La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2023 | FRANCE | N°19/01453

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 30 juin 2023, 19/01453


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 30 Juin 2023



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/01453 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7F3D



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAL DE MARNE RG n° 17/01177





APPELANTE

SASU [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

repré

sentée par Me Camille-Frédéric PRADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0304 substitué par Me Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0107

INTIMEE

CPAM DU MORBIHAN

[Adresse 4]

[A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 30 Juin 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/01453 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7F3D

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAL DE MARNE RG n° 17/01177

APPELANTE

SASU [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Camille-Frédéric PRADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0304 substitué par Me Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0107

INTIMEE

CPAM DU MORBIHAN

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

M Raoul CARBONARO, président de chambre

M Gilles BUFFET, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la SASU [5] (la société) d'un jugement rendu le 20 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-de-Marne dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il convient de préciser que la caisse a pris en charge après instruction, au titre de la législation professionnelle, l'accident déclaré par la société concernant M. [P] [I], commercial, au titre d'un accident du 2 mai 2017 à 12 H 00, la déclaration mentionnant que ''selon les dires du salarié, il a pris son ordinateur côté droit en sortant de la voiture, il a entendu un craquement entre les omoplates vers le bas. Plus il avançait dans la journée et plus il avait mal'' et était assortie de réserves ; que le certificat médical initial établi le 2 mai 2017 constatait un ''traumatisme rachidien avec des douleurs invalidantes'' et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 4 mai 2017 ; que l'état de santé de M. [I] a été déclaré consolidé le 2 octobre 2017 ; que la société, après avoir saisi le 17 août 2017 la commission de recours amiable en inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du 2 mai 2017 et de l'ensemble des arrêts prescrits à M. [I], et sur la base d'une décision de rejet implicite, a le 23 octobre 2017 saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-de-Marne du litige ; que la commission de recours amiable a rejeté la requête de la société le 20 octobre 2017 ; que la société a de nouveau saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du litige le 16 novembre 2017.

Le tribunal, par jugement du 20 décembre 2018, a :

- prononcé la jonction des recours enregistrés sous les numéros n°17-01177 et n°17-01275;

Et, statuant sous le numéro de recours le plus ancien,

- rejeté la demande présentée par la S.A.S [5] ;

- dit que la décision, prise par la caisse le 29 juin 2017, de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident survenu le 2 mai 2017 au préjudice de [P] [I] est régulière et opposable à la S.A.S [5] ;

- rejeté toutes les autres demandes.

Pour se déterminer ainsi le tribunal a retenu que la société s'est bornée à citer des considérations générales sur la jurisprudence dénuées de pertinence par rapport aux circonstances de l'accident, à souligner l'absence de témoin et le fait que M. [I] ait pu poursuivre sa journée de travail ; que la circonstance que M. [I] ait pu, dans le cadre d'une mission en qualité de commercial dans un restaurant, poursuivre ou achever sa journée de travail ne peut caractériser, sauf à dénier toute conscience professionnelle au salarié, une réserve précise ; que l'employeur ne rapporte pas la preuve que le fait accidentel n'est pas survenu au temps et lieu du travail ; que de simples doutes fondés sur la bénignité supposée de la lésion et la longueur de l'arrêt de travail ne sauraient suffire à remettre en cause le bien fondé de la décision de la caisse et qu'il n'y a pas lieu à expertise.

La société a interjeté appel le 28 janvier 2019 du jugement qui lui avait été notifié le 23 janvier 2019.

Par ses conclusions écrites complétées oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en son appel ;

- réformer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 20 décembre 2018 en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

En conséquence,

Sur la contestation du caractère professionnel de l'accident :

- juger que la preuve de la matérialité de l'accident du 2 mai 2017 ainsi que l'imputabilité de la lésion initiale au fait déclaré n'est pas rapportée par la caisse ;

- lui déclarer inopposables la décision de prise en charge de l'accident ainsi que ses conséquences;

Sur l'inopposabilité des décisions de prise en charge de l'ensemble des soins et arrêts de travail au titre du sinistre déclaré :

- juger que la caisse ne rapporte pas la preuve d'une continuité de soins et symptômes en lien avec le sinistre déclaré par M. [I] pris en charge jusqu'à la consolidation de son état de santé;

- déclarer inopposables à son égard les décisions de prise en charge de l'ensemble des soins et arrêts de travail au titre de l'accident du 2 mai 2017 ;

Sur la demande d'expertise médicale :

