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06/07/2023 | FRANCE | N°19/05139

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 06 juillet 2023, 19/05139


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 06 JUILLET 2023



(n° 372, 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05139 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B72HB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 janvier 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/04442





APPELANT

Monsieur [O] [U]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par Me Olivier MENUT, avocat au barreau de BEZIERS, toque : 41



INTIMÉE

EPIC OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE [Localité 4]

Inscrite au RCS de BOBIGNY sous le n° sui...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 06 JUILLET 2023

(n° 372, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05139 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B72HB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 janvier 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 15/04442

APPELANT

Monsieur [O] [U]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Olivier MENUT, avocat au barreau de BEZIERS, toque : 41

INTIMÉE

EPIC OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE [Localité 4]

Inscrite au RCS de BOBIGNY sous le n° suivant : 279 300 065

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe AXELROUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0285

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

L'Etablissement public à caractère industriel et commercial Office Public de l'Habitat de [Localité 4] (ci-après l'OPH de [Localité 4]) emploie plus de 50 salariés.

Le 20 juin 2007, M. [O] [U] a été engagé par l'OPH de [Localité 4] à compter du 2 juillet 2007, aux termes d'un contrat à durée indéterminée en qualité de technicien chauffagiste.

M. [U] a été désigné par le syndicat départemental BTP CFTC de la Seine-Saint-Denis en qualité de représentant de la section syndicale CFTC à compter du 18 juin 2009.

Le 30 novembre 2010, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, section encadrement, de plusieurs demandes à l'encontre de son employeur. Le 17 novembre 2011, le dossier a été radié.

M. [U] a également été désigné représentant des assurés sociaux CFTC à compter du 11 octobre 2011, mandat au titre duquel il est membre du conseil d'administration de la caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis. Enfin, M. [U] a été nommé conseiller du salarié à compter du 1er septembre 2012, pour une durée de trois ans.

Le 26 septembre 2012, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 8 octobre 2012 pour recueillir ses observations sur différents faits, tels que des manquements dans l'exercice de ses fonctions concernant les activités de chauffagiste, son refus de respecter les procédures, de prévenir sa hiérarchie des absences liées à ses mandats, un mail agressif et dénigrant à l'égard de son directeur.

A la suite de cet entretien, l'OPH a adressé à l'inspection du travail un courrier daté du 19 octobre 2012 par lequel il a sollicité une autorisation de licenciement à l'encontre de M. [U].

Par un courrier du 24 décembre 2012, l'inspecteur du travail a refusé cette autorisation.

Le 21 février 2013, l'OPH a formé auprès du ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue Social un recours hiérarchique contre cette décision et par une décision du 1er août 2013, le ministre a retiré la décision implicite de rejet, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de M. [U].

L'OPH de [Localité 4] a alors notifié un licenciement pour cause réelle et sérieuse à M. [U] le 20 août 2013, en le dispensant d'exécuter son préavis de trois mois.

Le salarié a formé un recours en annulation à l'encontre de la décision du ministre du Travail.

Par un jugement du 15 décembre 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

M. [U] a interjeté appel de cette décision et la cour administrative d'appel de Versailles, par un arrêt rendu le 20 décembre 2016, a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil ainsi que la décision du 14 août 2013 par laquelle le ministre du Travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 décembre 2012.

L'OPH a formé un pourvoi devant le Conseil d'Etat à l'encontre de cette décision.

Le Conseil d'Etat a annulé par décision en date du 14 juin 2019 l'arrêt rendu par la Cour administrative d'appel de Versailles et a renvoyé à nouveau l'affaire devant la même Cour différemment composée.

Par arrêt en date du 1er juillet 2021, la Cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête de M. [U], confirmant ainsi la décision du Tribunal administratif qui avait validé la décision du ministre du travail et de l'emploi qui a autorisé le licenciement de M. [U].

Parallèlement aux recours concernant l'autorisation de licenciement, M. [U] a sollicité le 6 février 2012 la réintroduction du dossier sur sa saisine initiale du 30 novembre 2010.

