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30/06/2023 | FRANCE | N°19/09016

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 30 juin 2023, 19/09016


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 30 JUIN 2023



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/09016 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQLZ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/00073





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]
>[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901





INTIMÉ

Monsieur [S] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne



COMPOSITION DE LA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 30 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/09016 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQLZ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/00073

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMÉ

Monsieur [S] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Madame Bathilde CHEVALIER, conseillère

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu au 09 juin 2023 , prorogé au 30 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) d'un jugement rendu le 29 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny dans un litige l'opposant à [S] [E] (l'assuré).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de mentionner que l'assuré, salarié de la société [7] en qualité de personnel des services de protection et de sécurité, a indiqué avoir été victime d'un accident de trajet le 16 mars 2018 à 19h15 entre son lieu de travail et son domicile ; que la déclaration d'accident du travail a été établie par l'employeur le 26 mars 2018 ; que le certificat médical initial établi le 17 mars 2018 fait état des constatations médicales suivantes : « entorse genou droit, tendinite épaule droite » et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 25 mars 2018 ; qu'après mesure d'instruction, par décision du 9 juillet 2018, la caisse a refusé de prendre en charge l'accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels ; que l'assuré a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, laquelle, par décision du 29 août 2018, a confirmé le refus au motif qu'il n'existait au dossier aucun témoignage susceptible de corroborer les déclarations de l'assuré ; que l'assuré a alors porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 16 octobre 2018 ; que le dossier a été transmis au tribunal de grande instance de Bobigny le 1er janvier 2019.

Par jugement du 29 juillet 2019, le tribunal a :

- déclaré l'assuré recevable et bien-fondé en son recours ;

- reconnu l'origine professionnelle de l'accident de trajet dont a été victime l'assuré le 16 mars 2018 ;

- renvoyé l'assuré devant la caisse pour la liquidation de ses droits en application de la législation professionnelle ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens ;

- rejeté tout autre demande des parties.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que la déclaration d'accident du travail indique que l'employeur a connu l'accident le 26 mars 2018 à 14h00 mais que l'assuré produisait le rapport d'émission du fax permettant de constater qu'il avait envoyé à son employeur le certificat médical initial le 18 mars 2018 à 15h51. En outre, le tribunal a relevé que les circonstances de l'accident étaient objectivées par les éléments médicaux, le relevé de badgeage et le planning produits au débat, de sorte qu'en dehors des allégations de l'intéressé, il apparaissait que l'assuré rapportait la preuve de présomptions graves, précises et concordantes de ce qu'il a été victime d'un accident au cours du trajet de son travail à son domicile.

La caisse à laquelle le jugement a été notifié le 30 juillet 2019 en a interjeté appel le 16 août 2019.

Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son conseil qui s'y est oralement référé, la caisse demande à la cour, au visa de l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale, de :

- infirmer le jugement du 29 juillet 2019 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- débouter l'assuré de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner l'assuré aux dépens.

Elle fait valoir en substance que :

- le tribunal s'est fondé sur des pièces qui n'ont pas été communiquées à la caisse en première instance ;

- après consultation du dossier du tribunal, toutes les pièces évoquées dans le jugement n'ont pas été retrouvées ;

- la cour ne peut que constater que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'assuré justifiait du fait accidentel autrement que par ses propres déclarations ;

- l'assuré a informé tardivement son employeur de la survenance de l'accident le 26 mars 2018, soit 10 jours après les faits ;

- le tribunal a considéré que ce n'était pas le cas au regard de l'accusé de réception d'un fax qui n'est pas dans le dossier de la cour et qui correspondrait à l'envoi par l'assuré du certificat médical initial du 18 mars 2018 ;

- rien ne permet en l'état d'établir que cette pièce existe et que le destinataire du fax était bien l'employeur qui a confirmé dans son questionnaire n'avoir été avisé que le 26 mars 2018 ;

- le certificat médical reçu par la caisse le 2 mai 2018 n'est qu'un duplicata établi le 26 mars 2018 et mentionne une date d'accident qui n'est pas la même que celle figurant sur la déclaration d'accident du travail ;

