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05/07/2023 | FRANCE | N°21/02147

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 05 juillet 2023, 21/02147


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 05 JUILLET 2023



(n° 2023/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02147 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIWY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/02810





APPELANTE



LA CAISSE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES EXPERTS COMPTABLES ET DES COMMISSAIRES

AUX COMPTES (CAVEC)

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Pierre BREGOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0093





INTIMÉ



Monsieur [Y] [K]

[Adresse 2]

...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 05 JUILLET 2023

(n° 2023/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02147 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIWY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/02810

APPELANTE

LA CAISSE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES EXPERTS COMPTABLES ET DES COMMISSAIRES AUX COMPTES (CAVEC)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pierre BREGOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0093

INTIMÉ

Monsieur [Y] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-Charles MIRANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2143

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [Y] [K], né en 1963, a été engagé par la caisse d'assurance vieillesse des experts comptables et des commissaires aux comptes dite CAVEC selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 avril 2015 en qualité Directeur - statut cadre dirigeant avec une rémunération annuelle brute de 146 666,67 euros et une prime d'objectifs de 16 000 euros.

Des avenants annuels successifs ont fixé le montant et les modalités de la rémunération variable sur objectifs.

M. [K] assurait le fonctionnement de la CAVEC sous le contrôle du conseil d'administration.

Par un courriel en date du 9 octobre, Mme [H], agent comptable au sein de la CAVEC, a dénoncé auprès des membres du conseil d'administration une situation de harcèlement moral imputé à M. [K].

Le président de la CAVEC a ouvert une enquête qu'il a confiée à un avocat .

Le 28 janvier 2019, le rapport d'enquête a été présenté au conseil d'administration de la CAVEC.

Le jour même, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 8 février 2019 et a été mis à pied à titre conservatoire.

M. [K] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre notifiée le 23 février 2019 en raison de son comportement de harcèlement moral sur une salariée de la CAVEC et un comportement managérial inadaptée dans l'ensemble.

La CAVEC occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [K] a saisi le 4 avril 2019 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« - Rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 29 janvier 2019 au 7 mars 2019 : 16 674,60 €

- Congés payés y afférents : 1 667,46 €

- Indemnité compensatrice de préavis : 42 450,00 €

- Congés payés y afférents : 4 245,00 €

- Indemnité contractuelle de rupture du contrat de travail : 170 000,00 €

A titre subsidiaire

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 110 833,00 €

- Dommages et intérêts pour préjudice moral : 15 000,00 €

- Article 700 du Code de Procédure civile : 3 000,00 €

- Remise de bulletin(s) de paie, de l'attestation Pôle Emploi conforme sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document.

- Exécution provisoire article 515 CPC

- Intérêts au taux légal

- Dépens

- Capitalisation des intérêts

- Ordonner l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail relatif au remboursement des allocations chômages. »

Par jugement du 27 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Requalifie le licenciement de Monsieur [Y] [K] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la Caisse d'assurance vieillesse des experts comptables et des commissaires aux comptes (CAVEC) à verser à Monsieur [Y] [K] les sommes suivantes :

54 000 € à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

- 16 671,60 € à titre de rappel de salaires pour la période de mise à pied

- 1 667,46 € au titre des congés payés afférents

- 42 450 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 4 245 € au titre des congés payés y afférents

- 170 000 € à titre d'indemnité contractuelle de rupture du contrat de travail

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation de le bureau de conciliation.

Rappelle qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du Code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

Condamne la Caisse d'assurance vieillesse des experts comptables et des commissaires aux comptes (CAVEC) à verser à Monsieur [Y] [K] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute Monsieur [Y] [K] du surplus de ses demandes.

Déboute la Caisse d'assurance vieillesse des experts comptables et des commissaires aux comptes (CAVEC) de ses demandes et la condamne aux dépens. »

La CAVEC a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 23 février 2021 en ces termes « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués »/ débouté total.

La constitution d'intimée de M. [K] a été transmise par voie électronique le 1er avril 2021.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 14 mars 2023, la CAVEC demande à la cour de :

« A titre principal, si la faute grave est retenue,

infirmer le jugement querellé du 27 novembre 2020,

Juger la faute grave établie,

Juger que l'indemnité contractuelle de rupture a été supprimée par l'avenant du 26 juin 2018 et n'est pas due.

Débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes,

Condamner M. [K] a la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre subsidiaire si la cause réelle et sérieuse est seule admise

Infirmer le jugement querellé du 27 novembre 2020,

Juger que le licenciement de M [K] repose, à tout le moins, sur une cause réelle et sérieuse,

Limiter les condamnations à l'indemnité compensatrice légale de préavis, son incidence des congés payés et l'indemnité légale de licenciement.

Juger que l'indépendance contractuelle de rupture a été supprimée par l'avenant du 26 juin 2018 et n'est pas due.

Infirmer le jugement sur ce chef et débouter M [K] de cette demande,

Condamner M. [K] a la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre infiniment subsidiaire, si le licenciement est jugé sans cause

Infirmer le jugement querellé du 27 novembre 2020,

Limiter les condamnations à l'indemnité compensatrice légale de préavis, son incidence des congés payés et l'indemnité légale de licenciement.

Juger que M. [K] ne justifie pas d'un préjudice supérieur à 3 mois de salaire au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Juger que l'indemnité contractuelle de rupture a été supprimée par l'avenant du 26 juin 2018 et n'est pas due.

Infirmer le jugement sur ce chef et débouter M [K] de cette demande. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 20 mars 2023, M. [K] demande à la cour de :

« Confirmer le jugement du 27 novembre 2020 en ce qu'il a condamné la CAVEC à payer à Monsieur [K] les sommes suivantes :

- 16 674,60 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 29 janvier 2019 au 7 mars 2019,

- 1 667,46 € à titre de congés payés afférents,

-42 450 € à titre d'indemnité de préavis,

- 4 245 €, à titre d'indemnité de congés payés afférents,

- 170 000 € à titre d'indemnité contractuelle de rupture du contrat de travail,

- 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

condamner la CAVEC à verser à Monsieur [K] la somme de :

- 10 833 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral particulier consécutif au caractère brutal et vexatoire de la procédure et de la rupture du contrat de travail,

5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Subsidiairement, condamner la CAVEC à verser à Monsieur [K] la somme de 16 146,08 € à titre d'indemnité légale de licenciement.

La Cour d'appel ordonnera en outre :

- la remise des bulletins de salaire et d'une attestation Pôle Emploi conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document, 15 jours après le prononcé de la décision à intervenir, dont la Cour se réservera la liquidation,

- l'allocation des intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du Conseil de prud'hommes et la capitalisation des intérêts par application de l'article 1342-2 du Code civil,

- la prise en charge des entiers dépens par la CAVEC,

- enfin, l'application des dispositions de l'article L.1235-4 du Code du travail relatif au remboursement des allocations chômages. . »

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 4 avril 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 23 mai 2023.

MOTIFS

Sur la faute grave :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Sur le fondement des articles L 1232-1 et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, la cour, à qui il appartient de qualifier les faits invoqués et qui constate l'absence de faute grave, doit vérifier s'ils ne sont pas tout au moins constitutifs d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement.

- sur la prescription des faits :

En vertu de l'article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Le délai de prescription de deux mois de l'article L.1332-4 du code du travail court à compter du jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

En l'espèce, la mésentente entre M. [K] et Mme [H] et leur désaccord sur le périmètre des fonctions d'agent comptable exercées par Mme [H], étaient connus de la CAVEC et de son directeur, M. [J], auquel M. [K] avait adressé un courrier le 19 février 2018, dénonçant le comportement de Mme [H] à laquelle il reprochait d'outrepasser sa mission en se faisant juge de la légalité d'un acte, de dénigrer M. [K] et de déformer la réalité.

Les faits reprochés à M. [K] par la lettre de licenciement sont toutefois distincts en ce qu'ils consistent en une attitude de harcèlement moral dont la CAVEC n'a eu connaissance que le 9 octobre 2018. Celle-ci justifie avoir mandaté un avocat avec mission d'enquête qui a conduit sa première audition le 9 novembre 2018 et remis son rapport le 28 janvier 2019. Cette enquête étant nécessaire pour une complète connaissance des faits, ce n'est qu'à cette date que le délai de prescription des faits a commencé à courir, la CAVEC ayant alors une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à M. [K]. Il en résulte que les faits n'étaient pas prescrits lorsque la CAVEC a engagé la procédure de licenciement le 28 janvier 2019.

- sur la preuve des faits :

La preuve de la faute peut être rapportée par tous moyens y compris une enquête.

L'enquête conduite par une avocate, tiers indépendant, a consisté dans l'audition de M. [K], de Mme [H], d'une déléguée syndicale et de 5 autres salariés.