Par une ordonnance du 24 juillet 2012, la présidente du Conseil de prud'hommes a confirmé l'incompétence de la section Encadrement pour connaître du présent litige et a dit qu'il relevait de la section Commerce.

L'affaire est revenue à l'audience du 6 mai 2013 puis le 25 février 2014, l'affaire a fait l'objet d'une caducité. Le 6 octobre 2014, la caducité a été relevée, mais l'affaire a fait l'objet d'une nouvelle radiation au regard de l'état du dossier.

M. [U] a interjeté appel de l'ordonnance de radiation, lequel a été déclaré irrecevable.

Les procédures de référé diligentées par le salarié n'ont pas abouti.

M. [U] a saisi à nouveau le conseil d'une demande au fond et par jugement en date du 21 janvier 2019, le Conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- ordonné la jonction des procédures en cours ;

- fixé le salaire de M. [U] à 2.575,65 euros au poste de technicien chauffage ;

- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes.

Le 7 mai 2019, M. [U] a interjeté appel de ce jugement et selon ses conclusions du 1er août 2019, il demande à la cour de :

Avant dire droit :

- prononcer le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles en ce qui concerne les demandes suivantes :

' réintégration ou mise à la retraite en 2023 ;

' indemnités pour non-respect de la procédure de licenciement : 60 000 € ;

' indemnités pour licenciement vexatoire : 120 000 € ;

' indemnité pour licenciement abusif :120 000 € ;

' indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement d'un salarié protégé : 60 000 € ;

' indemnité pour licenciement d'un salarié protégé : 120 000 € ;

' indemnité compensatrice de préavis (4 mois) : 40 000,00 € ;

' indemnité légale de licenciement (6 mois) : 60 000,00 € ;

' indemnité de congés payés sur les précédents (solde) : 16 392,00 € ;

' indemnité pour défaut de reclassement suite au licenciement économique (72 mois) : 10 000,00 € par mois ;

' indemnité pour absence de reclassement du salarié suite à la décision d'inaptitude partielle de 720 000 €.

Pour le surplus :

- infirmer le jugement dont appel ;

- juger que la convention collective nationale de l'immobilier est applicable à la relation de travail existant entre lui et l'OPH de [Localité 4] ;

- juger qu'il relève du statut cadre ;

- juger que le temps d'astreinte s'analyse en du temps de travail effectif ;

Par conséquent,

- condamner l'OPH de [Localité 4] au paiement des sommes suivantes :

' 180 000 € brut à titre de rappel de salaire pour les période dites d'astreinte ;

' 90 000 € brut à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateur pour ces périodes ; ' 27 000 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur ces sommes.

- juger que l'OPH de [Localité 4] a manqué à son obligation d'information et de formation du salarié en fin de carrière ;

- juger que ces manquements, discriminatoires, ont causé la perte d'employabilité de M. [U] ;

- condamner l'OPH de [Localité 4] au paiement de la somme de 192 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef ;

- juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en imposant à M. [U] de résider dans un logement de fonction situé dans un environnement dangereux ; - juger que cette mise en danger a causé à M. [U] un préjudice qui sera réparé par l'octroi de la somme de 180 000 € à titre de dommages et intérêts ;

- condamner l'OPH de [Localité 4] à indemniser le préjudice résultant du refus de portabilité de la prévoyance par le paiement de la somme de 24 000 € par an depuis l'embauche jusqu'à la retraite soit 240 000 € ;

- condamner l'OPH de [Localité 4] à lui payer la somme de 1 740 € à titre de rappel d'avantages en nature et en espèces ;

A titre subsidiaire à défaut de sursis à statuer :

- ordonner la réintégration de M. [U] ou sa mise à la retraite en 2023 ;

- condamner l'OPH de [Localité 4] au paiement des sommes suivantes :

' non-respect de la procédure de licenciement : 60 000 € ;

' indemnité pour licenciement vexatoire : 120 000 € ;

' indemnité pour licenciement abusif : 120 000 € ;

' indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement d'un salarié protégé : 60 000 € ;

' indemnité pour licenciement d'un salarié protégé : 120 000 € ;

' indemnité compensatrice de préavis (4 mois) : 40 000,00 € ;

' indemnité légale de licenciement (6 mois) : 60 000,00 € ;

' indemnité de congés payés sur les précédents (solde) : 16 392,00 € ;

' indemnité pour défaut de reclassement suite au licenciement économique (72 mois) : 10 000,00 € par mois ;

' indemnité pour absence de reclassement du salarié suite à la décision d'inaptitude partielle de 720 000 €.

