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05/07/2023 | FRANCE | N°21/02135

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 05 juillet 2023, 21/02135


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 05 JUILLET 2023



(n° 2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02135 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIT5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° F 16/02816





APPELANT



Monsieur [Z] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représen

té par Me Sébastien CAP, avocat au barreau de PARIS, toque : D1460





INTIMÉE



S.A.S. PERRENOT HERSAND

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me François-Xavier GALLET, avocat au barrea...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 05 JUILLET 2023

(n° 2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02135 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIT5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL - RG n° F 16/02816

APPELANT

Monsieur [Z] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sébastien CAP, avocat au barreau de PARIS, toque : D1460

INTIMÉE

S.A.S. PERRENOT HERSAND

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me François-Xavier GALLET, avocat au barreau de POITIERS, toque : 96

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société SNTD Automotive a employé M. [Z] [I] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 décembre 2009, en qualité de conducteur routier.

Le contrat de travail de M. [I] a été transféré à la société Solideo à compter du 1er octobre 2010, dans le cadre d'un transfert partiel d'activité. Le 1er mai 2012, le contrat à de nouveau été transféré à la société Perrenot Hersand, avec reprise de l'ancienneté de M. [I].

La société Perrenot Hersand a une activité de transport routier de frets interurbains.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

A compter du 1er mai 2013 de nouvelles missions ont été confiées à M. [I], relatives à la gestion de dépôts.

Le 20 avril 2016, M. [I] a été victime d'un accident de travail et a été en arrêt jusqu'au 15 mai 2016.

Au cours du mois de juin 2016, la société Perrenot Hersand a proposé un nouveau poste à M. [I], qui a été refusé par le salarié.

Le 4 juillet 2016, M. [I] a écrit à son employeur pour faire état de l'absence de modification de sa situation et a demandé à reprendre sa fonction de conducteur routier.

M. [I] a ensuite été victime d'une rechute de son accident du travail et a été en arrêt de travail prolongé.

Par courrier de son conseil du 5 août 2016, M. [I] a demandé à la société Perrenot Hersand une revalorisation de son titre, de son niveau de qualification et de son salaire depuis le mois de mai 2013, ainsi que le paiement d'heures supplémentaires.

M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil le 20 septembre 2016 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 20 avril 2017, lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail conclu à une inaptitude de M. [I], avis confirmé lors de la seconde visite médicale du 4 mai 2017.

Le 9 mai 2017, la société Perrenot Hersand a informé M. [I] qu'une procédure de reclassement était engagée.

Le 3 juin 2017, M. [I] a refusé les trois propositions de reclassement faites par l'employeur.

Le 16 juin 2017, la société Perrenot Hersand lui a proposé un autre poste. M. [I] a également refusé cette proposition de reclassement.

Par lettre notifiée le 27 juin 2017, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement.

M. [I] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre notifiée le 13 juillet 2017.

La société Perrenot Hersand occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par jugement du 5 février 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« - Rejette la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I] [Z],

- Dit que le licenciement de Monsieur [I] [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- Déboute Monsieur [I] [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

- Déboute la SAS PERRENOT HERSAND de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

- Condamne Monsieur [I] [Z] aux entiers dépens. »

M. [I] a formé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 23 février 2021.

La constitution d'intimée de la société Perrenot Hersand a été transmise par voie électronique le 22 mars 2021.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 2 avril 2021, M. [I] demande à la cour de :

« REFORMER en toutes ces dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Créteil le 5 février 2021 ;

Statuant à nouveau,

A TITRE LIMINAIRE :

FIXER le salaire mensuel moyen brut de Monsieur [I], reconstitué avec le coefficient d'Agent de maîtrise correspondant au poste de Chef de quai, les heures supplémentaires et les majorations correspondantes à 4.008,12 € ;

A TITRE PRINCIPAL :

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ;

A TITRE SUBISIDAIRE :

JUGER le licenciement prononcé au cours de la procédure prud'homale, selon courrier recommandé avec accusé de réception du 13 juillet 2017, comme étant abusif ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER la société PERRENOT HERSAND à payer à Monsieur [I] les sommes suivantes :

