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05/07/2023 | FRANCE | N°20/03780

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 05 juillet 2023, 20/03780


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 05 JUILLET 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03780 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB56T



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 17/01663



APPELANT



Monsieur [Z] [S]

Chez Monsieur [B] [N]

[Adresse

2]

[Localité 4]

Représenté par Me Ervé DMOTENG KOUAM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1320



INTIMEE



S.A. SOCIETE NATIONALE SNCF venant aux droits de l'EPIC SOCIE...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 05 JUILLET 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03780 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB56T

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 17/01663

APPELANT

Monsieur [Z] [S]

Chez Monsieur [B] [N]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Ervé DMOTENG KOUAM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1320

INTIMEE

S.A. SOCIETE NATIONALE SNCF venant aux droits de l'EPIC SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER - SNCF

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Gaël BLANC, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre,

Madame Anne-Gaël BLANC, Conseillère,

Madame Florence MARQUES, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Madame Manon FONDRIESCHI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [Z] [S], né en 1977, a été engagé par l'EPIC SNCF Mobilités devenu depuis la SA Société nationale SNCF, par un contrat de travail à durée indéterminée à effets au 6 juin 2005 en qualité d'agent de sûreté ferroviaire.

Le 30 avril 2008, M. [S] a été placé en arrêt de travail pour maladie après s'être plaint de comportements qu'il analysait comme discriminatoires et harcelants.

Il n'a pas repris le travail à compter de cette date et jusqu'à son départ des effectifs de l'entreprise.

Le 29 septembre 2011, la cour d'appel de Paris a rejeté définitivement la demande de M. [S] tendant à voir reconnaître qu'il avait été victime d'un accident du travail.

Le 10 novembre suivant, la cour d'appel de Versailles a définitivement condamné la société nationale SNCF à payer à M. [S] les sommes de 8.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au motif que, le 14 janvier 2008, un chef d'équipe aurait eu des propos déplacés à son égard et que la SNCF aurait dû non pas adresser à ce dernier une simple lettre d'observation mais le sanctionner disciplinairement.

M. [S] a été en arrêt pour maladie jusqu'au 14 novembre 2012 sans néanmoins qu'après cette date il ne reprenne une activité professionnelle effective.

Il a été convoqué à plusieurs visites médicales de reprise, fixées au 3 décembre 2014, 5 janvier puis au 18 février 2015, auxquelles il ne s'est pas rendu.

Le 18 mars, la société nationale SNCF lui a adressé à un courrier lui demandant de fournir des explications écrites justifiant son absence depuis le 18 février 2015.

Il a ensuite été convoqué le 11 mai 2015 devant le conseil de discipline qui s'est tenu le 11 juin suivant. Le 19, M. [S] s'est vu notifier sa radiation des cadres au motif de son absence irrégulière.

Le 6 juin 2017, sollicitant l'annulation de cette mesure de radiation et réclamant sa réintégration et le paiement de sommes de nature indemnitaire et salariale, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement de départage du 20 décembre 2019, a rejeté l'intégralité de ses demandes ainsi que celle de la SNCF tendant à obtenir, à titre reconventionnel, des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des accusations portées à son encontre.

Le 26 juin 2020, M. [S] a fait appel de cette décision, notifiée le 2 précédent.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 février 2023, il demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- principalement, condamner la SNCF au paiement de 16.654, 68 euros au titre des éléments variables du salaire,

- condamner la SNCF au paiement de la somme de 6.456, 8 euros de rappels d'indemnités de congés payés,

- annuler la mesure de radiation,

- condamner la SNCF à lui payer 3.768 euros de dommages-intérêts pour défaut de délivrance des documents de rupture,

- ordonner sa réintégration,

- procéder à la reconstitution de sa carrière professionnelle et, en conséquence,

- ordonner sa classification à la qualification C niveau 1 position 11

- condamner la SNCF au paiement de l'intégralité de sa rémunérationà compter du 1er janvier 2015 jusqu'à la date à laquelle il sera effectivement réintégré à son poste,

- condamner la SNCF à lui payerl'intégralité des sommes auxquelles il aurait eu droit au titre des congés payés à compter du 1er janvier 2015 jusqu'à la date à laquelle il sera effectivement réintégré à son poste,