- la déclaration fait état d'un accident du 16 mars 2018 alors que le certificat médical initial fait état d'un accident du 17 mars 2018 ;

- l'assuré n'a prévenu personne de son accident au moment où il s'est produit ni dans un temps voisin de sa survenance que ce soit son employeur ou la société [5] au sein de laquelle il travaillait ;

- aucun témoin n'était présent lors de l'accident permettant d'attester de la réalité des faits ;

- les lésions constatées le 17 mars 2018 soit le lendemain de l'accident invoqué, ne sont pas imputées à des faits du 16 mars 2018 ;

- aucun élément extrinsèque ne permet de justifier la matérialité de l'accident, laquelle repose exclusivement sur les déclarations de l'assuré.

Il est renvoyé aux écritures de la caisse, visées par le greffe à l'audience, pour un exposé complet de ses moyens et arguments.

Présent à l'audience, l'assuré demande oralement à la cour de confirmer le jugement.

Il réplique en substance que :

- la date figurant sur le certificat médical est une erreur du médecin prescripteur ;

- le 16 mars 2018, il a fini sa journée de travail vers 19h00 sur le site [5] où il était affecté ;

- il est allé prendre le métro à la station Carrefour-Pleyel pour se rendre jusqu'à la station Robespierre qui est celle qui est la plus proche de son domicile ;

- c'est son trajet habituel entre son lieu de travail et son domicile ;

- il est tombé dans l'escalier du métro vers 19h15 ;

- il a déclaré cet accident à son employeur dès le 18 mars 2018 par fax en adressant le certificat médical initial du 18 mars 2018 ;

- il a produit ce fax en première instance à l'audience lors de laquelle la caisse a pu en avoir connaissance.

À l'audience, le fax en cause a été recherché dans les pièces du dossier du tribunal avec l'accord des parties. Il a été retrouvé et discuté par les parties. Le numéro de téléphone y figurant a été vérifié, lequel correspond à la société [7]. La caisse reconnaissant que le numéro de téléphone figurant sur l'accusé de réception du fax correspond effectivement à l'employeur observe toutefois que ce fax n'informe pas ce dernier des circonstances de l'accident et ne permet donc pas de justifier de la matérialité de la chute invoquée.

Le rapport d'émission du fax en cause est déposé dans le dossier de la cour.

SUR CE :

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.

L'article 411-2 du même code dispose que :

« Est également considéré comme accident du travail, lorsque la victime ou ses ayants droit apportent la preuve que l'ensemble des conditions ci-après sont remplies ou lorsque l'enquête permet à la caisse de disposer sur ce point de présomptions suffisantes, l'accident survenu à un travailleur mentionné par le présent livre, pendant le trajet d'aller et de retour, entre :

« 1°) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et le lieu du travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d'un covoiturage régulier ;

« 2°) le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d'une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n'a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi. »

Il appartient à celui qui déclare avoir été victime d'un accident du travail d'établir autrement que par ses simples affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.

S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes, au sens de l'article 1382 du code civil (dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016).

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 26 mars 2018 fait état d'un accident survenu le 16 mars à 19h15 alors que l'assuré sortait du site [5] Cap Ampère lorsqu'il est tombé dans un escalier en ratant une marche et qu'il a ressenti des douleurs à l'épaule droite. L'employeur indique également qu'il a été informé de cet accident le 26 mars 2018 à 14h45 (pièce n° 1 de la caisse).

L'employeur n'a formé aucune réserve.

Il n'est pas contesté que les horaires de travail de l'assuré était le jour de l'accident invoqué de 7h00 à 19h00. Il n'est pas davantage contesté que l'accident s'est produit sur le trajet habituel de l'assuré entre son lieu de travail et son domicile, soit sur le trajet protégé.

Le certificat médical initial du 26 avril 2018 est un duplicata du certificat médical initial du 17 mars 2018 qui fait état d'une « entorse genou droit tendinite épaule droite » et d'un accident au 17 mars 2018. Le médecin prescripteur a également prescrit un arrêt de travail jusqu'au 25 mars 2018 (pièce n° 2 de la caisse).