En toute hypothèse :

- condamner l'OPH de [Localité 4] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5000€ au titre de l'article 700.

Selon conclusions du 7 octobre 2021, l'EPIC OPH de [Localité 4] demande à la Cour d'appel de Paris de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [U] au paiement de la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [U] aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par les parties.

L'instruction a été déclarée close le 4 janvier 2023.

MOTIFS

Sur le sursis à statuer

M. [U] sollicite le sursis à statuer en indiquant qu'en application du principe de la séparation des pouvoirs, la décision à venir de la cour administrative d'appel de Versailles s'imposera au juge judiciaire quant au bien fondé du licenciement.

Or, l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles a été rendu le 1er juillet 2021 et il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer.

Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat

Sur la portée du principe de séparation des pouvoirs

En application du principe de la séparation des pouvoirs, il appartient exclusivement à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, le respect par l'employeur des règles de procédure préalables à sa saisine, ainsi que la cause réelle et sérieuse de la mesure et son absence de lien avec l'existence d'un mandat.

Le juge judiciaire reste compétent, d'une part, pour apprécier le degré de gravité de la faute et la régularité de la procédure postérieure à la notification de l'autorisation administrative et, d'autre part, pour trancher les litiges portant sur l'exécution du contrat de travail.

En l'espèce, aucune des parties ne verse aux débats la lettre de licenciement de M. [U]. Toutefois, ce dernier dans ses écritures du 30 juillet 2019 adressées à la cour administrative d'appel (pièce 10) précise qu'il a été licencié par lettre du 20 août 2013 mentionnant un 'licenciement pour fautes' et qu'en dernière page était précisé que 'votre préavis de trois mois, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera à la date de réception de la présente'.

L'OPH de [Localité 4], dans ses conclusions, indique également que le salarié a bénéficié d'un préavis de trois mois et d'une indemnité de licenciement.

Il en découle que M. [U] a été licencié pour un motif disciplinaire caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement mais pas pour une faute grave privative des indemnités de rupture.

Compte tenu du principe de séparation des pouvoirs rappelé ci-dessus et la juridiction administrative ayant, par arrêt du 1er juillet 2021, validé l'autorisation de licenciement de M. [U], la Cour d'appel de Paris statuant en matière prud'homale est liée par cette décision et ne peut revenir ni sur la régularité de la procédure suivie avant la demande d'autorisation de licenciement à l'autorité administrative, ni sur le caractère réel et sérieux du motif de licenciement.

Seront donc rejetées la demande de 'réintégration ou mise à la retraite en 2023' et les demandes au titre de la procédure de licenciement d'un salarié protégé et pour licenciement abusif, étant en outre relevé que le salarié qui demande des indemnités pour 'reclassement suite au licenciement économique et pour reclassement du salarié suite à la décision d'inaptitude partielle' a été licencié pour un motif disciplinaire et non pour un motif économique ou une inaptitude au poste.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat restant à juger

Sur les indemnités de rupture

Au préalable, il est rappelé qu'aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Aux termes de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus. Il se déduit de ces textes que nonobstant la délivrance de bulletins de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire qu'il invoque notamment par la production de pièces comptables.

Au visa de l'article L. 1234-5 du code du travail, M. [U] réclame le versement d'une indemnité compensatrice de préavis de 40.000 euros, égale, selon lui, à quatre mois de salaire.

Il fait valoir également l'absence de paiement de l'indemnité légale pour réclamer à ce titre la somme de 60.000 euros. Il explique que cette indemnité doit être calculée en tenant compte des dix années de service de 2007 à 2017, ainsi que des 6 années à venir dans l'attente de la retraite.

L'employeur soutient que le salarié a été intégralement réglé de son préavis et qu'il a également bénéficié du paiement de son indemnité de licenciement calculée conformément aux dispositions légales.

