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05/07/2023 | FRANCE | N°22/16997

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 05 juillet 2023, 22/16997


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 05 JUILLET 2023



(n°28, 12 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 22/16997 (appel) - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPRC auquel sont joints les RG 22/17038 (recours), 22/17024 (appel), 22/17041 (recours), 22/17029 (appel), 22/17047 (recours)



Décisions déférées : Ordonnance rendue le 03 octobre 2

022 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris n°33/2022



Procès-verbal de visite en date du 4 octobre 2020 clos à 10h45 pris en exécution de ...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 05 JUILLET 2023

(n°28, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/16997 (appel) - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPRC auquel sont joints les RG 22/17038 (recours), 22/17024 (appel), 22/17041 (recours), 22/17029 (appel), 22/17047 (recours)

Décisions déférées : Ordonnance rendue le 03 octobre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris n°33/2022

Procès-verbal de visite en date du 4 octobre 2020 clos à 10h45 pris en exécution de l'Ordonnance rendue le 03 octobre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris n°33/2022

Ordonnance rendue le 28 septembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux n°39/2022

Procès-verbal de visite en date du 4 octobre 2020 clos à 20h pris en exécution de l'Ordonnance rendue le 28 septembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux n°39/2022

Ordonnance rendue le 29 septembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Fontainebleau

Procès-verbal de visite en date du 4 octobre 2020 clos à 9h50 pris en exécution de l'Ordonnance rendue le 29 septembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Fontainebleau

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 07 juin 2023 :

Monsieur [B] [U]

Né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 13]

Elisant domicile au cabinet de Me Pierre BOUDRIOT

[Adresse 10]

[Localité 9]

Monsieur [H] [A]

Né le [Date naissance 3] 1990 à [Localité 14]

Elisant domicile au cabinet de Me Pierre BOUDRIOT

[Adresse 10]

[Localité 9]

TEMREX S.A.R.L., société de droit luxembourgeois

Prise en la personne de Messieurs [B] [U] et [H] [A] et la société TEMREX HOLDING S.A.S.

Elisant domicile au cabinet de Me Pierre BOUDRIOT

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représentés par Me Pierre BOUDRIOT, de la SELEURL PIERRE BOUDRIOT, avocat au barreau de PARIS, toque : J056

APPELANTS ET REQUERANTS

et

LA DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO, de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

Assistée de Me Pierre PALMER, de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AUX RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 07 juin 2023, l'avocat des appelants et l'avocat de l'intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 05 Juillet 2023 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Le 28 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention (ci -après JLD) du Tribunal judiciaire ( ci-après TJ) de MEAUX a rendu, en application de l'article L.16B du Livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance (39:2022) autorisant la DNEF à procéder à des visites et saisies dans les lieux désignés :

- Locaux et dépendances sis [Adresse 2] et/ou [Adresse 2] et/ou [Adresse 8] présumés être occupés par la SAS TEMREX HOLDING et/ou la SAS ELECTROCLASS -TEMREX et/ou le comité d'entrepris CE ELECTROCLASS et/ou la SARL CITY-Transports et/ou la SAS COFIM et/ ou la SAS AUCHAN HYPERMARCHE et ou la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL.

Le 29 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de FONTAINEBLEAU a rendu, en application de l'article L.16B du Livre des procédures fiscales une ordonnance autorisant la DNEF à procéder à des visites et saisies dans les lieux désignés :

- Locaux et dépendances sis [Adresse 6], présumés être occupés par la [H] [A] et/ ou [F] [V] et/ou la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL.

Le 3 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS a rendu, en application de l'article L.16B du Livre des procédures fiscales, une ordonnance (33/2022) autorisant la DNEF à procéder à des visites et saisies dans les lieux désignés :

- Locaux et dépendances sis [Adresse 11], présumés être occupés par [B] [U] et/ou [K] [U] née [Z] et/ou la SAS ACHILLEA et/ou la SCI ANNE OIKOS et/ou l'entité KYROS et/ou l'entité ACHILLEA GALLERY et/ou la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL.