- rappel de salaire selon coefficient 165, agent de maîtrise, groupe 3 : 5.989,12 €

- congés payés afférents au rappel de salaire : 598,91 €

- rappel de salaires pour heures supplémentaires : 16.749,42 €

- congés payés afférents aux heures supplémentaires : 1.674,94 €

- indemnité pour travail dissimulé : 24.048,72 €

- reliquat d'indemnité de licenciement (indemnité spéciale de l'article L.1226-14 du code

du travail) : 1.761,08 €

- reliquat d'indemnité compensatrice de préavis : 4.074,72 €

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois) : 48.097,44 €

. sur le fondement, à titre principal, de la résiliation judiciaire de son contrat de travail à effet rétroactif au jour de la notification de son licenciement, soit au 13 juillet 2017,

. sur le fondement, à titre subsidiaire, du caractère abusif de son licenciement,

- remise sous astreinte de 100 € par jour de retard de bulletins de salaire et documents usuels de fin de contrat conformes au jugement à intervenir,

DIRE que ces sommes porteront intérêts aux taux légaux ;

CONDAMNER la société PERRENOT HERSAND à payer à Monsieur [I] une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société PERRENOT HERSAND aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 18 juin 2021, la société Perrenot Hersand demande à la cour de :

« In limine litis :

- Déclarer prescrites les demandes de rappel de salaire formulées pour les mois de mai, juin, juillet et août 2013.

Sur le fond :

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Créteil du 5 février 2021 en toutes ses dispositions

En tout état de cause :

- Condamner Monsieur [Z] [I] à payer à la société PERRENOT HERSAND la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner Monsieur [Z] [I] aux dépens.»  

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 21 mars 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 23 mai 2023.

MOTIFS

Sur la prescription des demandes

La société Perrenot Hersand fait valoir en premier lieu que les demandes de nature salariale formées pour les mois de mai à août 2013 sont atteintes par la prescription.

M. [I] n'a pas formulé d'observation sur ce point.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail le délai de prescription des créances salariales est de trois années. Il commence à courir à compter du jour où celui qui exerce l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La juridiction prud'homale a été saisie par M. [I] le 20 septembre 2016. Le bulletin de paye du mois d'août 2013 indique que le salaire a été payé le 11 septembre, ce qui n'est pas contesté. M. [I] ayant été en mesure de connaître à cette date le montant de son salaire du mois d'août 2013, la demande de rappel de salaire relative à celui-ci est prescrite, de même que pour les mois antérieurs.

Sur la catégorie professionnelle

Il incombe à celui qui revendique une catégorie professionnelle de démontrer qu'il en exerçait les attributions.

M. [I] expose qu'il exerçait les attributions d'un agent de maîtrise, en qualité de chef de quai ou de chef de camionnage.

La convention collective prévoit en son annexe III 'Techniciens et agents de maîtrise' que le 'chef de quai (marchandises)' est un ' Agent de maîtrise chargé de l'organisation du travail, de la répartition, réception et mise en livraison des colis, de la liaison avec les bureaux de chemin de fer (bureaux de gare, bureaux de ville), de la sortie des lettres de voiture ; a sous ses ordres des manutentionnaires et des livreurs, éventuellement un ou plusieurs sous-chef de quai ; donne aux chauffeurs les indications nécessaires à l'exécution de leurs tournées. Appelé aussi chef de centre.'

Le 'chef de camionnage auto (marchandises)' est un 'Agent de maîtrise chargé de diriger et coordonner le travail de livraison, de ramassage et de camionnage des marchandises selon les ordres reçus des services ; détermine les tournées des véhicules mis à sa disposition ; a autorité sur le personnel roulant et le personnel de manutention.'

La convention collective prévoit que si un emploi n'est pas prévu par ses dispositions, c'est la catégorie de l'emploi qui s'en rapproche qui doit être appliquée au salarié.

Il est constant que M. [I] a exercé des tâches de conducteur remplaçant en plus d'autres activités qui lui ont été progressivement confiées.

Dans son courrier réponse du 13 juillet 2016, le directeur de région indique à M. [I] qu'il était chargé de gérer le dépôt de Dammartin, de suivre le planning des conducteurs de trois sites et de suivre le matériel roulant depuis le mois de mai 2013, puis à compter de juin 2015 du suivi du dépôt de [Localité 2].