Toutefois, alors que le salarié réclame le paiement des indemnités de rupture, l'employeur ne produit pas de solde de tout compte signé du salarié et les seuls bulletins de paie versés aux débats pour les mois de septembre à novembre 2013 ne valent pas solde de tout compte et n'attestent pas non plus du paiement effectif des sommes qui y sont mentionnées.

M. [U] ne justifiant ni du fondement de sa demande d'un préavis d'une durée de 4 mois, ni d'un salaire mensuel de 10 000 euros, il convient de s'en tenir aux mentions afférentes des fiches de paie (non contestées par le salarié), soit un salaire de base, en dernier lieu, de 2.333,45 euros bruts et un avantage en nature logement de 246,60 euros bruts, soit un salaire brut mensuel de 2580,05 euros et à la durée du préavis retenue par l'employeur pour trois mois.

Ainsi, compte tenu des retenues au titre des indemnités journalières, il sera alloué au salarié la somme de 5 608,41 euros bruts au titre du préavis et les congés payés afférents.

De même, l'OPH de [Localité 4] sera condamné à lui verser la somme de 16 876, 25 euros mentionnée sur la dernière fiche de paie au titre de l'indemnité de licenciement et calculée sur une ancienneté du 2 juillet 2007 au 20 novembre 2013.

Sur la demande d'indemnité de congés payés

M. [U] sollicite la somme de 16 392 euros au titre de 'l'indemnité de congés payés sur les précédents (solde)' en exposant qu'il n'a pu obtenir le détail de ses jours de CP et JRTT demandé par lettre recommandée et que cette somme correspond 'au solde des congés non comptabilisés lors du licenciement annulé et des jours de congés sur les années de salaires à venir, soit 1,5 mois par an ou 90 mois ou 8 mois de salaire complets venant s'ajouter aux précédents'.

Etant rappelé que l'autorisation de licenciement a été validée par la dernière décision de la cour administrative d'appel de Versailles, aucune somme n'est due postérieurement au licenciement et en l'absence d'un argumentaire sur la seule période contractuelle et d'un décompte justifiant un solde restant dû, M. [U] ne pourra qu'être débouté de cette demande.

Sur l'indemnité pour licenciement vexatoire

M. [U] fait état de violences morales de son employeur, de harcèlement au travail, de manipulation des bulletins de paie, de blocage de toute promotion (...), sans plus de mention de faits précis et sans viser aucune pièce, ni produire aucun élément quant au comportement de son employeur à son égard.

Cette demande sera également rejetée.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat

Sur la convention collective applicable

M. [U] demande l'application de la convention collective de l'immobilier pour en tirer des conséquences en termes de rémunération et d'indemnité. Il expose que si depuis l'arrêté d'extension du 26 avril 2018, les OPHLM relèvent de la convention collective du 6 avril 2017, antérieurement à cette date son employeur ne pouvait relever que de la convention collective de l'immobilier du 9 septembre 1988 qui selon son article 1 s'appliquait aux rapports entre employeurs et salariés 'des entreprises dont l'activité principale s'exerce dans l'immobilier dans toutes les activités définies dans la division 68 de la nomenclature d'activités française'.

L'OPH de [Localité 4] rétorque à juste titre que les offices publics de l'habitat sont soumis à des dispositions réglementaires et qu'aucune convention collective n'était applicable durant la période contractuelle, soit du 2 juillet 2007 au 20 novembre 2013, puisque le statut collectif du personnel était alors régi par le décret n° 93-852 du 17 juin 1993 puis le décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 qui l'a remplacé. Le contrat de travail signé le 20 juin 2007 visait d'ailleurs le décret du 17 juin 1993 et l'employeur établit également que depuis 2018, une convention spécifique est applicable, qui n'est pas celle de l'immobilier mais celle du personnel des offices publics d'habitat.

Toutes les demandes liées à l'application de la convention de l'immobilier sont donc à écarter.

Sur l'application du statut de cadre

M. [U] soutient qu'il relève du statut cadre puisqu'à compter du mois d'octobre 2008, ses bulletins de paie mentionnent la catégorie 3 correspondant selon le guide de la classification des emplois pour les OPH aux emplois de cadres.

