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05/07/2023 | FRANCE | N°20/05979

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 05 juillet 2023, 20/05979


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 05 JUILLET 2023



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05979 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCLPC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 16/04168



APPELANT



Monsieur [N] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

ReprÃ

©senté par Me Samia AZZOUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0553



INTIMEE



S.A.S. EURO MEDIA FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 05 JUILLET 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05979 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCLPC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 16/04168

APPELANT

Monsieur [N] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Samia AZZOUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0553

INTIMEE

S.A.S. EURO MEDIA FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, Conseillère

Madame Florence MARQUES, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Madame Manon FONDRIESCHI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTION DES PARTIES

La société Euro média, anciennement dénommée SFP, est une société prestataire de services techniques auprès des sociétés de production audiovisuelles et cinématographiques.

M. [N] [H], né en 1973, a été engagé par la société SFP, aux droits de laquelle se trouve la SAS Euro média France, en qualité d'opérateur de duplication, selon contrat de travail à durée déterminée pour la période du 11 décembre 2006 au 10 juin 2007. La relation de travail s'est poursuivie selon contrat à durée indéterminée du 11 juin 2007.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l'événement.

Le licenciement du salarié lui a été notifié pour motif économique par lettre du 9 juin 2015.

Contestant cette mesure, il a saisi le 16 juin 2016 le conseil de prud'hommes de Bobigny, des demandes suivantes :

A titre principal :

- 151.666,26 euros à titre de rappel de salaires au titre des mois de juin 2011 à avril 2015 sur le fondement du principe 'A travail égal, salaire égal',

- 15.166,62 euros d'indemnité de congés payés afférents,

- 11.163,18 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.116,31 euros d'indemnité de congés payés afférents,

- 8.270,27 euros de reliquat au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 45.600 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice né du manquement de l'employeur à son obligation de paiement du salaire dû,

A titre subsidiaire :

- 7.881,22 euros de rappel de salaires au titre des mois de juin 2011 à avril 2015 sur la base du salaire minimum prévu par la convention collective s'agissant de l'emploi de responsable de laboratoire, niveau 8, statut cadre,

- 788,12 euros d'indemnité de congés payés afférents,

- 2.764,32 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 276,43 euros d'indemnité de congés payés afférents,

- 821,27 euros d'un reliquat de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 45.600 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice né du manquement de l'employeur à son obligation de paiement du salaire dû,

En tout état de cause :

- 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

En outre, il sollicitait les intérêts légaux à compter de l'introduction de la demande avec capitalisation des intérêts et la remise des bulletins de paie, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à la décision, sous astreinte de 50 euros par jour et par document et la régularisation auprès des organismes sociaux et notamment la caisse de retraite.

Par décision du 15 juin 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le juge départiteur a dit que M. [N] [H] occupait le poste de responsable de laboratoire, niveau 8, statut cadre de la convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l'événement et constaté l'absence d'atteinte par la société Euro média au principe «à travail égal, salaire égal». La décision a condamné la société Euro média à payer à M. [N] [H] les sommes suivantes :

* 7.881,22 euros de rappel de salaire, outre 778,12 euros d'indemnité de congés payés y afférents et ce avec intérêt au taux légal à compter du 25 novembre 2016 compte tenu du reclassement du salarié,

* 2.764,32 euros d'indemnité de préavis, outre 276,43 euros d'indemnité de congés payés y afférents et ce avec intérêt au taux légal à compter du 25 novembre 2016,

* 821,27 euros de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- enjoint à la société Euro média de remettre à M. [N] [H] les documents sociaux conformes au présent jugement dans un délai d'un mois suivant sa notification,

- condamné la société Euro média à payer à M. [N] [H] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Euro média aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 21 septembre 2020, M. [N] [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 27 août 2020.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 novembre 2022, l'intimé demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 15 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a jugé que M. [N] [H] occupait le poste de responsable de laboratoire, niveau 8, statut cadre de la convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l'événement,

- réformer le jugement rendu le 15 juin 2020 par conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a :

* constaté l'absence d'atteinte par la société Euro média au principe «à travail égal, salaire égal»,

* débouté M. [N] [H] de ses demandes de rappels de salaire fondées sur le principe «à travail égal, salaire égal » ;

* débouté M. [N] [H] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le principe «à travail égal, salaire égal» ;

* débouté M. [N] [H] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation par l'employeur des minimas conventionnels,

Statuant à nouveau,

- juger que M. [N] [H] occupait le même poste que Messieurs [J] et [V] et que l'employeur a méconnu le principe « travail égal, salaire égal ». Il reprend sur ces pointes ses prétentions de première instance.

