait dommageable, continuer de l'exercer de nombreuses années, tant que son état de santé le lui permettait.

Ils font observer que l'expert a retenu l'existence d'un préjudice professionnel en raison de l'importance des séquelles cognitivo-comportementales de [A] [B] le rendant inapte de façon absolue et définitive à l'exercice de toute activité professionnelle.

La société Axa conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande.

Elle fait valoir qu'aucune pièce concernant les revenus de la victime n'est produite, ni aucun extrait d'un article qu'elle aurait écrit pour une revue scientifique.

Elle ajoute que la lettre de la société Energie Posit'if du 6 septembre 2013 atteste seulement de ce que la victime leur avait fait part d'un projet dont ni le financement, ni l'étude de marché, ni le plan d'affaires n'avaient encore été réalisés, de sorte qu'elle ne suffit pas à caractériser une incidence professionnelle.

Elle indique enfin que le tribunal a relevé que [A] [B] était âgé de 64 ans au moment de l'accident et que lors des opérations d'expertise, il a indiqué au Docteur [G] qu'il percevait une pension de retraite depuis sept mois.

Sur ce, les consorts [B] versent aux débats plusieurs contrats de prestation de services permettant d'établir que [A] [B] exerçait avant l'accident une activité libérale d'ingénieur conseil.

L'objet des prestations fournies (étude commandée par la direction générale de l'administration et du développement dans le cadre de la convention climat, étude commandée par l'institut des stratégies sur l'énergie et l'environnement, prestations d'ingénierie pour la société Prosernat) témoignent du niveau d'expertise acquis par [A] [B] dans son domaine de compétence.

Les consorts [B] produisent également une lettre de la société Energie Posit'if en date du 6 septembre 2013 faisant état d'un projet de création par la victime d'une unité de fabrication d'un isolant écologique composé de bois et de papier, selon un procédé développé par des partenaires danois.

Si ce projet était effectivement embryonnaire, et que ses chances de réussite étaient encore incertaines, la lettre de la société Energie Posit'if témoigne de ce que [A] [B] avait l'intention de poursuivre son activité professionnelle.

Il résulte des conclusions du rapport d'expertise que les séquelles cognitivo-comportementales de [A] [B] l'ont rendu inapte de façon absolue et définitive à l'exercice de toute activité professionnelle.

[A] [B] doit ainsi être indemnisé de la dévalorisation sociale ressentie du fait de son exclusion définitive du monde du travail, étant observé que sans la survenance du fait dommageable il aurait été en mesure de poursuivre son activité d'ingénieur conseil à titre libéral au moins jusqu'à l'âge de 70 ans.

Il convient de relever que la circonstance que [A] [B] a fait valoir ses droits à la retraite après l'accident ayant provoqué un syndrome frontal le rendant inapte à toute activité professionnelle et selon ses déclarations, sept mois avant les opérations d'expertise, ce dont il a informé le Docteur [G] qui l'a examiné le 2 juin 2014 (Cf rapport final révisé p. 1, 2 et 15) , est sans incidence sur l'existence de cette composante de l'incidence professionnelle qui est caractérisée dès lors que l'exclusion définitive de la victime du monde du travail est imputable à l'accident, ce qui est le cas en l'espèce.

Ce préjudice doit toutefois être évalué en tenant compte de ce que la victime, née le [Date naissance 4] 1947, est décédée le [Date décès 2] 2016, à l' âge de 68 ans, de sorte qu'elle n'a subi d'incidence professionnelle qu'entre la date de consolidation, le 28 novembre 2014 et celle de son décès, soit pendant 1,29 an (470 jours / 365 jours).

Au vu de ces éléments, il convient d'évaluer cette composante de l'incidence professionnelle à la somme de 3 000 euros.

Les prestations servies par le RSI, étant au vu de l'état définitif de ses débours en date du 31 juillet 2018, exclusivement constituées de frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation, aucune somme n'est pas à imputer sur cette indemnité qui revient intégralement aux consorts [B].

