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05/07/2023 | FRANCE | N°19/08096

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 05 juillet 2023, 19/08096


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 5 JUILLET 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08096 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CALYV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 18/00052



APPELANTE



SASU DERICHEBOURG POLYSOTIS

[Adresse 1]

[Localité 4]


Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477



INTIME



Monsieur [D] [V]

chez [R] [V] [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me I...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 5 JUILLET 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08096 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CALYV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 18/00052

APPELANTE

SASU DERICHEBOURG POLYSOTIS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIME

Monsieur [D] [V]

chez [R] [V] [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Isabelle JUVIN MARLEIX, avocat au barreau de PARIS, toque : C1526

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Madame Anne-Gaël BLANC, Conseillère

Madame Florence MARQUES, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Madame Manon FONDRIESCHI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Polysotis est une filiale du Groupe Derichebourg appartenant à la division Environnement, lequel propose une gamme de prestations dans les services à l'environnement et les services aux entreprises comme la propreté, l'énergie et l'intérim.

M. [D] [V], né en 1985, a été engagé par la société Polysotis, en qualité d'équipier de collecte, selon contrat à durée déterminée du 15 février 2016 pour remplacement de M. [T] [W], absent pour accident du travail, pour une durée minimale de 15 jours à compter du 19 février, avec reprise d'ancienneté au 19 novembre 2015.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des activités du déchet (IDCC 2149).

Le 10 juillet 2017, M. [D] [V] a eu un accident du travail, à la suite duquel il a été en arrêt de travail jusqu'au 2 octobre 2017.

Par courrier du 20 septembre 2017, la société Polysotis a notifié au salarié le terme du contrat de travail le 21 septembre 2017, par l'effet du retour de M. [W] qu'il remplaçait.

M. [D] [V] a saisi le 16 janvier 2018 le conseil de prud'hommes de Créteil aux fins d'obtenir la requalification de ses contrats de mission et à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée et dire que l'expiration du dernier de ces contrats s'analyse comme une rupture sans cause réelle et sérieuse. Il sollicitait en conséquence, la condamnation de la société Polysotis à lui payer les sommes suivantes :

* 2.000 euros d'indemnité de requalification des missions d'intérim ;

* 15.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement illicite et, subsidiairement, pour rupture abusive,

* 1.774,89 euros d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 3.549,78 euros d'indemnité de préavis et 354,97 euros d'indemnité de congés payés y afférents,

* 1.331,16 euros d'indemnité légale de licenciement,

* 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* ainsi qu'aux entiers dépens.

Il demandait également d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article L.1343-2 du code civil et la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire, sous astreinte de 50 euros par jour et par document, le conseil se réservant la faculté de liquider l'astreinte ainsi ordonnée.

Par jugement du 17 juin 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil a requalifié la rupture du contrat à durée déterminée du 21 septembre 2017 en licenciement sans cause réelle ni sérieuse et condamné la société Polysotis à verser au demandeur les sommes suivantes :

* 3.549,78 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 354,97 euros d'indemnité de congés payés afférents,

* 1.331,16 euros au titre d'indemnité légale de licenciement,

* 10.649,34 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 1.300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Polysotis de remettre à M. [D] [V] un certificat de travail, un bulletin de paye et une attestation Pôle Emploi conformes au jugement,

- débouté M. [D] [V] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Polysotis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les intérêts et leur capitalisation sont de droit,

- mis les dépens à la charge de la défenderesse.

Par déclaration du 16 juillet 2019, la société Polysotis a régulièrement interjeté appel de cette décision notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 12 juillet 2019.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 septembre 2022, l'appelante, demande à la cour :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil du 17 juin 2019 en ce qu'il a requalifié la rupture du contrat à durée déterminée de M. [D] [V] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil du 17 juin 2019 en ce qu'il a débouté M. [D] [V] de sa demande de requalification de ses missions d'intérim en un contrat de travail à durée indéterminée,

Statuant à nouveau :

A titre principal,

- de débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, de sa demande d'indemnité légale de licenciement, de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure et de sa demande d'indemnité de requalification des missions d'intérim,

A titre subsidiaire,

- d'allouer à M. [D] [V] une somme symbolique au titre des dommages-intérêts pour rupture abusive,

En tout état de cause,

- de débouter M. [D] [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [D] [V] au paiement de la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 juillet 2022, l'intimé demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de requalifier les contrats de missions en contrats à durée indéterminée et réitère en conséquence ses demandes financières de première instance. S'agissant des frais irrépétibles, il demande l'allocation de la somme de 3.000 euros, 'outre la somme octroyée à ce titre en première instance'.

