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30/06/2023 | FRANCE | N°19/09530

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 30 juin 2023, 19/09530


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 30 JUIN 2023



(n° , 7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/09530 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUOO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/00753





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE

[Localité 2]

r

eprésentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIMÉE

Société [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Olivia COLMET DAAGE, avocat au barreau de PARI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 30 JUIN 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/09530 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUOO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/00753

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE

[Localité 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMÉE

Société [6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Olivia COLMET DAAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346, substituée par Me Emilie WILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346

Monsieur [Y] [K]

[Adresse 3]

[Localité 5]

ni comparant, ni représenté, ayant pour conseil Me Philippe ACHACHE , avocat au barreau de Val de Marne , toque PC238

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Madame Bathilde CHEVALIER, conseillère

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu au 09 juin 2023, prorogé au 30 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Seine-et-Marne (la caisse) d'un jugement rendu le 4 septembre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny dans un litige l'opposant à la S.A. [6] (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de mentionner que [R] [H], salarié de la société depuis le 1er août 2006 en qualité d'opérateur de fabrication, a complété une déclaration de maladie professionnelle le 6 décembre 2017 pour une scapulalgie gauche avec fissuration sus épineux, sur la base d'un certificat médical initial établi le 13 novembre 2017 faisant mention de « scapulalgies gauches avec fissuration sus épineux ».

Le 26 avril 2018, la caisse a notifié à la société sa décision de prise en charge de la maladie « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche inscrite dans le tableau n° 57 » des maladies professionnelles.

Après avoir saisi en vain la commission de recours amiable d'une demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge, la société a porté le litige devant le tribunal de grande instance de Bobigny le 21 janvier 2019.

Par jugement en date du 4 septembre 2019, le tribunal a :

- déclaré recevable le recours de la société ;

- déclaré ce dernier bien-fondé ;

- fait droit à la demande d'inopposabilité de la société ;

- déclaré inopposable à la société la décision de la caisse en date du 26 avril 2018 de reconnaître l'origine professionnelle de la maladie déclarée par l'assuré le 6 décembre 2017 faute de justifier de la réalisation d'une IRM objectivant la pathologie visée au tableau 57A « tendinopathie chronique de la coiffe de rotateur de l'épaule gauche » ;

- déclaré inopposables à la société les soins et arrêts de travail prescrits au titre de la maladie précitée ;

- dit n'y avoir lieu à trancher les autres moyens de droit soulevés par la société ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que le tableau numéro 57 des maladies professionnelles exige pour retenir la lésion qualifiée de tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs que celle-ci soit objectivée par une IRM ; que si le colloque médico-administratif mentionne la réalisation de celle-ci, il ne précise nullement la date de sa réalisation et l'identité du médecin l'ayant réalisée ; que ce faisant, la caisse viole la circulaire CNAMTS 19/2016 du 13 octobre 2016 qui présente un caractère impératif.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 9 septembre 2019 à la caisse qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusation de réception adressée le 30 septembre 2019.

[Y] [K] a été appelé en la cause.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, au visa des articles L. 315-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale et du tableau n° 57A des maladies professionnelles, de :

- infirmer le jugement du 4 septembre 2019 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- débouter la société de toutes ses demandes ;

- déclarer opposable à la société la décision du 26 avril 2018 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par l'assuré ;

- condamner la société aux entiers dépens.

La caisse fait valoir en substance que :

- les circulaires sont dépourvues de force obligatoire et n'ont pas de caractère impératif ;

- le code de la sécurité sociale n'impose nullement au médecin-conseil de reporter les données exhaustives relatives à l'IRM ;

- la date de l'IRM est parfaitement identifiable au vu des éléments produits en première instance ;

- sollicité par le service administratif, le service médical, le 28 novembre 2017, a complété l'imprimé en indiquant que la date de première constatation médicale correspondait à la date de réalisation d'une IRM datée du 2 novembre 2017 ;

- c'est également ce qui ressort du colloque médico-administratif au terme duquel le médecin-conseil indique que c'est l'IRM qui a permis de fixer la date de première constatation médicale au 2 novembre 2017 ;