- ordonner la mise en 'uvre d'une expertise médicale judiciaire et désigner tel expert avec notamment pour mission de préciser dans quelles proportions les arrêts de travail peuvent être liés ou non à l'accident pris en charge au titre de la législation professionnelle, dire quels sont les arrêts prescrits ayant strictement un lien avec l'accident pris en charge au titre de la législation professionnelle, fixer une date de consolidation, rechercher l'existence d'un état pathologique existant ;

- juger que :

* elle accepte de consigner selon les modalités fixées par la cour, et le cas échéant directement entre les mains de la caisse , la somme de 500 euros à titre d'avance entre les frais et honoraires de l'expert ;

* elle s'engage à prendre à sa charge l'ensemble des frais d'expertise, quelle que soit l'issue du litige ;

Suivant les résultats de l'expertise judiciaire :

- lui déclarer inopposables les décisions de prise en charge des arrêts imputés à tort sur son compte employeur au titre de l'accident ;

A titre subsidiaire, si la cour n'ordonne pas d'expertise :

- lui déclarer inopposable l'ensemble des soins et arrêts de travail pris en charge.

La société fait valoir que :

- la caisse n'apporte pas la preuve de l'existence d'un fait accidentel survenu le 2 mai 2017 et de l'imputabilité de la lésion initiale aux faits déclarés ; la déclaration d'accident du travail a été rédigée au regard des seules déclarations du salarié, lequel ne cite aucun témoin alors qu'il a été en mesure de poursuivre et de terminer sa journée de travail et qu'il a attendu de rentrer chez lui à 18 H 30 pour informer son employeur de l'incident survenu à 12 H 00 avant sa pause déjeuner; ainsi il n'existe aucun élément objectif de nature à établir la preuve d'un fait accidentel survenu au temps et lieu du travail ;

- la prétendue ''conscience professionnelle'' du salarié n'est qu'une simple hypothèse, confirme l'insuffisance de l'instruction mise en oeuvre et ne suffit pas à expliquer que le salarié n'ait pas informé son employeur avant de rentrer à son domicile ; l'employeur n'a fait que reprendre les déclarations de son salarié lorsqu'il a complété le questionnaire ;

- la simple existence d'une douleur ne suffit pas démontrer la présence d'une lésion traumatique d'origine accidentelle ;

- la lésion constatée le 2 mai 2017 n'est pas propre à l'activité professionnelle de M. [I] ni au geste décrit par le salarié qui a pris son ordinateur portable sur le siège passager de son véhicule;

- M. [I] lui a indiqué que son médecin lui a diagnostiqué un ''défaut du disque cervical'', qui atteste de l'existence d'une pathologie préexistante à l'accident ; il n'y a aucun fait traumatique pouvant expliquer l'apparition de la douleur si ce n'est l'existence de cet état antérieur ;

- dès lors la présomption d'imputabilité ne trouve pas à s'appliquer ;

- faute pour la caisse d'apporter la preuve de l'existence d'un fait accidentel survenu le 2 mai 2017 au temps et lieu du travail et de l'imputabilité de la lésion initiale au fait déclaré, la décision de prise en charge ainsi que l'ensemble de ses conséquences sont inopposables à son égard ;

- la caisse ne justifie pas de l'existence d'une continuité de soins et de symptômes, au delà du certificat médical initial ;

- la caisse produit seulement l'attestation de paiement d'indemnités journalières et les avis du médecin conseil qui ne mentionnent aucun élément médical permettant de prouver que les arrêts de travail étaient prescrits pour une lésion identique à celle initialement diagnostiquée ; la caisse est défaillante pour rapporter la preuve de l'existence d'une continuité de symptômes et de soins pendant 154 jours, ce qui fait échec à la présomption d'imputabilité ;

- il existe des doutes sur le caractère professionnel de la lésion, puisqu'il n'y a aucun élément permettant de rattacher l'ensemble des lésions de M. [I] à son activité professionnelle ;

- la durée d'arrêt de travail de 154 jours est disproportionnée au regard du geste traumatique survenu sans port de charge lourde ni choc direct ou indirect ; son médecin conseil, le docteur [Y], relève que le certificat médical initial prescrit un arrêt de travail court de 3 jours en faveur d'un tableau clinique banal ;