Cette qualification est contestée par l'employeur.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification différente de celle dont il bénéficie de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En premier lieu, M. [U] ne démontre pas avoir une délégation de pouvoir, ni un rôle d'encadrement, et le poste occupé et mentionné sur les fiches de paie est celui de technicien depuis son embauche, lequel relève du statut d'agent de maîtrise.

En outre, le seul fait que durant quelques mois entre octobre 2008 et mars 2010 ait été mentionnée la catégorie 3 au lieu de la 2 est insuffisant à établir le statut de cadre revendiqué, lequel doit s'apprécier en fonction des missions réellement exercées et cette mention ponctuelle relève manifestement d'une erreur, puisque le même coefficient 426 et le même poste de technicien figurent sur les fiches de paie quelle que soit la catégorie indiquée (2 ou 3).

Cette demande sera donc rejetée.

Sur les astreintes

M. [U] sollicite les sommes suivantes au titre des astreintes : 180 000 € brut à titre de rappel de salaire pour les période dites d'astreinte, 90 000 € brut à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateur pour ces périodes et 27 000 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur ces sommes.

M. [U] soutient que sous l'appellation d'astreinte c'est en réalité du temps de travail effectif qu'il réalisait puisqu'il se tenait à la disposition permanente de son employeur pour surveiller et assister les gardiens de l'entreprise et réagir à tout événement. Il ajoute que son employeur ne dissocie pas le temps de travail effectif pendant les périodes d'astreinte qui doivent être rémunérées comme des heures supplémentaires. Il sollicite une somme forfaitaire de 30 000 euros par année de 2007 à 2013, outre les repos compensateurs et les congés payés afférents.

L'OPH de [Localité 4] rétorque qu'un 'nouveau régime des astreintes' a été mis en place en 2005 conformément au décret n° 2005-542 du 19 mai 2005, que le procès-verbal de la réunion du comité technique paritaire du 9 juin 2006 précise les modalités de sa mise en place ainsi que les contreparties et que c'est ainsi que les contrats de location de logement de fonction prévoient, comme celui du salarié signé le 20 juin 2008, que la location est consentie à titre gracieux, le preneur n'ayant pas à payer le loyer ni les charges locatives, pendant tout le temps où il devra assurer des astreintes sur le patrimoine de son employeur.

Aux termes de l'article L. 3121-5 du code du travail, l'astreinte est définie comme étant une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise. Seule la durée de l'intervention est considérée comme du temps de travail effectif et rémunéré comme telle. Toutefois, puisque l'astreinte est une sujétion pour le salarié, elle doit faire l'objet d'une contrepartie.

En outre, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A l'appui de sa demande, M. [U] produit des tableaux mentionnant des semaines d'astreinte et précisant le nom des intervenants et l'heure et la nature des interventions (pièce 4). Ainsi, pour exemple, il est noté le 18 octobre 2008 son intervention entre 7 et 8 heures à la suite d'une coupure d'eau dans un appartement.

L'employeur fait valoir à juste titre que le logement octroyé à M. [U] est son domicile personnel et non un local mis à sa disposition et dans lequel il a l'obligation de rester, sans pouvoir en sortir, pendant les astreintes et qu'il pouvait donc vaquer à des occupations personnelles, chez lui et qu'ainsi les astreintes faisaient bien l'objet d'une contrepartie pour la sujétion qu'elles représentent.

En revanche, l'employeur ne justifie pas du paiement d'un salaire pour les temps d'intervention du salarié, lesquels constituent du temps de travail effectif et devaient être rémunérées.

Constatant que M. [U] sollicite le versement d'une somme globale et forfaitaire annuelle sans justifier d'un calcul afférent à ses interventions, il convient de s'en tenir aux tableaux produits par l'employeur et portant notamment sur 'l'analyse des astreintes de 2007 à 2011' et la rémunération en découlant au titre des heures supplémentaires pour les interventions de M. [U] ayant nécessité un déplacement sur site pour une somme de 993,02 euros brute, outre les congés payés afférents afférents.

