Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 05 JUILLET 2023
(n° ,6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20450 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZT3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021015616
APPELANTE
Société [Y]
immatriculée sous le numéro BE 0835 562 552, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 10]
[Localité 1] (BELGIQUE)
Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
INTIMES
Monsieur [N] [Z]
né le [Date naissance 4] 1962, à [Localité 11] (Sénégal),
[Adresse 3]
[Localité 9]
Société KRONOS
immatriculée au registre de commerce de Luxembourg sous le numéro B 91553, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 12] LUXEMBOURG
Représentés par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Maître [P] [G]
en sa qualité de mandataire ad hoc de la société ISAVI désigné par ordonnance du Tribunal de commerce de Paris du 18 septembre 2020
[Adresse 5]
[Localité 8]
S.C. ISAVI
immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 529 602 005, et représentée par Maître [P] [G], ès qualité de mandataire ad hoc de la société Isavi,
[Adresse 6]
[Localité 7]
Non representés
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
M. Vincent BRAUD,Président
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Marc BAILLY, Président de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M.Marc BAILLY,Président de chambre et par Anaïs DECEBAL,Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*
* *
La société [Y], de droit belge, dont le siège est sis à Bruxelles et ayant pour objet la prise de participation dans toutes sociétés et la gestion des parts, a consenti à la société SME Kronos Benelux, de droit luxembourgeois dont le siège social est au Luxembourg, un prêt, à échéance du 31 décembre 2014, d'un million d'euros moyennant un taux d'intérêt fixe de 10 % et le versement de 50 % du montant du bénéfice net généré par l'opération pour financer deux investissements immobiliers en France par le biais de deux sociétés en cours de constitution.
M. [N] [Z], demeurant en France, administrateur gérant de la société Kronos, a consenti, en garantie du dit prêt un nantissement des parts des deux sociétés en cours de constitution au moyen desquelles les investissements devaient être réalisés.
Le contrat de prêt stipule qu'il est régi par la loi belge et comporte une clause attributive de compétence 'à la juridiction des tribunaux de Bruxelles'.
Par avenant en date du 22 mai 2016, les parties ont entendu 'réitérer' le montant dû par l'emprunteur au titre du prêt et allongé au 31 mars 2017 la date de son remboursement.
Le 23 mai 2016 a été conclu un acte de nantissement par M. [N] [Z] en garantie du paiement du prêt des 99 parts sur 100 qu'il détient dans une société Isavi, de droit français dont le siège est sis à [Localité 13], présente à l'acte qui n'est pas l'une de celles qui étaient en cours de constitution.
L'acte stipule qu'il est soumis au droit français et que 'tout litige relatif à la validité, à l'interprétation et à l'exécution de l'acte de nantissement ou du nantissement sera soumis à la compétence des tribunaux dans le ressort de la cour d'appel de Paris'.
Le nantissement a été inscrit au registre le 21 novembre 2016.
Exposant avoir voulu le mettre en oeuvre après que les conditions tenant à la défaillance de la société Kronos et de M. [Z] étaient réunies, la société [Y], expliquant qu'elle a découvert à cette occasion que la société Isavi était radiée du RCS pour cessation d'activité, a obtenu, par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 18 septembre 2020, la désignation d'un administrateur ad'hoc en la personne de Maître [P] [G],
Par acte en date du 6 janvier 2021, la société [Y] a assigné la société Kronos et M. [N] [Z] devant le tribunal de commerce de Paris, en appelant en la cause la société Isavi, aux fins d'obtenir, à raison de l'impayé des causes du prêt, leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 1 940 748 euros, de se voir attribuer judiciairement les parts de M. [Z] dans la société Isavi et de désigner un expert pour les évaluer.
Saisi d'une exception d'incompétence par M. [N] [Z] et la société Kronos, le tribunal de commerce de Paris, par jugement en date du 24 novembre 2022, a fait droit à cette exception en renvoyant les parties à mieux se pourvoir et a condamné la demanderesse à payer la somme de 1 500 euros aux défendeurs.
La société [Y] a interjeté appel par déclaration au greffe du 15 décembre 2022 puis du 16 janvier 2023 et elle a été autorisée à assigner à jour fixe à l'audience du 30 mai 2023 par ordonnance du 9 janvier 2023.
Maître [P] [G] a écrit à la cour, le 11 janvier 2023 qu'il avait été mis fin à sa mission et qu'il convenait que son intervention se fonde sur une autre ordonnance du 2 juin 20022 puis, puis le 25 janvier 2023, qu'il ne disposait d'aucun fond pour constituer avocat.
Par ses dernières conclusions en date du 30 mai 2023, la société [Y] expose :
- qu'elle a tenté à plusieurs reprises, infructueusement, de recouvrer sa créance et que la société Kronos et M. [Z] sont désormais débiteurs de la somme impayée de 1 940 748 euros, liquide, certaine et exigible, de sorte que la nantissement peut être mis en oeuvre, le délai de trente jours prévu au contrat à compter de la mise en demeuré étant écoulé,
- que la convention désigne en son article 7 les juridictions du ressort de la cour d'appel de Paris pour déterminer la valeur des parts sociales nanties,
- que la demande de sursis à statuer formée par les intimés dans l'attente du devenir d'une décision d'une juridiction de Bruxelles n'est pas justifié dès lors qu'il n'est pas démontré l'existence, la cause et l'objet de ce prétendu litige alors qu'en tout état de cause, la mise en oeuvre du nantissement n'exige pas une condamnation préalable de la société Kronos et que le nantissement est expressément soumis à la compétence des juridictions parisiennes,
- que, contrairement à ce qu'avait estimé le tribunal, elle n'avait pas fait de sa demande de condamné de la société Kronos une demande principale et que, plus encore, elle s'était désistée de cette prétention en laissant subsister que sa demande d'estimation des parts nanties non pas ne vertu du contrat de prêt mais de l'acte de nantissement,
- que le nantissement, conclu en 2016 n'est pas soumis à l'article 2363-1 nouveau du code civil applicables aux obligations souscrites postérieurement au 1er janvier 2022, la théorie de l'accessoire rendant opposable les exceptions inhérentes à la dette principale n'étant pas applicable, la mise en oeuvre du nantissement étant seulement subordonnée à la défaillance du débiteur par l'article 2365 ancien, ce qui est le cas d'autant que les débiteurs ne contestent pas la dette, ayant fait l'aveu judiciaire d'une non restitution des sommes, la clause attributive de compétences aux juridictions de Bruxelles ne lui étant pas opposable, de sorte qu'elle demande à la cour de :
'- JUGER la société [Y] recevable en son appel ;
- REJETER la demande de surseoir à statuer de la société SME Kronos Benelux SA et Monsieur [N] [Z] ;
INFIRMER, (le jugement),
ET STATUANT A NOUVEAU,
- DIRE la société [Y] bien-fondée en son appel ;
- DECLARER le Tribunal de commerce de Paris compétent pour statuer sur l'attribution judiciaire à la société [Y] de l'intégralité des titres numérotés de 1 à 100 de la société ISAVI en application de la Convention de Nantissement du 23 mai 2016;
- EVOQUER l'affaire après avoir invité les parties à conclure ;
- DEBOUTER la société SME Kronos Benelux SA et Monsieur [N] [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER solidairement la société SME Kronos Benelux SA et Monsieur [N] [Z] à verser à la société [Y] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile'.
Par leurs seules conclusions en date du 26 mai 2023, la société Kronos et M. [N] [Z] :
- qu'il résulte des pièces qu'indépendamment de la terminologie employée, la convention montre qu'il ne pouvait s'agir d'un prêt mais d'un projet assimilable, en droit français à une société en participation ou à la constitution d'une société de fait,
- qu'il y a d'abord lieu de surseoir à statuer en vertu de l'article 378 du code de procédure civile dans l'attente du sort du litige qu'elle a introduit contre les intimés devant les juridictions compétentes pour statuer sur le contrat principal du 31 janvier 2014, décision dont dépend l'existence de la créance sur le fondement de laquelle la société [Y] souhaite voir réaliser son nantissement, lequel est subordonné à sa détermination,
- que la demande de condamnation en première instance se heurtait à la compétence attribuée par la convention aux juridiction belges, et ce, peu important que [Y] ait abandonné sa demande compte tenu de l'indivisibilité entre la demande de condamné et celle tendant à la réalisation du nantissement,
- que c'est à tort que la société [Y] demande l'évocation de l'affaire sur le fondement de l'article 89 du code de procédure civile puisqu'il n'est pas démontré que cela correspondrait à une bonne administration de la justice alors même que la société [Y] a attendu plus de trois années avant d'assigner, de sorte qu'ils demandent à la cour de :
'Surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur le litige introduit par Kronos et Monsieur [Z] à l'encontre de [Y] devant le Tribunal de l'entreprise francophone de Bruxelles, relatif à la qualification de l'opération intervenue entre les parties le 31 janvier 2014 ;
Subsidiairement :
- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 24 novembre 2022 dans toutes ses dispositions ;
Plus subsidiairement :
Si La Cour devait entrer en voie d'infirmation du chef de la compétence,
-Juger qu'il n'y a pas lieu d'évoquer l'affaire et renvoyer en conséquence les parties devant le Tribunal de commerce Paris ;
Très subsidiairement
Inviter les parties à conclure au fond.
En tout état de cause :
-Débouter la société [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions
- Condamner [Y] à verser à Monsieur [Z] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile' .
En dépit de la tardiveté des conclusions, les parties ne se sont pas opposées à la retenue de l'affaire à l'audience du 30 mai 2023.
MOTIFS
Il résulte du 'constat en cours d'audience' devant le tribunal de commerce de Paris au cours du litige dont appel du 21 septembre 2022 que la société [Y] a supprimé sa demande de condamnation de la société Kronos et de M. [N] [Z] à lui payer la somme de 1 940 748 euros, de sorte que ne subsistaient, en principal, que les demandes relativement au nantissement.
Or le contrat de nantissement des parts de la société Isavi comporte une clause attributive de compétence aux juridictions du ressort de la cour d'appel de Paris, de sorte que c'est à tort que le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent pour en connaître, la clause d'attribution de compétence aux juridictions de Bruxelles pour l'exécution de la convention de prêt du 31 janvier 2014 étant sans effet sur sa compétence relativement au nantissement qui s'en distingue.
Le sort du litige, que la société Kronos et M. [Z] exposent avoir initié récemment en Belgique en assignant la société [Y], tendant à la requalification du contrat de prêt est indifférent à la détermination de la compétence des juridictions françaises pour statuer sur le nantissement des parts de la société Isavi, de sorte qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, de rejeter l'exception d'incompétence opposée à la société [Y] et de renvoyer la connaissance de l'affaire au tribunal de commerce de Paris, l'évocation ne s'imposant pas compte tenu de la nature des demandes.
Il y a lieu de condamner M. [N] [Z] et la société Kronos à payer à la société [Y] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau,
REJETTE l'exception d'incompétence opposée par M. [N] [Z] et la société Kronos aux demandes de la société [Y] ;
RENVOIE la connaissance de l'affaire au tribunal de commerce de Paris ;
CONDAMNE M. [N] [Z] et la société SME Kronos Benelux à payer à la société [Y] Sprl la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [N] [Z] et la société SME Kronos Benelux aux entiers dépens.
Le greffier, Le Président,