M. [I] produit des attestations de plusieurs chauffeurs qui indiquent qu'il était 'leur responsable' ou encore leur 'responsable hiérarchique', qu'ils étaient 'sous la responsabilité de M. [I]'. Un chauffeur précise qu'il a été reçu par M. [I] lors de son entretien d'embauche et qu'il gérait ses vacances.

M. [I] produit de nombreux mails qui démontrent qu'il intervenait sur l'élaboration des plannings des chauffeurs ainsi que dans la relation avec les clients. Les remplacements d'autres chauffeurs qui en résultent ne sont que ponctuels.

Dans un mail du mois de mai 2016 relatif à une demande de congé formée par un salarié qui n'avait pas reçu de réponse, le directeur lui a répondu que les congés étaient gérés par M. [I], sans se prononcer sur la demande et alors que ce dernier était en arrêt de travail.

Il n'est pas établi que M. [I] pouvait sanctionner les chauffeurs. S'il est intervenu à l'occasion d'une difficulté en raison du comportement d'un chauffeur dans les locaux d'un client, c'est après avoir pris attache avec le directeur régional et sans avoir pris de décision subséquente.

La société Perrenot Hersand explique que les dépôts étaient gérés par les clients eux-mêmes, que M. [I] n'encadrait pas les équipes et ne faisait que transmettre les stocks et les plannings que le siège lui communiquait, notamment par la responsable qualité dont il dépendait, qu'un chef d'équipe gérait les conducteurs.

L'intimée ne produit pas d'élément en ce sens. La société Perrenot Hersand verse aux débats un courrier d'une personne présentée comme un responsable d'exploitation gaz, M. [G], qui indique que M. [I] avait la tâche de la gestion d'un dépôt et la gestion des plannings des quatre dépôts, pour laquelle il avait le soutien de la responsable qualité.

Il résulte des éléments produits que M. [I] exerçait des attributions correspondant à un chef de quai, c'est à dire de la catégorie des agents de maîtrise.

Sur le rappel de salaire au titre de la qualification professionnelle

M. [I] indique dans ses conclusions que la demande de rappel de salaire porte sur la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2016, mais il résulte du décompte qu'il produit à cette fin que la demande est formée à compter du mois de mai 2013. La période jusqu'au mois d'août 2013 est cependant atteinte par la prescription.

La société Perrenot Hersand fait valoir que M. [I] percevait plusieurs primes qui doivent être incluses dans son salaire pour l'examen de sa rémunération, notamment une prime mensuelle de 500 euros de 'gestion de dépôt' qui lui était allouée en raison des fonctions spécifiques exercées.

Pour comparer le revenu perçu par le salarié avec le minimum conventionnel garanti il y a lieu de prendre en compte l'ensemble des éléments de rémunération, à l'exception de ceux qui sont exclus par la convention collective. L'annexe III de la convention collective prévoit deux indemnités qui s'ajoutent au salaire, de nature différente des primes perçues par l'appelant, et n'exclut que les indemnités ayant le caractère de remboursement de frais ou les gratifications ayant un caractère bénévole ou exceptionnel.

Les bulletins de paie de M. [I] mentionnent le versement d'une prime mensuelle de 'spécificité' à hauteur de 150 euros depuis le mois de septembre 2013 et ensuite d'une prime au titre de la gestion de dépôt de 500 euros qui s'est ajoutée à compter du mois d'octobre 2014. Ces éléments font partie de la rémunération du salarié.

Il résulte de la comparaison des bulletins de salaire et du tableau de rappel de salaire sollicité que M. [I] a perçu une rémunération supérieure au minimum conventionnel garanti de la catégorie professionnelle des agents de maîtrise.

M. [I] doit en conséquence être débouté de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents formée au titre de sa catégorie professionnelle.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel au titre des heures supplémentaires

M. [I] demande un rappel d'heures supplémentaires effectuées pour deux motifs : un taux erroné qui a été appliqué aux heures supplémentaires réglées par l'employeur ; des heures de travail non rémunérées.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence de rappels de salaire, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [I] produit des décomptes mensuels du temps de travail qu'il indique avoir accompli, précisant pour chaque journée l'horaire de début et de fin, ainsi que des tableaux récapitulatifs des heures rémunérées et des taux appliqués par l'employeur. Ils ne concernent que la relation de travail à compter du mois de janvier 2014, période qui n'est pas prescrite.