- La circonstance que l'identité du praticien ayant réalisé l'image n'apparaisse pas au sein du colloque médico-administratif est indifférente dès lors qu'elle ne cause aucun grief à l'employeur qui, pas plus que les services administratifs de la caisse, ne peut avoir accès à cet examen couvert par le secret médical ;

- la Cour de cassation a rappelé dans plusieurs arrêts que les IRM qui ne peuvent être examinées que dans le cadre de l'expertise n'ont pas à figurer dans les pièces du dossier d'instruction des services administratifs de la caisse ;

- la cour de céans juge également dans ce sens dans des affaires similaires ;

- le colloque médico-administratif est parfaitement clair et précis et permet d'identifier clairement que les conditions relatives à la désignation de la pathologie sont parfaitement remplies ;

- le médecin-conseil a mentionné une « tendinopathie épaule gauche » et renseigné le code syndrome 057AAM96D désignant plus spécifiquement une « tendinopathie chronique non rompue, non calcifiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (avec ou sans enthésopathie) gauche », diagnostic objectivé par l'IRM du 2 novembre 2017, élément médical extrinsèque ;

- sur l'exposition au risque, aux fins de vérifier que la condition était bien remplie une instruction a été diligentée par voie de questionnaires ;

- il s'infère des questionnaires complétés par l'employeur et l'assuré que ce dernier, l'opérateur de fabrication, travaillait principalement sur la ligne de conditionnement et qu'il devait alimenter cette ligne de couvercles et de seaux vides afin que ceux-ci se remplissent de colle ;

- ces activités entraînent nécessairement un décollement des bras par rapport au reste du corps, par ailleurs la cadence peut aller jusqu'à 6000 seaux par jour ;

- L'employeur a également confirmé la réalisation des tâches telles que présentées par le salarié et le fait que les gestes réalisés entraînent un décollement des bras au-delà de 60° pour le côté droit plus de 3,5 heures par jour ;

- la société n'a pas rempli la durée journalière d'activité au-delà de 60° pour l'épaule gauche alors même qu'elle avait conscience que le questionnaire ne concernait que le côté gauche tel que mentionné sur la première page ;

- la carence de l'employeur, involontaire ou non, ne peut préjudicier les droits de l'assuré ni ceux de la caisse ;

- il était donc incontestable que l'épaule gauche était sollicitée notamment au moment du port et du chargement des seaux plus de 02h00 par jour et avec des mouvements supérieurs à 60° d'autant que dans son questionnaire, l'employeur ne nie pas que son salarié ait été exposé aux mouvements lésionnels précités ;

- compte tenu des tâches effectuées il est difficile de croire que seul le côté droit ait été mobilisé lors de la manipulation des seaux et des couvercles.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

- déclarer le recours de la société recevable et bien fondé ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 4 septembre 2019 par substitution de motifs ;

Vu les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et le tableau n° 57 des maladies professionnelles, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

- constater que la caisse ne démontre aucunement l'exposition au risque de l'assuré ;

En conséquence,

- dire et juger que la décision de la caisse de prendre en charge la pathologie du 13 novembre 2017 déclarée par l'assuré est inopposable à la société ainsi que l'ensemble de ses conséquences.

Ne reprenant pas le moyen tiré des mentions de l'IRM dans le colloque médico-administratif, à titre principal, la société réplique en substance que :

- la caisse ne justifie pas le respect des conditions administratives et médicales du tableau n° 57 des maladies professionnelles et en particulier la troisième condition qui réside dans l'exposition au risque du salarié ;

- le tableau en cause expose une liste limitative des travaux qui doit être étudiée au titre de la maladie retenue par la caisse ;

- pour procéder à l'étude des mouvements réalisés par l'assuré, la caisse a notamment adressé un questionnaire à la société sur le poste de travail et l'a accompagné de schémas montrant les mouvements recherchés du membre en rapport avec la pathologie concernée ;

- dans son questionnaire, l'employeur a précisé que le poste de travail de l'assuré ne l'exposait pas à des travaux comportant des mouvements avec un angle au-delà de 60° pour une durée cumulée journalière supérieure à 02h00, ni à des mouvements avec un angle de 90° pour une durée supérieure à 01h00 cumulée ;