- condamner la SNCF à lui payer l'intégralité des avantages auxquels il aurait eu droit au titre de son emploi à compter du 1er janvier 2015 jusqu'à la date à laquelle il sera effectivement réintégré à son poste,

- condamner la SNCF à la régularisation intégrale des cotisations sociales correspondantes,

- condamner la SNCF au paiement de la somme de 800.000 euros en réparation du préjudice moral en raison d'un harcèlement moral et d'un manquement à l'obligation de sécurité,

- condamner la SNCF au paiement de la somme de 500.000 euros en réparation du préjudice physique,

- condamner la SNCF au paiement de la somme de 200.000 euros en raison de l'atteinte portée à son honneur et à sa réputation du salarié,

- subsidiairement, à défaut de réintégration, condamner la SNCF à lui payer 22.608 euros d'indemnité de licenciement,

- condamner la SNCF à lui payer 3.768 euros pour licenciement irrégulier,

- en tout état de cause, condamner la SNCF au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 mars 2023, la société nationale SNCF demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il rejette l'ensemble des demandes de M. [S] mais de l'infirmer sur le rejet de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait des accusations graves portées par M. [S], et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner M. [S] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre du préjudice subi du fait des accusations graves portées par M. [S],

- condamner M. [S] au paiement d'une nouvelle somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais engagés par la SNCF à hauteur d'appel,

- condamner M. [S] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 22 mai 2023.

Le 19 mai 2023, le salarié a transmis un document dit note de plaidoirie via le réseau privé virtuel des avocats.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 : Sur les pièces transmises après la clôture

En application de l'article 803 du code de procédure civile, les pièces transmises après la clôture seront déclarées irrecevables.

2 : Sur le paiement des éléments variables de la rémunération et des congés payés

A titre liminaire, alors que l'intimé se contente de conclure à la confirmation du jugement qui ne statue pas sur la prescription, il convient d'indiquer que la cour n'est pas saisie de cette fin de non-recevoir dans la mesure où elle ne figure que dans le corps des conclusions de l'intimé sans être reprise dans leur dispositif.

Sur le fond, M. [S] ne fournissait pas de prestation de travail sur la période concernée et n'était pas en arrêt du fait d'un accident du travail au regard de la décision définitive de la cour d'appel de Paris 20 septembre 2011 excluant ce statut. Il n'avait donc aucun droit au paiement intégral de sa rémunération ou des accessoires de celle-ci.

Il ne pourra donc que voir sa demande en ce sens rejetée, le fait que la SNCF ait volontairement versé à son salarié l'entièreté de sa rémunération principale ne lui ouvrant aucun droit au paiement des sommes accessoires réclamées au surplus.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

3 : Sur l'annulation de la procédure

3.1. : Sur la violation de l'article 4§2 du chapitre 9 du statut des relations collectives

L'article 4 § 2 du chapitre 9 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel prévoit qu'aucune sanction ne peut être infligée à l'agent sans que celui-ci soit informé dans le même temps par écrit des griefs retenus contre lui. Un délai maximum de six jours lui est accordé, à compter de la date de notification de ces griefs, afin de lui permettre de présenter ses explications par écrit.

La mention de ce délai de six jours sur la convocation adressée au salarié n'est pas prévue par ce texte.

En l'espèce, le salarié, qui a été informé le 18 mars 2015 des griefs qui lui étaient reprochés et qui a pu disposer d'un délai de six jours pour présenter ses observations, ne peut donc utilement se prévaloir d'un défaut de mention de ce délai sur cette convocation pour obtenir la nullité de la procédure de radiation.

Ce moyen sera donc écarté.

3. 2 : Sur la violation de l'article 4§8 du chapitre 9 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel

L'article 4 § 8 du chapitre 9 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel stipule que : « Lorsque la décision est prise, par l'autorité habilitée à prononcer la sanction, de présenter l'affaire devant le conseil de discipline, l'intéressé doit en être avisé par écrit. Dans les cas où les commentaires du chef direct sont en désaccord avec les déclarations de l'intéressé, ces commentaires sont portés à la connaissance de l'agent, en même temps qu'il est avisé de son passage devant le conseil de discipline. L'agent est alors admis à fournir des explications écrites complémentaires, pour l'établissement desquels un délai maximum de 6 jours lui est accordé ».