- en raison du diagnostic de ''défaut du disque cervical'' mentionné par le salarié, de la nouvelle lésion du 2 octobre 2017 ' douleur cervico dorsale haute sur HD à l'IRM NCB bilatérale' considérée comme non imputable à l'accident du 2 mai 2017 par la caisse, de l'avis de son médecin conseil considérant que la lésion du 2 octobre 2017 est constitutive d'un état antérieur et n'est pas imputable à l'accident du travail, elle démontre l'existence d'un état antérieur préexistant évoluant pour son propre compte, justifiant la mise en 'uvre d'une expertise médicale judiciaire afin de vérifier la prise en charge des arrêts de travail;

- la présomption d'imputabilité n'est pas irréfragable et ne s'oppose pas à la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire ; les éléments produits attestent de l'existence d'une difficulté d'ordre médical et constituent un commencement de preuve de nature à remettre en cause la présomption d'imputabilité ; ses interrogations portent uniquement sur le lien de causalité entre le sinistre déclaré et la durée des arrêts prescrits, ce qui ne peut faire l'objet d'une contre-visite comme le prétend la caisse ; il existe un commencement de preuve de nature à caractériser un litige d'ordre médical justifiant la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son représentant, la caisse demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 décembre 2018 ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la société [5] ;

- condamner la société [5] aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire, si la cour l'estimait nécessaire, ordonner une expertise médicale judiciaire.

La caisse réplique en substance que :

- l'accident est survenu vers 12 H 00 alors que M. [I] intervenait chez un client ; le fait qu'il ait poursuivi sa journée de travail n'est pas de nature à écarter la présomption d'imputabilité ; l'intensité progressive de la douleur n'enlève rien au caractère soudain de son apparition ;

- l'employeur a été informé de l'accident le jour de sa survenance ;

- les lésions constatées le jour du fait accidentel sont compatibles avec le ''craquement'' ressenti par l'assuré ; les questionnaires adressés par la caisse à l'employeur et l'assuré durant l'enquête sont concordants ;

- le médecin conseil a confirmé le lien entre la lésion constatée et le fait accidentel ;

- l'absence de témoin ne peut faire obstacle à une prise en charge au titre de la législation professionnelle ;

- en présence d'éléments sérieux, graves et concordants sur le siège et l'origine de la lésion, la présomption d'immutabilité trouve à s'appliquer ;

- l'argument de l'employeur selon lequel M. [I] lui aurait indiqué que son médecin aurait diagnostiqué un défaut du disque cervical, ce qui attesterait de l'existence d'une pathologie préexistante à l'accident, n'est fondé sur aucun élément probant et n'est donc pas de nature à renverser la présomption d'imputabilité ;

- son médecin conseil a considéré que la nouvelle lésion du 2 octobre 2017 n'était pas imputable à l'accident du travail et a fixé la date de consolidation au jour du certificat médical de prolongation ; en tout état de cause, lorsqu'un accident du travail vient aggraver un état pathologique préexistant, les soins générés par le fait accidentel doivent faire l'objet d'une prise en charge au titre de la législation professionnelle ;

- le préjudice physique peut résulter d'un effort dans l'accomplissement normal du travail;

- ainsi la société ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un état antérieur ;

- elle justifie de la continuité des arrêts de travail jusqu'au 2 octobre 2017 par la production de l'attestation de versement des indemnités journalières et l'avis de son médecin conseil justifiant les arrêts de travail ;

- la simple disproportion entre la lésion initiale et la durée des soins et arrêts n'est pas de nature à remettre en cause la présomption d'imputabilité et ne peut constituer un différend d'ordre médical ; la seule existence d'un état pathologique antérieur ne peut faire obstacle à une prise en charge au titre de la législation professionnelle ;

- l'employeur se prévaut de l'avis du Docteur [Y] qui constate l'existence d'un état antérieur sans le documenter et sans démontrer que cet état pathologique préexistant évoluerait pour son propre compte, ce qui ne peut constituer un différend d'ordre médical ni justifier la mise en oeuvre d'une expertise médicale ;

- la société avait la possibilité de faire procéder à une contre-visite de M. [I] par un médecin durant l'arrêt de travail, faculté qu'il n'a pas exercé ;

- ainsi la société ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident du travail ou d'une cause totalement étrangère à cet accident ; en l'absence de doute sérieux, aucun litige d'ordre médical ne peut être relevé justifiant la mise en 'uvre d'une expertise médicale judiciaire.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 19 avril 2023 qu'elles ont soutenu oralement.

SUR CE :

- Sur la matérialité de l'accident :

Il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, que celle-ci soit indistinctement d'ordre physique ou psychologique.