En tout état de cause, il prie la cour d'assortir les condamnations aux intérêts légaux à compter de l'introduction de la demande, avec capitalisation des intérêts et la condamnation de la partie adverse à lui remettre des bulletins de paie, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la décision, sous astreinte de 50 euros par jour et par document, la régularisation auprès des organismes sociaux et notamment de la caisse de retraite et l'allocation de la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la mise des dépens à la charge de l'intimée.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 février 2023, la société Euro média, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour d'infirmer le jugement dans la mesure où il a fait droit à une partie des demandes adverses.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le statut de cadre

M. [N] [H] soutient qu'il bénéficie de la qualité de cadre niveau 8 selon les critères donnés par la convention collective dans la mesure où il était de fait responsable du service technique Laboratoire au sein du département Post production. Il en veut pour preuve ses revendications anciennes à ce sujet, sa place dans l'organigramme au niveau d'autres cadres ainsi que des attestations et courriels qui identifient les tâches qu'il accomplissait.

La SAS Euro média France oppose que le salarié est resté technicien d'exploitation au sens de la convention collective et que les preuves adverses sont inopérantes notamment comme constituées par des écrits émanant du salarié lui-même ou de témoignages non démonstratifs. Elle observe que l'intéressé n'a pas contesté le solde de tout compte.

Sur ce

De manière liminaire, il doit être observé que la SAS Euro média France n'a jamais signé le solde de tout compte.

Il est de principe que, sous réserve d'une attribution volontaire par l'employeur, la qualification, mais également la catégorie à laquelle appartient un salarié, se déterminent en fonction des fonctions réellement exercées par celui-ci, sans que l'absence de contestation en amont puisse lui être opposée, les juges n'étant pas liés par la qualification figurant dans le contrat de travail. La charge de la preuve de la qualification revendiquée pèse sur le salarié.

Selon la convention collective applicable, le technicien d'exploitation a pour activité la mise en oeuvre et le fonctionnement de tout matériel servant à l'exploitation audiovisuelle, diagnostique les anomalies et effectue une maintenance de 1er niveau.

Quant au responsable service technique, selon ce même document, il s'occupe notamment du laboratoire et assure la gestion globale des moyens techniques et des ressources humaines du domaine dont il a la charge, préconise et valide les dispositifs techniques mis en oeuvre et peut prendre directement part à l'exploitation.

Selon l'organigramme versé aux débats, au sein de la division media Workflowers et plus spécialement du département post production, le salarié avait la charge du laboratoire, tandis que trois autres de ses collègues avaient la charge respectivement du commercial et de la production, de l'unité vidéo et de l'unité audio.

Il ressort d'un faisceau d'indices précis et concordants que sa fonction allait bien au-delà de celle de technicien d'exploitation et correspondait à celle de responsable service technique, puisque :

- ses trois collègues précités étaient classés comme lui responsable service technique ;

- selon les échanges de courriels versés aux débats et les huit attestations précises dont quatre conformes aux exigences de l'article 202 du Code de procédure civile, en tout cas toutes convergentes, émanant d'anciens salariés de la SAS Euro média France, M. [H] avait les mêmes responsabilités que ses trois collègues chefs de service du département et plus particulièrement participait à toutes les décisions du département, sa fiche de poste était similaire à celle de ces trois collègues requérant des compétences d'organisation, techniques et managériales ; il participation aux réunions des représentants des quatre subdivisions du département de la Post production ; il travaillait de manière autonome ; il procédait à la fabrication quotidienne des PAD ; il mettait en place des workflowers de fabrication ; il était chargé de la gestion du parc machine et du stock ; il avait la responsabilité de l'encadrement des intermittents et des contrats de professionnalisation il assurait la mise en place des 'plannings' de fabrication et les 'process' ; il a entièrement repensé le laboratoire, avec notamment la création d'une nouvelle base de données ; il validait les prêts à diffuser ; et il mettait en place la grille de communication ;