Le jugement sera infirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, y compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel.

Les consorts [B] réclament, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant de 22 056,30 euros calculée en fonction d'une base journalière d'indemnisation de 27 euros.

La société Axa conclut à la confirmation du jugement qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 21 581,25 euros sur la base d'une indemnité journalière de 25 euros.

Sur ce, l'expert a retenu l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire total du 28 novembre 2011 au 14 mai 2012 et d'un déficit fonctionnel temporaire au taux de 70% du 15 mai 2012 jusqu'à la date consolidation, fixée par la cour au 28 novembre 2014.

Eu égard à l'incapacité fonctionnelle subie par [A] [B] et aux troubles apportés à ses conditions d'existence avant la date de consolidation, notamment sur le plan sexuel, ce poste de préjudice sera calculé, conformément à la demande des consorts [B], sur une base journalière de 27 euros pour les périodes de déficit fonctionnel total et proportionnellement pour les périodes de déficit fonctionnel partiel.

Le déficit fonctionnel temporaire doit ainsi être évalué comme suit :

- 4 563 euros pour la période de déficit fonctionnel temporaire total du 28 novembre 2011 au 14 mai 2012 (169 jours x 27 euros)

- 17 539,20 euros pour la période de déficit fonctionnel partiel au taux de 70 % du 15 mai 2012 au 28 novembre 2014 (928 jours x 27 euros x 70 %)

Soit une somme totale de 22 102,20 euros, ramenée à celle de 22 056,30 euros pour rester dans les limites de la demande.

Le jugement sera infirmé.

- Souffrances endurées

Ce poste de préjudice indemnise les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés que la victime endure pendant la maladie traumatique.

Les consorts [B] sollicitent, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant de 50 000 euros en réparation de ce poste de préjudice, alors que la société Axa conclut à la confirmation du jugement qui l'a évalué à la somme de 35 000 euros.

Sur ce, il y a lieu de tenir compte pour évaluer ce poste de préjudice, coté 5,5/7 par l'expert, du polytraumatisme initial avec fractures multiples, des souffrances induites par les différentes lésions, des soins de la période aiguë (intubation, extubation, traitement des troubles respiratoires et de l'anémie), des interventions chirurgicales, de la pénibilité des traitements incluant de nombreuses séances de rééducation en kinésithérapie et en orthophonie, ainsi que des souffrances morales associées.

Au vu de ces éléments, ce préjudice sera évalué à la somme de 40 000 euros.

Le jugement sera infirmé.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce poste de préjudice indemnise les atteintes physiques et plus généralement l'altération de l'apparence physique de la victime avant la consolidation.

Les consorts [B] réclament, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant de 15 000 euros en réparation de ce poste de préjudice, alors que la société Axa conclut à la confirmation du jugement qui l'a évalué à la somme de 8 000 euros.

Sur ce, le Docteur [G] a retenu dans son rapport d'expertise dont les conclusions ne sont contestées sur ce point par aucune des parties, un préjudice esthétique temporaire, évalué à 6/7 pendant la période de déficit fonctionnel temporaire total, soit jusqu'au 14 mai 2012, puis à 4/7 pendant un an, et à 3/7 jusqu'à la date de consolidation fixée par la cour au 28 novembre 2014.

Ce préjudice esthétique temporaire est caractérisé par une période d'alitement prolongée, une immobilisation par le port d'un corset rigide thoraco-mentonnier avec fixations métalliques entraînant l'impossibilité de la verticalisation (Cf rapport d'expertise médical-légale du 2 mars 2012 incluant des photographies de la victime), une jargonophasie puis un bégaiement transitoires, et une immobilisation de l'épaule gauche, l'ensemble de ces éléments ayant altéré l'apparence de la victime aux yeux des tiers.

Compte tenu de sa durée et de son intensité justement appréciée par l'expert, ce préjudice doit être évalué à la somme de 10 000 euros.