Il appartient à la caisse substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l'employeur, d'établir le caractère professionnel de l'accident par des éléments objectifs, autres que les seules déclarations du salarié. Il lui appartient donc de rapporter la preuve de la survenance d'une lésion en conséquence d'un événement survenu au temps et au lieu du travail, ou à l'occasion du travail.

S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes, au sens de l'article 1382 du code civil (dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016).

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur le 5 mai 2017 (pièce n°1 des productions de la société) mentionne les circonstances et la nature de l'accident de M. [I] survenu le 2 mai 2017 à 12 H 00 ainsi qu'il suit : ' prise de commande client' , ' selon les dires du salarié, il a pris son ordinateur côté droit en sortant de la voiture, il a entendu un craquement entre les omoplates vers le bas. Plus il avançait dans la journée et plus il avait mal', les horaires de travail de la victime le jour de l'accident étant de 06 H 30 à 12 H 30 et de 13 H 30 à 17 H 00. Elle fait état de ce que cet accident a été porté à la connaissance de l'employeur le même jour à 18 H 34.

Le certificat médical initial (pièce n°3 des productions de la caisse) établi le 2 mai 2017 par le service des urgences du centre hospitalier du Centre Bretagne, constate un ''traumatisme rachidien avec des douleurs invalidantes'' et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 4 mai 2017.

Il résulte de ce qui précède que la caisse établit, autrement que par les affirmations de l'assuré, que M. [I] a été victime d'un traumatisme rachidien ayant date certaine, survenu au cours d'une mission aux temps et lieu de travail en prenant son ordinateur sur le siège avant de son véhicule.

La caisse établit ainsi au cas d'espèce par des éléments objectifs que M. [I] a été victime le 2 mai 2017, au temps et au lieu de travail, d'une lésion médicalement constatée le même jour, à savoir un traumatisme rachidien, peu important :

- l'absence de témoin dès lors que les circonstances de l'accident, soit la survenance d'un ''craquement'' entre les omoplates en prenant son ordinateur dans son véhicule, ont été rapportées à l'employeur dans un temps proche de l'accident, à savoir le jour du fait accidentel à 18 H 34, conformément aux dispositions des articles L.441-1 et R.441-2 du code de la sécurité sociale, et sont cohérentes avec les lésions constatées par le certificat médical initial établi le même jour par le service des urgences du Centre hospitalier du Centre Bretagne, soit un traumatisme rachidien, la caisse établissant ainsi le caractère traumatique de la lésion ; qu'en outre, l'employeur reconnaît lui-même dans son questionnaire rédigé le 26 mai 2017 que les conditions de travail expliquent l'absence de témoin puisque le salarié se trouvait dans son véhicule (pièce n°5 des productions de la caisse) ;

- la circonstance que le salarié ait déjeuné puis poursuivi sa journée de travail et n'ait averti son employeur qu'à son arrivée à son domicile à 18 H 34, après l'événement traumatique douloureux daté et précis, survenu en l'espèce soudainement alors que le salarié se trouvait en mission pour le compte de l'employeur et qui a abouti à un traumatisme rachidien constaté le même jour, dès lors que ce fait n'est pas incompatible avec la nature de la lésion constatée ;

- l'argument de l'employeur selon lequel la lésion au titre d'un ''traumatisme rachidien'' constatée au certificat médical n'a pu être provoquée par les circonstances décrites par M. [I], alors que la déclaration d'accident du travail indique que l'assuré a été victime d'un ''craquement '' entre les omoplates dont les douleurs ont augmenté durant la journée, en prenant son ordinateur dans son véhicule en arrivant chez un client et qu'il apparaît que les constatations médicales d'un ''traumatisme rachidien'' sont en concordance avec les faits déclarés par M. [I] ;

- la circonstance qu'il n'est fait état d'aucune action soudaine et violente dès lors que le mouvement douloureux qui a abouti à la lésion médicalement constatée, soit un ''traumatisme rachidien'', est daté et précis, comme étant survenu en prenant son ordinateur dans son véhicule à l'issue duquel l'assuré a entendu un '''craquement '' entre les omoplates ;

- la circonstance selon l'employeur que M. [I] présente une pathologie préexistante à l'accident, dès lors que la preuve de son existence n'est pas rapportée, en effet, les indications selon lesquelles le médecin prescripteur du certificat médical initial de M. [I] lui aurait diagnostiqué un ''défaut du disque cervical'' n'est ni étayée ni documentée.