Cette possibilité de fournir des explications écrites complémentaires n'est cependant ouverte que dans les cas où les commentaires du chef direct sont en désaccord avec les déclarations de l'intéressé ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le chef direct de l'appelant n'ayant formulé aucuns commentaires.

Au surplus, il ne ressort pas de l'attestation produite par le salarié ni des dires de l'employeur que M. [S] se soit vu interdire de produire des pièces. Il apparaît en revanche que certains membres du conseil ont pu considérer que les documents étaient étrangers au litige pour les écarter ce qui suppose qu'ils en ont pris connaissance et relève, dès lors, de leur appréciation du fond et non de la procédure.

Ce moyen sera donc écarté.

3.3 : Sur la violation de l'article 6-7 du chapitre 9 du statut des relations entre la SNCF et son personnel

L'article 6.7 du chapitre 9 du statut des relations entre la SNCF et son personnel prévoit que l'agent traduit devant le conseil de discipline peut se faire assister par un défenseur de son choix parmi les agents de la SNCF en activité de service ou en disponibilité pour fonctions syndicales. Un agent qui a été mêlé à l'affaire à soumettre au conseil ne peut être accepté comme défenseur. Dans ce cas, un délai de six jours est accordé à l'agent traduit pour faire le choix d'un autre défenseur.

Le salarié fait valoir au regard de cet article que le défenseur qui l'a assisté n'aurait pas dû être autorisé à le faire pour avoir été précédemment mêlé à la procédure comme étant intervenu au moment de la rédaction de sa réponse du 23 mars 2015 à la demande d'explication de son employeur sur son absence et pour l'avoir assisté durant l'entretien préalable du 20 avril suivant.

Cependant, même à supposer que le salarié puisse se prévaloir de ces stipulations restreignant le libre choix de son défenseur, celles-ci ne peuvent pas s'interpréter comme lui interdisant d'être assisté d'une même personne aux différentes étapes de la procédure mais uniquement comme prohibant son assistance par quelqu'un qui aurait été impliqué dans les faits qui sont l'objet même de la procédure ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Ce moyen doit donc être écarté.

3.4 : Sur la violation de l'article 6.8 du statut des relations entre la SNCF et son personnel

L'article 6.8 du chapitre 9 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel prévoit que si l'affaire concerne un accident ayant motivé une enquête du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le rapport est versé au dossier soumis au conseil de discipline qui pourra entendre un représentant de la délégation du personnel de ce comité si un des membres du conseil l'a demandé.

Cependant, en l'espèce, l'affaire ne concerne pas un accident mais une absence qualifiée d'injustifiée que rien ne permet de mettre en lien, directement ou indirectement, avec un accident, aucun accident du travail n'ayant été reconnu et le salarié n'étant, en tout état de cause, plus en arrêt de travail à la date des faits qui sont l'objet de la procédure disciplinaire.

Ce moyen doit donc également être écarté.

Il n'y a dès lors pas lieu d'annuler la procédure.

4 : Sur la décision de radiation

4 1 : Sur le moyen tiré de l'absence de faute compte tenu du caractère non obligatoire de la visite de reprise

L'article R. 4624-31 du code de travail dispose que le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Au cas présent, le salarié qui a été convoqué à plusieurs visites de reprise conteste s'être trouvé dans un cas de figure en justifiant le bénéfice et dès lors le caractère fautif de ses absences lors de celles-ci.

Cependant, ces convocations étaient justifiées car, même si le salarié n'était pas arrêté pour raison médicale au moment où il a été convoqué, il avait précédemment été absent au moins trente jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel et n'avait pas repris son poste depuis lors.

En tout état de cause, ces visites ne lui font pas grief et, surtout, la décision de radiation n'est pas essentiellement motivée par son absence à ces visites de reprise mais par le fait qu'il aurait été absent de manière injustifiée à son poste de travail à compter du 18 février 2015.

Ce moyen doit donc être écarté.

4.2 : Sur le moyen tiré de la violation de l'article 11 § 4b) du chapitre 12 du statut

L'article 11 § 4 b) du chapitre 12 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel prévoit que « L'agent qui ne reprend pas son service à la date fixée par le médecin prescripteur ou le contrôle médical de la Caisse de Prévoyance, perd le bénéfice des prestations prévues au § 3 ci-dessus, sous réserve des voies de recours prévues au titre 4 du présent chapitre. L'agent qui refuse de se soumettre au contrôle médical ou qui transgresse les conditions du repos à observer pendant la période d'interruption de service peut perdre le bénéfice de ces prestations après avoir été invité à s'en expliquer ».