- dans ces circonstances, la caisse ne rapporte nullement la preuve du respect de la condition tenant à la liste limitative des travaux réalisés alors que la charge de la preuve lui incombe ;

- les informations recueillies auprès de l'employeur aboutissant à une absence d'exposition au risque et aucun autre élément n'étant en sa possession la caisse aurait dû acter l'absence d'exposition au risque du salarié et compléter sa mesure d'instruction en diligentant une enquête administrative et en se rendant dans les locaux professionnels pour constater de visu les conditions de travail de l'assuré ;

- devant la cour, la caisse continue de procéder par pures allégations et suppositions en indiquant que la carence de l'employeur ne peut pas préjudicier les droits du salarié ou de la caisse, néanmoins aucune carence ne saurait être reprochée à l'employeur ce dernier ayant répondu au questionnaire adressé par la caisse ;

- la caisse en réalité ne fait que lui reprocher de ne pas répondre dans le même sens que l'assuré et ne procède pas de manière objective à la démonstration d'une exposition réelle au risque.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 21 mars 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

[Y] [K] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception qui a été retournée à la cour avec la mention « pli avisé et non réclamé ». Il n'est ni présent ni représenté à l'audience.

SUR CE :

- Sur la convocation de [Y] [K]

Les parties indiquent que l'intéressé n'était pas partie en première instance et n'était pas l'assuré concerné par ce litige et qu'elles ne savent pas pourquoi il a été convoqué en la cause.

Aucune trace d'intervention volontaire de [Y] [K] ou de demande de convocation en intervention forcée n'est retrouvée au dossier. Il est constant que l'intéressé n'était pas dans la cause en première instance.

Dans ces conditions, il n'y pas lieu d'ordonner le renvoi et la citation de l'intéressé par la caisse.

L'intéressé sera mis hors de cause.

- Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge :

Selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, applicable au litige, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions prévues à ce tableau.

Selon le tableau n° 57A des maladies professionnelles, relatif aux « affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », est présumée de nature professionnelle, sous réserve que les autres conditions soient remplies, notamment, la tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ou un arthroscanner en cas de contre-indication à l'IRM.

En l'espèce, le certificat médical initial en date du 13 novembre 2017 fait mention de « scapulalgies gauches avec fissuration sus épineux » et indique comme date de première constatation le 2 novembre 2017 (pièce n° 1 des productions de la caisse).

Le colloque médico-administratif porte mention de l'accord du médecin-conseil sur le diagnostic figurant sur le certificat médical initial, lequel comporte la mention de la latéralité de la pathologie, mentionne le code syndrome 057AAM96D, outre le libellé du syndrome « tendinopathie épaule gauche », et enfin que les conditions médicales réglementaires du tableau sont remplies, la case « oui » étant cochée. En outre, le médecin-conseil a fixé la date de première constatation médicale au 2 novembre 2017 en précisant que cette date était fixée au regard de l'« IRM épaule gauche » (pièce n° 6 des productions de la caisse).

Dès le 28 novembre 2017, le service médical avait répondu au service administratif que la date de première constatation était le 2 novembre 2017 en raison de l'IRM de l'épaule gauche et en précisant le code « patho » de la maladie professionnelle (pièce n° 2 des productions de la caisse).

Il résulte de cet élément que le médecin-conseil s'est fondé sur un élément extrinsèque à savoir l'IRM du 2 novembre 2017, document qui est couvert par le secret médical, vérifiant ainsi que la pathologie indiquée dans le certificat médical initial correspondait, au-delà de la dénomination utilisée par le médecin traitant, aux conditions médicales prévues par le tableau des maladies professionnelles, pour retenir que les conditions médicales réglementaires du tableau étaient remplies.

Il importe peu que le nom du médecin ayant réalisé l'IRM ne soit pas mentionné dans le colloque médico-administratif, cette mention n'étant pas exigée par le texte légal et son omission ne causant aucun grief à la société, étant observé que l'inobservation de la circulaire invoquée, qui n'a pas de valeur réglementaire, n'est pas sanctionnée par l'inopposabilité de la décision prise par la caisse à l'issue de son instruction.