Les ordonnances étaient rendues à l'encontre de :

- La société de droit luxembourgeois TEMREX SARL, représentée par [B] [U], [H] [A] et la Société par actions simplifiée de droit français TEMREX HOLDING SAS, dont le siège social est sis [Adresse 4] et qui a pour objet social notamment 'l'acquisition, la gestion, la mise en valeur et l'aliénation de participations, de quelque manière que ce soit, dans d'autres sociétés luxembourgeoises et étrangères, l'acquisition, mise en valeur et aliénation des brevets et licences, ainsi que des droits en dérivant où les complétant et toutes opérations commerciales, industrielles et financières, de nature mobilière et immobilière, susceptibles de favoriser ou de compléter les objets ci-avant mentionnés'.

L'autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée au motif que la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL serait présumée exercer et/ou avoir exercé à partir du territoire national une activité professionnelle de gestion, développement et commercialisation de marques sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.

Et ainsi serait présumée s'être soustraite et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement des Impôts sur les bénéfices ou des Taxes sur le Chiffre d'affaires, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code Général des Impôts (articles 54 et 209-I pour l'IS, et 286 pour la TVA).

Chaque ordonnance était accompagnée d'une centaine de pièces numérotées de 1-1 à 30-7 annexées à la requête.

Il ressortait des éléments du dossier que les sociétés de droit français TEMREX HOLDING SAS, ELECTROCLASS -TEMREX SAS, SAGAX SARL et TERMEX DC SAS, aini que les sociétés de droit luxembourgeois TEMREX SARL, de droit polonais TEMREX-DYNATECH, de droit italien TEMREX SRL et de droit émirati TEMREX FZE font partie d'un groupe informel, ci-après dénommé 'groupe TEMREX', spécialisé dans la fourniture de solutions de stockage avec à sa tête [B] [U], résident de FRANCE.

Il n'était nullement évoqué l'existence d'une entité au LUXEMBOURG sur les différents sites internet du groupe TEMREX.

La société de droit luxembourgeois TEMREX SARL est dirigée par des personnes résidentes de FRANCE. 73 905 des 78 105 actions (soit 94,62%) composant le capital social de la société TEMREX HOLDING SAS sont détenues par des résidents de FRANCE de nationalité française.

Ainsi la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL est majoritairement dirigée et contrôlée par des résidents de FRANCE.

L'intégralité des prestations de services intracommunautaires déclarées par la société TEMREX SARL sont à destination de ses sociétés mères, soeurs ou filles situées en FRANCE, en ITALIE et en POLOGNE.

Il pouvait être présumé que la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL a pour activité la gestion et le développement de la marque TEMREX tant en FRANCE qu'à l'international, et pour laquelle elle perçoit des redevances de la part d'autres sociétés du groupe TEMREX.

Le nombre d'entreprises réferencées à l'adresse du siège social de la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL laisse présumer qu'il s'agit d'une adresse de domiciliation.

Cette société est présumée avoir bénéficié des services de gestion et de domiciliation proposés par la société BAKER TILLY LUXEMBOURG CORPORATE SERVICES.

Aux Assemblées Générales Extraordinaires portant sur des décisions ayant un impact sur la société TEMREX SARL, ce sont les membres de la société BAKER TILLY LUXEMBOURG CORPORATE SERVICES qui sont présents, en qualité de représentants, et qui signent les procès-verbaux.

Il pouvait être présumé que les comptes déclarés en 2016 comportent une erreur et que les immobilisations corporelles déclarées au titre de cet exercice correspondent en réalité aux immobilisations financières, et qu'ainsi la société TEMREX SARL n'a jamais disposé d'immobilisation corporelle depuis sa création.

La société TEMREX SARL dépose régulièrement ses comptes annuels au LUXEMBOURG mais est présumée ne pas disposer de moyens humains et matériels suffisants pour réaliser une activité de gestion et de développement de marques.

Les sites internet correspondant aux noms de domaines enregistrés par la SAS ELECTROCLASS- TEMREX sont présumés être inactifs.