Si M. [K] n'a pas eu connaissance des déclarations des personnes entendues avant l'instance prud'homale, il a pu en obtenir communication devant le conseil de prud'hommes et débattre des éléments et conclusions de cette enquête. Ce moyen de preuve qui a pu être débattu contradictoirement est donc recevable.

La lettre de licenciement indique :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable du 8 février et au conseil d'administration de la CAVEC du 20 février dernier.

La CAVEC est contrainte de mettre fin à votre contrat de travail et à vos fonctions de directeur pour les motifs exposés lors de l'entretien préalable et pour lesquels vous n'avez apporté aucune explication sérieuse, motifs que nous vous rappelons ci-après. (')

Mme [G] [H], agent comptable de la CAVEC, nous a dénoncé des faits qu'elle considérait comme relevant d'un harcèlement moral qu'elle subissait de votre part, et ce, par lettre du 9 octobre 2018.

Au regard de la gravité de la situation, des enjeux pour notre Caisse et des dispositions légales et spécialement l'article L. 4121-1 du Code du travail qui nous font obligations de veiller à la santé et à la sécurité tant physique que mentale de ses collaborateurs, nous avons mandaté un tiers expert de confiance pour procéder à une enquête approfondie et contradictoire sur les faits dénoncés.

Ce tiers de confiance, qui vous a aussi interrogé, a remis son rapport le 28 janvier 2019, rapport présenté et débattu devant les membres du Conseil d'administration du même jour.

Cette enquête a révélé un comportement managérial inadapté de votre part, non seulement à l'égard de l'agent comptable, Mme [G] [H], mais aussi d'autres salariés de la CAVEC, comportement caractérisant une exécution déloyale de vos obligations et un harcèlement moral.

L'enquête a aussi montré que vous avez fortement dégradé les conditions de travail de Mme [G] [H] en ne lui donnant pas les moyens en termes d'effectifs pour mener à bien ses missions légales et contractuelles malgré ses alertes comme cet email du 5 janvier 2018. L'effectif de l'agent comptable a sous votre direction, en effet été réduit sans tenir compte de sa charge de travail réelle.

Vous avez aussi privé Mme [G] [H] de l'intégralité de sa prime du 3ème trimestre aux motifs d'une « non coordination avec la DG ni avec les services et de méthodes divergentes ». Or, malgré ses conditions de travail que vous avez rendu difficiles, elle est pourtant perçue par ses collègues comme « assurant toujours dans son poste en faisant le maximum ». D'ailleurs, après analyse, il n'est pas apparu que l'agent comptable est failli dans ses missions.

A ces agissements de votre part, s'ajoutent plusieurs remarques très négatives et malveillantes à l'encontre de Mme [G] [H] faites en public lors de réunion de CODIR comme l'ont attesté plusieurs collaborateurs dans le cadre des auditions.

Il est aussi apparu que vous n'avez eu cesse de traiter Mme [G] [H] comme une simple subordonnée alors même que le législateur a bien distingué dans les caisses de sécurité sociale, les fonctions d'ordonnateur aux fonctions de payeur et l'a doté d'un statut particulier. Votre atteinte à l'indépendance de l'agence comptable est ainsi illustrée dans plusieurs emails où vous vous considérez explicitement à tort comme son « supérieur hiérarchique » et où vous lui donnez des ordres qui n'avaient pas lieu d'être, alors même qu'elle dispose de pouvoir propre (').

Ces faits ont altéré la santé de Mme [G] [H] qui, portant, vous avait déjà alerté sur son état de fatigue grandissant en raison de la surcharge de travail dans un courrier recommandé du 11 décembre 2017. Dans ce contexte de travail particulièrement hostile (plusieurs témoins l'ont également vue pleurer), Mme [G] [H] a dû être finalement arrêtée par son médecin traitant.

Au-delà du cas de Mme [G] [H], d'autres salariés, qui ont corroboré ces faits, se sont aussi plaints de votre comportement agressif ou violent et de vos propos à leur égard.(...) ».

L'enquête établit que M. [K] adoptait un comportement autoritaire et colérique qui dépassait le simple agacement qu'il admet dans ses conclusions.

Il résulte par ailleurs des échanges de courriers entre M. [K] et Mme [H] qu'en juin 2018 M. [K] a affecté une salariée à mi-temps au service de l'ordonnancement alors qu'elle travaillait jusqu'alors à temps plein au sein du service de l'agence comptable réduisant ainsi l'effectif du service de l'agence comptable.