Le jugement sera infirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Les consorts [B] contestent la réduction par les premiers juges des postes de préjudice extra-patrimoniaux permanents de [A] [B] , prorata temporis, en fonction du temps écoulé entre la date de consolidation et la date de son décès.

Ils soutiennent que le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès la survenance du dommage et que les préjudices permanents qui n'incluent aucune dimension temporelle doivent être indemnisés intégralement sans réduction au prorata de la période survie de la victime après consolidation.

A titre subsidiaire, ils proposent d'opérer une réduction des indemnités prorata temporis en fonction d'une espérance de vie de 12 ans à la date de consolidation et d'une période de survie de 1,29 an.

Ils proposent, à titre plus subsidiaire, d'évaluer chaque poste de préjudice permanent puis d'en diviser le montant par l'euro de rente viagère prévu par la barème de la gazette du palais 2016 pour un homme âgée de 67 ans à la date de la consolidation et de le multiplier par le temps écoulé entre la consolidation et le décès.

La société Axa fait valoir que, compte tenu du décès de la victime le [Date décès 2] 2016, il convient d'opérer une réduction prorata temporis de tous les postes de préjudice permanents.

Elle expose que l'espérance de vie de la victime à la date de consolidation étant de 17,56 ans au vu de la table de mortalité 2012-2014 établie par l'INSEE et que celle-ci ayant survécu pendant 1,28 an après la consolidation , il y lieu d'appliquer à chaque évaluation un coefficient de survie de 0,07 (1,28 an / 17,56 ans).

Sur ce, si le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès la survenance du fait dommageable, l'évaluation du préjudice doit être faite à la date à laquelle le juge statue en tenant compte de tous les éléments connus à la date de la décision.

Il convient ainsi de tenir compte du décès de la victime directe survenu le [Date décès 2] 2016 avant la date de la liquidation.

Il y a lieu pour ce faire, d'évaluer chaque poste de préjudice de manière viagère puis de diviser le montant obtenu par le nombre d'années d'espérance de vie d'un homme âgé de 67 ans à la date de consolidation selon la table de mortalité établie par l'INSEE pour les années 2012-2014, soit 17,56 ans, puis en le multipliant par le temps écoulé entre la consolidation et le décès, soit 1,29 an (470 jours / 365 jours).

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, les souffrances chroniques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Les consorts [B] proposent d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 138 000 euros et réclament à titre principal une indemnité égale à ce montant, à titre subsidiaire une indemnité réduite à 14 835 euros, et à titre plus subsidiaire une indemnité de 12 241,57 euros.

La société Axa conclut à la confirmation du jugement qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 9 240 euros, après application d'un coefficient de survie de 0,07.

Sur ce, le Docteur [G] a fixé à 60 % le déficit fonctionnel permanent de [A] [B] en tenant compte de l'ensemble des séquelles neuro-cognitives et comportementales, des séquelles orthopédiques, des conséquences fonctionnelles induites par les douleurs et du retentissement psychique.

Au vu des séquelles constatées, des douleurs persistantes et des troubles induits dans les conditions d'existence de [A] [B], qui était âgé de 67 ans à la date de consolidation, il convient d'évaluer son déficit fonctionnel permanent subi entre le 28 novembre 2014 et la date de son décès à la somme de 10 137,81 euros, calculée sur la base d'une indemnité de 138 000 euros, proratisée suivant la méthode de calcul ci-dessus décrite (138 000 euros / 17,56 ans x 1,29 an).

Le jugement sera infirmé.

- Préjudice esthétique permanent

Ce poste de préjudice indemnise les atteintes physiques et plus généralement l'altération de l'apparence physique de la victime après la consolidation.

Les consorts [B], qui font observer qu'en sus des multiples cicatrices décrites par l'expert, [A] [B], présentait une gêne pour la marche avec boiterie, demandent que ce poste de préjudice soit chiffré à la somme de 8 000 euros.

Ils réclament ainsi, à titre principal, une indemnité correspondant à ce montant, à titre subsidiaire une indemnité réduite à 860 euros, et à titre plus subsidiaire une indemnité de 709,65 euros.