- Mme [K] certifie qu'elle a été recrutée en 2011 par M. [N] [H], qui était responsable du labo Post-production, tandis que M. [T] rapporte que l'intéressé a été engagé pour prendre la responsabilité'pleine et entière' du laboratoire ;

- ces mêmes pièces établissent qu'il a demandé son changement de statut en sa qualité de responsable de laboratoire, pour être rémunéré autant que les autres responsables du service Post-production.

Il suit de ces observations que M. [H] remplissait les conditions pour accéder au statut de responsable service technique, c'est-à-dire cadre niveau 8.

2 : Sur le principe 'A travail égal, salaire égal'

Soutenant qu'il devait être payé de la même manière que ses collègues chefs de subdivision du département Post production, à savoir à égalité avec MM. [J] et [V] et Mme [L], en application du principe 'A travail égal, salaire égal', et il demande un complément d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement, sa demande étant limitée à la période écoulée entre juin 2011 et avril 2015.

La SAS Euro média France objecte que le principe invoqué n'a pas lieu de s'appliquer, dés lors que MM. [J] et [V] n'étaient pas placés dans la même situation que lui, puisque ces derniers avaient des fonctions distinctes, faisant appel à des compétences différentes, ce qui exclurait toute possibilité de comparaison. Elle prétend que le salarié n'apporte qu'aucun élément à l'appui de la demande.

Sur ce

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles'L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article'1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Le fait que le salarié qui prétend être victime d'une différence et le salarié de référence soient classés dans la même catégorie professionnelle prévue par la convention collective applicable à leur emploi n'est pas, à lui seul, suffisant pour conclure que les deux travailleurs concernés accomplissent un même travail ou un travail auquel est attribuée une valeur égale au sens des textes et principes précités'; cette circonstance ne constitue qu'un indice parmi d'autres.

Alors que l'employeur ne fournit pas la fiche de poste du responsable laboratoire, l'attestation à l'article 202 du Code de procédure civile de M. [V], auquel se compare M. [N] [H] et qui occupait le poste de responsable audio au sein du département Post production, certifie qu'ils avaient tous deux des charges identiques et que les fiches de postes des quatre responsables du département Post production, à savoir audio, video, plannings et Labo étaient similaires et incluaient des compétences générales d'organisation, techniques et manageriales sous la responsabilité du chef de service et supposaient un même niveau hiérarchique, de responsablité et de fonctions.

Par ailleurs la seule fiche de poste de l'un des quatre responsables en question versée aux débats qui est celle du responsable video, selon le bordereau de la société, fait référence à des missions qui paraissent correspondre à celles de M. [N] [H] à savoir : collaboration avec les responsables chargés de la Post production, la programmation des moyens techniques et humains pour la fabrication des différents produits, la coresponsabilité avec les chargés de la Post production du budget du service, la connaissance du marché et es conditions techniques de fabrication de ses confrères, la supervision de l'affectation et la gestion des stocks, l'intervention comme spécialiste technique auprès des chargés de Post production et le conseil en matière d'équipement et de process de fabrication, la planification et l'encadrement des personnels techniques et intermittents, tant au niveau de la maintenance que de l'exploitation, la participation avec les responsables audio et vidéo à la maintenance, l'installation des différents équipements nécessaires aux opérations ainsi qu'aux permanences et aux assistances d'exploitation, la conduite la politique technique du service, sous l'autorité de la direction de l'exploitation, en suivant l'évolution technologique des outils de Post production et en formulant des propositions d'innovation d'équipement ou de méthodes de fabrication.

Ainsi le salarié soumet au juge des éléments susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

L'employeur se borne à soutenir à tort que M. [N] [H] ne fournit pas d'éléments suffisants.

Dans ces conditions, l'inégalité de traitement est retenue.

