REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 03 JUILLET 2023
(n° 316, 5 pages)
N° du répertoire général : N° RG 23/00322 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHZFH
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Juin 2023 -Tribunal Judiciaire d'EVRY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 23/01804
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 29 Juin 2023
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Agnès MARQUANT, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Mélanie THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANTE
Madame [G] [E] (Personne faisant l'objet de soins)
née le 22/11/1977 à [Localité 3] (GABON)
demeurant [Adresse 1]
Actuellement hospitalisée au Centre hospitalier d'[Localité 6]
comparante en personne assistée de par Me Gloria DELGADO HERNANDEZ, avocat commis d'office au barreau de Paris,
INTIMÉ
M. LE PRÉFET DE L'ESSONNE
demeurant ARS d'Ile de France - [Adresse 2]
non comparant, non représenté,
PARTIE INTERVENANTE
M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER D'[Localité 6]
demeurant [Adresse 8]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme M.-D. PERRIN, avocate générale,
DÉCISION
Par arrêté du maire de [Localité 4] du 15 juin 2023 puis par arrêté du préfet de l'Essonne du 16 juin 2023, Mme [G] [E] a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous forme d'hospitalisation complète au sein du Groupe hospitalier [5] Site d' [Localité 6].
Par requête du 20 juin 2023 reçue le 21 juin 2023, le préfet de l'Essonne a saisi le juge des libertés et de la détention d'Evry en poursuite de la mesure.
Par ordonnance du 22 juin 2023, le juge des libertés et de la détention d'Evry a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [G] [E].
Par courriel du 25 juin 2023 au greffe de la cour d'appel de Paris et enregistré le 26 juin 2023 qui lui a été notifiée le 23 juin 2023.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 29 juin 2023.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, publiquement.
Mme [G] [E] sollicite la levée de la mesure, faisant valoir notamment qu'elle ne souffre pas de troubles mentaux et que les médecins apprécient son état de santé sans avoir eu accès aux procédures pénales qu'elle a pu évoquer.
Suivant conclusions transmises le 28 juin 2023, le conseil de Mme [G] [E] a sollicité l'infirmation de l'ordonnance, soulevant l'irrégularité de la procédure d'hospitalisation portant atteinte aux droits de la patiente, en raison notamment
-du défaut de motivation des arrêtés d'admission du maire et de la préfecture,
-le caractère prématuré de l'avis motivé du 16 juin 2023 avant l'audience du 20 juin 2023,
-l'absence de diligences pour rechercher la famille ou des proches et les aviser de la mesure d'hospitalisation complète,
-la notification tardive de l'arrêté d'admission.
Sur le fond, il est demandé de constater l'absence de conditions de fond pour maintenir la mesure.
Le ministère public sollicite oralement Mme [G] [E] le rejet des moyens et la confirmation de la décision sur le fond .
Mme [G] [E] a eu la parole en dernier.
La préfecture de l'Essonne et le directeur du Groupe Hospitalier [5] Site d'[Localité 6] ne se sont pas fait représenter et n'ont pas transmis d'observations.
MOTIFS
En application de l'article L. 3213-2 du code précité, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire arrête, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l'article L. 3213-1.
L'article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Selon l'article L. 3211-12-1 du même Code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département, n'ait statué sur cette mesure, avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission.
En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.
Sur le premier moyen tiré du défaut de motivation des décisions d'admission.
Vu les articles L3213-2 du code précité, L 211-2, 1°, 211-5 et 211-6 du code des relations entre le public et l'administration ;
L'arrêté municipal d'admission en soins psychiatriques sans consentement doit être spécialement motivé par l'autorité décisionnaire au regard des critères d'admission prévus par la loi et des éléments disponibles au jour de la décision. Il incombe au maire sous le contrôle du juge, de caractériser les troubles observés par le médecin qui ont pour conséquence de compromettre la sûreté des personnes ou l'ordre public. Si l'obligation de motivation incombe au premier chef à l'autorité décisionnaire, il est admis que satisfait à l'exigence de motivation, la décision administrative qui procède par référence à un certificat médical suffisamment circonstancié pour répondre aux critères d'admission légaux, dès lors que celui-ci est annexé à la décision.
En l'espèce, l'arrêté d'admission du maire de [Localité 4] qui mentionne que les troubles mentaux manifestes de Mme [G] [E] constituent un danger imminent pour la sureté des personnes se réfère au certificat médical du 15 juin 2023 du Docteur [U] du Centre hospitalier [7] dont il s'approprie les termes et l'annexe à la décision administrative. Ce médecin relève notamment que la patiente a été placée en garde à vue pour intimidation et outrage à magistrat et présente un délire de persécution avec anosognosie totale.
Le contenu de ce certificat médical d'admission décrit bien une patiente dangereuse pour autrui et présentant des troubles mentaux conformément aux exigences de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.
L'arrêté d'admission du préfet de l'Essonne qui se réfère également au certificat médical du 15 juin 2023 du Docteur [U] , joint à l'arrêté dont il s'approprie les termes répond également aux exigences légales prévues par l'article L3213-1 du code précité en relevant que les troubles mentaux de Mme [G] [E] nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Il convient donc de rejeter le moyen.
Sur le deuxième moyen tiré du caractère prématuré de l'avis motivé du 16 juin 2023
Aux termes de l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète; que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement.
Aux termes de l'article R3211-12 5° b) du CSP, est communiqué au juge des libertés et de la détention afin qu'il statue l'avis d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l'objet de soins, indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition.