La société de droit français ELECTROCLASS-TEMREX SAS a enregistré et gère plusieurs noms de domaine portant dans leurs intitulés la mention 'TEMREX' par l'intermédiaire de ses salariées chargées du marketing et de la communication. Bien qu'inactifs à ce jour, il pouvait être présumé que ces sites internet sont destinés à la communication autour de la marque TEMREX.

Dès lors, la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL est présumée utiliser une partie des moyens humains de la société de droit français ELECTROCLASS- TEMREX SAS pour réaliser son activité de gestion et de développement de la marque TEMREX.

Il est présumé que la société ELECTROCLASS SAS assurait la gestion et le développement de la marque ELECTROCLASS.

Une partie des charges correspondant aux redevances pour concessions de brevets et de licences déclarées par la société ELECTROCLASS-TEMREX SAS correspondent à des redevances payées à la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL.

Il pouvait être présumé que 'RB' réfère à M. [B] [U], gérant de la société TEMREX SARL, et que l'accord de licence de marque commerciale signé entre la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL et la société de droit français ELECTROCLASS INDUSTRIE SAS s'applique à toutes les sociétés du groupe TEMREX, à l'exception de la société SAGAX SARL.

Il pouvait être présumé que l'intégralité de l'activité réalisée par la société ELECTROCLASS-TEMREX SAS est soumise au paiement de la redevance payée à la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL pour l'utilisation de la marque 'TEMREX' afin de bénéficier du régime fiscal privilégié prévu par le droit luxembourgeois sur les redevances de marques.

Il ressortait de tout ce qui précède que la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL était présumée avoir son siège social au LUXEMBOURG à une adresse de domiciliation; avoir son centre décisionnel en FRANCE; ne pas disposer de moyens matériels et humains suffisants au LUXEMBOURG pour réaliser son activité; bénéficier d'un régime fiscal privilégié au LUXEMBOURG pour les redevances de marques qui constituent la majeure partie de son chiffre d'affaires ; disposer, en FRANCE, de tout ou partie des moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation de son activité de gestion de marques.

Ainsi la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL était présumée exercer à partir du territoire national une activité de gestion, développement et commercialisation de marques sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes, et ainsi omettrait de passer en FRANCE les écritures comptables correspondantes.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, chaque JLD a autorisé la visite domiciliaire dans les lieux susvisés.

Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 4 octobre 2022 dans les locaux sis [Adresse 11], de 7H10 à 10H45, en présence de M [U], occupante des lieux.

Le 17 octobre 2022, M. [B] [U] a interjeté appel de l'ordonnance du JLD de PARIS (RG 22/16997) et a exercé un recours contre les opérations de visite domiciliaire (RG 22/17038).

Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 4 octobre 2022 dans les locaux sis [Adresse 2] et/ou [Adresse 2] et /ou [Adresse 8] de 8H30 à 20H00 en présence d' [R] [W], représentante de l'occupante des lieux.

Le 17 octobre 2022, la SARL TEMREX a interjeté appel de l'ordonnance du JLD de MEAUX (RG 22/17029) et a exercé un recours contre les opérations de visite domiciliaire (RG 22/17047).

Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 4 octobre 2022 dans les locaux sis [Adresse 6] en présence de G. [A], représentant de l'occupante des lieux.

Le 17 octobre 2022, la [H] [A] a interjeté appel de l'ordonnance du JLD de FONTAINEBLEAU (RG 22/17024 ) et a exercé un recours contre les opérations de visite domiciliaire (RG 22/17041).

Les affaires ont été audiencées pour être plaidées le 7 juin 2023.

SUR L'APPEL

La SARL TEMREX, [H] [A] et [B] [U], parties appelantes ont déposé au greffe de la Cour d'appel de Paris des conclusions aux fins d'infirmation de chaque ordonnance, en date du 27 janvier 2023.

L'Administration fiscale a déposé des conclusions en date du 28 février 2023.