Cependant, conformément au paragraphe 3 auquel il est fait renvoi, ce texte ne s'applique pas au salarié, cet article ne concernant que les 'agents qui doivent interrompre leur service par suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle'.

Au surplus, contrairement à ce que M. [S] soutient, cette disposition concernant l'exclusion du bénéfice des prestations n'est aucunement exclusive du prononcé de sanctions disciplinaires.

Ce moyen sera donc également écarté.

4.3: Sur le moyen tiré de la violation des articles 6.10 et 6.11 du chapitre 9 du référentiel RH0001 de la SNCF, portant statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, et des mentions portées sous l'article 26.8 du référentiel RH 00144

Il est acquis que, selon les articles 6.10 et 6.11 du chapitre 9 du référentiel RH0001 de la SNCF, portant statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, et les mentions portées sous l'article 26.8 du référentiel RH 00144 interne à la SNCF, dans sa version du 11 juillet 2012, lorsqu'une majorité absolue de voix converge vers un niveau de sanction, ce niveau constitue l'avis du comité de discipline, il y a alors un seul niveau, le directeur ne peut prononcer une sanction plus sévère ; lorsqu'aucun niveau de sanction ne recueille la majorité des voix, le conseil a émis plusieurs avis. Dans ce cas, il y a lieu de tenir compte des avis émis par le conseil pour déterminer une majorité, ou tout au moins le partage des avis en deux parties ; pour ce faire, les voix qui se sont portées sur la plus sévère des sanctions s'ajoutent à l'avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés, jusqu'à avoir trois voix. Le directeur peut alors prononcer une sanction correspondant à l'avis le plus élevé ainsi déterminé.

Au cas présent, il ressort de l'examen du procès-verbal des délibérations reproduit dans les conclusions de l'intimé que, lors du vote concernant M. [S] à l'issu de son conseil de discipline, sur 6 voix, la sanction de révocation a obtenu 1 voix, celle de radiation 2 voix, celle de mise à pied conservatoire 1 voix et l'absence de sanction 2 voix.

Aucun niveau de sanction n'a donc recueilli la majorité des voix.

Dans ce cas, il résulte de ce qui précède qu'il convenait d'ajouter la voix s'étant portée sur la plus sévère des sanctions, à savoir la révocation, aux avis du degré inférieur, soit aux deux autres voix s'étant exprimées en faveur de la radiation. Après cet ajout, la sanction de radiation recueillait un total de trois voix. Le seuil de trois voix étant atteint, le directeur pouvait prononcer une sanction de radiation, étant précisé que la situation à laquelle le salarié se réfère est celle du partage initial de voix (3/3) dans laquelle aucune des sanctions ne recueille donc la majorité des voix et où il convient dès lors de reporter les trois voix attribuées à la sanction supérieure sur la sanction inférieure qui devient dès lors la sanction maximale susceptible d'être prononcée, cette situation n'étant pas identique à celle de l'espèce en l'absence de partage initial à égalité des voix.

Ce moyen sera donc écarté.

4.4 : Sur le moyen tiré de la disproportion entre les faits et la sanction

Il est de principe que la sanction doit non seulement être justifiée mais également proportionnée à la faute.

Le salarié fait valoir au regard de ce principe que la radiation dont il a fait l'objet le 19 juin 2015 était disproportionnée à la faute dans la mesure où celle-ci serait unique et vénielle, qu'il n'avait jamais été sanctionné précédemment et que des salariés ayant commis des faits plus graves ont été moins lourdement sanctionnés que lui.

Cependant, l'obligation de fournir un travail est la première obligation impartie au salarié. Or, M. [S] n'a pas exécuté celle-ci sans que rien ne vienne objectivement justifier cette abstention alors qu'il n'était plus en arrêt maladie depuis le 14 novembre 2012 et que l'employeur avait tenté de mettre en place de nombreuses mesures pour favoriser sa reprise dans des conditions adaptées et ce, sans qu'il ne s'en saisisse.