Il n'est pas contesté que M. [K] a privé Mme [H] de sa prime du troisième trimestre sans que cette décision soit justifiée par une cause objective.

Les salariés entendus lors de l'enquête ont déclaré que M. [K] dénigrait le travail de Mme [H] lors des réunions du CODIR et s'exprimait de manière très désobligeante envers elle ainsi que lors des réunions de questions des délégués du personnel.

Les salariés témoins précisent certes que Mme [H] exprimait ses désaccords avec M. [K] et ce dernier établit par la production d'échanges entre eux que Mme [H] a pu demander à ce que son chargé de pouvoir soit invité à démissionner car elle n'en était pas satisfaite, ce dont ce dernier s'est plaint auprès de M. [K].

Toutefois aucun écart de comportement n'est reproché à celle-ci lors des réunions, alors que les salariés entendus dénoncent des hurlements de M. [K], des comportements colériques tels que coups de poing sur la table, jet de lunettes.

Celui-ci produit un courrier de M. [T], ancien chargé de pouvoir de Mme [H], qui se plaignait en février 2018 d'être dénigré par celle-ci. M. [K] communique également une attestation d'un salarié en contrat de travail à durée déterminée qui souligne une attitude positive et constructive de M. [K] et des messages de soutien reçus lors de son départ de la société.

Si les pièces produites démontrent une attitude exigeante voire rigide de Mme [H] dans son positionnement vis-à-vis de M. [K], il est démontré que ce dernier lui a non seulement reproché un comportement d'opposition, un manquement aux règles de séparation de l'ordonnancement et du paiement, l'a invitée à reconsidérer sa position mais a surtout dépassé le simple exercice de son pouvoir hiérarchique, lequel - bien que stipulé par le contrat de travail - était limité par les pouvoirs propres de l'agent comptable, en la dénigrant publiquement lors de réunion de CODIR et en lui reprochant de ne rien respecter dans un courriel du 28 septembre 2018 adressé à l'ensemble du personnel de l'agence comptable.

Il est ainsi établi que M. [K] a adopté un comportement managérial inadapté, confinant à du harcèlement moral à l'égard de Mme [H] en la dénigrant, en s'exprimant de manière colérique, en la privant de sa prime trimestrielle, lequel constitue une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail et justifie de rejeter les demandes de rappel de salaire sur mise à pied, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur l'indemnité contractuelle de rupture :

L'article X du contrat de travail stipulait que 'En cas d'une rupture du présent contrat après 4 années d'ancienneté, hors démission, de M. [K] ou licenciement la CAVEC versera une indemnité d'un montant égal à la rémunération annuelle perçue l'année précédente (fixe + variable).'

L'avenant du 26 juin 2018 dont l'objet était de formaliser les évolutions engendrées par le nouveau statut collectif du 16 juin 2017 stipule que l'avenant 'annule et remplace toutes offres, contrats ou avenants oraux ou écrits antérieurs entre les parties'.

Il en résulte que M. [K] qui avait au surplus moins de quatre ans d'ancienneté lors de son licenciement, ne peut se prévaloir de cette clause d'indemnité contractuelle de rupture.

Sa demande de ce chef est en conséquence rejetée et le jugement entrepris infirmé en ce qu'il a a alloué une somme à M. [K] à ce titre.

Sur les dommages-intérêts pour caractère brutal et vexatoire de la rupture du contrat de travail :

M. [K] invoque subir un préjudice du fait de l'absence de possibilité de faire entendre ses témoins lors de l'enquête. Toutefois, il n'indique pas quel témoin il souhaitait faire entendre et il résulte des pièces produites que M. [T], responsable du contrôle interne et qualité, dont le courrier adressé à M. [K] en février 2018 formulait des reproches à l'encontre de Mme [H], a été entendu dans le cadre de l'enquête.

M. [K] ne formule pas d'autres moyens de nature à établir le caractère brutal et vexatoire de la rupture du contrat de travail qu'il invoque de sorte que sa demande de dommages-intérêts à ce titre ne peut prospérer. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné la CAVEC aux dépens de première instance et au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [K] est condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Les demandes formées par chacune des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire,

Le confirme de ce chef,

statuant à nouveau,

Juge que le licenciement de M. [K] est justifié par une faute grave,

Rejette les demandes de rappel de salaire sur mise à pied, congés payés y afférents, d'indemnité contractuelle de rupture, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/02147
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;21.02147 ?
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