La société Perrenot Hersand conteste le principe des heures supplémentaires, expliquant que la charge de travail de l'appelant ne nécessitait pas le nombre d'heures de travail revendiquées. Elle verse aux débats l'attestation d'un autre salarié qui indique qu'il était amené à remplacer M. [I] lors de ses congés, mais ne produit pas d'élément permettant de vérifier le temps de travail accompli par son salarié.

La société Perrenot Hersand conteste également les calculs, tant sur la base salariale que sur les taux de majoration, justifiant avoir obtenu l'autorisation du directeur du travail pour déroger au calcul hebdomadaire du temps de travail au profit d'un calcul sur une période mensuelle.

Il convient de prendre en compte un mode de calcul différent du décompte des heures supplémentaires, les périodes de congés et d'absences mentionnées sur les éléments produits, les heures déjà rémunérées par l'employeur notamment les rappels exceptionnels qui figurent sur les bulletins de paie en période de fin d'année.

Il résulte des pièces produites par l'une et l'autre des parties que M. [I] a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées.

En appliquant les taux de majoration et le salaire horaire de la catégorie professionnelle d'agent de maîtrise coefficient 165, la société Perrenot Hersand doit être condamnée à payer à M. [I] la somme de 4 166,46 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées et celle de 416,64 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la résiliation judiciaire

Le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Pour apprécier la gravité des faits reprochés à l'employeur dans le cadre de la demande de résiliation judiciaire, le juge doit tenir compte de leur persistance jusqu'au jour du licenciement.

M. [I] reproche à la société Perrenot Hersand :

- de ne pas avoir contractualisé les fonctions exercées depuis plusieurs années ;

- de lui avoir versé un salaire inférieur à celui prévu pour son poste ;

- le défaut de paiement des heures supplémentaires.

La société Perrenot Hersand conteste les manquements et souligne l'ancienneté de la situation. Elle explique qu'une nouvelle proposition de poste a été faite à M. [I] au cours du mois de juin 2016, qui a été déclinée, ce qui a entraîné une demande de rupture conventionnelle de sa part, suivi des échanges de courrier au cours de l'été 2016.

Les fonctions exercées par M. [I] relevaient de la catégorie des agents de maîtrise, alors que les bulletins de paie indiquaient toujours le poste de conducteur routier, catégorie ouvrier. L'exercice prolongé de fonctions relevant d'une catégorie professionnelle supérieure est établi. Compte tenu des primes versées par l'employeur, la rémunération était cependant plus importante que le salaire minimal conventionnel prévu par la convention collective pour la catégorie dont il aurait dû relever.

Le non-paiement de la totalité des heures supplémentaires accomplies est établi.

La proposition faite à M. [I] au cours du mois de juin 2016 pour un poste avec des responsabilités plus importantes n'est pas discutée, ni le refus du salarié.

M. [I] a ensuite adressé un mail le 16 juin 2016 concernant une demande de rupture conventionnelle. Le 22 juin 2016 M. [I] a informé plusieurs clients de l'entreprise que l'organisation allait changer, donnant le nom de son remplaçant. Le directeur régional lui a reproché cette communication directe, sans son autorisation.

M. [I] a écrit à son employeur le 4 juillet 2016 pour faire état des difficultés rencontrées : l'augmentation progressive de sa charge de travail et des responsabilités, l'absence d'avenant à son contrat et le volume important des heures de travail. Il a demandé à reprendre ses fonctions de conducteur routier.

L'employeur a fait droit à cette dernière demande par courrier du 13 juillet 2016, en indiquant à M. [I] que la rémunération serait désormais celle de son contrat de travail, ce qui mettrait fin à certains éléments de rémunération et au remboursement de ses frais.

Le 5 août 2016 le conseil de M. [I] a écrit pour signaler les différents points, ainsi que le fait que de nombreuses heures supplémentaires ne lui avaient pas été réglées. Aucune réponse n'est justifiée par l'employeur.