Dans son questionnaire, l'assuré explique qu'il n'a pas avisé son employeur immédiatement parce qu'il était sorti du site et que la douleur s'est développée dans la nuit, de sorte qu'il s'est rendu aux services des urgences de l'hôpital à côté de chez lui le lendemain 17 mars 2018 et a transmis le certificat médical à son employeur par fax le 18 mars 2018 (pièce n° 3 de la caisse).

Dans son questionnaire, l'employeur indique que son salarié « lors de la sortie de [5] Cap Ampère, a raté une marche et est tombé dans les escaliers ». L'employeur indique qu'il a été informé de l'accident le 26 mars 2018 à 14h15 (pièce n° 4 de la caisse).

La caisse considère que les éléments du dossier ne permettent pas de retenir l'existence d'un fait accidentel au 16 mars 2018 dans la mesure où l'employeur a été tardivement informé, que le certificat médical fait état d'un accident au 17 mars 2018 et qu'il n'y a eu aucun témoin du fait accidentel, de sorte qu'aucun faisceau d'indices graves, précis et concordants ne peut être retenu.

Néanmoins, comme les premiers juges, il convient de relever que l'assuré a produit à l'audience du tribunal, en « Pièce M. » reprise ensuite devant la cour, le rapport d'émission d'un fax permettant de constater que le certificat médical initial a été communiqué à l'employeur le 18 mars 2018 à 15h51 et non, comme l'a indiqué l'employeur dans la déclaration, le 26 mars 2018 à 14h45.

Il convient d'ajouter que le numéro de fax a été contrôlé à l'audience avec les parties et qu'il s'agit bien de celui de la société employant l'assuré ; qu'il s'agit d'un certificat médical initial établi en accident du travail par le service des urgences de l'hôpital [6], ce qui est conforme aux dires de l'assuré ; que la date de l'accident est indiquée même si celle-ci est manifestement erronée dès lors que le certificat médical a été établi le 17 mars 2018 et mentionne un accident survenu le 19 mars 2018 ; que le certificat médical initial du 26 avril 2018 en est un duplicata établi par le médecin traitant de l'assuré avec correction de la date de l'accident au 17 mars 2018, le second médecin ayant corrigé l'erreur du premier médecin en reportant la date du certificat médical initial ; que l'erreur initiale de date et la correction ultérieure ne permet pas de remettre en cause les déclarations de l'assuré sur la date de l'accident qui n'ont pas été contestées par l'employeur ; que le médecin prescripteur ayant dès le 17 mars 2018 prescrit un arrêt de travail jusqu'au 25 mars 2018, sans le fax du 18 mars 2018 il aurait apparu incohérent que l'employeur n'ait été informé que le 23 mars 2018 des raisons de l'absence de son salarié sur son lieu de travail sans réserves ou explication de sa part ; qu'il importe peu que la transmission du certificat médical initial comportant un arrêt de travail n'indique pas les circonstances exactes de l'accident.

En outre, les lésions médicalement constatées aux urgences hospitalières le lendemain matin de l'accident qui s'est produit en fin de journée sont compatibles avec le fait accidentel allégué.

La caisse ne conteste pas que le badgeage produit par l'assuré établit qu'il a quitté son lieu de travail le 16 mars 2018 à 19h16, soit dans un temps proche de celui de l'accident invoqué. Elle ne conteste pas davantage le planning attestant de la présence de l'assuré sur le site d'[5] le jour de l'accident.

Il convient d'ajouter d'une part que l'assuré, travailleur en situation de déplacement et isolé, a indiqué ne se rendre sur le site de son employeur que tous les six mois et ne correspondre avec lui que par fax ou téléphone et d'autre part que l'absence de témoin, au regard des circonstances de l'accident, de l'horaire auquel il est survenu et des conditions de travail de l'intéressé, n'est pas de nature à écarter les déclarations de l'assuré.

Dans ces conditions, au regard de l'ensemble des productions des parties, la matérialité de l'accident dont l'assuré se prévaut le 16 mars 2018 au titre des accidents de trajet est établie par un faisceau d'indices graves, précis et concordants.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Succombant en son recours, la caisse sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Seine-Saint-Denis aux dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/09016
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;19.09016 ?
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