Il importe peu également que le libellé de la maladie ne soit pas complet dans le colloque médico-administratif dès lors que le code syndrome est complet et exact (Cass. Civ. 2e, 17 février 2022, n° 20-19.124).

Par ailleurs il est constant que l'IRM, élément de diagnostic couvert par le secret médical, n'a pas à figurer dans les pièces du dossier.

La caisse établit ainsi par l'avis du médecin-conseil fondé sur l'élément extrinsèque exigé par le tableau que la condition médicale du tableau n° 57A est remplie au titre d'une « tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ».

La société ne conteste plus aujourd'hui que la condition d'exposition au risque prévue au tableau n° 57A des maladies professionnelles, la condition tenant aux délais n'étant pas discutée.

La société explique qu'il ne ressort pas des éléments du dossier la preuve que son salarié a été exposé au risque tel que décrit dans le tableau, et se fonde sur son propre questionnaire qui n'évoque aucune exposition au titre de l'épaule gauche pour soutenir que la caisse n'a pas cherché à établir cette exposition autrement que par allégations et suppositions.

Néanmoins, il convient de retenir que l'exposition au risque telle que décrite par l'assuré est documentée et précise.

Ensuite, si la seule pièce ne faisant pas mention de cette exposition est le questionnaire de la société, il y a lieu toutefois de relever que cette exposition est parfaitement documentée, précise et certaine pour l'épaule droite selon l'employeur dans ce questionnaire qui avait été pourtant établi au regard de la seule épaule gauche. Surtout, il ne peut pas être omis que le travail de l'assuré est parfaitement décrit et qu'il se déduit de cette description que les mouvements effectués par l'épaule droite le sont obligatoirement par l'épaule gauche, ces mouvements nécessitant l'action coordonnée et simultanée des deux épaules.

En effet, l'assuré, opérateur de fabrication, travaillait principalement sur une ligne de conditionnement. L'assuré devait donc prendre des seaux livrés sur palette en pile, les dépiler ou les introduire dans un dépileur et les placer ensuite un à un sur un convoyeur situé à 1,20 M de hauteur, activité qui entraînait un décollement des bras par rapport au reste du corps. La même opération devait être réalisée avec les couvercles des seaux. Il était indiqué que la cadence de ce travail pouvait aller jusqu'à 6000 seaux, et partant 6000 couvercles, par jour.

La société, dans son questionnaire, a confirmé la réalisation des tâches telles que présentées par le salarié et le fait que les gestes réalisés entraînaient un décollement des bras au-delà de 60° pour le côté droit plus de 3,5 heures par jour, si bien qu'un seau ne pouvant être soulevé qu'avec les deux mains et a fortiori une pile de seaux ne pouvant être désempilée qu'avec les deux mains, l'assuré réalisait en conséquence les mêmes tâches et dans les mêmes conditions avec ces deux bras simultanément entraînant un décollement des bras au-delà de 60° pour le côté gauche comme pour le côté droit plus de 3,5 heures par jour.

La caisse, à raison, invoque la carence de l'employeur dans les réponses qu'il a pu apporter au questionnaire qui pourtant était parfaitement clair et l'interrogeait sur la seule épaule gauche. L'employeur ne peut alors dans ces conditions se prévaloir aujourd'hui de sa carence pour soutenir sérieusement que la caisse s'est seulement fondée sur des suppositions et des allégations pour retenir l'exposition certaine au risque prévu par le tableau 57A, sauf à démontrer que le salarié ne travaillait qu'avec son bras droit pour manipuler les seaux, les désempiler puis les mettre sur la ligne à 1,20 M du sol.

Il s'ensuit que l'exposition au risque est suffisamment établie par les éléments figurant au dossier.

Dans ces conditions, la caisse établissant que les conditions du tableau n°57A des maladies professionnelles étaient remplies, c'est à juste titre qu'elle a pris en charge la maladie déclarée par l'assuré en date du 6 décembre 2017.

En conséquence, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

Succombant en appel, la société sera tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

MET hors de cause [Y] [K] ;

DIT que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 6 décembre 2017 par [R] [H] est opposable à la S.A. [6] ;

CONDAMNE la S.A. [6] aux dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/09530
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;19.09530 ?
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