La société Axa conclut à la confirmation du jugement qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 350 euros, après application du coefficient de survie.

Sur ce, coté 2,5/7 par l'expert, ce préjudice est caractérisé par les nombreuses cicatrices décrites par le Docteur [G], notamment, une cicatrice de la face interne du genou droit de 7 centimètres, plusieurs cicatrices ponctiformes à la hanche droite et aux deux coudes, des cicatrices multiples de la crête tibiale gauche et du genou gauche «hyperchromiques », une cicatrice linéaire de 10 centimètres de long sur 0,3 centimètre de large à la hanche gauche.

En revanche, si le Docteur [G] a retenu, sur le plan orthopédique, des limitations fonctionnelles liées aux douleurs, il n'a pas constaté de boiterie.

Ce préjudice esthétique lié aux cicatrices dont certaines présentent un aspect fortement coloré, subi entre le 28 novembre 2014 et la date du décès, justifie l'allocation d'une indemnité de 440,77 euros, calculée sur la base d'une indemnité de 6 000 euros, proratisée suivant la méthode de calcul ci-dessus décrite (6 000 euros / 17,56 ans x 1,29 an).

Le jugement sera infirmé.

- Préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.

Les consorts [B] réclament à titre principal, en infirmation du jugement, une indemnité de 25 000 euros en réparation de ce poste de préjudice, ramenée à titre subsidiaire à la somme de 2 687,50 euros et à titre plus subsidiaire à celle de 2 217,68 euros.

La société Axa conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande en relevant qu'il n'est pas justifié d'une pratique sportive antérieure et régulière au moment de l'accident.

Sur ce, les consorts [B] justifient par la production d'une facture en date du 17 octobre 2010 que [A] [B] avait souscrit une carte « fréquence » permettant au vu du document d'information versé aux débats d'accéder pendant un an, en bénéficiant d'un tarif préférentiel, au centre aquatique Aquaboulevard de [Localité 15].

Il convient de relever que cette facture mentionne un supplément fréquence pour un enfant, et que M. [W] [B], né le [Date naissance 5] 1999, était alors âgé de 10 ans.

Les consorts [B] établissent que [A] [B] avait renouvelé cet abonnement peu avant son accident survenu le 28 novembre 2011, ainsi qu'il résulte de la carte « fréquence » établie au nom de la victime le 17 octobre 2011.

Il est ainsi démontré que [A] [B] pratiquait régulièrement une activité spécifique de loisir dans un parc aquatique avant la date de l'accident.

Le Docteur [G] a conclu dans son rapport à l'existence d'un préjudice d'agrément pour les activités sportives et de loisirs antérieures, ce qui est cohérent d'une part, avec les séquelles orthopédiques de la victime et les limitations fonctionnelles induites par ses douleurs, d'autre part avec ses troubles neuro-cognitifs et comportementaux.

Il est ainsi justifié de l'existence d'un préjudice d'agrément, subi entre le 28 novembre 2014 et la date du décès, justifiant l'allocation d'une somme de 734,62 euros, calculée sur la base d'une indemnité de 10 000 euros, proratisée suivant la méthode de calcul ci-dessus décrite (10 000 euros / 17,56 ans x 1,29 an).

Le jugement sera infirmé.

- Préjudice sexuel

Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité de réaliser l'acte, perte de la capacité d'accéder au plaisir).

Les consorts [B] font valoir que [A] [B] n'avait plus d'activité sexuelle depuis l'accident alors qu'il était sexuellement actif avant le fait dommageable et que l'expert a retenu un préjudice sexuel pour la perte de la libido et des érections justifiant l'allocation d'une indemnité de 15 000 euros.

Ils réclament à titre subsidiaire, une indemnité de 1 612,50 euros et à titre plus subsidiaire une somme de 1 330,60 euros.

La société Axa conclut à la confirmation du jugement qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 700 euros, après application d'un coefficient de survie de 0,07.

Elle fait observer qu'il n'est évoqué aucun traitement qui aurait été pris par la victime pour ses difficultés érectiles ni d'aucune atteinte morphologique.

Sur ce, le Docteur [G] a retenu l'existence d'un préjudice sexuel lié à la perte de la libido et des érections.

S'il n'est effectivement établi aucun préjudice morphologique lié à une atteinte aux organes sexuels, la disparition de la libido et des érections chez un traumatisé crânien souffrant d'un syndrome frontal avec troubles neuro-cognitifs et comportementaux caractérise un préjudice sexuel important, dont l'indemnisation ne saurait être réduite en raison de l'absence de suivi par la victime d'un traitement spécifique des troubles érectiles.

Ce préjudice sexuel subi entre le 28 novembre 2014 et la date du décès, sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 1 101,94 euros, calculée sur la base d'une indemnité de 15 000 euros, proratisée suivant la méthode de calcul ci-dessus décrite (15 000 euros / 17,56 ans x 1,29 an).

Le jugement sera infirmé.

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal

Le tribunal a condamné M. [S] et la société Axa in solidum à payer aux consorts [B], en leur qualité d'ayants droit de [A] [B] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre effectuée le 2 mai 2019, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 28 juillet 2012 et jusqu'au 2 mai 2019.

La société Axa qui conclut à l'infirmation du jugement, fait valoir que le contrat d'assurance automobile souscrit par M. [S] ayant été résilié avant l'accident, la procédure d'offre incombait au FGAO et non à elle.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que le FGAO a versé une provision de 15 000 euros pour le compte de qui il appartiendra le 6 août 2012, soit avec à peine huit jours de retard, et qu'elle a formulé une offre d'indemnisation définitive par voie de conclusions signifiées le 2 mai 2019.

Elle estime ainsi que les intérêts majorés doivent avoir pour assiette le montant de l'offre provisionnelle du FGAO entre le 28 juillet 2012 et le 6 août 2012 et le montant de l'offre d'indemnisation du 2 mai 2019 entre le 4 avril 2018, date à laquelle elle aurait dû formuler son offre définitive et le 2 mai 2019.

Les consorts [B] objectent que la société Axa était tenue, en application de l'article L. 211-20 du code des assurances, de faire une offre d'indemnisation pour le compte de qui il appartiendra, même si elle contestait sa garantie, que le FGAO n'ayant vocation à intervenir que lorsque le véhicule n'est pas assuré ou n'a pu être identifié, la société Axa est mal fondée à se prévaloir de l'offre faite par celui-ci, qu'enfin la société Axa n'ayant pas formulé d'offre provisionnelle dans le délai de 8 mois qui lui était imparti, ni d'offre définitive dans les 5 mois du dépôt du rapport final révisé du Docteur [G], le 4 novembre 2017, celle-ci doit être condamnée à payer les intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 28 juillet 2012 et jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, devenu définitif.

Sur ce, aux termes de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité, n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L. 211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Il convient de rappeler en premier lieu que l'offre d'indemnisation prévue à l'article L. 211-9 du code des assurances incombe à l'assureur du véhicule impliqué et non à l'assuré, de sorte que c'est à tort que le tribunal a condamné M. [S] au paiement des intérêts au taux doublé.

Par ailleurs, il résulte de l'article L. 211-20 du code des assurances, que l'assureur qui invoque une exception de garantie légale ou contractuelle est tenu de satisfaire aux prescriptions de l'article L. 211-9 du code des assurances, de sorte que l'exception invoquée par la société Axa tenant à la résiliation du contrat d'assurance pour défaut de paiement des primes avant la date de l'accident ne la dispensait pas de son obligation de faire une offre d'indemnisation dans les délais prévus par ce texte, étant relevé que par un arrêt de la cour d'appel de ce siège en date du 26 février 2019, devenu irrévocable, cette exception a été jugée inopposable à la victime et au FGAO, faute de respect du formalisme prévu à l'article R. 421-5 du code des assurances.

Dans le cas de l'espèce, la société Axa avait ainsi, en application des textes rappelés ci-dessus, la double obligation de présenter une offre d'indemnisation provisionnelle détaillée à [A] [B], dont l'état n'était pas consolidé, dans le délai de 8 mois de l'accident et d'adresser ensuite à ses héritiers, une offre définitive dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de son état.

L'accident s'étant produit le 28 novembre 2011, la société Axa devait faire une offre provisionnelle détaillée portant sur tous les éléments indemnisables du préjudice au plus tard le 28 juillet 2012.

Or, ni elle, ni le FGAO pour le compte de qui il appartiendra, n'ont dans ce délai formulé une offre provisionnelle détaillée, seul étant justifié le versement tardif par le FGAO d'une provision amiable de 15 000 euros le 6 août 2012, qui ne peut être assimilée à une offre d'indemnisation provisionnelle.

La société Axa encourt ainsi la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances à compter du 29 juillet 2012.

S'agissant de l'offre d'indemnisation définitive que la société Axa devait effectuer dans un délai de cinq mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la consolidation, il convient de relever que cette dernière ne conteste pas avoir reçu cette information dès le dépôt du rapport d'expertise final révisé du Docteur [G], le 4 novembre 2017, puisqu'elle admet elle-même qu'elle devait présenter son offre au plus tard le 4 avril 2018.

La première offre d'indemnisation définitive dont la société Axa justifie a été faite par voie de conclusions notifiées le 2 mai 2019.

Toutefois, cette offre d'indemnisation ne porte pas sur tous les éléments indemnisables du préjudice, dans la mesure où elle ne comprend aucune proposition d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice d'agrément mentionnés par l'expert dans son rapport et qu'il incombait à la société Axa, si elle ne disposait pas d'informations suffisantes pour évaluer ces postes de préjudice d'adresser aux héritiers de la victime une demande de renseignements dans les conditions prévues à l'article R. 211-37 du code des assurances, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait.

Cette offre incomplète qui équivaut à une absence d'offre n'a pu interrompre le cours des intérêts au double du taux de l'intérêt légal.

Il en est de même des offres d'indemnisation subséquentes faites devant le tribunal et devant la cour qui ne comportent pas non plus de proposition d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice d'agrément.

Il résulte des motifs qui précèdent que la société Axa doit être condamnée à payer aux consorts [B], pris en leur qualité d'héritiers de [A] [B] ; les intérêts au double du taux légal à compter du 29 juillet 2012 et jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif, sur le montant des indemnités allouées, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées.

Le jugement sera, en conséquence, infirmé.

Sur les préjudices des proches de [A] [B]

Sur le préjudice d'affection de M. [W] [B]

M. [W] [B] sollicite, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant de 35 000 euros en réparation de son préjudice d'affection.

Il fait valoir qu'il était âgé de 12 ans au moment de l'accident et a été confronté à la dégradation de l'état physique et neuro-psychologique de son père.

Il ajoute que sa relation avec celui-ci s'est trouvée sérieusement affectée en raison de ses difficultés orthopédiques et de ses troubles cognitifs et comportementaux.

Il estime que l'indemnité de 10 000 euros allouée par les premiers juges est dérisoire, au regard de la jurisprudence suivant laquelle il est alloué en réparation du préjudice d'un enfant à la suite du décès de l'un de ses parents, des sommes comprises entre 20 000 et 30 000 euros et du fait qu'il était encore mineur lors du décès de son père.

La société Axa conclut à la confirmation du jugement qui a évalué le préjudice d'affection de M. [W] [B] à la somme de 10 000 euros et fait observer qu'il vivait avec sa mère à l'époque de l'accident.

Sur ce, il convient d'abord d'observer qu'il n'est justifié d'aucun lien de causalité entre l'accident dont a été victime [A] [B] le 28 novembre 2011 et son décès survenu le [Date décès 2] 2016, les consorts [B] ayant d'ailleurs admis que ce décès, lié à un arrêt cardio-respiratoire à la suite d'une fausse route alimentaire, était sans rapport avec le fait dommageable.

Seul est donc indemnisable le préjudice d'affection de M. [W] [B] lié à la survie handicapée de son père, qui a été justement évalué à la somme de 10 000 euros compte tenu de la souffrance morale générée par la dégradation de l'état physique et neuro-cognitif de la victime et de ses troubles du comportement affectant la qualité de leur relation.

Le jugement sera confirmé.

Sur le préjudice d'affection de Mme [D] [K]

Mme [D] [K] fait valoir que si elle était séparée de corps de [A] [B] au moment de l'accident, elle avait vécu avec lui pendant 12 ans et conservait des liens étroits avec celui-ci ainsi qu'en attestent une amie et le frère de la victime.

Elle ajoute qu'elle l'a hébergé deux jours à sa sortie d'hôpital le 14 mai 2012 et a alors assisté au délabrement physique et neuro-psychologique de son époux.

Relevant que selon la jurisprudence, il est alloué en réparation du préjudice d'affection d'un conjoint en cas de décès des sommes comprises entre 20 000 et 40 000 euros, elle sollicite une indemnité de 20 000 euros.

La société Axa objecte que les époux étaient séparés de corps et qu'il n'existait plus de communauté de vie à la date de l'accident ; elle conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande.

Sur ce, comme relevé plus haut, il n'est justifié d'aucun lien de causalité entre l'accident dont a été victime [A] [B] le 28 novembre 2011 et son décès survenu le [Date décès 2] 2016, de sorte que seul est indemnisable le préjudice d'affection des proches liés à la survie handicapée de la victime directe.

Comme le relève justement Mme [K], le préjudice d'affection des proches n'est pas subordonné à l'existence d'une communauté de vie effective à la date de l'accident.

En l'espèce, si Mme [K] était séparée de corps de [A] [B], elle justifie des liens d'affection qui les unissaient malgré leur séparation.

Ainsi M. [N] [B], frère de la victime, indique dans une attestation établie le 18 novembre 2019 que Mme [K] a accompagné [A] [B] avec beaucoup de soins et de soutien pendant sa longue hospitalisation, qu'elle l'a accueillie chez elle pour prendre soin de lui pendant sa convalescence et que depuis des années, il se voyaient très fréquemment avec leur fils.

Mme [Y] [I], amie de [A] [B], a indiqué dans une attestation établie le 13 novembre 2019 avoir été témoin des soins et des efforts de son épouse, [D] [K], pour améliorer son état depuis son accident et précisé que cette dernière était l' une des personnes les plus proches de [A] [B] avec son fils.

Il est ainsi établi, compte tenu des liens unissant [A] [B] et Mme [K], que cette dernière a subi un préjudice d'affection à la vue de la déchéance et des souffrances de son époux, justifiant que lui soit allouée une indemnité d'un montant de 8 000 euros.

Le jugement sera infirmé.

Sur les intérêts moratoires

Les consorts [B] demandent que les indemnités allouées au titre de leur préjudice d'affection soient majorées des intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance.

Aux termes de l'article 1153-1, devenu 1231-7 du code civil « en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition sociale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé de la décision à moins que le juge n'en décide autrement ».

Il convient, en vertu de ce texte de prévoir que les intérêts au taux légal courront à compter du jugement à hauteur des sommes allouées par le tribunal et à compter du présent arrêt pour le surplus.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion

La CPAM demande à voir porter le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à la somme de 1 162 euros.

Sur ce , il résulte de ce texte qu'en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement de ses débours, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit du fonds national des accidents du travail de l'organisme national d'assurance maladie.

Selon ce même texte, le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et d'un montant minimum révisés annuellement par arrêtés des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Aux termes de l'arrêté du 15 décembre 2022, les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 115 euros et 1 162 euros.

Dans le cas de l'espèce, la créance totale de la caisse s'élevant à la somme de 170 087,81 euros au vu du décompte produit, le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion est de 1 162 euros.