Dans leurs conclusions, les parties appelantes demandent pour chacune l'infirmation de l'ordonnance du JLD d'autorisation de visites et de saisies et rappellent le déroulement de la procédure.

Elles demandent au Premier Président de la Cour d'appel de Paris d' infirmer l'ordonnance rendue par chaque JLD au motif que l'Administration n'a pas présenté de présomptions suffisantes pour justifier la mise en oeuvre des dipositions de l'article l 16B du LPF, que l'Administration s'est abstenue de transmettre des éléments en sa possession susceptibles de modifier l'appréciation du JLD et de plus a volontairement présenté des informations partielles ou erronées, et qu'ainsi l'Administration a privé le JLD des éléments nécessaires pour lui permettre de vérifier de manière concrète le bien-fondé de la demand de mise en oeuvre des l'article L 16B du LPF.

Par ces motifs, il est demandé au premier président de la cour d'appel de :

-infirmer l'ordonnance du JLD du TJ de PARIS du 3 octobre 2022 ;

-infirmer l'ordonnance du JLD du TJ de MEAUX du 28 septembre 2022 ;

-infirmer l'ordonnance du JLD du TJ de FONTAINEBLEAU du 29 septembre 2022 ;

-ordonner la restitution de l'ensemble des éléments saisis par l'Administration.

Dans ses écritures, l'Administration fiscale conclut au rejet des moyens soulevés par les parties appelantes en ce que l'agumentation développée par les parties appelantes ne remet pas en cause le bien-fondé des présomptions retenues par chaque JLD et que les présomptions de fraude à l'encontre de la société de droit luxembourgeois sont fondées (adresse du siège social, centre décisionnel, régime fiscal privilégié, activité occulte de la société Temrex).

Par ces motifs, l'Administration fiscale demande de :

-confirmer l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MEAUX du 28 septembre 2022;

-confirmer l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de FONTAINEBLEAU du 29 septembre 2022;

-confirmer l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de PARIS du 3 octobre 2022,
-rejeter toutes demandes, fins et conclusions,
-condamner chaque partie appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

* * *

SUR LES RECOURS

Les parties requérantes n'ont déposé aucune conclusion à l'appui de leurs recours, à l'audience du 7 juin 2023 le conseil des parties requérantes confirme que ces recours ne sont pas soutenus à l'audience.

* * *

Après avoir entendu à l'audience publique du 7 juin 2023 le conseil des parties appelantes et le conseil de l'Administration fiscale et après avoir évoqué la jonction des dossiers, la Cour d'appel a mis l'affaire en délibéré au 5 juillet 2023.

SUR CE

SUR LA JONCTION :

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient, en application de l'article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 22/16997, 22/17024, 22/17029 (appels) et les instances enregistrées sous les numéros de RG 22/17038, 22/17041, 22/17047 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.

SUR L'APPEL :

Sur le moyen selon lequel l'Administration n'a pas présenté de présomptions suffisantes pour justifier la mise en oeuve des dispositions de l'article L 16B du LPF.

Il convient de rappeler que le JLD de Paris, le JLD de Meaux et le JLD de Fontainebleau ont autorisé les opérations de visite et de saisie par une ordonnance en date respectivement du 3 octobre, du 28 et 29 septembre 2022, que chaque décision est parfaitement motivée et fondée sur un grand nombre de pièces communiquées par l'Administration fiscale, qui ne sont pas contestées par les parties appelantes, que rien ne permet d'affirmer que les JLD n'ont pas effectué un examen 'in concreto'des pièces et de la requête qui leur ont été soumises, que les pièces communiquées par l'Administration fiscale permettent d'établir les présomptions de fraude telles qu'exigées par l'article L 16B du LPF, qu'en l'espèce aucun élément ne permet de supposer que les JLD ont rendu leur décision sans avoir examiné attentivement et concrètement la requête et les pièces qui leur étaient soumises.