Enfin, eu égard au nombre d'heures supplémentaires réalisées, le contingent annuel n'a pas été dépassé et aucune somme n'est due en sus au titre des repos compensateurs.

Sur la discrimination de fin de carrière

M. [U] soutient qu'il n'a bénéficié ni des entretiens, ni des actions à mettre en place pour la fin de carrière, prévus par la convention collective de l'immobilier et demande la somme de 192 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef.

Le Conseil de prud'hommes a relevé à juste titre que M. [U] fondait cette demande sur les dispositions de la convention collective de l'immobilier qui n'était pas applicable.

Le jugement qui a rejeté cette demande est donc confirmé.

Sur le logement de fonction et l'obligation de sécurité de l'employeur

M. [U] sollicite la somme de 180 000 euros (30 000 euros par année de risque entre 2007 et 2013) au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Il soutient que son logement de fonction était situé dans une zone à risque où des coups de feu ont éclaté une semaine après son arrivée et où il s'est avéré que des individus proches de la mouvance islamiste et des attentats de [Localité 5] de 2015 résidaient depuis 2008. Il ajoute que son employeur connaissait son passé d'otage et qu'il avait expressément demandé un logement dans une zone calme.

Comme le fait valoir l'employeur l'attribution d'un logement de fonction à [Localité 4] à M. [U] a été formalisée par la signature d'un contrat entre les deux parties et si le salarié fait état d'événements intervenus sur cette commune il ne justifie ni de la responsabilité de son employeur dans leur survenance, ni d'un préjudice subi de ce chef. Par ailleurs, le salarié ne justifie pas avoir évoqué auprès de son employeur une difficulté liée à sa sécurité dans le logement attribué.

Cette demande sera donc également rejetée.

Sur la portabilité de la mutuelle

M. [U] expose qu'il était couvert par les assurances et prévoyances collectives de l'OPH qui lui a refusé le bénéfice de la portabilité de la couverture, ce qui l'a privé de soins nécessaires depuis 2013 et a accentué ses troubles de santé. Il évalue son préjudice à 24 000 euros par an depuis son engagement jusqu'à sa retraite, soit 240 000 euros.

Comme soutenu par l'OPH de [Localité 4], n'étant pas signataire de l'ANI, il n'était pas soumis à la portabilité de la mutuelle et n'a donc commis aucun manquement, étant également relevé que M. [U] ne produit aucune pièce de nature à justifier un préjudice.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

Sur la demande d'avantages en nature et en espèce

M. [U] demande l'intégration 'des loyers et autres avantages dont il bénéficiait dans le calcul des charges sociales servant à déterminer ses indemnités Pôle emploi, retraite et toutes autres caisses sociales'. Il invoque notamment l'utilisation d'un téléphone portable et d'un véhicule de service.

L'OPH de [Localité 4] fait valoir à juste titre que le logement de fonction étant un avantage en nature et donc un élément de rémunération, il est d'ores et déjà mentionné sur les bulletins de salaire de M. [U] et soumis aux cotisations sociales.

Pour le surplus, M. [U] bénéficiait d'un véhicule de service et non d'un véhicule de fonction, qui seul constitue un avantage en nature, soumis à cotisation et il n'argumente pas sa demande au titre du téléphone portable, ni ne justifie du montant réclamé à hauteur de 1 740 euros.

Aucune somme n'est donc due à ce titre.

Sur les demandes accessoires

L'OPH de [Localité 4] supportera les dépens de l'instance et devra également participer aux frais irrépétibles engagés par l'appelant en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes du salarié au titre des périodes d'astreinte, du préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité légale de licenciement ;

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant :

CONSTATE que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet ;

CONDAMNE l'EPIC OPH de [Localité 4] à payer à M. [U] les sommes suivantes :

' 993,02 euros bruts de rappel de salaire et 99,30 euros bruts de congés payés afférents ;

' 5 608,41 euros bruts au titre du préavis et 560,84 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

'16 876,25 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

CONDAMNE l'EPIC OPH de [Localité 4] à payer à M. [U] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'EPIC OPH de [Localité 4] aux dépens.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/05139
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;19.05139 ?
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