Si M. [I] a effectivement travaillé plusieurs années sur un poste relevant d'une catégorie professionnelle supérieure, en accomplissant des heures supplémentaires non rémunérées, il résulte des échanges intervenus au cours de l'été 2016 qu'il souhaitait une régularisation de sa situation, à laquelle l'employeur n'a pas fait droit et sans apporter de contradiction aux éléments chiffrés des demandes salariales qui étaient formées, notamment les heures supplémentaires non payées.

Les manquements de l'employeur ont ainsi persisté et rendaient impossible la poursuite du contrat de travail, justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

La résiliation judiciaire du contrat de travail doit être prononcée au 13 juillet 2017, date de rupture du contrat de travail.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Pour caractériser le travail dissimulé prévu par l'article L.8221-5 du code du travail la preuve de l'élément intentionnel de l'employeur doit être rapportée.

M. [I] expose qu'il adressait les relevés d'heures à son employeur, qui n'en a pas tenu compte. Si les mails d'expédition sont produits, ils ne comportent pas les relevés joints, de sorte qu'ils ne démontrent pas que l'employeur aurait eu connaissance du temps de travail réellement accompli.

Le mail d'un client relatif à la lourdeur des activités de M. [I] ne signale qu'un risque consécutif à un remplacement ponctuel, sans établir que l'employeur connaissait le rythme de son salarié.

La société Perrenot Hersand réglait de nombreuses heures supplémentaires, y compris lors de rappels annuels importants.

Si une condamnation en paiement de rappel d'heures supplémentaires est prononcée, la preuve de l'élément intentionnel de l'employeur n'est pas rapportée.

La demande d'indemnité formée à ce titre par M. [I] doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de chef.

Sur l'indemnité de licenciement

M. [I] a perçu le montant de 10 423,60 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement. Pour évaluer le montant dû, la moyenne des heures supplémentaires résultant du rappel alloué dans le cadre de la présente instance, à hauteur de 138,88 euros par mois, doit être prise en compte dans le salaire de référence.

L'indemnité versée aurait ainsi dû être de 10 588,78 euros. La société Perrenot Hersand doit être condamnée à payer à M. [I] la somme de 165,18 euros au titre du reliquat de l'indemnité.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

La durée du préavis était de deux mois. Compte tenu d'un revenu mensuel de 3 569,79 euros qui aurait été perçu s'il avait été effectué, résultant des différents éléments de salaire et des heures supplémentaire régulièrement accomplies, l'indemnité compensatrice de préavis aurait dû être de 7 139,58 euros. M. [I] n'ayant perçu que la somme de 3 941,52 euros, la société Perrenot Hersand doit être condamnée à lui verser celle de 3 198,06 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'indemnité de licenciement prévue par l'article L1235-3 du code du travail applicable à l'instance ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [I] avait une ancienneté de près de huit années au moment du licenciement. Il ne produit pas d'élément concernant sa situation professionnelle.

Compte tenu de la rémunération perçue au cours des six derniers mois, en tenant compte du rappel de salaire, la société Perrenot Hersand sera condamnée à lui payer la somme de 32 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

La remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme, d'une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée et d'un certificat de travail sera ordonnée dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision. Il n'y a pas lieu à ordonner d'astreinte.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Perrenot Hersand qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à M. [I] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Dit irrecevables les demandes de rappel de salaire formées par M. [I] pour les mois de mai à août 2013,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes, sauf en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés afférents formée au titre de sa catégorie professionnelle et d'indemnité pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail au 13 juillet 2017,

Condamne la société Perrenot Hersand à payer à M. [I] les sommes suivantes :

- 4 166,46 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées et 416,64 euros au titre des congés payés afférents,

- 165,18 euros au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement,

- 3 198,06 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 32 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes les dommages et intérêts alloués à compter de la présente décision,

Condamne la société Perrenot Hersand à remettre à M. [I] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt dans le délai d'un mois et dit n'y avoir lieu à astreinte,

Condamne la société Perrenot Hersand aux dépens,

Condamne la société Perrenot Hersand à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/02135
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;21.02135 ?
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