Selon une jurisprudence constante, les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée et cette présomption ne porte pas atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance du juge qui statue sur requête, dans le cadre d'une procédure non contradictoire.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le moyen selon lequel l'Administration a privé le JLD des éléments nécessaires pour lui permettre de vérifier de manière concrète le bien-fondé de la demande de mise en oeuvre des dispositions de l'article L 16 B du LPF.

Concernant l'adresse du siège social de la société TEMREX SARL au Luxembourg, les parties appelantes prétendent que l'adresse du siège social de la société tel qu'il apparaît dans l'ordonnance est erroné en ce que cette adresse indiquée par l'Administration serait source de confusion, les adresses sis [Adresse 4] et sis [Adresse 4] ne pouvant pas être distinguées sur les pièces remises par l'Administration et sur la recherche effectuée sur la base de données ORBIS, et que ces deux adresses sont distinctes.

Or il convient de relever que les pièces produites par l'Administration auprès du JLD font uniquement référence à l'adresse [Adresse 4], qui correspond d'ailleurs à la photo produite par les parties appelantes, de plus la présence de 159 autres sociétés à cette même adresse selon la recherche effectuée sur ORBIS (pièce n°12) laisse présumer qu'il s'agit d'une adresse de domiciliation.

Les parties appelantes soutiennent que le JLD dans sa décision aurait opéré une confusion entre les sociétés BAKER TILLY LUXEMBOURG CORPORATE SERVICES et la société BAKER HOLDINGS, alors que le JLD a justement relevé que lors de la constitution de la société TEMREX SARL, M. [B] [U] était représentée par Mme [F] [P], employée de BAKER TILLY LUXEMBOURG CORPORATE SERVICES, dont le siège social est situé sis [Adresse 5] et dont l'objet social comprend notamment l'offre d'une assistance administrative, de domiciliation de sociétés, de conformité fiscale et comptable, de business centers au LUXEMBOURG, de plus le JLD a constaté qu'à l'adresse du siège social de TEMREX SARL, se trouvait, jusqu'à sa radiation en date du 22/12/2020, le siège social de la société BAKERS HOLDINGS (Luxembourg) SARL, société par conséquent distincte de la société BAKER TILLY LUXEMBOURG CORPORATE SERVICES.

Il en résulte que ces éléments permettaient de présumer que la société TEMREX SARL avait bénéficié des services de gestion et de domiciliation proposés par la société BAKER TILLY LUXEMBOURG CORPORATE SERVICES et qu'aux Assemblées Générales Extraordinaires portant sur des décisions ayant un impact sur la société TEMREX SARL, ce sont les membres de la société BAKER TILLY LUXEMBOURK CORPORATE SERVICES qui sont présents, en qualité de représentants, et qui signent les procès-verbaux.

Concernant le centre décisionnel en FRANCE et l'absence de moyens matériels et humains suffisants au LUXEMBOURG pour réaliser son activité de gestion de marque, les parties appelantes ne contestent ni la résidence fiscale française des dirigeants de la société TEMREX SARL ni l'absence de salariés, mais considèrent que les arguments présentés par l'Administration sont inexacts et incomplets.

Or il convient de relever que dans sa requête, l'Administration n'a jamais prétendu qu' un résident fiscal français n'aurait pas le droit d'exercer des fonctions de gérance d'une société luxembourgeoise, mais en revanche dans leur décision, chacun des JLD, en s'appuyant sur les pièces de l'Administration, a relevé plusieurs indices permettant d'établir des présomptions de fraude :

- la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL est dirigée par des personnes résidentes de FRANCE ( la société ELECTROCLASS INDUSTRIE devenue TEMREX HORLDINGS SA puis M. [H] [A]),

- depuis 2014, le capital social de la société TEMREX SARL est détenu par la société TEMREX HOLDING SAS elle-même détenue à hauteur de 94,62% par des résidents de FRANCE dont notamment M. [B] [U] et son épouse détenant respectivement 65,22% et 9,53% du capital,

- M. [B] [U] est déclaré comme bénéficiaire effectif de la société TEMREX SARL sur le Registre des Bénéficiaires Effectifs du LUXEMBOURG,

-lors des Assemblées Générales Extraordinaires portant sur des décisions ayant un impact sur la société TEMREX SARL, ce sont les membres de la société BAKER TILLY LUXEMBOURK CORPORATE SERVICES qui sont présents, en qualité de représentants, et qui signent les procès-verbaux.

Ces éléments sont des indices sérieux permettant de présumer que la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL, majoritairement dirigée et contrôlée par des résidents de FRANCE, dispose de son centre décisionnel en FRANCE.

Les parties appelantes ne contestent pas les pièces retenues à l'appui de leur odonnance par les JLD, mais selon elles peu de moyens sont nécessaires à l'exercice de l'activité de la société TEMREX SARL au LUXEMBOURG, l'exploitation des marques de celle-ci étant opérée par d'autres sociétés licenciées. Or il convient de relever que chacun des JLD a retenu que la société TEMREX ne disposait d'aucun salarié, ni d'immobilisations corporelles, ni de ligne téléphonique et que l'exploitation de la marque était opérée exclusivement par des autres sociétés licenciées, que ces éléments permettent de retenir une présomption d'une implantation artificielle de la société TEMREX au LUXEMBOURG, et renforcent la présomption d'absence de moyens de la société au LUXEMBOURG.

Il en résulte que les éléments retenus par chacun des JLD permettent de présumer d'une absence de moyens nécessaires à l'exercice de l'activité de la société TEMREX SARL au LUXEMBOURG.

Concernant le bénéfice d'un régime fiscal privilégié au LUXEMBOURG pour les redevances de marque qui constitue la majeure partie de son chiffre d'affaires.

Il résulte de l'alinéa 1er de l'article 50 bis L.I.R des contributions directes du Grand-Duché de Luxembourg, abrogé à partir du 1er juillet 2016 mais restant applicable aux revenus et plus-values pendant une période transitoire applicable en l'espèce que disposition énonce que, pour bénéficier d'un régime fiscal privilégié, le droit doit avoir été acquis ou constitué après le 31 décembre 2007 et ne pas avoir été acquis d'une personne qui a la qualité de société associée.

Contrairement à ce qui est reproché par l'appelant à l'Administration selon lequel cette dernière aurait dû indiquer au JLD que, pour bénéficier du régime privilégié, il est nécessaire de remplir les conditions de la disposition susvisée, l'Administration rappelle que le JLD a constaté que la marque ELECTROCLASS a été constituée le 11/03/1996 par la société ELECTROCLASS-TEMREX SAS (alors dénommée ELECTROCLASS SAS), la marque TEMREX a été constituée le 01/08/2014 par la société TEMREX SARL, et que les sociétés ELECTROCLASS- TEMREX SAS et TEMREX SARL sont considérées comme sociétés associées au sens de l'alinéa 5 de l'article 50 bis L.I.R des contributions directes du Grand-Duchée de Luxembourg. Par ailleurs, comme certaines pièces annexées à la requête le montrent (pièces n°24-1 et 24-2), M. [B] [U] a lui-même fait état de sa volonté d'accélerer l'utilisation effective de la marque TEMREX et la signature des contrats dans le but assumé d'être éligible au régimes fiscal privilégié en vigueur au LUXEMBOURG.

Il en résulte que ces éléments permettaient de présumer que l'implantation de la société TEMREX au LUXEMBOURG visait exclusivement à bénéficier du régime fiscal privilégié prévu par le droit luxembourgeois sur les redevances de marques.

Concernant l'existence d'une activité occulte de la société TEMREX SARL ou de facturation dépourvue de réalité, les parties appelantes arguent que les arguments présentés par l'Administration relatifs à l'existence d'une activité occulte de la société TEMREX SARL ou de facturation dépourvue de réalité sont manifestement parcellaires, inexactes et incomplets, puisque d'une part l'Administration a obtenu des documents à la suite de la vérification de comptabilité d'une société filiale de la société TEMREX SARL et ne peut donc pas valablement invoquer la méconnaissane de la proposition de rectification et que d'autre part l'Administration ne peut valablement nier l'existence d'une garantie fiscale accordée par ses propres services.