Par suite, il convient de retenir que la caisse bénéficie de la présomption d'imputabilité de la lésion au travail qui n'est pas renversée par l'employeur, à défaut de preuve de ce que la lésion survenue brusquement au temps et au lieu du travail a une cause totalement étrangère au travail ou serait imputable à un état antérieur préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec le travail.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement de ce chef.

- Sur l'imputabilité des arrêts de travail et soins :

Il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

Ainsi, la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents trouve à s'appliquer aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident et à l'ensemble des arrêts de travail.

Il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner les mesures d'instruction demandées; le fait de laisser ainsi au juge une simple faculté d'ordonner une mesure d'instruction demandée par une partie, sans qu'il ne soit contraint d'y donner une suite favorable, ne constitue pas en soi une violation des principes du procès équitable, tels qu'issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pas plus qu'une violation du principe d'égalité des armes.

En l'espèce, le certificat médical initial du 2 mai 2017 étant assorti d'un arrêt de travail jusqu'au 4 mai 2017, la présomption d'imputabilité à l'accident du travail s'applique à l'ensemble des arrêts de travail prescrits jusqu'à la consolidation fixée au 2 octobre 2017 par le médecin conseil de la caisse.

Au soutien de sa demande d'inopposabilité et d'expertise, la société fait valoir que la durée de l'arrêt de travail de 154 jours est disproportionnée et qu'il existe un état antérieur préexistant évoluant pour son propre compte. Elle se prévaut de l'avis médico légal du docteur [Y] en date du 20 octobre 2018 (pièce n°11 des productions de la société), lequel conclut qu'il existe un état antérieur au titre de la lésion ''douleur cervico dorsale haute sur hernie discale à l'IRM, névralgie cervicobrachiale C7'' visée au certificat médical du 2 octobre 2017.

Il se prévaut de plus de l'avis du docteur [Y] du 27 juillet 2022 (pièce n° 17) qui ajoute qu'il existe un état antérieur temporairement dolorisé par le geste de fable cinétique du 2 mai 2017, d'autant que l'assurance maladie a refusé l'imputabilité de la hernie discale cervicale le 2 octobre 2017, corroborant ainsi l'existence de cet état antérieur.

Le docteur [Y] explicite en effet que la névralgie cervico brachiale est le signe de l'existence d'un état antérieur au niveau du rachis cervical, que le simple fait de prendre un ordinateur dans une voiture ne peut pas faire extérioriser une hernie cervicale sauf si elle était précédemment fragilisée et qu'en raison de l'âge de l'assuré au moment des faits, soit 36 ans, il peut avoir été affecté d'une pathologie dégénérative du rachis cervical sans lien avec le fait accidentel.

Il est néanmoins avéré que la nouvelle lésion du 2 octobre 2017 n'est pas imputable à l'accident du travail du 2 mai 2017 dès lors que le médecin conseil de la caisse a confirmé que cette lésion n'était pas en lien avec l'accident et a fixé en conséquence la date de consolidation de l'état de santé de l'assuré au titre de l'accident au 2 octobre 2017 (pièces n°14 et 15 des productions de la caisse).

De plus, le docteur [Y] formule uniquement des considérations générales en affirmant que la névralgie cervico brachiale est '' le signe '' de l'existence d'un état antérieur, en se référant uniquement à l'âge de l'assuré et à l'absence d'action soudaine et violente du fait accidentel, outre à l'absence de prise en charge de la lésion du 2 octobre 2017. En tout état de cause, l'avis du docteur [Y] ne fait pas mention de l'existence d'un état antérieur évoluant pour son propre compte sans lien avec le travail.

Ainsi, l'avis du médecin conseil de la société, fondé principalement sur des considérations générales , tout comme la seule référence à un état antérieur, ne permettent pas , face à la cohérence des pièces produites par la caisse qui sont suffisantes pour trancher le litige soumis à la cour, de caractériser tant un différend d'ordre médical qu'un élément de nature à accréditer l'existence d'une cause propre à renverser la présomption d'imputabilité qui s'attache à la lésion initiale, à ses suites et à ses éventuelles complications ultérieures.

Par suite, la présomption d'imputabilité s'applique pour l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits jusqu'à la consolidation et n'est pas renversée. La société doit être déboutée de ses demandes, y compris d'expertise.

Succombant en son appel, la S.A.S.U. [5] sera tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement déféré ;

CONDAMNE la S.A.S.U. [5] aux dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/01453
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;19.01453 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award