Par ailleurs, si le salarié n'avait pas d'antécédent disciplinaire et si d'autres salariés ont commis des faits graves avec des sanctions moins importantes, la persistance dans le temps de son refus de reprendre le travail, malgré la fin de son arrêt pour maladie plus de deux ans et demi plus tôt, les nombreuses tentatives de son employeur de permettre cette reprise, les demandes d'explication de ce dernier et ses mises en garde, caractérisent une situation de blocage avéré dont il est à l'origine rendant impossible le maintien du salarié dans les effectifs de la société et justifiant ainsi sa radiation.

La sanction de radiation est donc régulière, justifiée et proportionnée.

5 : Sur la demande d'annulation de la sanction

5.1 : Sur l'annulation en raison d'un harcèlement moral

L'article L.1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code dans sa version applicable au litige énonce que lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article qui précède, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'article L.1152-3 du même code dispose enfin que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nul.

Au cas présent, au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral, le salarié se prévaut d'une absence de mesures de prévention après la condamnation de son employeur pour les faits de harcèlement moral qu'il a subis, d'une absence de sanction du salarié l'ayant harcelé, d'un défaut de prise en charge médicale, d'un manque de respect des recommandations médicales sur son affectation dans un environnement de travail propice, du refus de lui reconnaître le statut d'accidenté du travail, de la privation brutale de solde, d'un dénigrement auprès de l'autorité préfectorale, d'une suppression de son autorisation de port d'arme, d'une atteinte à son intégrité physique, d'un traitement différent de celui accordé à d'autres salariés qui ont bénéficié de la réparation de leur préjudice dans le cadre de protocoles amiables, du manquement par l'employeur à ses engagements ainsi que de la décision de radiation dont il a fait l'objet. Il soutient que ces agissements ont entraîné une importante dégradation de son état de santé.

Cependant, l'atteinte à l'intégrité physique du salarié n'est nullement établie par la seule production d'un certificat médical datant de près d'un mois après les prétendus faits de violence.

Le dénigrement du salarié par l'employeur auprès de l'autorité préfectorale n'est pas davantage avéré, celui-ci s'étant contenté de rapporter en des termes mesurés et appropriés des faits objectifs concernant la situation du salarié en rapport avec son autorisation de port d'arme.

L'employeur n'a pas manqué à son engagement unilatéral du 25 juillet 2012 de reprendre le traitement à taux plein du salarié au-delà de six mois alors qu'une somme de 39.000 euros lui a été versée par son employeur sur sa paie de septembre 2012.

Les autres faits invoqués sont en revanche prouvés dans leur matérialité.

Pris ensemble, ils laissent supposer le harcèlement moral.

Il incombe dès lors à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Or, la qualification d'accident du travail a été exclue par décision judiciaire désormais définitive. Le fait pour [S] de ne pas avoir bénéficié de ce statut protecteur est donc nécessairement objectivement justifié.

Dès lors, alors que le salarié ne fournissait plus de travail et n'était pas arrêté pour accident du travail, le défaut de paiement de l'intégralité de son traitement à compter de février 2012 est également justifié, étant souligné au surplus que l'employeur a volontairement procédé à un versement amiable de 39.000 euros en septembre 2012.

Par ailleurs, alors que, contrairement à d'autres salariés et malgré les très nombreuses tentatives de rapprochement amiable de son employeur, M. [S] a systématiquement refusé les propositions de réparation qui lui étaient faites comme celles d'organiser sa reprise d'activité dans des conditions adaptées à son état de santé et lui permettant de ne plus être en contact avec la personne définitivement condamnée pour harcèlement moral, le défaut de prise en charge médicale, d'affectation dans un environnement de travail propice et le traitement différent de celui accordé à d'autres salariés qui ont bénéficié de réparation dans le cadre de protocoles amiables qu'ils ont, pour leur part, acceptés sont également justifiés.

La caducité du port d'arme octroyé au salarié n'est pas imputable à l'employeur. Elle est en tout état de cause justifiée par la décision de l'autorité préfectorale du 20 octobre 2014 motivée par le fait que l'appelant n'a pas réalisé ses séances d'entraînement réglementaires compte tenu de son arrêt maladie et par 'son placement dans un centre psychiatrique à la suite d'un incident au cours desquels il a manifesté sa dangerosité et des intentions suicidaires'.

Il ressort par ailleurs de ce qui précède que la sanction de radiation est justifiée et proportionnée aux faits qu'elle sanctionne.