M. [S] et la société Axa seront condamnés in solidum au paiement de cette somme.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt opposable à la CPAM qui est en la cause.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens, incluant les frais d'expertise, doivent être confirmées.

Compte tenu de la solution du litige, M. [S] et la société Axa supporteront la charge des dépens d'appel.

Maître [V] [P] réclame en infirmation du jugement, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, une indemnité de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

Elle sollicite en outre, en vertu de ce même texte, une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Elle fait valoir qu'en application de l'alinéa 2 de ce texte, la somme allouée à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 % et en déduit qu'en l'espèce, la somme devant lui être allouée ne saurait être inférieure à 3 993,60 euros.

La CPAM conclut également à l'infirmation du jugement en ce qui concerne l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles de première instance et sollicite une indemnité de 1 500 euros à ce titre, outre 2 000 euros en cause d'appel.

La société Axa conclut à la confirmation du jugement qui a alloué aux consorts [B] une indemnité de 1 500 euros et à la CPAM une indemnité de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au rejet de « toutes les demandes plus amples ou contraires».

Sur ce l'article 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 dispose, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, applicable devant le tribunal, que « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut,même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation ».

Dans sa rédaction applicable devant la cour, ce texte précise les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent, sans autre changement.

Mme [D] [K] et M. [W] [B] étant tous deux bénéficiaires de l'aide juridictionnelle totale, il convient, compte tenu de l'équité, de condamner in solidum M. [S] et la société Axa à payer à Maître [V] [P], en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

L'équité commande d'allouer à la CPAM une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

- Confirme le jugement en ses dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice d'affection de M. [W] [B] et aux dépens de première instance,

- L'infirme :

* en ses dispositions relatives aux postes du préjudice corporel de [A] [B] liés à l'assistance temporaire par une tierce personne, à l'incidence professionnelle, au déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances endurées, au préjudice esthétique temporaire, au déficit fonctionnel permanent, au préjudice esthétique permanent, au préjudice d'agrément et au préjudice sexuel,

* en ce qu'il a condamné M. [E] [S] et la société Axa France IARD in solidum à payer à M. [W] [B] et Mme [D] [K], en leur qualité d'ayants droit de [A] [B], les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre effectuée le 2 mai 2019, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 28 juillet 2012 et jusqu'au 2 mai 2019,

* en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [D] [K] au titre de son préjudice d'affection,

* en ses dispositions relatives à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

* en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles de première instance,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne in solidum M. [E] [S] et la société Axa France IARD à payer à M. [W] [B] et Mme [D] [K], pris en leur qualité d'héritiers de [A] [B], les sommes suivantes, provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire non déduites, en réparation des préjudices ci-après :

- assistance temporaire par une tierce personne :85 374 euros

- incidence professionnelle : 3 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 22 056,30 euros

- souffrances endurées : 40 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 10 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 10 137,81 euros

- préjudice esthétique permanent : 440,77 euros

- préjudice d'agrément : 734,62 euros

- préjudice sexuel : 1 101,94 euros,

- Condamne la société Axa France IARD à payer à M. [W] [B] et Mme [D] [K], pris en leur qualité d'héritiers de [A] [B], les intérêts au double du taux légal à compter du 29 juillet 2012 et jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif, sur le montant des indemnités allouées, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées,

- Condamne in solidum M. [E] [S] et la société Axa France IARD à payer à Mme [D] [K] une indemnité d'un montant de 8 000 euros,

- Dit que les sommes allouées à M. [W] [B] et Mme [D] [K] en réparation de leur préjudice d'affection porteront intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur des sommes allouées par le tribunal et à compter du présent arrêt pour le surplus,

- Condamne in solidum M. [E] [S] et la société Axa France IARD à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

- Condamne in solidum M. [E] [S] et la société Axa France IARD à payer :

* à Maître [V] [P], en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

* à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépéribles de première instance et la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Condamne in solidum M. [E] [S] et la société Axa France IARD aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/04357
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.04357 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award