Reprenant le calcul précis et non discuté du salarié, qui fixe son manque à gagner par rapport à la rémunération de M. [J], la cour accorde à M. [N] [H] le rappel de salaire qu'il sollicite, l'indemnité de congés payés y afférents, le complément d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents.

Les sommes allouées de nature contractuelle porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes. Les autres sommes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la décision qui les a prononcées. Il sera ordonné la capitalisation des intérêts courus pour une année entière ainsi qu'il l'est demandé, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Il sera par suite ordonné la délivrance d'un bulletin de paie récapitulatif, d'une attestation Pôle Emploi et d'un contrat de travail conformes au présent arrêt et ordonné la régularisation des paiements dus du chef de M. [N] [H] auprès des organismes sociaux.

3 : Sur les dommages-intérêts pour manquement au principe d'égalité de traitement

M. [N] [H] fait valoir que tout au long de l'année 2012, il s'est plaint en vain de ne pas être classé cadre comme ses trois collègues en question, que le rappel de salaire ne couvre pas le préjudice subi depuis 2007 et qu'il a ainsi perdu des droits la retraite. Il sollicite en conséquence le paiement de la somme de 45 600 euros.

La SAS Euro média France répond que non seulement les demandes de rappel de salaires et indemnités ne sont pas fondées, mais qu'en outre, à supposer qu'il y ait droit, le préjudice est symbolique.

Sur ce

Le salarié limite sa demande de rappel de salaire à la période postérieure mai 2016, qui est la période non prescrite.

Aux termes de l'art L 3245-1 du Code du travail l'action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer. Ces dispositions qui résultent de la loi du 16 juin 2013 s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de l'entrée en vigueur de celle-ci soit du 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.

Il s'ensuit que les salaires échus depuis plus de cinq ans au jour de la saisine du conseil des prud'hommes, soit le 16 juin 2016, ne sont pas prescrits, ce qui permettait à M. [N] [H] de réclamer les compléments de salaires échus depuis le 16 juin 2011.

Il ne saurait sous couvert de demande de dommages-intérêts destinés à réparer le manque à gagner subi au titre de la période prescrite contourner la prescription.

M. [H] ne prouve pas que ses droits à la retraite au titre de la période non prescrite sont perdus, puisqu'il est ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux et notamment les caisses de retraite.

Aux termes de l'article 1231-6 du code du travail, les dommages-intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de sommes d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l'intérêt dilatoire.

En l'espèce, s'agissant du retard dans le paiement des sommes accordées, il n'est pas démontré, ni même expliqué en quoi consisterait le préjudice indépendant du retard.

Il a été relevé que le salarié a sollicité pendant l'exécution du contrat que son statut soit revu au regard de ses responsabilisés, en vain.

Il en résulte un préjudice moral qui sera exactement réparé par la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts.

3 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner la SAS Euro média France qui succombe à verser à M. [N] [H] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel.

Pour les mêmes motifs, la SAS Euro média France sera déboutée de chefs et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

INFIRME le jugement déféré sauf sur la demande de la SAS Euro média France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau ;

CONDAMNE la SAS Euro média France à payer à M. [N] [H] les sommes suivantes :

- 151 666 euros de rappel de salaire ;

- 15 166,62 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 11 163,18 euros de complément d'indemnité de préavis ;

- 1 116,31 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 8 270,27 euros de complément d'indemnité de licenciement ;

- ces cinq sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la SAS Euro média France de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes ;

- 1 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- 1 000 euros d'indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- les intérêts au taux légal de ces deux sommes à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1 343-2 du Code civil ;

ORDONNE la régularisation de la situation de M. [N] [H] auprès des organismes sociaux ;

ORDONNE la délivrance par la SAS Euro média France à M. [N] [H] d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie récapitulatif dans le mois de la signification du présent arrêt ;

Y ajoutant ;

REJETTE la demande de la SAS Euro média France au titre des frais irrépétibles d'appel;

CONDAMNE la SAS Euro média France à payer à M. [N] [H] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

CONDAMNE la SAS Euro média France aux dépens d'appel ;

La greffière, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/05979
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;20.05979 ?
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