Dans ses écritures l'Administration précise à juste titre que la société TEMREX SARL facture à la société française SAS TEMREX DC des redevances pour le droit d'utiliser les marques et que cette dernière afait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité qui a conclu à une absence de rectification de la charge de redevance comptabilisée pour les exercices clos en 2018 et 2019, et qu'à ce titre elle a bénéficié de la garantie fiscale codifiée à l'article L.80 A al.2 du LPF et qui vaut prise de position par l'Administration. L'Administration fiscale précise que cette garantie ne bénéficie qu' au contribuable visé par la procédure de contrôle, et ne vaut aucunement reconnaissance des conditions d'exercice de l'activité de la société TEMREX SARL au Luxembourg, étant observé que la vérification de comptabilité de la société française TEMREX DC n'a jamais porté sur la substance de la société luxembourgeoise TEMREX SARL.

En l'espèce le JLD dans son ordonnance vise l'activité occulte qui serait réalisée en France par la société luxembourgeoise, et celle-ci ne peut se prévaloir de la garantie fiscale octroyée à la société TEMREX DC pour combattre les présomptions de l'exercice d'une activité en France développées dans l'ordonnance, ainsi l'Administration n'avait pas les moyens de considérer à partir des documents communiqués par la société TEMREX DC que la société luxembourgeoise TEMREX SARL avait un établissement stable ou un siège de direction effective en France, seuls des éléments factuels concordants et solides, internes à la société permettaient d'effectuer cette démonstration, ainsi il en résulte qu'une procédure de contrôle fiscale classique ne permet pas de démontrer, au regard des seuls éléments communiqués par la société TEMREX DC, que TEMREX SARL dispose d'un établissement stable ou d'un siège de direction effective en FRANCE, ainsi la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie sur le fondement de l'article L 16B du LPF permettant d'arriver à cette démonstration était justifiée.

Il en résulte que chacun des JLD a retenu un ensemble d'éléments nécessaires permettant de vérifier de manière concrète le bien-fondé de la demande de mise en oeuvre des dispositions de l'article L 16B du LPF.

Ce moyen sera rejeté.

Ainsi, l'ordonnance n° 39/2022 rendue le 28 septembre 2022 par le JLD du Tribunal judiciaire de MEAUX sera confirmée.

Ainsi, l'ordonnance rendue le 29 septembre 2022 par le JLD du Tribunal judiciaire de FONTAINEBLEAU sera confirmée.

Ainsi, l'ordonnance n° 33/2022 rendue le 3 octobre 2022 par le JLD du Tribunal judiciaire de PARIS sera confirmée.

Les circonstances de l'instance justifient l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de la DNEF.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort :

-Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 22/16997, 22/17024, 22/ 17029 (appel) et sous les numéros de RG 22/17038, 22/17 041, 22/17047 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.

-Déclarons régulière et confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance 39/2022 rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de MEAUX en date du 28 septembre 2022 ;

-Déclarons régulière et confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de FONTAINEBLEAU en date du 29 septembre 2022 ;

-Déclarons régulière et confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance 33/2022 rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS en date du 3 octobre 2022 ;

-Constatons que les recours déposés à l'encontre des opérations de visite et de saisie effectuées le 4 octobre 2022 dans les locaux sis [Adresse 2] et/ou [Adresse 2] et / ou [Adresse 8], dans les locaux sis [Adresse 6] et dans les locaux sis [Adresse 11], n'ont pas été soutenus ;

-Confirmons les opérations de visite et de saisies effectuées le 4 octobre 2022 dans les locaux sis [Adresse 2] et/ou [Adresse 2] et/ou [Adresse 8], dans les locaux sis [Adresse 6] et dans les locaux sis [Adresse 11] ;

-Rejetons toute autre demande ;

-Disons qu'il convient d'accorder à la DNEF la somme de 2000 euros (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes et requérantes.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Elisabeth IENNE-BERTHELOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 22/16997
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;22.16997 ?
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