Il sollicite enfin à nouveau la condamnation de son employeur aux dépens, ainsi qu'à lui remettre les documents de fin de contrat, et ce, toujours sous la même astreinte ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur la requalification des missions d'interim et contrats à durée déterminée

M. [D] [V] sollicite la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée sans solution de continuité depuis le 20 février 2014, en soutenant avoir ainsi pourvu un emploi durable et permanent de la société.

La société Polysotis conteste non seulement l'occupation d'un tel emploi, mais nie avoir employé M. [D] [V] dans le cadre de la succession de contrat de travail temporaire, dont il est demandé la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle rappelle que la société Janus Ile de France, entreprise de travail temporaire par l'intermédiaire de laquelle la salariée soutient avoir effectué des missions d'interim pour la société Polysotis, a pour objet l'insertion des personnes en grande difficulté.

Sur ce

L'article L 1242-2 du contrat de travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié, l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

Aux termes de l'article L. 1251-40 du Code du travail dans sa version applicable à l'époque des faits, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Aux termes de l'article L. 1251-5 du Code du travail le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Reprenant les motifs du premier juge qui a relevé qu'il n'est pas démontré que l'intéressé a travaillé dans le cadre de contrats de mission au profit de la société Polysotis, la cour rejette la demande de requalification.

2 : Sur la licéité de la rupture

M. [D] [V] soutient que la rupture est irrégulière comme intervenue pendant un arrêt maladie faisant suite à un accident du travail, c'est-à-dire pendant une période de suspension du contrat de travail qui ne permet la rupture que pour faute grave. Subsidiairement il prétend que la rupture est sans cause réelle et sérieuse pour avoir été notifiée avant le terme du contrat à durée déterminée.

La société Polysotis oppose que le contrat a pris fin par le seul effet de la fin de l'arrêt maladie du salarié remplacé.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

La rupture n'est ainsi prohibée hors faute grave, force majeure ou inaptitude constatée par le médecin du travail, que lorsqu'elle est à l'initiative de l'employeur et non par le seul effet du terme.

M. [W], en remplacement duquel M. [D] [V] avait été embauché par contrat de mission, a été en arrêt maladie jusqu'au 21 septembre 217, date, selon l'employeur, du terme du contrat de mission, mais a fait l'objet d'une visite de reprise le même jour le déclarant inapte, de sorte qu'il a été licencié par lettre du 9 octobre 2017 pour inaptitude.

C'est donc cette dernière date, fin de l'absence, qui était l'échéance du contrat précaire et non la fin de l'arrêt maladie de M. [W], soit le 21 septembre 2017.

Par suite, l'employeur a rompu le contrat avant l'échéance du terme, sans qu'il soit reproché au salarié une faute grave.

Dés lors que cette rupture anticipée est abusive.

3 : Sur les conséquences financières de la rupture

Les demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure et de délivrance des documents de fin de contrat qui sont fondées sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée doivent être rejetées.

Aux termes de l'article L. 1243-4 du Code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.

Il restait à courir au moment de la rupture jusqu'à la date d'expiration du contrat 18 jours.

Compte tenu, notamment, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [V], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 1 000 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive.

4 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner l'employeur qui succombe à verser à M. [D] [V] la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel.

Pour les mêmes motifs, la société Polysotis sera déboutée de ses prétentions de ces chefs et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

INFIRME le jugement déféré sauf sur la demande d'indemnité de requalification et sur la demande de la société Polysotis fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau ;

CONDAMNE la société Polysotis payer à M. [D] [V] la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive et celle de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

REJETTE les demandes de M. [D] [V] en paiement d'une indemnité de préavis, de l'indemnité de congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure et de délivrance des documents de fin de contrat ;

CONDAMNE la société Polysotis aux dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

CONDAMNE la société Polysotis à payer à M. [D] [V] la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

REJETTE la demande de la société Polysotis au titre des frais irrépétibles d'appel ;

CONDAMNE la société Polysotis aux dépens d'appel ;

La greffière, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/08096
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;19.08096 ?
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