Dès lors, à l'exception de l'absence de sanction disciplinaire délivrée à l'encontre de l'auteur des faits de harcèlement moral définitivement reconnus, les fait invoqués par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Or, même à supposer que ce défaut de sanction puisse être constitutif d'un harcèlement, alors que l'employeur a démontré sa volonté de ne pas permettre que le salarié soit mis en présence de cette personne, ce fait unique ne permet pas de retenir le harcèlement moral qui suppose nécessairement une répétition d'agissements.

Le moyen tiré de l'annulation en raison des faits de harcèlement moral dont le salarié aurait été victime sera dès lors écarté

5.2 : Sur l'annulation en raison de la violation du statut protecteur pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, de discrimination et malgré le statut de lanceur d'alerte

Aux termes de l'article L.1152-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1132-3 du même code ajoute qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné des agissements discriminatoires.

Enfin, aux termes de l'article L.1132-3-3 du code du travail dans sa version applicable, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. En cas de litige relatif à l'application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au cas présent, si M. [S] a effectivement dénoncé des faits de harcèlement moral et de discrimination, la décision de radiation ne vise aucunement cette dénonciation.

Par ailleurs, la décision de radiation n'est aucunement concomitante à cette dénonciation plus de huit ans plus tôt.

Ce moyen sera donc également écarté.

La demande d'annulation de la mesure de radiation sera donc rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.

6 : Sur les demandes subséquentes à la rupture

La mesure de radiation étant régulière et reposant sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande de réintégration du salarié, ses demandes subséquentes de reconstitution de sa carrière professionnelle, de classification à la qualification C niveau 1 position 11, de paiement de l'intégralité de sa rémunération, des congés payés et des avantages à compter du 1er janvier 2015 jusqu'à la date à laquelle il sera effectivement réintégré à son poste et de régularisation intégrale des cotisations sociales correspondantes.

Il sera également confirmé sur le rejet de la demande subsidiaire d'indemnité de licenciement.

La procédure étant régulière, il convient de rejeter la demande subsidiaire nouvelle en cause d'appel, de voir condamner la SNCF à lui payer la somme de 3.768 euros pour licenciement irrégulier. Le jugement sera complété en ce sens.

7 : Sur les demandes indemnitaires

7.1 : Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Il résulte des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail que pèse sur l'employeur une obligation de sécurité, portant sur la santé et la sécurité tant physiques que mentales des personnes qui travaillent pour son compte. Il appartient à celui-ci de démontrer qu'il a pris toutes les mesures nécessaires de manière à éviter tout risque professionnel. Par ailleurs, en application de l'article L.1152-4 du code du travail, l'employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En l'espèce, l'employeur justifie avoir mis en place une mesure de médiation, avoir reçu à de multiples reprises M. [S] et lui avoir proposé des visites médicales de reprise. Il n'a dès lors pas manqué à son obligation de sécurité.

En l'absence de harcèlement moral et de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le jugement sera confirmé sur le rejet des demandes indemnitaires subséquentes pour préjudice moral, préjudice physique et atteinte à la réputation.

7.2 : Sur les documents de fin de contrat

Les documents de rupture, qui sont quérables et non portables, ont été établis le 19 juin 2015, ils sont conformes à la situation du salarié de telle sorte qu'aucun manquement de l'employeur à ses obligations à ce titre n'est établi. Le jugement sera donc confirmé sur le rejet de la demande de dommages et intérêts liée à la remise des documents de fin de contrat.

7.3 : Sur la demande reconventionnelle de la SNCF

La responsabilité pécuniaire du salarié ne peut être engagée qu'en cas d'intention de nuire qui, en l'espèce, n'est ni établie ni même alléguée.

En application des articles 1240 et 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus de droit que lorsqu'il procède d'une faute et notamment s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol ; l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute. Il n'est pas justifié que les conditions sont réunies en l'espèce.

La SNCF verra sa demande reconventionnelle rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

8 : Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

Le salarié, partie perdante, supportera les dépens de l'appel, ainsi qu'une somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour :

- DÉCLARE irrecevables les pièces transmises après l'ordonnance de clôture ;

- CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 20 décembre 2019 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

- REJETTE la demande d'indemnité pour procédure irrégulière ;

- CONDAMNE M. [Z] [S] à payer à l'EPIC SNCF Mobilités devenu la SA société nationale SNCF la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE M. [Z] [S] aux dépens.

La greffière, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03780
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;20.03780 ?
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