Selon l'article L. 3211-12-4 du même Code, lorsque l'ordonnance mentionnée au même premier alinéa a été prise en application de l'article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d'appel au plus tard quarante-huit heures avant l'audience.
Selon l'article L.'3216-1 du même code de la santé publique, l'irrégularité affectant une décision administrative d'admission en soins psychiatriques sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.
En l'espèce, le moyen tiré du caractère trop ancien de l'avis motivé du 16 juin 2023 qui acccompagnait la requête de la préfecture n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la patiente dès lors que l'objet de l'avis médical tend à indiquer les motifs médicaux qui feraient obstacle à l'audition de la personne malade et que Mme [G] [E] comparante, a pu être entendue tant en première instance qu'en appel.
En outre, l'avis remontant au 16 juin 2023 a été transmis à cette date soit avant le délai légal de quarante-huit heures avant l'audience du 20 juin 2023. L'établissement a également transmis le 27 juin 2023 un nouvel avis de situation établi le même jour avant l'audience du 29 juin 2023. La juridiction dispose donc d'une situation réactualisée de l'état de santé de la patiente .
Aucune irrégularité n'étant caractérisée, le moyen de l'appelante sera rejeté.
Sur le troisième moyen tiré de l'absence de diligences pour rechercher la famille ou des proches et les aviser de la mesure d'hospitalisation complète
En application de l'article L3213-9 du code de la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département avise dans les vingt-quatre heures de toute admission en soins psychiatriques prise en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre ou sur décision de justice, de toute décision de maintien et de toute levée de cette mesure :
1° Le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé l'établissement d'accueil de la personne malade et le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel celle-ci a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour ;
2° Le maire de la commune où est implanté l'établissement et le maire de la commune où la personne malade a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour ;
3° La commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5;
4° La famille de la personne qui fait l'objet de soins ;
5° Le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé.
Le représentant de l'Etat dans le département informe sans délai les autorités et les personnes mentionnées aux 1° à 5° de toute décision de prise en charge du patient sous une autre forme que celle d'une hospitalisation complète.
En l'espèce, la préfecture mentionne dans l'article 3 de son arrêté que la décision doit être portée à la connaissance de la famille mais n'a pas justifié de l'effectivité de cette information. Toutefois, la patiente n'allègue ni ne justifie avoir communiqué les coordonnées de membres de sa famille qui auraient du être avisés et ne justifie pas davantage d'une atteinte à ses droits qui aurait résulté du défaut d'information, au visa de l'article L. 3216-1 précité.
Le moyen doit être rejeté.
Sur le quatrième moyen tiré de la notification tardive de l'arrêté d'admission
Il résulte de l'article L. 3211-3, b) du code de la santé publique que toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques contraints est informée'le plus rapidement possible, d'une manière appropriée à son état de la décision d'admission et dès l'admission ou aussitôt que son état le permet, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.
L'acte de notification de la décision d'admission du 16 juin 2023 daté du 19 juin 2023 présente un caractère tardif, sans que soit justifiée une cause médicale à ce retard.
Toutefois,l'intéressée ne démontre pas à l'exercice de quel droit spécifique cette irrégularité a pu porter concrètement atteinte, au visa de l'article L 3216-1 du code de la Santé Publique, faisant uniquement référence à l'impossibilité de faire valoir utilement ses droits.
Au surplus, si une atteinte était portée et démontrée, celle-ci ne pourrait qu'être appréciée au regard du droit de l'intéressé à ce que sa santé et son intégrité physique soient protégées, y compris contre sa volonté.
En l'espèce, il convient de constater que la patiente a ensuite refusé le 21 juin 2023 l'acte de notification de la décision de maintien du 20 juin 2023 qui ne présentait aucun caractère tardif.
Le moyen doit être rejeté, aucune irrégularité ayant fait grief n'étant caractérisée.
Sur la poursuite de la mesure.
Si le juge doit rechercher tant dans la motivation de la décision du directeur que dans les certificats médicaux communiqués, la réunion des conditions légales nécessaires à justifier l'admission en soins psychiatriques sans consentement, il ne lui appartient pas de substituer son avis ou de dénaturer la teneur des éléments médicaux résultant des constatations personnelles des psychiatres ayant établi ces certificats.
Ainsi,l'ensemble des pièces de la procédure et des certificats médicaux communiqués, nécessaires au contrôle obligatoire de la mesure de soins contraints, répond aux exigences de l'article R. 3211-12 du code de la santé publique.
Il résulte de l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure et notamment du certificat médical de situation du 27 juin 2023 qui relève que la patiente est de bon contact mais demeure délirante sur la même thématique de persécution ne critique pas ses troubles de comportement et reste dans le déni de toute pathologie mentale. Il est conclu à la nécessité de la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète pour une meilleure adhésion à la prise en charge et désamorcer les tensions familiales.
Mme [G] [E] présente encore des troubles mentaux dont elle n'a pas conscience qui nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes, compte-tenu du délire de persécution persistant, ces éléments justifiant la poursuite de cette mesure d'hospitalisation complète sous contrainte . Dès lors, il convient de confirmer l'ordonnance querellée.
PAR CES MOTIFS
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire,
DÉCLARONS l'appel recevable ,
REJETONS les exceptions d'irrégularité,
CONFIRMONS l'ordonnance ,
LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat
Ordonnance rendue le 03 JUILLET 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 03 juillet 2023 par fax / courriel à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris