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05/07/2023 | FRANCE | N°20/06263

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 05 juillet 2023, 20/06263


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 05 JUILLET 2023



(n° 2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06263 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNKC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/10813





APPELANT



Monsieur [Y] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté

par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647



INTIMÉE



S.A.S. COURIR FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Me Chloé LEGRIS-DUPEUX, avocat au barreau de PAR...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 05 JUILLET 2023

(n° 2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06263 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNKC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/10813

APPELANT

Monsieur [Y] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647

INTIMÉE

S.A.S. COURIR FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Chloé LEGRIS-DUPEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E1612

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Courir France (SAS) a employé M. [Y] [C], né en 1996, par contrat de travail à durée déterminée à compter du 6 février 2019 jusqu'au 23 février 2019, en remplacement d'un salarié absent, en qualité de vendeur.

Puis elle l'a embauché en qualité de vendeur débutant par un contrat à durée indéterminée le 8 avril 2019, avec une période d'essai de deux mois.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce des articles de sport et d'équipements de loisirs.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 1 521,25 €.

Par lettre remise en main propre le 27 mai 2019, M. [C] a été notifié de la rupture de sa période d'essai.

Le courrier de rupture de la période d'essai indique : « Nous émettons des réserves quant à votre aptitude à occuper le poste de vendeur. En effet, cette période d'essai n'ayant pas été concluante, nous vous informons que nous avons décidé d'y mettre un terme. En conséquence, vous sortirez de nos effectifs à compter du 07 juin 2019. »

La société Courir France occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [C] a saisi le 9 décembre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« - Dire que la rupture de la période d'essai s'analyse en un licenciement abusif

- Indemnité compensatrice de préavis : 760,62 €

- Congés payés afférents : 76,06 €

- Dommages et intérêts pour licenciement abusif : 1.521,25 €

- Article 700 du Code de procédure civile : 2.000 €

- Remise de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail, reçu solde de tout compte et fiche de paie conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document,

- Intérêts légaux

- Capitalisation des intérêts

- Entiers dépens

- Exécution provisoire. »

Par jugement du 02 juillet 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Déboute Monsieur [Y] [C] de l'ensemble de ses demandes.

Déboute la SAS COURIR FRANCE de sa demande reconventionnelle

Condamne Monsieur [Y] [C] aux dépens de l'instance. »

M. [C] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 30 septembre 2020.

La constitution d'intimée de la société Courir France a été transmise par voie électronique le 22 octobre 2020.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 21 mars 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 22 mai 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 22 décembre 2020, M. [C] demande à la cour de :

« Infirmer le jugement rendu le 02 juillet 2020 par la Section Commerce du Conseil de Prud'hommes de Paris,

Dire Monsieur [C] recevable et bien fondée en ses demandes,

Débouter la société COURIR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Dire que la rupture de la période d'essai s'analyse en un licenciement abusif,

En conséquence,

Condamner la société COURIR à verser à Monsieur [C] les sommes suivantes :

- 1 521,25 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 760,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 76,06 € à titre de congés payés sur préavis,

Condamner la société COURIR à remettre à Monsieur [C] une fiche de paye pour le mois de juin 2019, sous astreinte de 100 € par jour de retard

Condamner la société COURIR à remettre à Monsieur [C] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paye conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document,

Dire que la Cour d'appel se réserve la possibilité de liquider les astreintes,

Assortir la décision à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de conciliation,

Prononcer la capitalisation des intérêts,

Condamner la société COURIR à la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société COURIR aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 22 mars 2021, la société Courir France demande à la cour de :

« Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 2 juillet 2020,

En conséquence,

Juger que la demande de requalification de la rupture de la période d'essai en licenciement abusif est infondée,

Juger que les différentes demandes d'indemnisation de Monsieur [C] sont infondées.

Débouter Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Condamner Monsieur [C] à payer à la Société COURIR FRANCE la somme de 2.000,00€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. -

Condamner Monsieur [C] aux entiers dépens. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 5 juillet 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [C] soutient sur le fondement de l'article L.1243-11 du code du travail que :

- il appartenait à la société Courir France de le licencier pour rompre le contrat de travail le 7 juin 2019 car la période d'essai avait pris fin le 20 mai 2019 ;

- en effet la durée du contrat de travail à durée déterminée qu'il a effectué du 6 au 23 février 2019 inclus, soit pendant une période de 18 jours, doit être déduite de la période d'essai de 2 mois qui a été prévue dans son contrat de travail du 8 avril 2019 ;

- la fin de la période d'essai n'était donc pas le 7 juin 2019 comme la société Courir France le soutient mais le 20 mai 2019 après déduction des 18 jours faits en CDD ;

- le conseil de prud'hommes a fait une erreur dans l'application de l'article L.1243-11 du code du travail car les trois alinéas de cet article peuvent être appliqués séparément.

En défense, la société Courir France soutient que l'article L. 1243-11 n'a pas vocation à s'appliquer dès lors que M. [C] a été engagé du 6 au 23 février 2019, par un contrat à durée déterminée, qu'une fois arrivé à son échéance, son contrat ne s'est pas poursuivi en un contrat à durée indéterminée et la relation contractuelle s'est terminée, que le 8 avril 2019, il a été embauché par un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de vendeur débutant en sorte qu'il n'a pas bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée à l'échéance de son contrat de travail à durée déterminée, le 23 février 2019 et que ce n'est que bien plus tard, le 8 avril 2019, soit plus d'un mois et demi après, que les parties ont conclu un nouveau contrat. L'entreprise n'avait donc pas à procéder à un quelconque décompte de jours dans la période d'essai et celle-ci a été valablement rompue, dans les délais requis.

L'article L.1243-11 du code du travail dispose : « Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.

Le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée.

La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail. »

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [C] est mal fondé dans sa contestation du mode de rupture du contrat de travail qui aurait dû être selon lui un licenciement au motif que la durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d'essai prévue dans le nouveau contrat de travail seulement lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée ; tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que 44 jours se sont écoulés entre le 23 février 2019, date du terme du CDD et le 8 avril 2019, date du nouveau contrat.

Sur la rupture de la période d'essai

M. [C] soutient que la rupture de la période d'essai est abusive au motif que :

- la lettre de rupture de la période d'essai remet en cause ses performances professionnelles ;

- dans le cadre de son CDI, il occupait le poste de vendeur débutant, alors que pendant le CDD de remplacement, l'entreprise lui avait accordé la qualification de vendeur ;

- c'est au vu du travail fourni en qualité de vendeur que la société Courir France avait décidé de l'embaucher comme vendeur débutant ;

- la nouvelle qualification étant moins élevée que la première, il est permis de douter de la réalité des prétendues réserves de la société Courir France quant à ses qualités professionnelles ;

- si la société Courir France n'avait pas été satisfaite de son travail, elle ne l'aurait pas embauché en CDI après le CDD ;

- le tableau du chiffre d'affaire qu'il a réalisé pendant le temps de sa présence au magasin montre que les chiffres sont tout à fait honorables, surtout pour un salarié débutant qui vient de prendre son poste ; en effet, entre le 1er mars 2019 et le 28 mai 2019, il a ainsi généré un chiffre d'affaires total de 48 116 €, représentant à lui seul 9,26% du chiffre d'affaire global du magasin (pièce n°6) ;

- la prétendue incapacité à occuper son poste n'est qu'un prétexte fallacieux.

En défense, la société Courir France soutient que :

- elle a évalué pendant plus d'un mois et demi, les compétences de M. [C] en tant que vendeur ;

- la période d'essai n'étant pas concluante, elle a décidé de la rompre, ce qui est parfaitement son droit ;

- la rupture de la période d'essai n'a pas besoin d'être motivée, il suffit que l'une des parties notifie à l'autre sa décision de mettre un terme à l'essai, sauf à respecter le délai de prévenance qui n'est pas en cause dans ce litige : il a été respecté et payé ;

- il appartient au salarié qui invoque la rupture abusive de sa période d'essai de prouver l'existence d'un abus de droit ou d'une légèreté blâmable de la part de l'employeur ;

- or M. [C] n'évoque nullement un abus de droit, ni une légèreté blâmable : il se contente d'alléguer qu'il avait parfaitement les capacités professionnelles pour exercer ses fonctions ;

- de surcroît le tableau que M. [C] produit est dépourvu de valeur probante : rien ne prouve qu'il émane de l'entreprise et il mentionne une période durant laquelle M. [C] n'était pas salarié ;

- l'employeur pouvait rompre la période d'essai en mentionnant ses réserves sur les capacités de M. [C] à exercer ses fonctions.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [C] est mal fondé dans ses demandes au motif d'une part que le contrat de travail à durée déterminée a été conclu pour remplacement, que la salariée remplacée occupait la fonction de vendeuse, que la société Courir France n'avait alors d'autre possibilité que d'engager M. [C] dans le cadre de ce CDD avec la même qualification de vendeur que la salariée remplacée, ce qui ne permet pas de prouver que M. [C] donnait satisfaction à ce poste, preuve en est qu'il a été embauché plus d'un mois et demi plus tard en qualité de vendeur débutant, ce qu'il a d'ailleurs accepté, et au motif d'autre part que la rupture de la période d'essai n'a pas besoin d'être motivée, qu'il suffit que l'une des parties notifie à l'autre sa décision de mettre un terme à l'essai, comme la société Courir France l'a fait étant précisé qu'il n'est démontré ni même soutenu que la société Courir France a abusé de son droit de rompre la période d'essai.

C'est donc en vain que M. [C] soutient qu'il est permis de douter de la réalité des prétendues réserves de la société Courir France quant à ses qualités professionnelles et que si elle n'avait pas été satisfaite de son travail, elle ne l'aurait pas embauché en CDI après le CDD ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que M. [C] a été recruté comme vendeur débutant dans son nouveau contrat après avoir exercé comme vendeur dans le cadre du CDD de remplacement, ce qui contredit la performance qu'il sous-entend et revendique.

C'est aussi en vain que M. [C] soutient que le tableau du chiffre d'affaire qu'il a réalisé pendant le temps de sa présence au magasin montre que les chiffres sont tout à fait honorables, surtout pour un salarié débutant qui vient de prendre son poste, qu'en effet, entre le 1er mars 2019 et le 28 mai 2019, il a ainsi généré un chiffre d'affaires total de 48 116 €, représentant à lui seul 9,26% du chiffre d'affaire global du magasin (pièce n°6) ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que cette pièce est dépourvue de valeur probante s'agissant d'un tableau qui a pu être réalisé sur tableur en dehors de l'entreprise et qui est dépourvu d'élément d'identification probant faute de visa du comptable ou d'un responsable de l'entreprise.

C'est aussi en vain que M. [C] soutient que la prétendue incapacité à occuper son poste n'est qu'un prétexte fallacieux ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif qu'il n'est pas de nature à démontrer que la société Courir France a commis un abus de droit ou une faute en exerçant sa faculté de mettre fin à la période d'essai comme elle l'a fait à l'égard de M. [C].

Compte tenu de ce qui précède, la cour rejette toutes les demandes de M. [C].

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de toutes ses demandes.

Sur les autres demandes

La cour condamne M. [C] aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de la société Courir France les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

Déboute la société Courir France de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne M. [C] aux dépens,

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/06263
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;20.06263 ?
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